Chapitre 1

Contemplation et doutes

L'entrainement des chevaliers d'Ors était intense ce matin là, dans l'arène principale du Sanctuaire. Les douze étaient présents, se défiant tour à tour dans une démonstration en publique. Quelques fois pendant l'année, ils offraient aux nouveaux élèves et apprentis chevaliers, le spectacle de leurs combats, de leurs attaques spéciales, de leurs ripostes. C'était tout autant pour imposer leurs grandeurs qu'une leçon de combat faces aux yeux émerveillés des cadets. Ils étaient concentrés sur les prestations de leurs aînés, impressionnés par leurs prestances, leurs forces, leurs dextérités… Tous avaient un Or préféré et les paris allaient bon train sur le gagnant de ce tournoi.

La démonstration se termina sur les coups de 13h sans gagnant évident, ce n'était pas le but. Et les chevaliers regagnèrent chacun leurs quartiers. Shura toujours avec sa rigidité et son sérieux se dirigeait vers son temple quand Death Mask l'apostropha pour lui demander s'il voulait déjeuner avec Aphrodite et lui. Il accepta de bon cœur, essayant de se tenir à sa promesse de ne plus être cet homme froid et distant et de se rapprocher de ses pairs. Les trois comparses se retrouvèrent donc dans la maison du cancer pour un déjeuner typiquement italien. Et les discussions se tournèrent rapidement sur les potins du moment, vu que notre cher Aphrodite était un grand fan de commérages en tout genre.

-« Dites, vous avez remarqué que notre petite vierge effarouchée semblait ne plus vraiment l'être ces derniers temps ? ». Lança le poisson.

-« Ah oui et comment tu as pu voir un changement de comportement chez Shaka toi ? Il est toujours pareil ». Ricana Angelo.

-« Tu n'as pas remarqué comme il se colle à Saga dès qu'il le voit ? ». Pouffa le premier. « Il est tout chose quand il le voit, et ils passent de plus en plus de temps ensemble à se promener je ne sais où, et à faire je ne sais quoi ? Peut être que Shaka lui fait découvrir le plaisir Tantrique ? Huuum »

-« Arrêtes de t'exciter tout seul Aphro ». Reprit l'italien.

-« Oh ! Et vous avez vu que Kanon tourne autour du petit scorpion aussi ? Il s'est lassé de son dragon des Enfer vous croyez ? ». Soudain, son regard se posa sur son ami du capricorne, il poursuivit en gloussant « Et toi Shura ? Tu es intéressé par quelqu'un ici ? ».

-« Moi ? Euh…. Non. A vrai dire je n'y ai jamais pensé, mon seul but est de rendre la justice d'Athéna. Je n'ai pas le temps pour des futilités comme ça ! ».

-« Ooooh…. Allez ! Dis-moi pas que personne ne t'as jamais émoustillé hein ? Pas même notre petit sagittaire… Hein ? ». Renchérit le poisson affamé de scoop.

D'un air agacé Shura rétorqua que non, se cloisonna dans son mutisme rigide.

-« Bon ben t'es pas drôle ma biquette. Faudra te décoincer un de ses quatre ! » Cingla le cancer, toujours taquin comme à son habitude.

-« Oh oui ! Si tu veux moi je peux me proposer de t'initier aux plaisirs de la chair… ».

Sur ces fins mots le déjeuné se termina et laissa une réflexion à Shura. Il rentra chez lui, dans son « palais de justice » et il repensa aux paroles de ses amis… En effet il n'avait jamais éprouvé le besoin de se tourner vers quelqu'un pour épancher sa solitude. Il n'avait jamais ressentit ce sentiment qui est l'amour… Bien le désir, c'était un homme tout de même. Et de surcroit un bel hidalgo… Le désir, pour les rares femmes qui ont croisé son chemin. Mais jamais rien d'officiel, jamais une passion dévorante pour une autre personne. Et les hommes… Il n'avait jamais pensé à ses congénères de cette manière. Pour lui ce n'étaient que des compagnons d'armes, ou son chef, ou ses adversaires encore. Mais jamais des éventuels amants !

C'est vrai qu'ici, ses collègues s'étaient laissés aller à des aventures plus ou moins sulfureuses, ou a des véritables histoires d'amour. Mais lui ? Pourquoi n'éprouvait-il pas le besoin primaire de se lier à un autre, ou une autre ? Peut être était-il supérieur aux autres, n'éprouvant aucune pulsion bestiale, se satisfaisant d'une vie saine, remplie de devoir et de combats… Oui c'était surement ça, se dit-il, il était juste un homme de guerre et c'est tout. Sur ces réflexions, il alla se coucher pas si détendu que ça finalement.


