Le chemin de l'ombre
Blabla ^_^ : Les personnages ne m'appartiennent pas, tout est à Bryan Fuller et Thomas Harris. Nombreuses inspirations venant du jeu vidéo The town of light.
Je reste volontairement floue sur la période et le lieu, pour arranger l'histoire à ma convenance (pratiques médicales, justice, ...) mais on peut taper dans les années 30/40.
Note pour les fautes : Une partie de la fiction a été écrite sans bêta, Vevarda a corrigé les chap de 16 à 34. N'hésitez pas à me les signaler si vous en voyez :).
Chapitre 1 : Les portes se referment.
La police le traînait, menotté, vers les grandes grilles de l'Asile Chilton. Ses pieds raclaient le sol et il avait tenté plusieurs fois de mordre sous la panique intense qui le gagnait, car il savait très bien qu'une fois les portes refermées derrière lui, il ne sortirait plus jamais. Will avait appris à craindre cet endroit toute sa vie, depuis l'âge de 7 ans quand après avoir eu une 'vision', les médecins s'étaient succédé dans la maison de ses grands-parents (ses tuteurs légaux depuis la mort de ses parent) et avaient mentionné la possibilité de le faire interner « pour son bien ».
Heureusement, jamais ses grands-parents ne l'auraient abandonné dans un tel endroit, et ils avaient fait tout leur possible pour le protéger du monde quand ils eurent compris qu'il ne s'y intégrerait jamais comme quelqu'un de 'normal'. Ils lui avaient appris comment survivre, chasser, pêcher, entretenir des cultures, tailler les arbres et s'occuper des bêtes. Puis il y avait eu l'une des rencontres les plus importantes de sa vie, celle du couple Crawford qui possédait un immense domaine. Il s'était toujours méfié de Jack, un peu moins de Bella, son épouse, et avec raison.
Certes, Jack lui avait offert ce petit chalet sur ses terres à la mort de ses grands-parents (leur maison ne leur appartenait pas, il n'avait donc pas pu en hériter), de quoi se vêtir et se nourrir en échange de quelques travaux de jardin et de l'entretien de la forêt, mais Jack avait autre chose en tête que d'en faire un garde-chasse. Tout ce que voulait Jack, c'était utiliser ce qu'il appelait poliment son don, là où d'autres utilisaient le mot folie.
Après avoir aidé à la résolution de diverses enquêtes pour meurtres, il avait vu plusieurs médecins et avait été diagnostiqué dépressif, schizophrène, atteint d'accès de mélancolie et une fois même épileptique, alors qu'il n'avait jamais fait la moindre crise de sa vie. Jack les avait fait défiler jusqu'à trouver celui qui lui dirait exactement ce qu'il pensait à ce moment être la vérité. A savoir qu'il était différent (asocial c'était une évidence), mais certainement pas fou, bien au contraire : il possédait un type d'intelligence particulière couplée à une intuition étonnante et à une capacité d'empathie extrême qu'il ne contrôlait pas toujours. Ce médecin était psychologue et il travaillait à la fois dans son cabinet privé dans la ville voisine et de façon plus ou moins régulière à l'asile Chilton, dont le directeur Frederick Chilton, était une vieille connaissance.
Rencontrer le Dr Lecter avait peut-être été l'expérience la plus intéressante et la plus heureuse de sa vie, et c'était sans doute la raison pour laquelle une sensation affreuse et étouffante lui compressait la poitrine à présent. Il avait récemment trahi le meurtrier et ce dernier le lui faisait payer au centuple.
Quand les portes métalliques de l'asile se refermèrent, il avait les yeux fermés et il pouvait voir le visage du Dr Lecter tel qu'il était lors de leur première rencontre, dégageant une intense curiosité et une douceur trompeuse. Il lui avait souri et avait su le mettre en confiance, suffisamment pour que, dans les heures qui avaient suivi, il lui avait confié plus de détails sur sa vie qu'à quiconque auparavant. Lui dont on tirait péniblement quelques paroles la plupart du temps avait meublé le silence sans discontinuer, se livrant totalement parce que pour la toute première fois de sa vie, il avait un interlocuteur qui le comprenait vraiment et qui ne le dévisageait pas avec méfiance ou hostilité.
