Chapitre Un

Le hibou arriva en fin de matinée, délivrant devant une Lily échevelée une lourde enveloppe marron. Elle remercia le volatile d'un cracker et d'une caresse sur le front, et monta aussitôt s'installer sur son lit. La maison était vide aujourd'hui, ses parents étant partis pour le week-end, et sa sœur Pétunia trop occupée à planifier son mariage prochain avec ses nombreuses futures demoiselles d'honneur. Assise en tailleur, le cœur battant, elle regardait l'enveloppe sans toutefois oser l'ouvrir. Pourtant, elle se doutait bien de ce qu'elle y trouverait. Avec un espoir presque douloureux, elle ne cessait de penser qu'après ces six années de dur travail à Poudlard, la grande école de sorcellerie, elle était enfin remerciée. Elle inspira, et, sans même s'en rendre compte, bloqua ses poumons quand elle se décida enfin à déchirer le papier brun. Un insigne, sur lequel se lisait clairement « Préfète-en-chef » tomba sur ses genoux en un pouf déconcertant.

Elle l'attrapa, et l'inspecta minutieusement comme un démineur devant une bombe particulièrement coriace. Pas de doute, c'était bien celui qu'elle avait vu sur douze chemises différentes depuis sa première année. Elle l'agrafa au t-shirt noir détendu qu'elle portait en guise de pyjama, et, se levant, s'inspecta dans le miroir. Elle bomba le torse, pinça les lèvres, afficha un grand sourire, fronça les sourcils… Une vague d'inquiétude la submergea : est-ce que Lily Evans, la petite née-moldue, aurait-elle l'air aussi légitime que les autres, cachée derrière son insigne ?

Le téléphone sonna. Lily dévala les escaliers pour ne pas manquer l'appel :

- Lily Evans, répondit-elle.

- Lily, c'est Mary. Je viens de recevoir ma liste de fournitures ! Chemin de Traverse cet après-midi, ça te dit ? »

Zut, elle n'avait même pas pensé à lire le courrier qui allait avec l'insigne.

- Je vais bien, merci, rétorqua-t-elle en plaisantant.

Il y eut un humpf renfrogné à l'autre bout du fil, puis la voix de Mary :

- Désolée, dans l'excitation je n'y ai même pas pensé. Alors, cet après-midi ?

- Ok, on se rejoint à deux heures. »

Lily ne put qu'entendre un ok, bisous ! enjoué, puis un clic, et enfin la tonalité annonçant la fin de l'appel. Elle ne put s'empêcher de sourire en pensant à l'état d'hystérie dans lequel devait se trouver son amie à l'idée de sortir enfin de chez elle. Ses parents étant très strictes, ils ne lui permettaient de rejoindre le monde magique qu'à des fins scolaires, autrement dit lorsqu'il s'agissait d'acheter les fournitures obligatoires, puis de se rendre à l'école. Réussir à l'examen de transplanage avait été pour elle une libération : durant une semaine, elle était apparue et réapparue chez chacun de ses amis à des heures indues, jusqu'à ce que ses parents, moldus, se rendent compte de ses absences. L'été était devenu nettement moins amusant.

Comme prévu, Lily arriva sur le Chemin de Traverse à deux heures précises. Au visage crispé d'impatience de Mary, Lily devina qu'elle était arrivée bien en avance.

- Enfin, te voilà ! s'écria la jeune fille blonde. J'ai bien cru que tu ne viendrais jamais.

- Il est deux heures, Mary, répondit Lily en plantant une bise sur la joue de son amie. Deux heures piles. Calme-toi.

- Oui, mais tu n'imagines pas comme je deviens folle chez moi, avec mes parents qui se sont transformés en gardiens d'Azkaban. Je te jure, un jour ils vont me faire le Baiser pendant mon sommeil, et en me réveillant je ne serai plus que l'ombre de moi-même. Problème réglé !

Lily éclata de rire.

- C'est bon de te retrouver, Mary, dit-elle en attrapant son bras. Bon, par où on commence ?


