Avertissement : Violence ? Maltraitance ? Pauvre dessert !

« Qui a fait ça », retentit dans toute la maisonnée.

On aurait pu qualifier ce cri de strident, de désespéré, de frustré et de colérique tout à la fois.

« Qui a fait ça ! »

Arthur sirotait tranquillement son thé attendant l'heure fatidique où on lui demanderait des comptes. Et il répondrait le plus innocemment du monde qu'il n'était pour rien quant à l'aspect étrange de cette pâtisserie. Il avait juste voulu cacher cette empreinte douteuse pour éviter ce genre d'effusion. De toute façon, c'était mangeable, non ?

« Qui a fait ça ! »

Depuis que Feliciano avait entendu cette phrase, il avait peur de ce qu'il pourrait bien arriver et il dévisageait tout un chacun ! Quand il était entré dans la cuisine, c'était un tel carnage ! Il avait fait de son mieux pour dissimuler les preuves du méfait de l'un des invités… A savoir lequel ?

« Qui a fait ça ! »

Gilbert aurait été tenté de répondre l'awesome moi mais, vu le ton employé, il préféra se taire pour une fois. Et puis, ce n'était pas n'importe qui dans la cuisine en train de s'égosiller ! Il n'aurait peut-être pas dû mettre son doigt dans la crème. Tentation quand tu nous tiens !

« Qui a fait ça ! »

Roderich s'était arrêté de jouer du piano en haussant un sourcil d'incompréhension. Après un soupir las, il reprit sa partition là où il en était. S'il attrapait le responsable des cris outrés de leur hôte, il lui ferait passer un mauvais quart d'heure.

« Qui a fait ça ! »

Romano regardait fébrilement l'heure depuis un moment avec l'espoir, le fol espoir, que toute la faute serait rejetée sur Arthur. Il n'avait rien fait ! Et puis, c'est tout ! Et puis, qu'y pouvait-il si le dessert était dans un équilibre précaire dans la cuisine !

« Qui a fait ça ! »

Antonio retint son souffle, ça allait barder sec, c'est lui qui pouvait le dire. Il avait une petite idée de ce qui avait pu se passer dans la cuisine, et c'était à n'en point douter un crime de lèse-majesté. Il avait pu s'en rendre compte en passant par la pièce sacrée pour avoir un petit avant-goût de ce qui les attendait au repas de ce soir. Oui, il avait voulu goûter les plats mais, lui, il avait l'expérience pour ne pas se faire choper sur le fait ! C'est lequel qui avait l'air le plus coupable ? Heureusement, il avait fait disparaître les preuves en sortant les poubelles.

« Qui a fait ça ? »

Pour une fois, America ne disait rien. Un silence de plomb. Il avait malencontreusement fait un détour par la cuisine en étant descendu en bas… parce que ça sentait trop bon… Et ce gâteau avait bien une drôle de forme… On aurait dit qu'un anglais était passé par là ! Il avait essayé de le bouger dans tous les sens pour le faire paraître sous un meilleur jour… Mais, il n'avait réussi qu'à faire tourner la crème. Il avait abandonné l'idée de faire mieux… Mais ça s'était vu à ce point ?

« Qui a fait ça ! »

Matthew avait le souffle coupé en voyant passer son hôte en colère devant lui, il n'osait plus respirer du tout. Heureusement, son ours le sauva de l'asphyxie dans ce placard en lui donnant un coup dans l'estomac dès que leur hôte fut parti en direction du salon. Il avait tout vu depuis son poste d'observation dans l'escalier. D'ailleurs, ils l'avaient tous bousculé au passage, et ils croyaient tous que la première marche était cassée ! Il n'avait pas pu empêcher cette horreur !

Il avait pourtant tout fait pour dissuader Gilbert qui se croyait trop awesome pour goûter à la forêt noire sans que le cuisinier s'en rende compte ! Echec ! Il s'était même retrouvé avec un peu de chocolat sur le nez dont il avait eu du mal à se débarrasser.

Arthur avait tenté, tenté, de rattraper la donne avec une spatule, malgré les protestations de Matthew. Redoutant le pire, Matthew avait voulu lui retirer l'engin des doigts. A eux deux, ils n'avaient réussis qu'à donner un aspect penché à la pâtisserie. Sur ce, Arthur s'était vaillamment enfui. Elle était belle l'Angleterre en cuisine.

Et puis, son frère America avait voulu jouer les héros en tournant le plat dans tous les sens. C'était sûrement pour trouver un meilleur angle d'attaque ou une façon ou une autre d'être sûr de le faire tomber au moindre heurt. Il fallait bien rejeter toute la faute de la crème gâchée sur quelqu'un d'autre.

Avant que Matthew ne puisse sauver le dessert, Romano, malgré ses avertissements, fit preuve de sa maladresse habituelle. Et il renversa le plat. Il prit la fuite comme tout bon Italien devant une horreur culinaire.

Feliciano croyant bien faire avait tout nettoyé, il avait même tenu tête à Matthew qui lui avait enlevé tout ce qui lui passait sous les mains. Ce fut en vain ! La cuisine brilla de mille feux en un temps record !

Quand Antonio vint à passer, Matthew crut qu'il arriverait encore quelque chose mais l'espagnol se contenta de sortir les poubelles en sifflotant d'un air distrait.

« Qui…A… Fait…ça ! »

Francis fulminait ! Son dessert qu'il avait préparé avec amour et délicatesse avait disparu ! Et la salle sentait beaucoup trop le propre ! On avait nettoyé sa cuisine à grand renfort de javel et autres produits agressifs alors que le civet mijotait ! Sacrilège ultime ! Et il avait une idée de ce qui était arrivé à son gâteau en constatant l'absence total de poubelles dans sa pièce préférée.

