Chapitre 1 : Désillusionné
Aphrodi finit de se préparer avec hâte. Il vérifia sa coiffure et le nœud de la cravate de son tout nouvel uniforme dans le miroir. Satisfait de ce qu'il y vit, l'adolescent saisit ensuite son sac avant de quitter sa chambre sur la pointe des pieds ; sa mère était probablement toujours endormie. Dans l'entrée, il mit ses chaussures, puis prit une grande inspiration avant d'ouvrir la porte et de s'engouffrer dehors.
Il faisait frais pour un mois d'avril et les cerisiers qui bordaient la rue tardaient à fleurir. Néanmoins, Aphrodi avait le sourire aux lèvres tandis qu'il se dirigeait vers la station de métro. Le paysage n'était pas exactement comme il l'avait espéré mais qu'importait. L'essentiel était ce qu'il trouverait au bout du chemin.
Debout sur le quai parmi les autres usagers du métro, le garçon se sentit empli de nostalgie en entendant les conversations en japonais tout autour de lui. Cela ne faisait que trois semaines qu'il était revenu dans le pays natal de sa mère, quittant sa propre contrée d'enfance. Il ne regrettait en rien cette décision ; le Japon lui avait beaucoup trop manqué.
En montant dans le premier wagon du métro, Aphrodi ne fut pas surpris de constater qu'aucun des adolescents présents ne portait le même uniforme que lui. Après tout, son nouveau lycée se trouvait bien loin de chez lui ; il allait devoir parcourir les trois quarts de la ligne. Le jeune blond se cala dans un coin du wagon, près d'une fenêtre. Il sortit son téléphone de sa poche et regarda son fond d'écran. Un large sourire se dessina sur ses lèvres. Bientôt, il reverrait le garçon au bras duquel il était accroché. Le pouce d'Aphrodi caressa tendrement l'écran.
"Hera…" murmura-t-il.
Ils ne s'étaient pas vus ni ne s'étaient parlé depuis plus d'une année, mais Aphrodi était confient que Hera l'accueillerait à bras ouverts ; et il tenait à ce que son retour soit une surprise. A part ses camarades de Corée du Sud, personne ne savait encore qu'Aphrodi était revenu au Japon.
Au fil des stations, des adolescents portant l'uniforme du lycée d'Aphrodi montaient dans le wagon. Le jeune blond leva les yeux de son téléphone et se demanda combien d'entre eux étaient des premières années comme lui.
A sa station, Aphrodi suivit le flot de lycéen, réalisant qu'il n'aurait aucun mal à trouver son nouvel établissement de cette façon. Le lycée n'était pas très loin ; il suffisait de suivre une avenue bordée de petits magasins. Les commerçants commençaient à ouvrir leurs boutiques et les marchands de primeurs vantaient déjà leurs produits. Aphrodi s'arrêta devant un étal de fruit et choisit une pomme rouge. Il la dégusta en reprenant son chemin. Tout en se délectant de sa pomme, il regardait autour de lui, cherchant à apercevoir Hera dans la foule, sans succès. Mais ce n'était pas grave, ils se retrouveraient bien assez tôt.
Tous les élèves de première année se devaient d'assister à la cérémonie d'accueil des nouveaux élèves qui avait lieu dans le gymnase. L'emplacement du bâtiment était indiqué par de nombreux panneaux et Aphrodi se retrouva bientôt assis sur une chaise parmi l'assemblée d'adolescents. Certains semblaient se connaitre et formaient des groupes. D'autres étaient isolés et paraissaient angoissés. Le jeune blond se sentait impatient. Il avait déjà hâte que la cérémonie se termine pour pouvoir foncer retrouver son ami.
Les discours du proviseur de l'établissement et de la présidente des élèves se succédèrent sans qu'Aphrodi n'y prête attention. Quand la cérémonie fut terminée, il fut l'un des premiers dehors. Il voulait tout de suite retrouver Hera, mais il savait qu'il devait d'abord se rendre dans sa classe et rencontrer son professeur principal.