Hannibal Lecter avait mis des mots rassurants sur ses capacités là où les autres avaient parlé de maladie, avait décrypté son malaise social, étalé puis apaisé ses angoisses. Puis, contre toute attente car ils étaient patient et médecin, il s'était ouvert à lui, pas en une fois certes mais peu à peu, bride après bride, part d'ombre après part d'ombre sans jamais lui montrer les ténèbres au fond du gouffre dont il n'avait fait que lui laisser effleurer le rebord.
Will avait pensé alors qu'ils se ressemblaient et se comprenaient, il avait pensé connaître le véritable sens du mot amitié alors qu'ils en étaient, le Docteur et lui, à des années lumières. Il y avait de la curiosité et peut-être même une sorte de fascination pour lui de la part d'Hannibal Lecter, mais certainement pas de l'affection. Malgré son don d'empathie il n'avait pu le sentir, n'avait pas voulu le sentir, et s'était agrippé à lui comme le noyé s'accroche au rocher au milieu de la tempête avant de se rendre compte à quel point ses arrêtes sont coupantes. Et alors qu'auparavant il utilisait seul son don sous la demande de Jack pour résoudre des crimes, il avait commencé à travailler en équipe avec lui.
Le rapport patient-médecin s'était estompé alors que ce dernier emballait sa méfiance dans une vaste toile faite de gestes affectueux (ses mains s'attardant sur ses épaules, caressant sa joue ou remettant en place ses lunettes...), de paroles douces (il n'y a personne au monde qui me comprenne comme vous me comprenez, Will, et personne au monde qui puisse mieux vous comprendre que moi) et de présents sous la forme de la nourriture la plus merveilleuse qu'il ait jamais mangée. Et il avait continué à le laisser entrevoir certaines parties de lui, à placer le doute de son esprit. Ce n'était que quelques paroles au double sens vaguement inquiétant, une absence d'émotions face à certaines scènes de crimes, des sourires que lui seul pouvaient interpréter comme faux, mais l'image de gentillesse qu'il avait fantasmée à son propos avait commencé à se craqueler, et Lecter en était bien conscient. Le tueur en série ne voulait pas qu'il devienne pour lui une compagnie aveugle, il voulait qu'il le voit...tel qu'il était. Qu'il le comprenne réellement, totalement et qu'il vienne à lui volontairement.
Will avait fait un premier pas dans ce sens en lui avouant, les mains tremblantes, qu'il avait aimé tué Garett Jacob Hobbs, un des premiers criminels qu'ils avaient arrêtés ensemble et qui menaçait de tuer sa propre fille, Abigail Hobbs. Il avait avoué avoir aimé chaque seconde du meurtre, du moment où il avait armé son fusil de chasse à celui où les yeux du meurtrier étaient devenus vitreux, après ses dernières paroles intrigantes « Vous voyez ? ».
Il n'avait pas vu tout de suite, parce qu'il ne le voulait pas vraiment. Il n'avait pas voulu que l'ombre du Dr Lecter sous laquelle il se réfugiait devienne peu à peu menaçante. Mais c'était arrivé. Il y avait eu cinq crimes sur une année, espacés chacun de quelques mois, tous avec le même mode opératoire : les victimes percées de toutes parts par différentes armes et outils. Toutes retrouvées dans des endroits isolés. Will avait profondément redouté d'utiliser son don sur ces scènes-là, mais comme toujours, il n'avait pas eu son mot à dire. Il avait fermé les yeux et laissé la lumière vive se balancer sous ses paupières closes.
Le tueur n'était semblable à aucun autre, il n'était pas nerveux, son cœur ne battait pas à toute allure et quand il tuait, ses gestes étaient précis et méthodiques, comme ceux d'un chirurgien. Il ne ressentait aucune empathie pour ses victimes qu'il torturait alors qu'elles étaient encore vivantes, et il ne les bâillonnait que pour plus de discrétion, pas pour ne pas entendre leurs hurlements. Will ressentait son plaisir sadique comme une lueur rouge qui emplissait son esprit et lorsque ses visions s'estompaient, il ressentait encore l'euphorie du meurtre et le sentiment de toute puissance que ressentait son auteur. C'était un sentiment d'autant plus merveilleux qu'il ne le ressentait jamais dans sa propre vie : celui d'être intouchable, invulnérable et puissant. Et il culpabilisait chaque fois de vouloir le ressentir, encore et encore.