Au petit matin, le chevalier du capricorne se leva encore la tête pleine de pensées confuses. Il se questionna toujours sur ses émotions. Ou plutôt absence d'émotions. En faisant couler son café, il pensa à Aiolos son ami de toujours… C'était bien le seul homme pour qui il eut une profonde admiration. Ils étaient les chevaliers complémentaires, l'un le bouclier, l'autre l'épée. Sa jeunesse passée au Sanctuaire avec lui, ses entrainements intensifs, les épreuves qu'ils ont subis ensemble. Leurs fous rires, leurs bêtises d'adolescents. Puis l'arrivé des nouveaux pensionnaires, comme c'étaient les plus âgés ils prirent soin des plus jeunes. Le petit Shaka, tout perdu dans sa toge en arrivant au Sanctuaire. Les yeux mélancoliques pour son si jeune âge. Le petit Aphrodite, qui déjà charmait tout le monde de son regard de chien battu. Le petit Camus, qu'il a fallu apprivoiser pour qu'un son daigne sortir de sa bouche glacée… Que de souvenirs… Mais jamais au grand jamais il n'éprouva de sentiments autres pour lui… Il le respectait, et l'aimait comme un frère… Puis cette nuit… Cette nuit où le Grand Pope (Saga) lui avait menti en prétendant que son frère était un traitre et qu'il avait tenté de tué la princesse réincarnée. Cet affrontement, au fond de lui lui avait déchiré le cœur. Mais il ne fallait pas montrer ses émotions. Il fallait rester digne, la tête froide, et supprimer ce renégat ! Il avait tué son meilleur ami ! Depuis ce tragique épisode, il s'était enfoncé dans une solitude, ne voulant plus se lier à quiconque de peur de souffrir encore.

Mais voila, où cette vie le conduisait à présent ? Il voyait autour de lui, ses compagnons se créer une vie à deux, combler leurs désirs d'amour, de tendresse… La tendresse, ce mot étranger pour lui. Lui quand il « aimait » une femme c'était pour la posséder, juste son corps. Viril, fier, indomptable. Impénétrable, énigmatique, mystérieux comme sont les hommes de son pays d'origine. Qu'est-ce qui clochait chez lui en fait ? Etait-il vraiment heureux, reclus dans son temple, dans ses entrainements intensifs ?

Toutes ces questions le taraudaient, mais il ne pouvait s'attarder plus longtemps, justement l'entrainement devait avoir lieux ce matin avec ses compères. Il retrouva Aldebarran et Mû les premiers sur place, en pleine discussion tactique. Quand il voulut prendre part à l'échange il sentit un mouvement de recul de la part du premier gardien. Son cosmos fermé totalement au sien. Pourquoi l'atlante réagissait comme ça ? Il ne lui avait jamais manqué de respect ! Il serra les dents pour ne pas faire d'effluves inutiles.

-« Bon je crois que nous sommes les seuls. Qui veut se mesurer à ma lame tranchante ? »

Il scruta ses interlocuteurs, et Aldebarran toujours partant se proposa. Ils échangèrent quelques passes d'armes au corps à corps, avant d'intensifier le combat, et projeter leurs attaques ultimes. Shura projeta à la grande surprise de tous une attaque qu'il ne pratiquait quasiment jamais à savoir Excalibur danse violente.

Ce qui mit en déroute le taureau qui ne pu riposter à temps, et se retrouva projeté au sol sur plusieurs mètres, l'acculant contre la paroi de l'arène. Les autres chevaliers entre temps étaient arrivés et tous applaudissèrent la performance du capricorne. Aldebarran se releva tant bien que mal aidé par son adversaire et se mit à rire d'un rire fort comme il avait l'habitude.

Ensuite ce fut autour de Camus de se mesurer à Deathmask, le combat dura un certain temps. Les adversaires avaient un regain d'énergie et ni l'un ni l'autre n'avait l'intention n'abandonner. Shura revint sur les gradins pour se désaltérer et pour profiter à son tour du spectacle. Son regard s'arrêta machinalement sur Mû. Celui-ci paraissait attentif au combat. Les yeux rivés sur les protagonistes. Shura se demanda pourquoi son collègue était toujours distant auprès de lui. On aurait même pu penser qu'il le méprisait, presque jamais il ne lui adressait la parole. Jamais il ne s'asseyait à côté de lui aux réunions du Grand Pope. Jamais il n'était parti en mission avec lui. Et jamais il ne l'invitait chez lui… Et pendant les soirées organisées au Sanctuaire, ou au restaurant, jamais non plus l'atlante s'approchait de lui. Pourquoi tant de mépris ?

Peut être parce que Shura qui pensait être le plus fervent défenseur de la déesse, c'était fourvoyé avec Hadès pendant la bataille des Enfers… Mais tous le savaient à présent le vrai dessein de cette « trahison ». Mais lui, Mû, toujours droit, toujours à prendre les bonnes décisions, lui le sage, le calme, jamais un emportement. Il devait se sentir supérieur aux ex-renégats.