Les deux adolescentes parcoururent le Chemin de traverse en long et en large, les bras de plus en plus chargés par des sacs lourds de plumes neuves, de nouvelles robes à leur taille et d'ustensiles de potions en tous genres. L'après-midi passa à une vitesse folle. Lily avait toujours adoré passer du temps avec Mary justement pour cette raison : elle avait cette vivacité qui donnait l'impression d'être en compétition constante avec le temps. La jeune fille blonde, si jolie et pétillante, riait plus fort que les autres, marchait plus vite, avait un sourire plus grand, et rendait chaque instant irrésistible. Lily, loin d'être une rabat-joie, n'avait pas cette vivacité constante qui rendait Mary si populaire. Un brin cynique, voire un peu snob en apparence, elle et son insigne de préfète (que dire maintenant qu'elle serait à la tête de l'escadron !) pouvaient avoir l'air moins accessible. Et puis, la conversation n'était pas son fort. Elle savait plus écouter que discuter, elle trouvait difficilement les mots pour rebondir d'un sujet à un autre (à part pour fermer son caquet à cet abruti de Potter lorsqu'il devenait trop sûr de lui, et même là, elle passait souvent l'heure qui suivait l'altercation à se dire qu'elle aurait plutôt dû répondre ceci ou cela). Mary, elle, avait une aisance naturelle dans toutes les situations. De fait, elle changeait régulièrement de petit ami et avait cet incroyable talent de savoir rester en bon terme avec presque chacun d'eux, quand Lily, elle, préférait s'enticher d'un beau garçon, le laisser approcher, puis rebrousser chemin lorsque les choses devenaient sérieuses. Ce qui finissait invariablement en quelques flirts et coups d'un soir qui ne résultaient jamais à rien.

La première boutique vers laquelle elles se dirigèrent fut la librairie. Il y avait la queue à l'entrée.

- Qu'est-ce qui se passe ? demanda Mary à la personne située devant elle.

- Les nouveaux ordres du Ministère. Quiconque veut rentrer dans un lieu public doit présenter sa baguette et ses avant-bras.

- Ses avant-bras ?

- Pour la marque de Vous-Savez-Qui. D'après moi, c'est ridicule, mais si ça rassure les gens...

Lily et Mary échangèrent un regard sceptique. Elles savaient que depuis un peu plus de deux ans, des évènements dramatiques avaient eu lieu dans tout le pays, des crimes perpétrés en majorité contre les nés-moldus comme elles, et ceux qui affichaient leur sympathie pour les moldus. Les coupables agissaient en bande organisée sous les ordres d'un sorcier puissant du nom de Voldemort. Mais Lily avait remarqué que ces derniers mois, les gens, apeurés, avaient pris l'habitude de ne plus le nommer. Lorsque ce fut leur tour, un sorcier à l'air ennuyé leur demanda leurs baguettes. Il vérifia le dernier sortilège qui en était sorti.

- Vos bras, s'il vous plaît, exigea-t-il.

Lily et Mary s'exécutèrent et tendirent les avant-bras.

- C'est bon, allez-y.

Ce fut la même mascarade à chaque boutique.

- Ils comptent vraiment arrêter des gens en faisant ça ? demanda Mary, excédée, après quatre présentations.

- A mon avis, c'est plus pour donner l'illusion de faire quelque chose, de contrôler la situation.

- N'importe quelle personne intelligente peut voir que c'est n'importe quoi.

Lily haussa les épaules.

Les deux jeunes filles croisèrent dans différentes boutiques d'autres élèves de Poudlard qu'elles connaissaient plus ou moins, certains issus de Gryffondor, leur propre maison, comme Marlene McKinnon, ou d'autres maisons comme le préfet Herbert Simmons de Poufsouffle. A cinq heures, épuisées, Lily et Mary posèrent leurs sacs encombrants sur les chaises du glacier Florian Fortarome (après avoir tendu bras et baguettes devant une sorcière désagréable), et s'installèrent côte à côte.

- Bon, Madame la Préfète-en-Chef, qu'est-ce qu'on commande ? demanda Mary, un sourire narquois sur le visage.

Elle avait pris la décision, sitôt mise au courant de la promotion de son amie, de l'appeler désormais ainsi. Lily grimaça.

- Tu m'agaces. Je vais prendre deux boules vanille et cannelle. Avec de la chantilly…

- Très bon choix, Evans !

Lily leva la tête de la carte des parfums de glace. Elle avait reconnu cette voix, et se tendit avant même de croiser son regard. Sirius Black. Et aussi improbable que cela eût pu paraître, il n'était pas accompagné de son acolyte honni de Lily : James Potter. Ce dernier faisait la cour à la jolie rousse depuis leur première année à Poudlard, et la jeune fille en était arrivée au point où sa simple présence lui provoquait des plaques d'eczéma de la taille d'un souaffle.

- Qu'est-ce que tu veux, Black ? maugréa Lily, regrettant déjà de l'avoir regardé.

L'indésirable attrapa une chaise, la retourna et s'assit à califourchon dessus, posant son menton sur le dossier. Il haussa les sourcils exagérément, et en voyant qu'il n'avait aucune réaction de la part de son audience, il se redressa.

