My Name is Sophie.
Chapitre 1
Rencontre.
My name is Sophie. Pendant de nombreuses années, ma vie a été parfaitement ordinaire. J'ai vingt-et-un an et je viens de commencer un master à King's College, Londres. Jusqu'ici, rien de bien surprenant.
J'habitais à Londres depuis à peine deux semaines lorsque l'étrange événement qui allait changer le cours de ma vie eut lieu, si tard, un soir de septembre. Je rentrais chez moi après une après-midi passée à donner des cours de soutien à une fille de quinze ans, rebelle et désagréable, et une soirée en bibliothèque. L'année s'annonçait bien. Je ne connaissais encore personne à Londres, tous mes amis étaient, soit à Leeds où j'avais commencé mes études, soit à Newcastle, ma ville d'origine. Loin de Londres. J'espérais qu'avec le début de mes cours à King's, je rencontrerais des gens sympas avec qui boire un verre le soir, avec qui regarder un film pour se changer les idées… Mais il me restait encore trois semaines avant le début des cours et je me demandais ce que j'allais bien pouvoir faire pour meubler mes journées et m'occuper l'esprit en attendant.
J'étais tellement prise dans ces sombres pensées que je remarquai à peine une forme allongée à quelques pas de ma porte – ça n'était pas la première fois que ça arrivait. Je lui jetai un coup d'œil distrait et m'engageai dans l'entrée de mon immeuble. Ce n'est qu'en montant l'escalier que je me rendis compte que quelque chose clochait dans cette histoire – l'homme n'était pas juste endormi sous un porche. Il était couvert de sang. J'hésitai un instant puis fit demi-tour en courant.
« Euh… Monsieur ? Monsieur ! Réveillez-vous ! … Monsieur ? »
Ses paupières battirent et un petit grognement m'apprit qu'il revenait lentement à lui.
« Ca va aller, ne vous en faites pas ! Je vais appeler une ambulance et on va vous emmener à l'hôpital. »
Il parût tout d'abord ne pas comprendre ce que je disais, puis le sens de mes paroles l'atteignit. Un masque de panique déforma ses traits.
« Nnnon… ! Pas… l'hôpital. Aidez-moi ! »
« Mais je ne saurai pas vous soigner, moi ! Il vous faut un médecin ! »
« Nnnon ! S'il vous plaît… ! Pas l'hôpital ! »
Sa main, poisseuse de sang, avait saisi la manche de ma veste et me maintenait en place d'une poigne d'acier.
« Je… mais je risque de vous tuer ! Je suis pas… enfin – je ne sais pas soigner les blessures ! »
Je commençais à me sentir réellement mal à l'aise. J'avais beau scruter la rue dans tous les sens, il n'y avait personne. Personne aux fenêtres. J'étais seule avec un inconnu blessé qui voulait que je le soigne.
« Il faut… que vous m'aidiez ! Juste quelques pansements… Je… partirai demain matin. »
Que faire ? Je ne pouvais quand même pas le laisser là ! Appeler l'hôpital sans son accord ?
« S'il vous plait ? »
Sans savoir pourquoi, ni comment, en un instant, ma décision fut prise. J'allais l'emmener en haut, étudier l'état de ses blessures et, si je pensais pouvoir y faire quelque chose sans l'aide d'un docteur, tenter ma chance. Je ne comprends toujours pas pourquoi cette idée me parût être l'unique possibilité.
L'homme était beaucoup plus jeune qu'il m'avait semblé dans la rue. A le voir ainsi, vêtu uniquement de son caleçon, il paraissait avoir à peine dix-huit ans.
Son corps était couvert de bleus et d'égratignures. Aucune coupure ne paraissait trop profonde pour que je puisse la soigner, même si leur nombre était assez préoccupant. Il avait perdu beaucoup de sang.
Ce qui m'inquiétait cependant plus encore que les coupures était l'état de sa jambe gauche. Il avait dû être attaqué par un animal qui avait laissé dents et griffes plantées profondément dans son mollet et sa cuisse. Il allait falloir retirer tout ça, mais comment ? Et si l'animal était venimeux ? S'il perdait trop de sang au cours de l'opération ? Si les plaies s'infectaient ?
