L'ombre de la silhouette élancée de la jeune fille se reflétait sur les murs gris et ternes de la cité. Il faisait froid. Si froid que personne ne sortait dehors de peur que le vent glacial ne les emporte loin d'içi. Pourtant cela ne semblait pas la gêner, elle. Qui était-elle pour oser s'aventurer un 15 décembre à 22 heures dans les rues pourtant étroites et sinueuses de la ville ? La silhouette marchait d'un bon pas vers la sortie du centre urbain comme si elle se sentait étouffée et qu'elle cherchait désespérément un endroit pour respirer de l'air frais. Sa chevelure brune et bouclée tombait sur ses épaules, lourde. Ses épaules pourtant frêles soutenait un port de tête bien droit et une nuque parfaite. Son dos droit et plat, ses hanches rondes et galbées, ses jambes fines, tout me faisait penser à elle... Clara. Pourtant,Clara était morte il y a deux ans. Je me souvenais encore des lilas posés sur sa tombe et du goût salé de mes larmes que j'avais pourtant essayé de retenir. Son sourire et son visage me hantaient chaque nuit. Tout avait été de ma faute, je le savais et je m'en voulais... Ma mère n'avait cessé de me rappeler que je n'y étais pour rien. Mais elle ne savait rien, elle ne connaissait rien et elle ne pourrait jamais comprendre.

Caché derrière un poteau électrique, je l'observe. La silhouette s'est arrêtée et je ne peux voir son visage, son dos me fait face. Elle semble attendre quelque chose, quelqu'un. La forêt de Numie lui fait face. Je n'aime pas cette forêt, je la trouve lugubre. Des milliers de légende sur cette étendue d'arbres circulent de générations en générations dans notre village. Enfant, ma grand-mère me racontait le soir que d'étranges bêtes y circulent la nuit et que des sorciers se retrouvent en son centre pour effectuer des rituels sanglants. J'avais peur de ces histoires et je faisais beaucoup de cauchemars. Maintenant je n'en fais plus et même si je sais que ce ne sont que des superstitions, je ne peux m'empêcher de frisonner dès que je l'approche.

Elle se retourne, le visage caché de moitié par un masque vénitien noir et argent qui fait

ressortir ses yeux d'un bleu profond. Son visage doux et fin, encadré par sa chevelure couleur marron chaud n'exprime aucune émotion. Le croassement d'un corbeau me fait tourner la tête vers la forêt. Et lorsque je décide de continuer mon espionnage, la jeune fille a disparue.