- Bien que ton joli sourire suffise à mon bonheur, Evans, je suis là pour vous inviter à la soirée du siècle. Quelle chance de vous avoir croisées ici toutes les deux, sinon j'aurais dû envoyer Peter sonner chez vous.

- Comme c'est étonnant : Black qui envoie ses sbires faire les choses à sa place, ricana Mary.

- Tut tut, McDonald, où je pourrais changer d'avis, et vous manqueriez l'évènement de l'année.

- Et qu'est-ce qui te dit qu'on veut y aller ?

- Ça, je suis sûre que vous voulez y être. Demain soir, chez James, vous savez toutes les deux où c'est, j'imagine ?

Lily et Mary haussèrent toutes deux un sourcil.

- Ah. Zut. Bon, alors, c'est au numéro…

- Pas moyen que j'aille chez Potter, le coupa Lily.

Black souffla et passa une main dans ses cheveux : un tic exaspérant qu'il partageait avec Potter. En vérité, ce même tic avait permis leur consécration au titre de garçons les plus populaires de l'école, admirés et vénérés par les sept huitièmes de la gente féminine de Poudlard (en comptant malheureusement certains professeurs). Inutile de préciser que Lily se situait dans le pauvre huitième restant.

- Allez Evans, tout le monde sera là. J'ai invité tous ceux que j'ai pu croiser aujourd'hui, et je suis là depuis midi. Et Remus, lui, a vu Rob Hart, et il lui a assuré qu'il viendrait, à condition que tu sois là. J'ai entendu dire que tu avais le béguin pour lui depuis la fin de l'année dernière et…

- Chut ! s'écria Lily, paniquée et rouge comme jamais. D'où est-ce que tu sors cette info ?

A sa droite, Mary baissa la tête vers ses jolis bottines en daim. Lily écarquilla les yeux en articulant silencieusement un Quoi ?! outré.

- J'ai juste dit que tu le trouvais sympa, c'est tout ! s'excusa la blonde, un peu trop fort au goût de Lily qui redoutait que tout le Chemin de Traverse soit désormais au courant.

Pendant ce temps, Sirius Black s'était levé, avait rangé sa chaise et s'était éloigné à reculons en chantonnant : « A demain les filles ! Ne soyez pas en retard ! ». Lorsqu'il se retourna pour définitivement s'en aller, Lily prit sa tête entre les mains et maugréa :

- Je n'arrive pas à croire que tu aies dit que j'avais le béguin pour Hart. Tu m'avais promis ! rajouta-t-elle en tournant la tête vers Mary, les mains toujours de part et d'autre de son front.

- Je saiiiis ! Je t'assure que je n'ai pas fait exprès. C'est venu dans la conversation, et puis de toute façon on s'en fiche, non ?

Lily écarquilla les yeux.

- Mais si, on s'en fiche ! s'enthousiasma Mary. Black a dit à Lupin que Hart avait dit que… Ouch, c'est compliqué ça. Bref, Hart a dit qu'il venait à la soirée, et qu'il voulait t'y voir. Donc c'est qu'il craque aussi sur toi ! Tu vois que j'ai bien fait de vendre la mèche ? termina-t-elle, un sourire suppliant sur son visage de poupée.

Lily ne put s'empêcher d'esquisser un léger sourire à son tour.

- D'accord, acquiesça-t-elle, mais on y va ensemble, et on rentre ensemble.


Elle se réveilla le lendemain matin avec un sentiment d'angoisse mêlé d'excitation. Robert Hart, un Serdaigle qui avait fini ses études l'année précédente, un né-moldu comme elle, au style un peu hippy avec ses cheveux blonds mi-longs et ses bracelets de cuir, l'attirait beaucoup. Elle avait vainement essayé de lui montrer l'année passée, mais derrière ses airs sûrs de préfète, Lily était surtout d'une grande maladresse, et elle s'était retrouvée par deux fois à lui demander l'heure sans rien dire de plus. Elle se doutait bien qu'il avait compris, mais elle n'avait pas imaginé qu'il puisse s'intéresser à elle une seconde. Pourquoi maintenant ? Peut-être avait-il réalisé qu'il se recroiseraient plus au détour d'un couloir, dorénavant. Et puis, le cadre de l'école se prêtait d'après Lily assez peu aux aventures adolescentes. Ce soir, enfin, et ce d'après la théorie de Mary, il semblait improbable qu'elle termine la soirée sans au moins l'embrasser, et l'idée la remplissait autant de joie que d'effroi.

En pensant à la situation, Lily se mit à rire : quelle ironie, que de se rendre chez le garçon qui la harcelait depuis toujours, en espérant finir avec un autre.