Mais pourtant… Pourtant il adressait bien la parole à Camus, lui aussi fourvoyé ! Et Saga qu'il ne lâchait pas d'une semelle, à le vénérer comme une Dieu ! Même Angelo avait plus de considération que lui ! Mais pour qui se prenait-il à la fin ce petit bélier tout mauve ? Shura sentit d'un coup la fièvre monter en lui. Une colère qu'il ne métrisait plus bien. Son regard appuyé sur le bélier se fit plus dur encore. Il aurait voulu le trancher à ce moment là avec sa lame !

Mû quand à lui sentait bien ce regard sévère posé sur lui. Il ne pouvait plus bouger, se sentant pétrifié sur place. Ce regard implacable, pourquoi le jugeait-il ? Pourquoi le capricorne semblait détester son confrère ? Mû n'avait jamais eu une parole déplacée envers lui ? Il fixait l'arène pour ne pas risquer de tomber face à face avec l'autre. L'un était tout à sa colère et l'autre à son malaise ne sachant ni l'un ni l'autre comment cette situation avait commencée.


A la fin de l'entrainement, les chevaliers retrouvèrent leurs affaires pour l'après-midi, le soir même Angelo et Aphrodite organisaient une fête dans le quatrième temple. Le cancer voulait une soirée décontractée pendant que le poisson lui, voulait une soirée plus mondaine avec des mets raffinés, du champagne et de l'eau de rose alcoolisée. Tandis qu'ils se disputaient pour savoir s'il fallait placer les bières et les chips ou alors des petits fours et du champ, Shura entra dans la maison pour leur prêter un coup de main. Il trancha en leurs suggérant de proposer aux invités de la tequila de son cru. Cela était bien corsé et on pouvait l'accommoder de jus de fruit. Aphrodite approuva en disant que la prochaine fois il fallait organiser une fête à l'espagnole dans la dixième maison.

Les invités arrivèrent aux alentours de 21h et Aphrodite, sans demander l'avis de son ami, les invita tous la semaine prochaine au temple de Shura pour une fête « caliente » comme il l'avait dit. Le pauvre Shura prit au dépourvu essaya de protester mais en vain. Personne ne l'écoutait et tous étaient déjà enthousiastes à l'idée de goûter la fameuse paella de l'espagnol.

La fête battait son plein, l'alcool coulait à flot, la musique aussi. Et tous étaient dans une bonne ambiance. D'un côté on avait Angelo, Aiolias, Aiolos, Doko qui faisait un concours ou un jeu du plus gros buveur. Genre avec des paris, des gages. D'un autre côté on avait Aphrodite, Shaka, Saga qui discutaient et rigolaient ensemble. Mû, Shion (tiens pour changer ces deux là ensemble) qui jouaient aux cartes. Kanon qui dansait langoureusement contre le corps de Milos qui lui était tout retourné de se trouver contre le beau dragon des mers. Camus et Aldebarran entrain de s'empiffrer de petits fours au saumon. Et Shura qui étaient dans le groupe du cancer mais qui n'arrêtait pas d'observer le jeune atlante du coin de l'œil. Toujours une autoroute d'incompréhension les séparait.

La fête bien entamée, tous étaient dans un état d'ébriété avancé, Aphrodite en profita pour suggérer de faire un jeu assez coquin avec tout le monde. Evidement cela tournait autour de l'amour, de l'attirance, du sexe. Il décréta qu'ils joueraient à celui de la bouteille. Tous en rond dans le salon, la bouteille au milieu, le poisson malicieux fit tourner celle-ci, et la victime désignée devait réaliser un gage. Le premier tour s'arrêta sur Shaka. D'un sourire espiègle il ordonna à la vierge d'aller donner un baiser sec sur la bouche de… Saga ! Le blond rougit immédiatement sentant un malaise le parcourir, mais tous l'encouragèrent, ils voulaient voir le baiser. Saga quand à lui attendait déjà le baiser avec une délectation non dissimulée. Se passant la langue sensuellement sur ses lèvres, ce qui mit encore plus mal à l'aise l'intéressé en question.

Il osa enfin bouger pour aller le plus rapidement possible faire son gage, mais Saga appuya bien son baiser pour le faire durer quelques secondes encore. Tous rire et le pauvre Shaka retourna à sa place complètement chamboulé par se rapprochement et par le contact de la bouche du beau grec. Il était à présent écarlate comme une tomate. Tandis que le premier gémeau le dévorait des yeux littéralement. Comme Aphrodite était le maître de cérémonie il refit un tour. Cette fois la bouteille s'arrêta sur le lion d'or. Son gage fut d'aller masser pendant deux minutes les abdos d'aciers de Milo. Celui déboutonna aussitôt sa chemise et avança son torse offert. Camus quand à lui se renfrogna, menton baissé, bras croisés. Aiolias admit qu'en effet le scorpion était bien foutu. Troisième tour, se fut le poisson lui-même le désigné. Avec un sourire narquois au coin des lèvres il se donna lui-même un gage des plus plaisants. Il devait aller embrasser d'un french kiss le beau français justement !

