Note : Allez hop ! Nous voilà repartis pour un nouveau tome du Cycle d'Ohenfeld. Celui-ci s'intitule « La guerre des Hybrides » et, comme le précédent, il commence son histoire bien loin du château de Poudlard et des quatre héros que vous connaissez si bien. Arriverez-vous à identifier les protagonistes de ce premier chapitre avant que leurs noms ne soient divulgués ? Je vous mets au défi d'y arriver ! Allez, c'est parti !

Projet : Pour des raisons de manque de temps, d'imagination et de motivation, je vais arrêter un temps le système des défis de fin de chapitre. Par contre, je continuerai à récompenser les auteurs des 10ème, 25ème, 50ème, 100ème, 150ème et 200ème reviews avec des OS sur les personnages de leurs choix.

Disclaimer : Le monde de la magie et les personnages britanniques de ce chapitre sont une création de JK Rowling que j'ai choisi d'emprunter pour mon histoire. En revanche, le reste des personnages et l'intrigue en elle-même sont issus de mon imagination.

Crédits Image : Alienor Lantiem, par Ayne Greensleeves (alkanet . deviantart . com)

Crédits histoire :
A Poulet, ma toute première lectrice. Croyez-le ou non, son combat acharné contre les fautes d'orthographe et les coquilles grammaticales ont probablement sauvé vos yeux.

Mais surtout : Alienor Power, « Always ! »


Le soleil n'était pas levé en cette matinée de juillet, il se cachait encore – pour quelques heures au moins – derrière les premiers reliefs du Massif des Carpates, à l'Est de la ville de Vienne[1].

Les vieux bâtiments du centre étaient ainsi plongés dans une pénombre qui ne permettait pas aux viennois d'y voir très loin. La température dans les rues était encore trop basse pour qu'on pût songer à sortir, surtout un dimanche matin avant six heures.

C'était précisément pour cela que d'innombrables formes étrangères avaient choisi ce moment précis pour apparaître de nulle part à différents endroits, encore déserts, de la ville.

Ils avaient tout l'air de voleurs ou d'assassins, évoluant sans bruit, se retournant sans cesse pour vérifier que personne ne les suivait, les visages masqués par des cagoules noires et des pardessus crasseux. N'importe qui en aurait vu un seul passer devant lui, aurait tout de suite prévenu les forces de police car la ville de Vienne était paisible et sûre, et il était hors de question de laisser passer la moindre escalade qui mènerait à des violences.

Pourtant, si ces formes noires et menaçantes venaient des quatre coins de la ville et semblaient toutes converger vers le centre, ce n'était pas du tout parce qu'elles préparaient quelque mauvais coup. Au contraire, elles avaient pour mission de bloquer un grand mal qui commençait s'étendre à l'Est.

Cependant, la présence, et l'existence-même de ces individus qui apparaissaient, disparaissaient et se mouvaient aussi vite et aussi silencieusement que des ombres, devaient être gardées cachées aux riverains de Vienne et à n'importe quelle autre personne ordinaire.

Car non, ces ombres indistinctes et insaisissables n'appartenaient pas à des personnes ordinaires. Souvent apparues sans explications au milieu d'endroits inhabités ou déserts à cette heure – tels que la colline de Cobenzl et le pré Am Himmel au Nord, le Donaupark et la colline de Bisamberg plus à l'est, ou le parc Laaer Berg au sud – elles avançaient très rapidement sans aucun bruit et dans l'obscurité la plus totale. On avait même l'impression qu'elles faisaient fuir toute lumière qui changeait aussitôt de trajectoire en leur présence.

Ce tour plutôt insolite leur permettait d'ailleurs de passer inaperçus tandis qu'ils traversaient les uns après les autres la Gürtel[2], grand boulevard circulaire qui englobe les arrondissements du centre de la ville et où l'on circule à toute heure. Que ce fût les phares des voitures ou les lampadaires au bord des voies, aucune source lumineuse ne semblait pouvoir révéler leur présence, alors que ces drôles d'intrus, eux, bénéficiaient chacun d'une étrange et pâle lueur bleutée qui émanait d'un innocent petit morceau de bois, tenu très précieusement du bout de leurs doigts tendus.

oOoOo

Peut-être l'auriez-vous deviné : ces étranges individus aux formes indistinctes et aux manières de voleurs n'étaient autres que des sorciers. Des dizaines et des dizaines de sorciers – voire des centaines – qui étaient en train de se regrouper au centre de la ville, le visage tendu et les membres crispés, comme s'attendant à n'importe quel moment à une attaque sauvage et imprévisible.