- Moi qui croyais que tu ne pouvais pas être plus tarée, voilà que tu te mets à glousser toute seule.

Pétunia. La sœur aînée de Lily, grande blonde tirée à quatre épingles, aux lèvres pincées de dédain dès que sa cadette se trouvait dans la même pièce, venait d'ouvrir le frigo sans même adresser un regard à l'objet de son mépris. Lily, attablée devant un bol de céréales colorées, ne prit pas la peine de répondre. Les petites piques mesquines, voire les franches altercations, étaient devenues le quotidien des deux sœurs depuis maintenant deux ou trois ans. Après que Lily eût reçu sa lettre d'admission à Poudlard, la gêne cordiale de Pétunia s'était transformée en colère outrée, puis en mépris hautain. Lily s'y était habituée, et ne manquait pas, de temps en temps, de remettre sa sœur à sa place en la menaçant d'un sortilège bien placé. Sans mot dire, Pétunia remonta dans sa chambre, tandis que Lily la suivait du regard en soupirant, consternée.

Mary arriverait chez les Evans en début de soirée pour permettre aux deux jeunes filles de se préparer ensemble. Elle avait dû raconter à ses parents que ceux de Lily l'avaient invitée à dîner pour fêter la promotion de leur fille, et que pour plus de commodités, elle resterait dormir là-bas. Si Mr. et Mrs. Macdonald avaient été dubitatifs, ils n'en avaient rien laissé paraître.

La journée fut d'une lenteur indicible. Lily alterna entre les ravissements idiots de la télévision, ses livres de cours qu'elle ne parvenait à lire qu'en diagonale, et les quelques CDs qu'elle avait acheté dernièrement en espérant se remettre à la page de la culture moldue. Enfin, à dix-huit heures précises, Mary se matérialisa dans sa chambre, encombrée de deux sacs de shopping apparemment pleins à craquer.

- Qu'est-ce que… commença Lily, mais son amie la coupa aussitôt :

- Bon, j'ai amené tout le nécessaire pour ce soir, dit-elle, sans même dire bonjour encore une fois, des tenues (elle posa lourdement un des deux sacs sur le lit, en déballant ce qui s'y trouvait, soit un amas incroyable de robes, jeans, bottes à franges, tuniques à fleurs), encore des tenues (elle posa le deuxièmes sac), et du maquillage, des accessoires…

Le lit de Lily fut bientôt invisible sous la tonne de vêtements, chaussures et colliers qui l'avaient envahi. La jeune rousse sentait le fou rire monter à mesure que Mary, imperturbable, déblatérait sur les possibles combinaisons vestimentaires. Pétunia se chargea de la stopper en faisant irruption dans la chambre:

- Combien de fois vais-je devoir le dire ?! Il y a une porte ! Les gens normaux passent par la PORTE ! Ils ne sortent pas de nulle part pour….

Lily s'était levée pour la repousser gentiment vers la sortie.

- Oui, oui Pétunia, on y pensera, dit-elle avec un sourire, puis elle ferma la porte. Un petit cri courroucé survint du couloir, puis les pas énervés de la sœur aînée qui s'en retournait vers sa chambre.

- Bon, Mary, on reprend. Mais doucement cette fois-ci.


A vingt-deux heures, Lily et Mary utilisèrent la cheminée pour apparaître chez James Potter. Pendant bien deux heures, elles avaient essayé et retiré un bon nombre de tenues, avant de jeter leur dévolu sur un short court taille haute avec un t-shirt noir noué sur le ventre et des sandales à plateformes pour Mary, et sur une longue robe à bretelles et fines fleurs pour Lily. Pour se donner du courage, elles avaient bu deux ou trois verres dans la chambre de Lily, gloussant toujours plus à mesure que leur taux d'alcoolémie augmentait. Lily ne parvenait à tenir l'alcool sur la durée que parce qu'elle savait s'arrêter à intervalles réguliers : en bref, elle était ivre très vite, mais suffisamment longtemps pour ne pas en avoir honte avant la fin de la soirée. Mary, elle, malgré sa fine carrure, buvait autant que les joueurs de Quidditch et finissait souvent en vociférant des insanités à leur encontre quand elle constatait qu'il ne restait plus qu'elle debout.

Ainsi, ce furent une Lily et une Mary passablement éméchées qui atterrirent, chancelantes, dans le salon des Potter. C'était une pièce immense à haut plafond, où peut-être une trentaine d'étudiants, tous de Poudlard au premier coup d'œil, discutaient à un volume plus ou moins élevé pour pouvoir concurrencer la musique.