Il n'avait pas osé pousser ses confessions aussi loin avec le Dr Lecter, et il lui avait décrit le tueur de la même façon qu'à Jack : intelligent à l'extrême, prudent, probablement un médecin. Hannibal lui avait alors montré un de ses dessins récents tiré d'un manuel de médecine : l'homme blessé, percé de toutes parts par différents outils et instruments, et il n'avait pu que faire le lien. Il lui avait demandé, partagé entre peur et fascination morbide :
« Est-ce...un aveu ? »
« A votre avis, Will ? »
« C'est un aveu. »
Il s'était contenté de sourire et l'avait laissé partir. Sur le moment, Will avait pensé qu'il devait se sentir désespérément seul pour commettre une telle imprudence, mais à présent qu'il se trouvait dans la cour intérieure de l'Asile, il se rendait à présent compte qu'il avait été absolument stupide d'arriver à une telle conclusion. Non pas qu'Hannibal Lecter ne se sentait pas seul et ne désirait pas plus que tout autre chose une compagnie à sa hauteur, mais il ne se serait jamais mis en danger à ce moment-là. Il n'avait fait que jouer. Son seul but avait été de voir ce que Will ferait, avec peut-être le mince désir qu'il ne le dénonce pas et que, porté par sa propre curiosité, il plongerait tout entier dans ses ténèbres et qui sait...les partagerait.
Une si mince éventualité, et pourtant, ça avait failli se produire.
Tout avait basculé sur la cinquième scène de crime du tueur qui avait été appelé l'Empaleur. Il n'avait pas eu besoin de son don pour savoir qui était l'auteur de ce nouveau carnage : il n'avait eu qu'à regarder la profonde lueur de satisfaction dans les yeux de son psychiatre. Mais comme à chaque fois, Jack l'avait poussé à utiliser son don et il l'avait fait, mais pas de la façon habituelle, oh non. Il savait très bien ce qu'il ressentirait en se glissant dans l'esprit d'Hannibal, cette sensation de toute puissante et de force, et s'il en avait presque désespérément envie, il s'y refusa.
Lorsque la lumière se balança dans son esprit, la vision du corps transpercé disparu doucement ainsi que le sang sur l'herbe. La victime qui était une jeune fille ne fut plus nue mais vêtue d'une robe légère, agenouillée près de la rivière pour simplement profiter du soleil. Elle était seule jusqu'à ce que le prédateur embusqué à visage humain ne s'avance, couvert par une tenue d'apiculteur en-dehors de son visage trop reconnaissable pour Will. Il le vit poser un sac lourd remplit d'objets contondants sur l'herbe à travers les yeux de la jeune fille et ressenti la terreur pure lorsqu'il s'avança vers elle, vers lui, un premier pal à la main. Il ressenti la course intensément, gagné par l'incompréhension et la panique, et il aurait hurlé si sa mâchoire n'avait pas été aussi serrée. Il n'avait aucune conscience de son corps pris de tremblements comme celui de la jeune fille qu'il voyait, ou plutôt qu'il était à cet instant, et il se crispa quand le pal pointu perfora l'un de ses poumons, le placardant à l'arbre comme un papillon sur du liège. Il senti distinctement autre chose être enfoncé dans sa jambe puis dans son thorax et le sang lui emplir la bouche, l'empêchant de respirer. La douleur était atroce et même s'il ne la ressentait qu'à travers un souvenir, une impression, elle fut suffisante pour le sortir de sa transe, couvert de sueur et brûlant de colère.
Il avait ensuite fait l'erreur de se jeter sur Hannibal et de le frapper, son coup de poing assez puissant pour laisser un bleu impressionnant sur la pommette saillante du médecin et pour lui donner l'impression de s'être brisé les phalanges. Il avait failli le tuer car en tombant, la tête d'Hannibal avait heurté une pierre et il s'était évanoui. Will se demandait encore s'il l'aurait achevé en l'étranglant de ses propres mains si à cet instant Jack ne l'avait pas assommé. Probablement.
A son réveil, entouré par des policiers, il avait compris qu'il était foutu. Il avait bien expliqué (ou plutôt hurlé) à Jack qu'Hannibal et l'Empaleur ne faisaient qu'un, mais c'était sa parole contre la sienne. On l'avait d'abord traîné jusqu'à sa propre cabane à outils où se trouvaient différents instruments et outils ensanglantés l'incriminant (quand exactement est-ce que Hannibal les avait placé là ?) puis il avait eu droit à une évaluation psychologique au poste. Il n'y aurait jamais de procès pour lui, seulement une sentence : l'internement à vie.