Je me forçai à respirer lentement et allai ouvrir la fenêtre pour dissiper un peu l'odeur de sang qui commençait à me faire tourner la tête. Je ne sais toujours pas comment je suis parvenue à rester tellement calme et rationnelle devant le spectacle qu'offrait ce corps mutilé, mais je me mis au travail sans attendre. Je soignai d'abord les plaies les plus superficielles, les désinfectai et les pansai du mieux que je pouvais à l'aide de t-shirts que j'avais déchirés pour faire des bandages. Le jeune homme paraissait à peine sentir ce que je faisais. Il frémissait de temps à autre mais semblait plongé dans un état de fièvre et de stupeur.
J'étais sur le point d'en finir avec les coupures sur son torse lorsque je remarquai la présence d'une étrange aspérité sur l'une de ses côtes, juste en dessous de la peau. Seule une petite cicatrice marquait l'endroit comme une blessure ancienne. Sentant du bout des doigts, je perçus une forme semblable à un crochet, ou encore une griffe, solidement plantée dans l'os.
Un étrange tatouage sur son bras gauche avait aussi attiré mon attention – une tête de mort crachant un serpent. Il semblait avoir été incrusté dans la peau de l'avant-bras plutôt que tatoué. Une fois que j'eus nettoyé le sang qui le recouvrait, il me sembla sentir comme une petite déflagration d'énergie lorsque j'entrai en contact avec le dessin. Mal à l'aise, je m'empressai de bander le bras du malade.
Il y avait encore beaucoup à faire. Sans trop savoir comment m'y prendre, je décidai de m'attaquer à la jambe. Les dents sortaient suffisamment pour que je puisse les retirer à main nue. J'espérais que les gants que je portais me protègeraient de l'éventuel poison qui pouvait se trouver dans les coupures. Je désinfectai la plus petite des blessures, tins la jambe de la main gauche et saisis la dent de la main droite. Au contact de cette plaie, chaude et poisseuse, je me sentis sur le point de vomir et dus me forcer à respirer calmement. Une fois. Deux fois. Trois ! D'un coup sec, j'arrachai la dent de la blessure. Un flot de sang noir m'éclaboussa les genoux. Terrifiée, je tentai maladroitement de l'éponger quand le jeune homme me prit la main.
« Il faut… que ça sorte, marmonna-t-il. »
Au bout de quelques secondes, le sang avait repris une couleur normale et je m'empressai d'appliquer une compresse sur la plaie pour en arrêter l'écoulement. L'ouverture, une fois la dent partie, n'était pas bien grande et s'arrêta bientôt de saigner. Je désinfectai et pansai la plaie du mieux que je pus.
Je répétai l'opération pour chacune des blessures, libérant chaque fois un flot de sang sale, pansant la plaie ainsi purifiée. Certaines des coupures auraient sûrement dû être refermées par des points de suture pour bien faire, mais je ne me sentais vraiment pas à la hauteur et me contentai de faire en sorte que le bandage maintienne la peau en place.
Après plusieurs heures de travail, le jeune homme était tellement pâle que je craignais de l'avoir conduit à sa mort. Il frissonnait sans arrêt, malgré les couvertures que j'avais empilées sur lui. Je lui donnai de l'eau sucrée, un peu de pain. En désespoir de cause, je posai mes mains froides sur son front pour tenter de faire baisser la fièvre. Peu à peu, le tremblement sembla se calmer et il s'assoupit.
Cette nuit fut sans conteste la pire nuit de toute mon existence. Je veillais anxieusement sur mon malade, attentive à ses moindres mouvements, guettant son souffle léger. Je regrettais amèrement d'avoir accepté de le soigner moi-même et, dans ma panique, je me disais qu'il était trop tard à présent pour appeler un médecin. Que le mal était déjà fait. Qu'allait-il advenir de moi s'il venait à mourir ? Comment expliquer la présence de cet inconnu que j'avais soigné dans mon appartement ? Comment expliquer le fait que je n'avais pas appelé une ambulance ?
Les heures passaient. Lentement. Le sommeil faisait son œuvre. Le jeune homme ne grelottait déjà plus. Mais je n'arrivais toujours pas à dormir. Je décidai de me rafraîchir un peu et de mettre de l'ordre dans mon studio pour m'occuper l'esprit en attendant qu'il se réveille.
Ses habits étaient toujours empilés dans le coin où je les avais lancés plus tôt dans la soirée. Pantalon noir, chemise blanche, déchiquetés tous les deux. Une grande cape noire. Un sac. Et cet étrange bout de bois dont je ne parvenais pas à détacher le regard. Il semblait vibrer, comme s'il contenait de l'énergie qui ne demandait qu'à s'échapper. Je jetai le pantalon et la chemise. Pliai la cape et la plaçai sur le sac. Avec mille précautions, la main enveloppée dans un torchon, je saisis la baguette et la plaçai en haut de la pile. J'y ajoutai la petite boîte dans laquelle j'avais placé les crocs et griffes que j'avais retirés de la jambe du jeune homme. Puis j'attendis.