- Evans ! Macdonald !

James Potter se dirigeait droit vers elles. Le premier réflexe de Lily fut de vouloir fuir, mais Mary avait déjà affiché son plus beau sourire d'adolescente ivre pour saluer le jeune homme. Potter arborait une chemise à carreaux à moitié rentrée dans son jean, manches retroussées, et ses cheveux étaient plus en bataille que jamais.

- Soyez les bienvenues dans mon humble demeure, dit-il en effectuant une révérence. Les boissons sont là-bas au fond (il pointa vers plusieurs destinations à la fois), les victuailles avec. Si la musique vous déplait, adressez-vous au DJ, mais je ne suis pas sûr que…

- Evans ! Tu vois que tu es venue ! s'exclama Black en entourant les épaules de Lily de son bras, bras dont elle se détacha vite. Regarde Cornedrue, elle est là !

- Oui, nous sommes là, répondit Mary, vexée de ne pas avoir été saluée aussi. Vous avez invité du monde à ce que je vois.

- Et encore, il en manque, répondit Potter après avoir jeté un regard meurtrier à son ami. Certains doivent arriver après minuit, ils avaient déjà une soirée.

- Tant pis, ils manqueront la grande annonce ! commenta Black, un grand sourire sur son beau visage.

Lily n'essaya même pas de comprendre de quoi ils parlaient, et de toute façon, elle voulait s'échapper avant d'être coincée avec Potter. L'alcool qui pulsait dans ses veines (ou alors était-ce la musique ?) la fit s'écarte du groupe et se diriger comme par automatisme vers le buffet qu'elle put apercevoir au loin. Elle s'y servit un verre et engloutit une mini-pizza, ravie. Elle inspecta la pièce du regard. Elle connaissait chaque visage, certains un peu plus que d'autres, mais elle était en terrain connu. En revanche, pas de trace de Rob Hart. Mary la rejoignit pour se servir à son tour un verre, et ensemble elles allèrent saluer ceux dont elles appréciaient la présence. Elles passèrent la demi-heure qui suivit à passer d'une conversation à une autre, dansant de temps de temps, buvant plus souvent. Elles sautillèrent sur les morceaux qu'elles aimaient, riant de leur bêtise, chacune cramponnée au bras de l'autre. Jusqu'à ce que la musique s'éteigne et que Black, éternel fou du roi, demande l'attention de chacun.

- Votre hôte a une annonce à vous faire ! annonça-t-il d'une voix magiquement amplifiée.

James Potter se racla la gorge, puis monta sur une chaise que Black lui avait apportée.

- Mesdemoiselles, messieurs, si je vous ai tous invités ici ce soir, c'est pour vous entretenir d'une information de la plus haute importance. Il semblerait qu'après des années d'errance notre chère école qu'est Poudlard soit enfin revenue à la raison. J'ai l'honneur de vous annoncer que moi, James Potter, je serai votre nouveau Préfet-en-Chef cette année !

- Ce qui veut dire : fêtes toute l'année ! ajouta Black en passant son bras autour des épaules de son ami.

- Peut-être pas toute l'année…

- Mais bien plus qu'avant !

La nouvelle fut accueillie avec des applaudissements tonitruants et des cris de joie qui furent vite couverts par le retour de la musique. Potter salua son public puis arpenta la salle en long et en large, serrant des mains, tapant des épaules, recevant des bises. Lily resta figée, son verre à la main, incapable de réagir.

C'était un cauchemar.

James Potter évita Lily toute la soirée. Du moins, c'est l'impression qu'elle eut, dans le flou alcoolisé qu'était devenu son monde. Plusieurs fois elle crut le voir rebrousser chemin lorsqu'il l'eut aperçue, et elle eut presque envie de tirer rageusement sur sa chemise pour le forcer à la regarder. Elle ne savait même pas pourquoi elle s'en formalisait après tout, elle n'avait pas la moindre envie de discuter avec Potter, et encore moins de leur future collaboration forcée. Mais elle était vexée de voir qu'il ne l'avait pas gratifiée du moindre regard, alors que la Préfète-en-Chef, c'était tout de même elle.

Heureusement, Rob Hart arriva enfin, et James Potter et ses affronts ne furent plus qu'un vilain souvenir. Si beau dans son jean un peu moulant et son t-shirt coloré, ses cheveux blond paille détachés, l'ombre d'une barbe naissante sur les joues, Rob avait pour Lily des airs de rock star. Il semblait être le seul homme de l'assemblée, au milieu de tous ces adolescents. De loin, elle le regarda se débarrasser de sa veste en daim, puis scanner la pièce de ses yeux bleus. Lily pria pour croiser son regard, et c'est ce qu'il fit. A peine avait-il pris connaissance de sa présence qu'il se dirigeait vers elle, saluant sur son passage les autres élèves de Poudlard.