Milo crut s'étouffer de rage, Camus quand à lui resta bouche bée devant cette audace. Avançant tel un félin guettant sa proie, Aphrodite chaloupa jusqu'à la bouche du français et se jeta sur lui pour le forcer à lui donner un vrai baiser ! Deathmask fulminait, marmonnait des jurons en italien. Milo aussi serra les poings pour ne pas trucider sur place l'espèce de poisson pané ! D'un coup l'italien au sang bouillonnant attrapa par les cheveux son amant et le ramena à sa place sans ménagement. Ce qui fit pousser un cri boudeur à celui-ci mais jeta un clin d'œil au verseau, en disant bien fort que son baiser était des plus plaisant. Du coup, Milo fit la tête à son bel éphèbe de jade pendant un moment.

Quatrième tour, et ce fut au tour de Shura. Aphrodite lui ordonna d'aller lécher le cou frêle de Mû. Ce que tous approuvèrent. Mû se tendit, se ferma comme une huitre, et l'espagnol quand à lui resta choqué. Comment son ami pouvait lui demander ça, mais après tout c'était son gage et tout le monde s'y prêtait. Alors, pour ne pas perdre la face, et dissimuler sa gêne, il prit une mine conquérante et partit à l'assaut du petit mouton. Qui lui essayait de ne pas trembler devant le regard ténébreux de l'hidalgo. Doucement, il écarta ses mèches lavandes, les passèrent de l'autre côté de son épaule. Et toujours doucement, s'approcha du cou nu. Passa sa langue de haut en bas, éveillant des frissons à son compagnon d'infortune. Mû se sentit défaillir mais il devait tenir bon aux regards de tous les autres. Alors il prit sur lui et essaya de rester impassible face à cette somptueuse caresse humide.

La soirée continua jusqu'à tard dans la nuit. Il était temps pour les Saints de regagner leurs pénates. Mû heureusement n'avait que deux temples à descendre pour retrouver ses appartements, parce que en toute honnêteté il n'aurait pu faire plus. Il était encore tout chamboulé de la caresse du capricorne. Se remémorant son aura puissante, dominatrice, son regard de conquistador noir, profond. Sa chaleur masculine émanant de son être. Ses mains, douces mais fermes lui écartant ses mèches de cheveux… Et cette langue… cette délicieuse langue qu'il aurait voulu sur sa bouche… Sentant un tumulte d'émotions l'envahir, Mû tout gêné dans son grand lit vide, se sourit à lui-même. Tout rougissant à ses pensées osées qu'il n'avait pas l'habitude d'avoir.

Se couchant dans ses draps trop froids pour lui seul, il avait la nostalgie de ne plus revivre cette chaleur, cette sensation avec son bel hidalgo… En soupirant, Mû s'endormit un peu triste.


Dans son temple, sous la douche réparatrice, Shura repensa aussi à cette approche quelque peu forcée mais bien nommée avec le bélier. Si Aphrodite n'avait pas eu cette idée il n'aurait jamais pu toucher même le bel adonis lavande… Le contact de sa peau, si douce, si fragile. Son odeur raffinée, ses cheveux si doux comme des fleurs de lilas… Le frisson qu'il avait perçu sous sa langue, était-ce un frisson de plaisir ou de dégoût ? Il aurait voulu continuer la découverte de ce corps magnifique, et partir à la conquête de sa bouche si sensuelle… « Mais ? Shura ? Pourquoi tu penses à ce genre de choses d'un coup ? ». S'insurgea-t-il. Est-ce que Aphrodite déteindrait sur lui ?

Après ces subites pensées, il alla se coucher lui aussi chamboulé par ce rapprochement…

La semaine se passa sans encombre, dans le train train quotidien des drames des chevaliers.

Camus s'était quelque peu réconcilié avec son amant, bien qu'il eut des soupçons sur le désir qui naissait entre lui et l'ex marina… Mais il ne voulait pas y croire encore, et savait que son compagnon aimait séduire et plaire, comme le poisson d'ailleurs. Shaka continuait d'être tout penaud quand il était en présence du beau Saga, ne sachant jamais quoi lui dire. Le petit jeu de l'intriguant avait réussi à planter les graines… Les graines du désir, qui allaient fleurir en des roses de dépravation…

