Quand Harry aperçut Malefoy à l'angle du couloir son cœur rata un battement. Malefoy avançait droit vers lui dans sa démarche aristocratique encadré par ses deux gorilles. Un infime instant plus tard leurs yeux se croisèrent.
Le regard hautain de Drago se fit plus tendre et ses magnifiques yeux orageux se remplirent de désir. D'une démarche plus féline il abandonna ses deux gorilles, qui n'existaient déjà plus pour Harry. Il s'approcha de lui en se mordant sensuellement sa lèvre inférieure. Tendrement, comme s'il avait peur de l'effrayer, il apposa doucement sa main sur la joue d'Harry et la caressa du pouce dans un mouvement lent et circulaire.
Le Gryffondor se sentit fondre sous toute cette attention et s'empressa de réduire la distance entre eux. Il attrapa goulûment cette lèvre torturée par son propriétaire entre ses dents, la titillant, la suçotant et l'aspirant avidement avant de prendre enfin possession de sa bouche. Un nouveau duel s'engagea entre les deux ennemis. Une joute sensuelle à vous faire trembler d'appréhension, à vous retourner l'estomac de désir, où la seule conquête du plaisir de l'autre était en jeu.
Leurs cœurs battaient à tout rompre dans une symphonie propre à eux, faisant taire les bruits du monde extérieur. D'ailleurs les deux jeunes hommes n'en avaient que faire des spectateurs tant ils étaient concentrés sur le seul contact de leurs lèvres et de leurs mains qui parcouraient fiévreusement le corps de l'un et de l'autre dans une danse frénétique. Leurs ongles griffèrent le dos à leur portée rapprochant encore plus, si cela était possible, leurs bustes déjà joints dans une parfaite harmonie. Ils ne surent pas exactement quand leurs mains mutines s'étaient évertuées à se glisser sous les hauts d'uniformes, mais à cet instant ils s'en foutaient royalement. Pour Harry la seule chose qui comptait c'était Drago. Drago entrain de gémir sous ses baisers. Drago entrain de mourir de désir sous ses doigts. Drago qui lui répondait à coup de hanche sensuel à son propre désir qui irradiait son bas-ventre.
Au bout de ce qui pouvait paraître une éternité Harry vu Drago s'éloigner de lui dans un dernier gémissement de regret. Dans un dernier regard tendre et empreint de tristesse il s'éloigna de lui pour se retrouver de nouveau encadré par ses deux gardes du corps. Malefoy était de retour. Son corps qui jusque-là était tendu à l'extrême vers Harry reprit sa posture de dédain. Il lui lança un dernier regard empli de dégoût avant de se détourner et d'entrée dans le cachot pour le cours de potion.
D'un air totalement perdu Harry tourna la tête pour interroger silencieusement du regard ses deux meilleurs amis. Hermione détournant les yeux avec un regard triste, lui répondit :
- « Faux ... »
- « Harry mon vieux je sais pas qui a provoqué ton nouveau délire, mais ça avait l'air d'être super chaud à voir ta tête ! » Lança Ron dans toute son ignorance, un grand sourire aux lèvres.
Son ami scruta toutes les filles à proximité pour essayer de déterminer laquelle avait déclenché sa folie. Harry rouge de honte les suivit dans la salle de cours sans répondre. Il n'osait pas croiser le regard d'Hermione qui, à n'en pas douter, connaissait l'origine de son trouble.
Merde ! Fichue potion ! Fichu Neville ! Tout avait commencé il y a dix jours quand Londubat et lui avaient travaillé en binôme sur la potion de désillusion. Une potion qui permet au sorcier qui l'absorbe de voir sans détour ce que cache les sorts d'illusions. Découvrir des passages secrets cachés sous l'apparence d'une tapisserie ou observer l'aspect véritable du plafond de la Grande Salle paraissaient excitant comme ça, mais c'était sans compter sur Neville. Ce dernier avait paniqué quand Rogue dans son habitude de vautour était venu tourner autour de leur table.
La première erreur était venu d'Harry, il fallait le reconnaître. Il avait mis dans la préparation le corps entier de trois cafards au lieu de mettre simplement les viscères. En même temps qui aimait disséquer des cafards, hein ? Puis de toute façon même si Harry s'appliquait Rogue trouvait toujours un moyen de l'emmerder, en l'accusant d'avoir triché s'il réussissait par exemple. Harry avait décidé de ne faire aucun effort, comme ça les heures de colle et les points en moins pour sa maison s'en trouvaient plus justifiables.
La seconde erreur était venu de Neville. A l'approche de Rogue et de ses petits yeux sadiques rivés sur la potion, qui à ce stade arborait une couleur jaune pisse et non bleu indigo comme elle aurait dû, Neville avait bougé frénétiquement sa baguette faisant exploser son contenu qui se répandit sur Harry.