- Salut, Lily, fit-il en arrivant à son niveau. Tu es superbe ce soir. J'espérais que tu serais là.

La concernée se sentit rougir.

- Merci. Tu es… très bien, aussi.

- Comment se passe la soirée ?

- Hum, bien. Bien. Euh…

Quelle horreur. Il était enfin là, et elle ne trouvait rien à répondre. Reprends-toi, Lily.

- Alors, qu'est-ce que tu vas faire maintenant que tu as quitté Poudlard ? demanda-t-elle.

- J'avais fait une demande pour un poste à la Gazette du Sorcier, mais elle a été refusée. Du coup, j'ai peut-être un plan pour être chroniqueur au Parchemin Vert, une revue de botanique. Ce n'est pas palpitant, mais comme j'ai eu un O aux Aspics dans cette matière, les rédacteurs sont plutôt intéressés par mon profil.

- C'est super ! Et puis, ça peut sûrement te permettre de gagner de l'expérience pour retenter ta chance à la Gazette plus tard.

- Oui, c'est ce que je me dis aussi. Et toi, je suppose tu es la nouvelle Préfète-en-Chef ? J'aurais du mal à imaginer qu'ils aient pu choisir quelqu'un d'autre.

Lily gloussa légèrement, à sa grande honte.

- Touché. La véritable surprise, c'est plutôt qui ils ont choisi comme Préfet-en-Chef.

Devant l'œil interrogateur de Rob, elle ajouta :

- Mais oui, tu viens juste d'arriver.

Et puis, voyant leur hôte non loin :

- Ah, tiens, demande à Potter, il t'en dira plus que moi.

Lorsqu'il entendit son nom, James Potter se retourna vers Lily et Rob. Il vint saluer le nouvel arrivant, qui lui demanda :

- Lily me dit que tu sais qui partage avec elle la direction des Préfets cette année ?

- Eh oui, c'est moi. D'ailleurs, désolé pour ça, Lily. J'imagine que tu aurais préféré quelqu'un de plus… à ton goût. J'essayais de te laisser le temps de digérer la nouvelle avant de venir en discuter avec toi.

Rob eut l'air profondément étonné tandis que Lily, d'une mauvaise foi affligeante, haussait les épaules pour faire comme si l'indifférence feinte de James ne l'avait pas touchée.

- Toi ? C'est toi le Préfet-en-Chef ? demanda alors Rob.

Lily eut soudain envie de rire du ridicule de la situation. Entendre quelqu'un d'autre prononcer cette phrase lui donnait comme une impression d'irréalité : l'école avait dû avoir de vraies difficultés pour en arriver à faire un choix qui eut si peu de sens.

James acquiesça.

- J'avoue que j'ai moi-même été étonné. Lily, c'était un choix évident, mais moi…

- C'est audacieux, on va dire, répondit Rob en riant légèrement. Peut-être que tu rendras le poste moins austère.

Lily fut presque vexée. Parce qu'elle, elle n'avait pas ce qu'il fallait pour ajouter un peu de vie aux tâches des Préfets-en-Chef ? Ce qui était austère, ça lui allait bien ? Avant même de s'en rendre compte, elle avait poussé un petit Eh ! outré.

- Désolé, Lily. Tu vois ce que je veux dire.

A vrai dire, non, elle ne voyait pas, mais elle n'avait pas vraiment envie de creuser. Mue par une envie et une audace en partie due à son état d'ébriété un peu plus avancé, elle attrapa le bras de Rob et l'entraîna avec elle vers la piste de danse en lançant un vague :

- Bon Potter, bonne soirée !

Voilà, agir sans réfléchir, instinctivement. Et puis, Rob n'avait pas l'air de s'y opposer il laissa Lily placer ses mains sur sa nuque et remuer en rythme. A ce stade de la soirée, elle savait bien qu'elle était ivre. Elle sentit la main de Rob se poser sur son bassin, et il resserra leur étreinte. Ils discuteraient plus tard, en fin de compte. Lily, grisée par la musique et la présence du garçon qui la faisait rêver, fléchit légèrement les genoux et ondula du bassin, très vite suivie par son partenaire. Elle entendit des Ouuuuh autour d'elle, mais elle n'y fit presque pas attention. Elle sentait la cuisse de Rob contre son entre-jambe, effectuant des pressions régulières à mesure qu'ils remuaient, et elle se doutait bien que sa propre cuisse devait produire un effet semblable. La main posée sur son bassin avait agrippée sa robe, et les doigts semblaient mus par une envie de partir visiter ce qu'il y avait en-dessous. Lily leva la tête et regarda Rob droit dans les yeux. Maintenant qu'il n'y avait plus à discuter, ou à faire semblant d'entretenir une conversation, elle savait parfaitement ce qu'elle faisait.