Samedi soir arriva à grand pas, c'était au tour de l'impétueux capricorne d'organiser sa fête aider de ses acolytes de toujours. Aphrodite avec son air joueur questionna son ami sur son intérêt ou pas pour le petit mouton… Il sentait ces choses là, la passion naissante, les attirances non dites… Et voulait que son ami trouve aussi le bonheur auprès de quelqu'un qui saurait le rendre heureux. En effet, la rudesse de son caractère devait cacher une immense passion débordante, tumultueuse. Et le petit veinard qui allait en profiter allait surement passer des mois de jouissance extrême…

-« Aller, petit biquet ! Ne me dis pas que tu serais le seul homme de cette Terre à n'avoir besoin de personne ! ». S'offusqua le bleuté. « Tu sais, ce n'est pas une faiblesse que de montrer ses sentiments, ou même d'en ressentir… Au contraire, personne ne peut rester seul toute sa vie »

-« Mais je ne suis attiré par personne je te dis ! Dans quelle langue il faudra que je te le dise ? En espagnol, en chinois ? ». Rétorqua l'autre.

-« Oui… Par personne hein ? Pas à moi Shura ! Je sais tout des choses de l'amour et j'ai bien vu comment vous vous tourner autour l'air de rien, toi et Mû ».

-« Mû ? ». Shura rit d'un rire sarcastique pour masquer sa peine. « Mais tu dis n'importe quoi, on peut pas se sentir lui et moi ! »

La discussion s'interrompit pour finir les préparatifs, l'espagnol avait fait ça plus que bien. Il avait préparé en plat une alléchante paella, avec des fruits de mers, des saucisses et tout ce qui fallait… Il avait préparé divers amuses bouches, des tapas de toutes sortes. Il avait sorti de sa cave personnel les meilleures bouteilles de téquila et d'alcool de prunes de son pays d'origine. Et en dessert il avait préparé une crème catalane. Ca sentait extrêmement bon dans la dixième maison, comme un petit goût d'Espagne en Grèce !

Il avait invité tout le monde, même Mû, il espérait en secret que celui-ci vienne. Quand à ce dernier il s'était demandé jusqu'au bout s'il devait aller à cette soirée. De toute évidence, s'il était invité c'était pour ne pas être le seul exclus du Sanctuaire. Il savait bien que son invitation était forcée. Mais pour ne pas vexer le cabri belliqueux il s'était décider à venir accompagné de Shion son éternel soutient.

D'ailleurs le Pope, s'inquiétait pour son ancien élève. Il portait Mû dans son cœur comme un fils et il n'aimait pas le voir mélancolique. Il y avait quelque chose chez lui n'inaccompli… Il voyait ses chevaliers construire ou défaire des histoires d'amour, tous sauf sa petite brebis… Lui plus que les autres avait besoin d'attention et d'amour. Il était tellement sensible malgré son air réfléchit et posé. Et il se doutait que son élève n'avait encore pas connu les douceurs et les joies de l'amour… Il était profondément triste pour lui. Surtout que quand lui-même allait partir pour le monde d'en bas un jour ou l'autre, qui allait s'occuper de son protégé ? Qui allait le rassurer ? Qui allait le guider dans la vie ?

Sur ses réflexions, tous s'installèrent autour de la grande table pour commencer le repas. Evidement encore une fois, le petit bélier évita de se mettre à côté de l'hôte de la maison. Ce qui fit tiquer celui-ci, encore une fois cela prouvait qu'il y avait de l'animosité sans raison apparente. Mais l'attitude de froideur de Mû commençait sérieusement à agacer Shura. Pour lui cela devenait comme une insulte, et il fallait mettre tout ça au clair ! Bordel, il n'arrêtait pas de faire des efforts pour être moins sauvage, et l'autre là le snobait !

Enfin bref, il fallait être agréable et drôle pour tous les autres. Tous complimentèrent le capricorne pour son excellente cuisine et sa soirée agréable.

Une fois le repas terminé, Shura sortit son alcool de prune pour terminer comme il fallait la soirée. Encore une fois tous allumés, l'ambiance partait un peu dans tous les sens. Les mains baladeuses commençaient à se faire sentir de partout. Saga commençait à allumer le beau verseau, il voulait tâter ses petites fesses toutes froides disait-il avec un œil assez lubrique pour le coup. Milo ne vit même pas la scène, et quand à son amoureux il se laissait peloter allègrement sans rien dire par le gémeau. Ca le changeait un peu, ce n'était pas pour lui déplaire. En tout cas la téquila lui allait bien, elle avait réussi à briser le mur de glace !

Aphrodite se frottait indécemment sur le lion indomptable, pour le coup il n'avait jamais eu de rapprochement avec lui… Et il aimait bien les gros matous… Shion et Doko eux s'éclipsèrent pour finir la nuit chez eux, laissant les jeunes à leurs jeux. Angelo quand à lui vexé du comportement de son étalon, décida de lui donner une bonne leçon en essayant un rapprochement avec Mû justement. Shura sentit son sang ne faire qu'un tour dans ses veines ! Il ne voulait pas que son ami cancer s'amuse avec le bel atlante pour lui briser le cœur. Car tous connaissaient son caractère fleur bleue. Mais Mû ne sembla pas répondre aux appels du crabe.