Tout d'abord, ses invités le regardèrent avec un air surpris vraiment surfait. Depuis le temps qu'il hurlait à travers la maison pour les retrouver, ils n'auraient pas dû être aussi étonnés. Feliciano avait les larmes aux yeux, et se rongeait les ongles avec angoisse, il savait quelque chose. Antonio avait l'air plus décontracté que les autres. Arthur évitait son regard. Coupable, Francis en était certain, mais de quoi ? Romano le défiait de dire quoi que ce soit au vu de son air renfrogné, étrange, aurait-il quelque chose à se reprocher ? Alfred avait un sourire crispé, genre j'ai fait une bêtise, je le sais, mais c'est pas moi quand même. Roderich continuait l'air de rien de jouer du piano, suspect ça... Et Matthew était encore plus introuvable que d'habitude, qu'avait-il raté dans l'éducation culinaire de son Canada chéri… Quant à Gilbert, il s'était mis à sourire avec un air niais, les bras en arrière...genre, c'est moi ! Ce sale nettoyeur compulsif et maniaque avait, il avait, il avait lavé sa cuisine de fond en comble alors qu'elle était en pleine activité!

« Prusse, qu'as-tu fait à ma cuisine ! Je m'absente cinq petites minutes, et voilà, le résultat ! »

Antonio ne put s'empêcher de rire.

« Ce n'est pas drôle, Espagne ! C'est une affaire sérieuse !

- J'ai rien fait à ta cuisine, se défendit Gilbert. J'ai… oh, j'aurais pas dû goûter à ton gâteau, se moqua-t-il. Tu t'aurais vu crier comme une fillette juste pour un petit doigt égaré… »

Un bruit étrange de gargouillis étranglé provint de la gorge de Francis ce qui stoppa Gilbert dans son monologue. Non, Gilbert n'était plus son meilleur ami, c'était fini.

« Ah, j'étais sûr que c'était toi, se réjouirent Romano et Arthur en pointant du doigt Gilbert pour détendre l'atmosphère.

- Vous le saviez, vous deux, se reprit Francis. Vous avez fait quoi !

- Mais, j'ai rien fait, c'est le rosbif, le coupable. C'est forcément, lui, t'as vu comment ses sourcils sont encore plus gros que d'habitude… C'est un signe… Et c'est pas moi, j'ai rien fait… Il y avait un écureuil. »

Antonio se mordit le poing puis il se posta près de Romano pour le protéger corps et âme.

« N'importe quoi, c'est Romano… Tu sais très bien que j'ai trop de respect pour toi, jamais, je ne toucherais à l'un de tes plats…

- Par contre, faire le ménage, râla Francis.

- Il y avait un esprit malfaisant dans ta cuisine. Il m'a fait rater ma tentative de sauvetage de ton gâteau. Je voulais lui rendre un aspect lisse. J'ai fait un, deux, trous en forme de palette… C'était artistique ! »

Francis posa sa main sur son front d'un air consterné par autant de bêtise anglaise. Bon, ça partait d'un bon sentiment. Quant à Romano, c'était quoi cette histoire d'animal dans sa cuisine !

« C'est quoi, cette histoire d'écureuil !

- J'y peux rien, il est rentré et il a fait tomber le gâteau par terre !

- Donc, c'est toi qui as nettoyé la cuisine !

- Non, ce n'est pas lui, grand frère Francis, se mit à pleurer Feliciano. Je sais très bien qu'il ne faut pas faire cela comme ça, que tu es contre quand ça cuit, mais il y en avait partout ! Pardonne à mon frère d'avoir fait tomber le gâteau !

- C'était pas moi, c'était l'écureuil !

- Mais, mais oui, c'est ça Romano, se moqua Antonio en caressant les cheveux de l'italien. Je la connais par cœur ton excuse !

- Vous, les italiens, je ne sais pas comment je pourrais vous pardonner !

- J'y peux rien si le gâteau était en équilibre sur la table », cria Romano.

Il y eut un petit moment de silence jusqu'à ce qu'America ne dise :

« Oups ! Le héros a voulu rendre toute sa gloire au gâteau…Et j'y suis pas arrivé !

- Oh, mon Dieu ! Mais c'est une conspiration contre ma cuisine !

- J'ai sorti les poubelles pour t'épargner la vue du carnage.

- Oh, j'ai au moins un véritable ami, ici… »

Autriche se racla la gorge avant de dire d'un air ennuyé.

« Je n'étais au courant de rien, je faisais de la musique.

- Oui, oui, Roderich, je te crois. Tu n'es pas le genre à piquer dans les plats. Où est le petit dernier ?

- Qui ?

- Canada.

- Si ça se trouve, c'est entièrement de sa faute, tenta Romano. C'est un écureuil ?

- Romano, tonna Antonio pour le faire taire. »

Le Canadien arriva dans la salle avec un air malheureux, il accourut dans les bras de son père adoptif en pleurs.

« C'était atroce, j'ai tout vu, et j'ai rien pu faire !

- Là, là, là… Canada, tu n'as encore rien vu… Ce n'était pas Arthur aux commandes de cet acte de sabordage sur mon dessert ! »

Francis respira un bon coup pour se calmer tout en câlinant son fils avant de reprendre la parole :

« Bon, vous êtes tous privés de dessert ! Et demain, aussi, sauf Antonio, Roderich et moi-même ! Et gare à celui qui touchera à mon fraisier ! »