Harry subissait depuis les contrecoups de la potion ratée. Au début c'était plutôt comique. Il se souvint encore de la fois où il avait vu, ou plutôt « imaginé » sous ses yeux hallucinés, un Rogue la bouche en cul-de-poule se tenant sur des talons haut habillé en haute couture, la tête encadrée par ses deux mains entrain de se pencher sur le bureau de Lavande pour lui administrer cent points parce que sa potion était « Ma… Gniii… Fay… Que ». C'était sa première hallucination après son retour de l'infirmerie. Avant ce moment il ne savait pas à quoi s'attendre.
Madame Pomfresh avait été débordé par une épidémie de furoncle chez les premières années, causée par un contact trop prolongé avec une espèce étudiée en cours de Soins aux créatures magiques. Pensant que ce n'était pas trop grave vu sa bonne santé apparente, elle lui avait lancé un sort de nettoyage pour enlever les résidus de potions séchées et l'avait réexpédié en cours, en lui faisant promettre de revenir la voir le soir même pour un examen plus approfondi. Harry avait donc été confronté aux effets de la potion ratée pour la première fois sans en avoir conscience.
Ce fut avec trois heures de colle à nettoyer les chaudrons et cinquante points en moins pour Gryffondor, que furent accueillis par Rogue son fou rire incontrôlé et ses explications insensées décrivant un Rogue au comportement très efféminé …
Après ce fameux cours, un examen approfondi de Pomfresh et un plan d'acte mis en place avec ses deux meilleurs amis Harry avait commencé ses dix jours de calvaires. Il s'avérait qu'il souffrait de la plus grande forme d'hallucination qui puisse exister, celle-ci mettait à contribution tous ses sens et pouvait se déclencher à tout moment, pourvu qu'un individu lambada soit dans le champ de vision d'Harry. Ces visions se fondaient parfaitement dans la réalité et géraient les transitions avec brio, si bien qu'il était compliqué pour Harry de faire la part des choses entre réel et irréel. Notre fameux trio de Gryffondor avaient convenu de passer son état sous secret, et de prévenir Harry si oui ou non il se passait bien sous ses yeux des phénomènes étranges mais réels… Ou pas.
Après d'autres hallucinations plutôt cocas, Harry avec l'aide de ses amis était arrivé à distinguer assez vite le vrai du faux. Cependant il s'amusait à demander à chaque fois confirmation histoire de leur raconter par la suite ses visions. Fou rire assuré à tous les coups ! Malheureusement c'était trop beau pour être vrai, il fallait bien qu'il y ait une bouse de dragon quelque part.
Cette bouse de dragon se manifesta sous les traits de Drago Malefoy. Non content de lui pourrir la vie à chaque instant, il l'avait poursuivi assidûment dans ses rêves éveillés, mais d'une manière bien plus perturbante...
Harry avait appris à le connaître, ou en tout cas « imaginé » apprendre à la connaître. Son toucher, ses lèvres douces et fraîches comme la rosée, son odeur de clou de girofle... Il connaissait même le goût de sa bouche, légèrement mentholée, pour l'avoir visitée à de trop nombreuses reprises.
Cela avait commencé doucement, à tel point qu'il n'avait même pas pensé demander vérification à Ron ou Hermione. Comme cette fois où Neville avait transformé son crapaud en chat immonde recouvert de cloques, et qu'ils avaient tous les deux ris sous cape en échangeant un regard complice sans une once de haine l'histoire de deux secondes. Et d'autres innombrables moments. La première fois où Drago lui avait effleuré délicatement la main. La première fois où il avait surpris sur son visage un air tendre et rêveur avant de détourner les yeux, gêné. La première fois où il lui avait offert un sourire sincère les joues rosies de timidité. Oui toutes ces fois Harry n'avait pas imaginé un instant que cela pouvait-être feint. Tout s'était passé si naturellement, par petites touches éparpillées ...
Puis il y eut cet autre moment, où seul dans un couloir Drago l'avait appelé pour la première fois par son prénom. Harry. Que son prénom lui avait paru merveilleux prononcé par cette voix doucereuse. Ensuite leur premier baiser échangé sur le terrain de Quidditch.
A la fin de son entraînement Drago était apparu et l'avait rejoint pendant qu'il rangeait les équipements en l'aidant sans rien dire. Quand Harry allait s'emparer de la malle contenant les différentes balles de jeux pour les entreposer dans la réserve, il avait senti une légère pression sur son épaule. Harry s'était retourné pour voir Drago à moins d'un pas de lui.
Harry avait été subjugué par la beauté du Serpentard. Il avait admiré ses cheveux blonds blancs légèrement décoiffés par le vent et ses yeux. Oh oui ses yeux. Ses yeux si magnifiques qui s'accordaient avec perfection aux nuages menaçant du ciel. Puis il avait senti la main de Drago se poser délicatement sur sa joue.