Personne ne sut pourquoi la soirée partait dans un pugilat de séduction, mais personne ne semblait s'en plaindre. Sûrement l'alcool trop fort de l'espagnol ne réussissait pas à ses compères…

Saga changea de cible, et tenta un rapprochement explicite avec la vierge, l'entrainant tout contre lui pour un slow langoureux, depuis le temps qu'il en rêvait. Il en profitait le bougre pour enfouir son visage dans la chevelure dorée, pour humer le parfum délicat de lotus de sa peau, pour descendre ses mains sur les hanches du jeune homme. Pour presser celles-ci sur les fesses fermes de la vierge, ce dernier ne savait plus où se mettre tellement c'était gênant pour lui. Kanon aussi, prit dans ses filets un scorpion farouche, étant assis tous deux sur le canapé. Le dragon des mers s'amusait à entortiller les mèches bleues nuits de son prétendant. Le saoulant de paroles pour le faire succomber. Caressant au passage ses cuisses musclées, remontant sur ses hanches, passant sous son T-shirt pour saisir ses pectoraux tendus.

Shura, grisé par l'ambiance survoltée et par la téquila ingurgitée, décida de sauver Mû des pinces du crabe et d'en profiter pour tenter une expérience… Peut être qu'Aphro avait raison après tout… Peut être qu'il était attiré par le beau bélier sauvage, mais qu'il ne voulait pas se l'avouer… Il faut dire que ses semaines passées, il commençait à le voir autrement. Se surprenant lui-même à le dévorer des yeux, à s'attarder sur son physique fin mais sculpté à la fois. Ses cheveux que trop rarement lâchés, d'un parme mystique l'envoutait littéralement… Ses grands cheveux souples qui venaient mourir jusqu'à sa cambrure… Qu'ils devaient être doux, il avait une envie furieuse de passer sa main dans cette chevelure abondante. Ses grands yeux émeraudes en amandes, tels des joyaux de son ancien monde, Jamir. Qui brillaient de modestie. Et cette attitude, humble, paisible mais terriblement dangereuse si on le provoquait. Rebel, belliqueux. Tout le monde aimait Mû ! Tout le monde voulait être son ami le plus fidèle, et profiter de ses précieux conseils. Peut être aussi, que beaucoup voulait l'avoir pour amant, domptant ainsi le vertueux bélier d'or…

Shura s'approcha tel un prédateur et se débarrassa d'Angelo avec quelques répliques bien cinglantes pour qu'il n'embête plus l'objet de sa convoitise. Il demanda si tout allait bien à ce dernier, qui répondit brièvement d'un ton neutre. Shura engagea la conversation essayant un rapprochement qui n'avait pas l'air de fonctionner non plus. Il voulu passer à une approche tactile, en effleurant le bras svelte. Mais dans un mouvement de recul il vit le visage fermé de son vis-à-vis. Toutes ces attentions qui lui coûtait, n'atteignait pas l'autre ! Il était fait en marbre ou quoi par tous les saints ?

Après ce fiasco où la fierté de Shura avait été malmenée, la soirée se termina tant bien que mal. Laissant un Milo fleureter honteusement avec un Kanon au bord de l'implosion. Tous deux haletant, se retenant de se jeter l'un sur l'autre et de se déshabiller en publique.

Shura passa ses nerfs quand tout le monde fut parti en rangeant, nettoyant de fond en comble son temple. Astiquant, récurant, faisant la vaisselle, débarrassant les cadavres des bouteilles vides. Il ne pouvait trouver le sommeil, tellement vexé du mépris qu'avait l'atlante pour lui. En plus pourquoi lui ? Il était le plus juste de tous les chevaliers ! Droit ! Il maugréât dans sa barbe jusqu'au petit matin et alla se coucher.


Les jours suivants retrouvèrent leurs quotidiens, il ne parlait toujours pas à Mû, et s'enterra même dans son temple ou sa cour pour s'entrainer seul à affuter son corps d'albâtre pour devenir la lame suprême.