Les premières et les deuxièmes années avaient cours dans le même bâtiment — Aphrodi l'avait lu dans la brochure du lycée. L'adolescent suivit à nouveau le flot de ses camarades pour s'y rendre. Les élèves s'agglutinaient devant les tableaux d'affichage. Le jeune blond repéra d'un coup d'œil où étaient les listes des classes des deuxièmes années. Peu de monde s'y intéressait, probablement parce que les élèves concernés étaient déjà montés dans leurs classes. Aphrodi parcouru les listes du regard et repéra bien vite le nom qu'il cherchait. Classe 2-D, retint-il avant d'essayer de se frayer un chemin vers les autres listes pour chercher sa propre classe. 1-D, la même lettre que la classe de Hera. Aphrodi décida d'attribuer cette coïncidence au destin.
Alors qu'il se retournait pour rejoindre sa salle de classe, l'adolescent aperçu dans la foule un garçon aux cheveux couleur olive qui sautait pour essayer d'apercevoir le tableau d'affichage par-dessus la tête des autres élèves plus grands que lui. Aphrodi le rejoignit.
« Aporo-kun ? »
Ce dernier se retourna et son visage s'illumina quand il aperçut son ancien coéquipier.
« Aphrodi ! Tu es revenu de Corée ! Ça fait longtemps ?
— Juste quelques semaines.
— Et Hera-senpai est au courant ?
— En fait, je tenais à lui faire la surprise.
— Je suis sûr qu'il sera super content. D'après ce que me raconte Hepai-senpai, il arrête pas de parler de toi. »
Aphrodi se sentit rougir en entendant cela.
« Au fait, ils sont tous les deux dans ce lycée.
— Je savais pour Hera.
— Bien renseigné à ce que je vois, fit remarquer Aporo avec un sourire amusé. Bon, maintenant faut que j'arrive à voir dans quelle classe je suis.
— Tu veux que je regarde pour toi ?
— Non, c'est bon, je me débrouille. »
Aphrodi se souvint que son camarade était têtu comme une mule. La foule était moins compacte et Aporo eut plus facilement une vue dégagée sur les listes.
« Hé ! On est dans la même classe ! s'exclama-t-il. »
Aphrodi s'en sentit soulagé. Il avait essayé d'y faire abstraction, mais il s'était tout de même senti angoissé à l'idée de se retrouver dans une classe avec uniquement des visages inconnus. En plus, cela signifiait qu'ils se retrouveraient sûrement dans le même club.
« Tu joues toujours au foot ? demanda-t-il pour s'en assurer.
— Et comment ! répondit Aporo avec enthousiasme. Je compte bien m'inscrire dès que possible !
— Aujourd'hui ?
— Non, les inscriptions des clubs ne sont font qu'une semaine après la rentrée.
— Oh… »
Aphrodi était déçu, il avait espéré rejouer avec Hera l'après-midi même.
« On ferait mieux de monter, dit Aporo. Ce serait bête d'être en retard le premier jour. »
Le jeune blond hocha la tête et suivit Aporo jusqu'à leur salle de classe. Il restait peu de places libres, mais ils réussirent à en trouver deux côte à côte au premier rang. Leur professeur principal arriva peu de temps après. Aphrodi prêtait peu d'attention à ce qu'il disait, mais il faisait l'effort de paraitre concentré, au contraire d'Aporo qui ne se retenait pas de bailler. Lorsque le professeur demanda aux élèves de se présenter, Aphrodi dut donner un coup de pied discret à son camarade pour le sortir de sa torpeur alors qu'on le désignait pour commencer.
Quand ce fut au tour d'Aphrodi de faire sa présentation, il se leva, confiant.
« Je m'appelle Afuro Terumi. J'ai quinze ans et j'étais membre du club de football quand j'étais au collège. J'espère bien m'entendre avec tout le monde ici. »
Il se rassit et put entendre plusieurs filles murmurer entre elles. Apparemment il serait aussi populaire dans ce lycée que dans ses anciens établissements, mais au final, cela comptait peu pour lui. Ce qui était important, c'est qu'il allait bientôt retrouver Hera. Il laissa échapper un soupir rêveur en s'imaginant leurs retrouvailles. Hera serait surpris et resterait sans voix. Aphrodi s'approcherait de lui, les yeux brillants, et lui murmurerait : « Tu me manquais trop. »
Lorsque les élèves furent enfin autorisés à sortir, Aphrodi se leva et quitta prestement la salle, oubliant totalement Aporo derrière lui. L'adolescent monta les escaliers menant au deuxième étage et repéra la salle 2-D. La porte était ouverte et des élèves en sortaient. Aphrodi espérait que Hera s'y trouvait toujours. Arrivé devant l'entrée de la classe, Aphrodi jeta un coup d'œil à l'intérieur. Il sentit son corps tout entier s'enflammer lorsqu'il aperçut celui qui faisait battre son cœur.