Car l'heure était grave, pour les sorciers comme les moldus – gens dépourvus de pouvoirs magiques. Un drame avait éclaté loin d'ici à l'est, entrainant la propagation d'un mal aussi dangereux et encore plus insaisissable qu'un sorcier lui-même. Voici pourquoi, en cette matinée de début juillet, s'étaient donnés rendez-vous des sorciers du monde entier pour une session extraordinaire de la Confédération Internationale des Mages et Sorciers.[3]

Parmi toutes les délégations présentes, l'une d'entre elles était particulièrement en retard. Descendant les collines qui marquaient les contreforts des Alpes, on les entendait bougonner en anglais et se plaindre de l'absence d'indications précises qui les avaient fait transplaner beaucoup trop à l'ouest.

- On aurait dû prendre les balais ! s'était exclamé l'un d'entre eux, dissimulé sous une grande cape de velours vert émeraude. Au moins, on peut les contrôler facilement sans avoir peur de se retrouver en plein cœur de la montagne au lieu du centre ville.

- Le voyage intercontinental en balai est interdit par l'alinéa C-bis du Code du secret magique de 1692, avait récité pompeusement un autre dont la lueur émise par la baguette magique faisait briller ses lunettes d'écailles. Si tu avais tant peur que ça de transplaner, tu aurais dû utiliser un portoloin. Le Ministère les a ensorcelés pour qu'ils atterrissent précisément devant l'Opéra de Vienne, si tu l'avais pris, tu n'aurais pas…

- Je n'ai pas peur de transplaner ! se défendit le premier. Je préfère juste les balais[4]… Et je n'aime pas les portoloins, cette sensation de se faire arracher le nombril à chaque voyage, c'est insupportable !

- Je rêve ! Quelle petite licorne[5] ! se moqua une troisième qui venait d'apparaître dans le champ de lumière des autres, son capuchon de couleur brune ne pouvant cacher parfaitement la crinière de cheveux touffus à la teinte gris fer qui s'en échappait. Dans ces cas-là tu n'avais qu'à te trouver une bonne citrouille[6] en Autriche qui aurait pu te recevoir par feu de cheminée.

- Je n'ai pas de connaissances dans ce pays de dingues ! se mit à râler l'autre. En plus, j'ai horreur des voyages en poudre de cheminette !

- Allons Harry, cesse de faire l'enfant ! le réprimanda l'homme au discours pompeux et aux lunettes d'écailles. Après tout, nous n'avons pas atterri aussi loin que ça de notre but initial. Nous aurons un peu plus de chemin à faire, voilà tout…

Il se voulait confiant, mais en scrutant l'horizon vers l'Est, d'où le soleil commençait à se montrer, il put voir tout le chemin qu'il restait à parcourir et toutes les épreuves qu'il restait à franchir avant d'arriver au point de rendez-vous.

Ainsi se faufilèrent-ils entre les immeubles de bureaux et les zones résidentielles – invisibles grâce à une cape magique, traversèrent-ils de justesse la ceinture de bitume qui entourait les arrondissements deux à neuf de la ville en manquant de se faire renverser deux fois par des voitures qui roulaient très vite, et enfin réussirent-ils à franchir le Ring[7], où s'étaient trouvés jadis les murs qui protégeaient la ville. A présent, ils étaient remplacés par un deuxième boulevard circulaire autour du cœur de la ville. Et c'était au cœur de ce cœur qu'ils se dirigeaient : le Palais Impérial Hofburg.

Peu de moldus le savaient, mais la quasi-majorité de la noblesse autrichienne était en réalité peuplée de sorciers et de sorcières depuis plus de générations que leurs arbres généalogiques ne pouvaient en compter.[8] C'était pourquoi, depuis le XVIIIème siècle, la Confédération Internationale des Mages et Sorciers en avait fait son siège officiel.

A l'entrée, un garde à l'aspect menaçant les fixait d'un regard qui faisait peur. En examinant leurs insignes, il se renfrogna davantage et leur déclara d'un ton acide :

- Vous êtes en retard ! L'Assemblée a commencé depuis déjà trente minutes ![9]

Comme il avait parlé en allemand, les trois sorciers n'avaient pas compris grand-chose de ce qu'il leur avait beuglé. Néanmoins, ils en avaient saisi l'essentiel : mieux valait pour eux s'activer et entrer sans poser de questions…

Il leur fallut dix minutes de plus pour réussir à se repérer dans les nombreux couloirs du palais. Lorsqu'ils arrivèrent enfin dans la Salle de Réunion, un soudain silence se fit alors qu'ils entrèrent tous trois, penauds et embarrassés, pour atteindre les seuls sièges vides qui se trouvaient – bien entendu – au fond de la salle rectangulaire.

oOoOo

- Nous sommes arrivés depuis plus d'une heure ! s'indigna un sorcier au visage rond et aux mains potelées. Qu'est-ce qui vous a pris autant de temps ?