De son côté, le bélier se morfondait dans son temple, se disant qu'il était le dernier des imbéciles. Un vrai coincé des fesses ! Pour une fois, pour une fois que Shura venait enfin lui parler, lui il avait tout gâché ! Ne sachant pas quoi lui répondre, ne voulant pas passer pour un crétin, ne voulant pas laisser trahir son émoi face à cet homme plein de charisme. C'était fini maintenant. Jamais plus il ne voudrait lui adresser la parole. Mû savait parfaitement que sa timidité pouvait passer pour de l'indifférence ou de la fierté. Mais il n'était pas du tout comme ça, au contraire ! Il aurait voulu répondre à ses discussions, passer ses bras autour de son cou, de ses hanches puissantes, se serrer contre lui en dansant langoureusement. Pouvoir caresser sa chevelure rebelle d'ébène. Plonger dans ses yeux d'un noir absolu, noir comme la nuit, et pouvoir s'y perdre. Et que son soupirant vienne le sauver ! Il aurait voulu toucher cette peau mâte, terriblement tentatrice, ce charme méditerranéen, tellement masculin, tellement macho ! Shura pourrait le protéger de tous les maux du monde dans ses bras…

Lui aussi se terrait dans son temple comme une taupe dans son terrier, n'osant pas affronter les autres, mais surtout LUI… Mais c'était sans compter sur le vouloir de Shion qui l'avait convoqué pour un entretien personnel. Il n'avait vraiment pas envie de traverser la maison du capricorne pour encore moins se rendre au palais du Pope… Il voulait rester tranquille chez lui, à se lamenter sur sa bêtise… Mais une convocation ne pouvait être remise à plus tard, alors il se résigna à gravir toutes les marches du Sanctuaire. Tous le saluèrent quand il passa dans les diverses temples. Quand il arriva au dixième il eut un moment de flottement. Il n'osait pas mettre le pied à l'intérieur. Mais il le fit à contre cœur tout de même. Il sonda le cosmos de son habitant et le sentit… Flûte il aurait préféré qu'il soit absent !

Il s'annonça d'une voix froide pour garder une contenance :

-« C'est moi Shura, je ne fais que passer je suis convoqué chez le Grand Pope »

Et sortit le plus rapidement possible. Décidément, ce bélier ne voulait pas passer une seule minute avec lui, pensa le maître des lieux. Il lui faisait toujours cet affront d'être condescendant avec lui. Pas un bonjour, pas une excuse de venir. Pas un « comment ça va ? ». Nan, il était inflexible et presque sans émotions lui aussi… Il sentait l'amertume monter de plus en plus et cette fois s'en était trop !

Il en avait plus que marre d'être exclus alors qu'il faisait des efforts pour s'intégrer ! Il en avait plus que marre de ce comportement de snobinard à la noix ! Il voulait des explications et au moins que le bélier lui dise en face oui je te déteste et pourquoi ! Il décida de choper l'autre quand il repasserait pour regagner sa maison. Alors il attendit patiemment toute la soirée. L'entretien dura bien au moins trois bonnes heures et Mû pu repartir. Quand il s'avança de nouveau à l'entrée du temple « maudit » il y sonda le cosmos de son propriétaire. Rien. Pas l'ombre de Shura, ouf ! Dans un soupir de soulagement Mû pu franchir le pas de la porte et traverser ces lieux en toute sécurité. Il marchait confiant, et quand il s'apprêta à attraper la poigné de la porte d'entrée il entendit des pas et une voix sèche :

-« Pas si vite Mû ! ».

Quoi ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Il était sûr que le capricorne n'était pas là ? Il aurait caché son cosmos pour le coincer ? Pouh nan il ne voulait pas l'affronter… Il voulait juste rentrer chez lui, car le voir, voir son regard tranchant lui faisait mal… Son peu de considération pour lui, lui brisait le cœur. Il se sentait comme un petit insecte insignifiant, et il était persuadé que son compagnon d'armes ressentait du mépris pour lui. Oui lui qui ne se jetait pas tête baissé dans la bataille, lui qui préférait réfléchir ou parlementer plutôt que de tuer… Shura devait le prendre pour une mauviette…

Il se tourna pourtant, pour lui faire face. Sans un mot il essaya de soutenir le regard obscur. Le capricorne reprit :

-« Tu traverses mon temple sans avoir la moindre considération pour moi, crois-tu que je vais te laisser le traverser comme un moulin ? Et il faut qu'on mette les choses au clair aussi… ». Sur ces mots, Mû sentit son sang se glacer et frissonna.

-« Je suis désolé mais je pensais que tu n'étais pas là… et que veux-tu mettre au point avec moi ? »

-« Oh mais je vais t'éclairer, ne t'inquiètes pas ». L'atlante essaya de rester digne en croisant les bras comme pour marquer une impatience et de relever le menton pour lui aussi le toiser, comme son interlocuteur le faisait à ce moment.

-« Vas-y je t'écoute ».

-« Tout d'abord un bonjour n'a jamais tué personne que je sache… Et puis Mû je dois t'avouer que je ne supporte plus ton attitude envers moi ! ».Tonna Shura. « Depuis que nous avons ressuscité j'ai essayé de me repentir de mes erreurs passées. De changer mon comportement, d'être plus social… Je fais des efforts pendant que toi tu n'en fais aucun ! J'ai l'impression que tu me juges en permanence, et que tu me toise ! Alors là, maintenant les yeux dans les yeux… Tu vas m'expliquer pourquoi tu me méprises tant ? ».