- Tu vas me rendre fou, dit Rob à son oreille.

Elle l'embrassa sans réfléchir. Il embrassait aussi bien que dans ses fantasmes, peut-être même mieux. Lily sentit la main de Rob s'aventurer vers ses fesses, puis il rompit le baiser, et, toujours à son oreille, il dit :

- Ça te dit qu'on…

Lily hocha la tête avant même de connaître la fin de la phrase, qui ne vient jamais. Rob planta un léger baiser sur les lèvres de la jeune fille, lui prit la main, et l'attira vers un couloir derrière eux. Peut-être connaissait-il déjà les yeux, peut-être fut-ce le hasard, car la première pièce dans laquelle ils pénétrèrent s'avéra être un grand bureau sombre, qu'il verrouilla de sa baguette. Lily, qui s'était approchée d'une étagère pour regarder les bibelots sans noms posés dessus, sentit derrière elle deux bras entourer son ventre, puis une joue légèrement piquante caresser la sienne. Elle se retourna et embrassa Rob en plaçant ses deux mains sur sa nuque, d'abord doucement, puis avec plus de ferveur tandis qu'elle sentait les doigts du garçon attraper sa robe et la soulever petit à petit, d'une lenteur grisante qui donna à Lily l'envie soudaine d'arracher elle-même son vêtement. Pourquoi avait-elle choisi une robe longue, déjà ? Rob dut être saisi du même désir, car il repoussa Lily une seconde, et tira franchement la robe vers le haut, laissant la jolie rousse en sous-vêtement, pantelante. Il la regarda de haut en bas, marmonnant un Putain…, et, mus par le même instinct, Rob et Lily se jetèrent presque l'un sur l'autre, s'embrassant avec fougue, parcourant des mains le corps de l'autre. Lily le débarrassa de son t-shirt, ouvrit avec peine le premier bouton de son jeans et sans plus de formalité fourra sa main dans le caleçon et s'appliqua à le caresser. Il grogna de plaisir, tendant légèrement le cou en arrière pour revenir l'embrasser aussitôt, d'abord les lèvres, puis le menton, le cou, l'omoplate, puis ses seins blancs et fermes qu'il libéra du soutien-gorge pour en prendre un en bouche. Lily gémit à son tour, arrêtant ses caresses un instant pour savourer celles qu'on lui prodiguait. Rob en profita pour descendre par ses baisers jusqu'à son nombril, puis plus bas, et Lily sentit une vague de chaleur et de bien être l'envahir quand son compagnon fit glisser le sous-vêtement vers le sol. Il l'amena à soupirer et gémir, s'activant à lui procurer un plaisir qu'elle avait rarement connu.

Puis, au bout de ce qui sembla être une seconde comme une heure, il souleva Lily contre ses hanches, tout en embrassa la base de son cou, et il la déposa sur la banquette contre le mur du fond. Il s'allongea doucement sur elle. Sa peau était brûlante, à moins que ce fût celle de Lily ? Ils s'embrassèrent lentement tandis que Rob s'introduisait en elle. Il la regarda droit dans les yeux quand il fut sûr d'avoir trouvé la bonne position, comme soucieux d'obtenir un accord qu'il avait déjà gagné alors qu'ils ne faisaient que danser. Lily hocha la tête, le souffle court, et se cambra soudain de plaisir quand Rob commença ses va-et-vient.

Ils gémirent et grognèrent à l'unisson, leur deux corps ne faisant qu'un dans l'obscurité du bureau des Potter. Lily sentait la sueur de la peau de Rob contre la sienne, et ses cheveux blonds qui lui caressaient le visage elle avait l'impression floue de griffer ses fesses par la pression qu'elle exerçait dessus de ses doigts, mais tout avait comme l'air irréel. Il embrassa ses lèvres, ses seins, une fois même son front, remarqua-t-elle avec surprise, et il la regardait comme si elle avait été une déesse de luxure. Lily sut qu'il finissait lorsque son dos se raidit et qu'il se tut soudain, pour enfin se détendre. Ils s'embrassèrent presque tendrement alors Rob se leva, et les deux amants d'un soir se rhabillèrent en silence.