Il se passa plusieurs jours avant que je n'apprenne quoi que ce soit sur mon mystérieux visiteur. La fièvre, qui avait baissé au cours de la nuit qui avait suivi son arrivée, reprit de plus belle le lendemain et ne le quitta pas de la semaine, le laissant délirant et agité. C'était à peine si j'osais quitter l'appartement pour acheter à manger et pour donner quelques cours de soutien à mon élève.
Au cours des nombreuses heures passées à examiner le profil fiévreux de l'inconnu, je dus souvent réprimer ma curiosité et me forcer à ne pas m'approcher des affaires, du sac qui contenait peut-être quelques informations vitales sur la personne dont je me trouvais chargée. Mais l'étrange bout de bois, qui pulsait doucement sur le haut de la pile, semblait veiller à ce que je m'en tienne loin.
Plus le temps passait, plus je désespérais de jamais voir le jeune homme revenir à lui. Je parvenais à le nourrir un peu, quand son état le permettait. Je pouvais cependant voir à quel point ses joues s'étaient creusées et je savais que si sa condition ne s'améliorait pas d'ici quelques jours, il allait falloir demander de l'aide, qu'il le veuille ou non.
Enfin, un matin, alors que je commençais réellement à perdre espoir, mon invité ouvrit ses yeux clairs et, pour la première fois depuis qu'il était arrivé, il sembla prendre en compte son entourage. Il fronça légèrement les sourcils à la vue de cette chambre qui lui était encore inconnue.
Je l'observai en retenant mon souffle. J'étudiai ce regard, qui prenait méticuleusement note de tous les objets qui l'entouraient. Il paraissait sur ses gardes, comme s'il cherchait à s'assurer qu'il avait la possibilité de s'enfuir si la nécessité s'en faisait sentir.
« Bonjour, murmurai-je. »
Avec un brusque mouvement de tête, le jeune homme se tourna vers moi.
« Bonjour, répétai-je en me rapprochant du lit. Je m'appelle Sophie. »
Voyant qu'il ne paraissait pas prêt à prendre la parole, je poursuivis doucement :
« Je t'ai trouvé dans la rue et tu m'as demandé de t'aider… Comment tu te sens ? »
« Mieux. »
C'était le premier mot cohérent qu'il avait prononcé depuis son arrivée. Il avait la voix râpeuse après une semaine entière passée sans parler.
« Comment tu t'appelles ? »
De nouveau, il me semblait qu'il me jaugeait du regard, comme s'il tentait de déterminer s'il pouvait ou non me faire confiance.
« Draco. »
« Ravie d'enfin faire ta connaissance, Draco. Tu veux quelque chose à boire ? Et à manger peut-être aussi ? Je pense que ça te ferait du bien… »
Il avait essayé de se redresser dans le lit, mais les forces lui avaient manqué et il était retombé sur l'oreiller. Je m'empressai de lui préparer un repas un peu plus nourrissant que ce qu'il avait pris jusqu'à présent et l'aidai à rehausser les coussins afin qu'il puisse manger seul.
« Alors, dis-moi… »
Quelles questions posait-on à quelqu'un dont on ne savait rien, qu'on soignait depuis une semaine des suites de morsures et griffures étranges, et qui possédait une cape noire et une baguette de bois ? Je ne savais pas trop par où commencer, et j'avais peur d'être indiscrète.
« Est-ce que ta jambe te fait mal ? »
L'ensemble des plaies avait plutôt bien cicatrisé. Seules celles sur la jambe gauche étaient encore rouges et gonflées.
« Ca va… Qu'est-ce que tu as fait de… des… »
Il montra sa jambe.
« Elles sont toutes là, avec tes affaires. »
Je lui apportai le tout. Il se saisit avidement de la baguette et l'enfouit sous son oreiller.
« J'ai juste dû jeter ton pantalon et ta chemise, mais le reste est là. »
Il hocha la tête puis, sans prononcer une parole, il serra la pile de ses affaires contre lui et s'endormit.
C'était ma première réelle rencontre avec Draco Malfoy, une des personnes qui allait marquer ma vie pour toujours. Mais à l'époque, je ne le savais pas encore, et je me contentai de prendre l'assiette dans laquelle il venait de manger pour la mettre dans l'évier.
R&R s'il vous plait! x