Hera semblait plus adulte — Aphrodi ignorait si cette impression était due à l'uniforme ou au fait qu'il ne l'avait pas revu depuis longtemps. Les cheveux châtains du jeune homme étaient légèrement plus longs, mais un serre-tête en métal empêchait toujours ses mèches de gêner ses yeux. La veste de son uniforme n'était pas boutonnée et il ne portait pas de cravate. Aphrodi remarqua même que le premier bouton de sa chemise était défait. Il était assis légèrement de travers sur sa chaise, un bras sur sa table. Tout cela donnait à Hera un côté… sexy. L'adolescent blond prit une grande inspiration et essaya de ne pas rougir.
Alors qu'il s'apprêtait à entrer dans la salle et à se diriger vers Hera, quelque chose le stoppa dans son élan. Deux filles s'approchaient de Hera.
« C'est vraiment chouette qu'on soit dans la même classe à nouveau, Hera-kun. »
L'une des filles posa sa main sur l'épaule de Hera. Le sang d'Aphrodi se glaça. Il fit un pas en arrière tout en essayant de se persuader que cette vision n'était qu'un cauchemar et que Hera n'était pas en train de sourire.
« Non… »
Aphrodi secoua la tête et se dirigea vers l'escalier. Le visage crispé, il essayait de ne pas pleurer.
Dans un état second, il quitta le lycée et reprit le métro pour rentrer chez lui. Ce ne fut qu'une fois dans sa chambre qu'il s'autorisa à laisser couler ses larmes. Il se laissa tomber sur son lit et pleura, de tristesse et de rage.
Jamais il n'aurait osé imaginer que Hera ait pu le remplacer aussi vite. Il avait cru que leur couple résisterait à la séparation et que Hera l'attendrait. Aphrodi donna des coups de poing dans son matelas.
« Imbécile ! Je te déteste ! »
L'adolescent mit un long moment à se calmer. Les yeux rouges, il sortit son téléphone de sa poche et effaça la photo qui lui servait de fond d'écran. Puis, animé par un éclair de rage, il envoya un message — le premier depuis une année — à celui qui était la cause sa colère :
« Je voulais te faire une surprise en revenant, mais apparemment, tu n'as plus besoin de moi. Amuse-toi bien avec les poufs de ta classe. »
Aphrodi posa son téléphone sur sa table de nuit et enfouit sa tête dans son oreiller. Il n'attendait pas de réponse. Mais la sonnerie de son portable quelques minutes plus tard lui donna tord. Durant ce laps de temps, Aphrodi s'était un peu apaisé et avait réalisé qu'il y avait été un peu fort. Il lut fébrilement la réponse :
« C'est quoi ton problème ? J'apprends par Aporo que tu es rentré du Japon et c'est comme ça que tu reprends contact ? La Corée t'a rendu fêlé. »
Aphrodi pâlit. Les mots étaient durs, blessants. Il avait l'impression d'avoir été poignardé en pleine poitrine. Il avait tout gâché par sa colère. Mais s'il s'excusait immédiatement, peut-être pourrait-il rattraper les choses ? Il se dépêcha d'écrire :
« Je suis désolé, je n'aurais pas dû écrire tout ça. J'ai juste été jaloux en voyant les filles de ta classe. Je me suis enfuit et je me sens lâche maintenant. Je voulais tellement te revoir et que tout redevienne comme avant. Pardonne-moi s'il te plait. »
Il envoya le message et garda ses yeux fixés sur l'écran de son téléphone en attendant une réponse de Hera. Celle-ci vint rapidement, peut-être même trop. Aphrodi avait un mauvais pressentiment mais il ouvrit tout de même le message.
« T'as du culot. C'est toi qui m'as plaqué il y a un an. »