- Vas-y, je te rejoins, dit Lily en se plantant devant le miroir pour réajuster son maquillage et ses cheveux.

Il acquiesça en silence. Lily frotta légèrement sous son œil les taches noires de mascara. La glace lui renvoyer l'image d'une adolescente au visage qui s'était affiné ces derniers mois, laissant devenir la femme qu'elle devenait petit à petit. Elle soupira, peu sûre de la marche à suivre maintenant. Est-ce qu'elle revenait dans le salon, et faisait comme si rien n'était arrivé ? Elle se servirait un verre, retrouverait Mary, et l'accompagnerait dans le jeu à boire qu'elle avait sûrement déjà commencé. Ou elle se placerait à côté de Rob et ses amis, signifiant ainsi qu'elle ne lui avait pas permis de disposer de son corps pour juste vingt minutes. Pour elle-même, elle haussa les épaules, puis sortit de la pièce. A peine avait-elle pénétré dans le couloir qu'elle se cogna contre un torse dur.

- Oh ! pardon ! s'écria-t-elle en redressant la tête.

C'était James. Les yeux brillants, les cheveux toujours plus en bataille, si c'était possible. Sa chemise à carreau était maintenant entièrement sortie de son de pantalon.

- Ah, c'est toi, dit-elle.

- Ouais, désolé.

Etrangement, il la regarda à peine et reprit son chemin dans la direction opposée à celle du salon. Alors qu'elle pensait qu'il était parti, la voix de l'adolescent s'éleva à nouveau, froide comme elle l'avait rarement entendue.

- C'était bien ? demanda-t-il simplement.

Sur le coup, Lily ne vit pas où il voulait en venir.

- Quoi ?

- Laisse tomber.

Et il s'engouffra dans une pièce. Lorsqu'elle comprit enfin ce qu'il avait voulu dire, Lily se sentit rougir de rage. Comment osait-il ? Furieuse, elle le suivit et rentra à son tour dans la pièce, qui s'avéra être une salle de bain. James se passait de l'eau sur les yeux.

- Hé ! s'exclama-t-elle en se plaçant derrière lui, si bien qu'elle ne voyait son visage que dans la glace au-dessus du lavabo. Pour qui tu te prends, hein ? Qu'est-ce qui te fait croire que tu as le droit de me juger comme ça ?

- Je t'ai juste demandé si c'était bien, Evans, rien d'autre.

- Eh bien oui, c'était bien !

Elle n'était même pas sûre de savoir pourquoi elle criait, mais elle se sentait tellement… insultée, par la question de Potter.

- Si j'avais su, j'aurais commencé par là, dit-il en se retournant et en la regardant droit dans les yeux, comme par défi. Quoi qu'à douze ans, ç'aurait peut-être été un peu tôt, tu ne penses pas ?

Elle eut envie de le gifler.

- Tu n'es qu'une ignoble créature, siffla-t-elle. Quand je pense qu'on va devoir travailler ensemble cette année, je… je…

Elle était à court de mots. Alors qu'elle avait attendu depuis sa première année d'être sacrée Préfète-en-Chef, et depuis plusieurs mois d'être remarquée par Rob, James Potter réussissait à saper toute sa satisfaction en l'espace d'une soirée.

- Et quand je pense que je n'ai juré que par toi pendant des années. Et toi, tu te fais prendre par le premier venu dans ma propre maison. Dans le bureau de mes parents.

- Tu me dégoûtes, cracha-t-elle.

Et elle sortit de la pièce. Elle n'aurait rien pu répondre d'autre. Elle avait envie de hurler, mais surtout, elle l'idée la faisait enrager toujours plus, de pleurer. Sa première destination fut le buffet de boissons. La bouteille de Firewiskey attira aussitôt son regard elle s'en servit un grand gobelet. La première gorgée, comme prévu, fit l'effet d'une boule de feu dévalant son gosier. Apercevant Mary occupée à discuter avec trois autres filles, des Serdaigle, Lily quitta le buffet et se précipita vers elle pour lui agripper le bras.

- Aïe ! s'exclama Mary. Mais qu'est-ce qui t'arrive, bon sang ?

- J'ai envie de rentrer, annonça Lily.

- Quoi ? Maintenant ? Mais on vient juste d'arriver !

- Oui, maintenant. Vraiment, Mary, je veux rentrer.

- Mais Lily, il est à peine…

Mary ne regarda même pas sa montre. Le regard suppliant que lui jeta Lily suffit à la persuader. Cette dernière, en s'apprêtant à transplaner, ne remarqua même pas le geste que Rob fit vers elle pour attirer son attention, ni même le regard dégoûté que lui adressait James.