Fragments datant d'avril 2016
I
Il pleut. Encore. Les micro bombes atomiques d'eau s'exposent partout. S'immiscent dans tous les recoins, traversent les cimes, dévorent le sol en creusant des tranchées de boue gluantes d'idées noires. Les pas dans le sol sont des lacs. Les chaussures aussi.
Le gigantesque éléphant solitaire qui nous porte fait pleuvoir la tristesse à heure fixe.
II
Elle est là devant moi. Nue. Ses chairs entièrement dévoilées. Je vois ses veines qui palpitent, sa cage thoracique qui craque lorsqu'elle respire, ses mèches noires scintillantes, du satin.
Non. Murmure la voix dans ma tête.
Oui répond mon corps. Et il gagne comme à chaque fois. Et ces gestes qui par habitude, au fil des années ont perdu leur sensualité et leur sens me refont penser à toutes celles et ceux qui sont venus.
La haine profondément ancrée dans le cœur, profondément encrée dans le corps. Pourquoi je m'impose ça déjà ? Ah oui. Parce que ça fait du bien. Au corps peut-être, mais intellectuellement, j'y as pensé ? Oui, j'y pense toujours.
Elle est partie, je ne m'en suis pas rendu compte. Plus aucun souvenir. La tête vide de pensées à présent. Un vide pourtant fin qui recommence à vibrer. De plus en plus bruyamment.
Jusqu'à la prochaine fois.
III
Des plumes. Des centaines de milliers de plumes qui sentent le soleil et le sang. Un nuage de poussière doré. Et ces pétales rose Bengale qui s'envolent encore dans l'azur tacheté de vert. Les fils disparaissent à mesure que l'emprise du marionnettiste se relâche. Et ces fils qui reliaient toutes les choses entre elles, se dissipent. Et le monde qui était relié par tous ces fils se disloquent. Et les morceaux du monde autrefois relié s'éparpillent en milliers de morceaux. Et ces milliers de morceaux restent suspendus dans l'azur, au milieu des plumes de rosée alors que les fils deviennent un nuage indistinct…
Sueurs froides de minuit. Le souffle en bataille, le cœur affolé les draps crissent, les pensées sont des tessons de verre.
IV
Il profite de toutes les occasions pour se jeter sur la boisson. Un soiffard.
Même dans la liesse générale, son oeil ne reflète pas la joie de ses camarades. Il en manque un, celui qui comptait le plus.
Il boit jusqu'à se noyer dans un de ces comas d'alcool de riz.
Son kimono a des relents éthyliques. Ses mains ne sont plus aussi fermes qu'avant. Le capitaine s'en est rendu compte.
Il coule. Un bateau que l'on pensait insubmersible fait naufrage.
V
Inspiration.
Son immense ventre orangé se soulève.
Expiration.
La montagne redescend.
Oserais-je, à nouveau, m'appuyer à ce ventre paisible après l'avoir trahi ? Adieu, pas au revoir. Les liens de confiance sont brisés.
Oserais-j,e à nouveau, tisser des liens ? Alors que le maître des fils est mort ?