- "Harry" avait-il prononcé, si faiblement que son prénom mourut dans le vent.
Pendant de longues secondes Harry avait cru mourir d'appréhension et d'impatience mais il s'était retenu et avait attendu patiemment, ne voulant pas rompre la magie du moment. Prudemment Drago s'était approché et avec douceur avait posé sa bouche sur la sienne, un baiser de papillon tellement léger et tendre qu'il vous laissait frustrer et en même temps pantelant. Tout aussi lentement il s'était écarté et il l'observa sans rien dire, une question muette au fond des yeux. Au bout de quelques secondes d'éternité Drago partit. Il s'enfuit à toutes jambes pour être plus précis.
Hagard Harry l'avait regardé s'échapper, puis avait reporté son attention sur la malle. Quand il avait aperçu que celle-ci était grande ouverte et renversée son cœur n'avait fait qu'un tour.
Le vif d'or était parti et les cognats battaient rageusement dans le ciel orageux. Harry d'abord éberlué avait compris qu'il venait d'halluciner. Pas besoin de Ron ou d'Hermione pour voir la vérité en face, il avait eu devant ses yeux le carnage habituel des "plaisanteries" puérils de Malefoy.
Ce qu'il venait de vivre, ce baiser, n'était que pure fiction. On aurait pu renommer le Garçon-Qui-A-Survécu par le Garçon-Qui-Y-A-Cru. Oui, il y avait sincèrement cru. Il s'était bien fait berner, par lui-même.
Après cet épisode Harry était allé voir Hermione. Il s'était confié à elle sur la nature de ses visions concernant Malefoy, et elle avait tout confirmé. Le toucher doux de sa main n'avait été qu'une bousculade qui l'avait renversé. L'air enjôleur et le sourire qu'il avait cru apercevoir n'avaient été qu'un masque de mépris et une crispation de dégoût à son égard. Aucun acte tendre n'avait jamais était échangé à son encontre. Harry ne pouvait qu'imaginer la fois où il avait entendu son prénom dans la bouche de son ennemi… Malefoy avait du juste l'insulter de balafré ce jour-là.
Le pire dans tout cela s'était qu'à chaque fois il n'avait pas répliqué, il s'était contenté de rougir comme une vierge effarouchée dès que Malefoy l'avait apostrophé, noyé comme il était dans ses fantasmes éveillés. Maintenant, lui disait Hermione, Drago l'ignorait simplement vu qu'il ne répondait plus à ses brimades.
N'était-ce pas ironique ? Harry avait toujours attendu ça et maintenant qu'il avait enfin trouvé la solution pour se faire oublier de son ennemi, il avait un nœud au cœur à cette simple idée. Face au mutisme d'Harry qui revivait toutes ces scènes, Hermione lui avait dit comme pour le rassurer :
- "Je n'ai pas pu voir toutes vos interactions Harry... mais pour l'essentiel c'était ça …"
Mais le rassurer de quoi ? C'était vrai, comment seulement avait-il pu croire à tout cela. Harry en était venu à se demander s'il n'avait pas toujours souhaité ça au fond, sans jamais se l'avouer. Peut-être. Peut-être pas. Il était totalement perdu et ne pouvait s'empêcher, même si cela faisait déjà une semaine qu'il savait la vérité, de se laisser totalement absorber dans ces moments intimes hallucinés volés à son ennemi.
Certes ses fantasmes n'avaient jamais dépassé le dessous de la ceinture, ils étaient de teneur bien plus sentimentaux ; des mots doux, des mains qui se frôlent, des baisers légers ou langoureux … En soi ce n'étaient pas des actes répréhensibles, non ? Rien de bien grave diriez-vous ! Des gestes de tendresses, surtout imaginaire, n'engagent à rien !
Le seul souci était qu'Harry avait appris à apprécier un Drago timide et tendre à l'exact opposé de son ennemi de toujours ; Malefoy. Malefoy et ses blagues douteuses. Malefoy et son air imbu de lui-même. Malefoy et sa haine des moldus. Malefoy et ses brimades subies depuis plusieurs années. Malefoy qui insultait et méprisait ses amis.
Cependant Harry avait fait la part des choses ces dix derniers jours, il aimait Drago. Oui il se l'avouait, certes avec une pointe de réticence. Il aimait Drago. Plus justement, il aimait le Drago de son imagination mais pas Malefoy. Jamais il n'aimerait Malefoy, de cela il en avait la certitude. Aujourd'hui il avait peur que tout cela s'arrête. Il avait peur du jour inévitable où son ennemi juré prendrait la place de son amour. Plus qu'un jour. Il ne lui restait plus qu'un seul jour pour se dire adieu à jamais ...
A suivre ...