Mû cru sentir le sol s'effondrer sous ses pieds. Il resta figé de surprise. Alors là, pour le coup il ne comprenait plus rien ! Comment son confrère pouvait penser qu'il le toisait ? Son attitude était-elle aussi froide ? Il ne pouvait plus parler, ni bouger, ni respirer d'ailleurs… Il se contentait de fixer avec des yeux de merlan frit son interlocuteur impatient et colérique.

-« Mais réponds moi à la fin ! ». Gronda l'espagnol.

-« Mais… euh… mais… je… comment… je… ».Il ne pouvait bafouiller autre chose. D'énervement Shura s'avança à grand pas, et en une seconde il était en face du bélier, le prit par les épaules, et plongeât ses yeux furieux dans ceux pleins d'incompréhension de Mû. En le secouant avec force il continua de lui ordonner de parler.

-« Parles si tu es honnête, toi le Sage bélier, celui qui ne se fâche jamais, celui qui est toujours de marbre ».

Mû resta un long moment hébété, il essaya de reprendre ses esprits, déglutit sa salive et tenta de parler :

-« Ecoutes, franchement, je ne comprends pas pourquoi tu dis que je te méprises ! Comment est-ce que je pourrais déprécier un de mes frères d'armes ? ».

-« Comment tu expliques ton attitude envers moi alors ? Tu parles pourtant à Camus, Saga et Angelo qui ont été renégats aussi ? Tu ne vois pas comment tu es ? ».

Mû se fâcha à son tour lassé de cette discussion stérile.

-« Mais je te dis que je ne déteste personne et je ne te méprises pas ! Et mon attitude oui c'est la mienne ! Je suis quelqu'un de calme et distant tout le monde le sais ? Alors pourquoi du jour au lendemain tu fais un drame sur toi ? ».

De rage, Shura plaqua violement le bélier contra la porte massive et le secoua de nouveau.

-« Me prend pas pour un imbécile hein ! Tu vas voir ce qui l'en coûte ! Regardes-moi dans les yeux et dis-moi le fond de ta pensée ! Je vois pas pourquoi je ferai des efforts pour être aimable avec quelqu'un qui me toise ! ».

Alors ça c'était la meilleure ! Lui faire des efforts pour être aimable, mais avec qui ? Lui ? C'est ça sa définition d'être aimable ? Il persifla :

-« Ha ha ha ha ! Laisses-moi rire Shura ! Toi ! Aimable ? Tu oses bien dire que tu essayes d'être aimable mais avec qui ? Pas avec moi en tout cas ! ». Et d'un geste sûr il repoussa son hôte de toutes ses forces. Il continua « Je veux bien admettre que mon attitude peut paraître fière mais la tienne dépasse tout ! T'as pas vu comment tu me regardes aux entrainements ou dans les réunions ? Comment tu me dévisages, on dirait que tu déverses toute ta haine sur moi ! Et tu voudrais que je sois tout miel après ? Tu te fous du monde ! ».

Tu te fous du monde … Mû pouvait s'emporter comme ça ? Le capricorne reprit :

-« Tu éludes la question, alors tu oses dire que tu me méprises pas malgré ton attitude condescendante envers moi ? ».

-« Nan je te déteste pas, mais c'est toi qui a un problème avec moi ! Arrêtes de me persécuter et toi aussi sois franc ? Pourquoi tu en as après moi ? Je ne t'ai jamais rien fais ! ».

L'incompréhension était totale et consumée. La discussion n'avançait pas et les deux restaient sur leurs positions.

-« Tu n'es qu'une pucelle frigide ! ». Cingla d'un coup le capricorne.

Une lueur noire passa dans les yeux de jade. Une lueur comme encore on ne l'avait jamais vu dans ses yeux si calmes. Son visage changea d'expression, ses traits se tirèrent et là pour le coup un air de dédain passa sur celui-ci. Lentement il se dirigea sur le capricorne et s'arrêta à quelques centimètres de lui. Le regard toujours ulcéré il leva la main et l'en claqua avec une telle force le visage de l'espagnol que celui-ci tomba à terre.

-« Tu n'es qu'un lourdaud de plouc ! Et grossier avec ça ! ». Sur cet emportement inattendu il tourna les talons et détala comme un lapin.

Laissant un Shura totalement désemparé. Ses mots avaient dépassé sa pensée, il voulait le faire réagir mais pas comme ça ! Il n'aurait jamais pu croire que Mû soit capable de lui jeter un regard comme celui-là… Maintenant oui il avait tout gagné ! Il le détestait et le honnissait pour le coup. Jamais il ne pourrait revenir en arrière, et jamais plus il ne lui parlerait ni lui pardonnerait…