Il n'avait pas souvent l'occasion d'approcher un piano, et les peu de moments où il le pouvait, ce n'était que pour peu de temps. Il était si heureux quand il avait l'occasion de pouvoir approcher l'instrument. S'assoir devant le clavier, et enfin pouvoir laisser la musique se créer. Il se croyait seul, dans ces moments. Il ne faisait pas attention qu'il y avait un ninja caché dans l'ombre qui écoutait avec attention toutes ses créations. Il pouvait rester des heures à l'écouter jouer du piano. Il pouvait passer des heures à regarder ses doigts parcourir le clavier nacré, touchant délicatement et pourtant assez fort les touches blanches et noires. Le son qui s'élevait dans la pièce était un ravissement pour les oreilles, l'emportant à peine la chanson commencée dans des contrées lointaines. Dans un monde de rêves, qui se modifiait, se modulait, le long de la musique. Il se laissait emporter dans le monde que Corrin créait du bout de ses doigts, fermant les yeux pour apprécier encore un peu plus ce moment hors du temps qu'il lui offrait.

Ce genre de moment était rare. Où il n'y avait plus à penser à la guerre, aux combats, à la mort. Juste se laisser aller, écouter la musique, la créer.

La mélopée venait de se terminer, Kaze allait retourner dans l'ombre de Corrin, une fois le moment de détente passé, sans que se dernier ne remarque en rien son spectateur silencieux. Tout allait se passer comme à chaque fois que le noble jouait du piano, lorsqu'un événement vint troubler le moment. Un engrenage dans la machine qui avait cessé de fonctionner. Il c'était fait repérer.

Il avait sentit une présence, mais qui loin de lui être hostile, était bienveillante. Attentive. Quelqu'un l'écoutait jouer. Pendant la musique, il avait prit conscience que quelqu'un était là, et entendait sa musique. D'abord surpris, il avait légèrement changé sa façon de jouer. Ses notes étaient plus incertaines, comme s'il doutait. Doutait que sa musique plaise. Puis il c'était sentit gêné d'avoir un public, avec sa performance à peine passable. Sa musique était de plus en plus hésitante, passant dans les notes aiguës. Enfin, il avait finit par accepter cette présence. Et de jouer pour elle. Alors, la musique c'était transformée. Elle n'était plus bredouillante, elle était forte, vive. Tout s'enchainait avec fluidité. Et il avait intégré dans la mélopée une histoire. Une aventure épique, une épopée puissante, qui marquerait les légendes. Une aventure qui ne se fait pas seule, où les compagnons s'entraident, et gagnent. Un peu leur histoire, en fait. Il avait eu du mal à finir le morceau. Il ne voulait pas que cela se termine. Il voulait continuer. Mais toute bonne chose a une fin. La dernière note s'éleva, dura dans le temps, comme si elle volait librement, sans aucune contrainte. Avant de s'évanouir.

Il avait faillit applaudir la prestation. Dire qu'il l'avait aimé aurait été un euphémisme. Il s'était laissé porter plus que jamais par la musique et les sentiments qu'elle laissait transparaître. Il s'était laissé charmer par l'ensemble. Au dernier moment il s'était retenu. Il ne devait pas se faire remarquer. Il allait de nouveau, comme toujours, disparaitre dans les ombres, quand il l'avait entendu parler. Corrin s'adressait à quelqu'un, mais il n'y avait d'autres personnes avec lui dans la pièce. Alors il comprit qu'il savait qu'il y avait quelqu'un qui l'écoutait. Et il le remerciait d'avoir écouté sa musique jusqu'au bout. D'avoir été là à ces moments, et de continuer à l'écouter. Alors, pour la première fois depuis qu'il était le spectateur invisible de Corrin, il applaudit, toujours caché.