- Oh, trois fois rien ! répliqua la sorcière aux cheveux touffus dans un chuchotement amusé. Juste la phobie de Harry pour tout moyen de transport sans manche ni poils.[10]

En disant cela, elle avait bien pris soin de ne jeter de regard, ni à son interlocuteur, ni à l'intéressé. Le premier esquissa un sourire moqueur tandis que le visage du second avait pris une teinte rouge brique. Il s'assit sur une confortable chaise de bois, à deux places de celui qui les avait réprimandés à sa gauche se trouvait sa compagne aux cheveux désordonnés, à sa droite, son acolyte aux discours officiels et aux manières ampoulées.[11]

Dès qu'ils furent ainsi installés, un autre sorcier se leva au bout de la très longue table qui accueillait plus d'une centaine de délégations.

- A présent que nous sommes maintenant au complet, nous pouvons commencer, annonça-t-il d'une voix lente et grave. Mr MacMillan, vous avez la parole.

Le sorcier au visage rond non loin de Harry et ses compagnons se leva à son tour et balaya la salle de conférence d'un regard solennel. Lorsqu'il commença à parler, ce fut avec la voix travaillée et les intonations pompeuses de n'importe quel politicien, qu'il fût sorcier ou moldu :

- Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Sorciers, Sorcières, Mages et Gourous, si nous sommes rassemblés ici, c'est que l'heure est grave.

Il marqua un temps d'arrêt, comme pour intensifier le sérieux de la situation qu'il allait exposer, puis reprit d'un air concerné et soucieux.

- Le quinze juin dernier, alors que le Tournoi des Trois Sorciers était sur le point de se terminer à Poudlard, j'avais dépêché l'un de nos meilleurs éléments à la recherche d'une sorcière extrêmement dangereuse, disparue depuis maintenant plus d'un an. Vous connaissez certainement son nom de famille : il s'agit de Scarlett McAllister.

Autour de la longue table en chêne massif, nombreux et nombreuses furent celles et ceux qui ne purent réprimer un frisson d'effroi en entendant ce nom. Peu l'avaient vue de leurs propres yeux, mais tous en avaient entendu parler, et avait reçu la même directive la concernant : si jamais vous avez un jour le malheur de tomber sur elle, ne tentez rien, fuyez fuyez aussi vite que votre magie vous le permet, et prévenez aussitôt la Brigade Magique des Tireurs de Baguettes d'Elite ! Ce conseil ne fut appliqué qu'une seule fois en un an, lorsqu'on avait vu la jeune McAllister traverser les Alpes suisses. Malheureusement, malgré les ordres suivis à la lettre, on ne put dénombrer aucun survivant du côté de la Brigade Suisse. Ainsi, sans pour autant avoir assez de preuves pour désigner Scarlett McAllister comme coupable, son nom et son prénom étaient désormais synonymes de terreur et d'effroi dans toute une partie du territoire européen.

Cependant, certains semblaient plus mécontents qu'effrayés, à l'image de cette petite femme replète aux joues flasques et aux boucles sombres, qui tenait dans ses petites mains boudinées un vieux carnet noir. Lorsqu'elle se leva, elle s'annonça :

- Anne-Catherine Berthin[12], sous-secrétaire d'état auprès du Ministre de la Magie du territoire français.

Un peu plus loin, mais sur le même côté de la table, Harry fit de son mieux pour ne pas paraître dégoûté. Cette femme ne lui inspirait aucune confiance et il ne pouvait pas s'empêcher de la comparer à une autre sorcière qu'il avait connue dans sa jeunesse. Rien qu'en y pensant, les cicatrices sur sa main droite recommencèrent à le démanger, même une cinquantaine d'années après.

- Nous vous écoutons Madame Berthin, déclara le président de l'Assemblée en s'inclinant respectueusement avant de se rasseoir.

- Merci cher ami, dit-elle avec un sourire écœurant, à présent, Monsieur MacMillan, je me tourne vers vous, car j'aimerais pouvoir éclaircir quelques points…

Ce qu'elle fit, au grand déplaisir du Ministre de la Magie Britannique qui n'éprouvait pas une très grande joie à l'idée d'être dévisagé de la sorte par une telle sorcière.

- Comprenez-nous, continua-t-elle avec un horrible ton faussement plaintif, cette femme est une sorcière de noble lignée née sur le sol britannique, n'est-ce pas ?

- Tout à fait, répondit MacMillan d'une voix prudente.

- Elle a donc fait ses études à Poudlard et relève sans aucun doute de la responsabilité du gouvernement britannique, ai-je tort ?

- Non, Madame la Secrétaire d'Etat, concéda MacMillan d'un ton mielleux, vous avez parfaitement raison, et je crois savoir où vous voulez en ven…

- Laissez-moi finir, s'il vous plaît MacMillan, faites preuve de courtoisie, n'empêchez pas une honnête sorcière de noble sang de s'exprimer…

MacMillan, bien trop habile dans le jeu de la politique pour faire l'erreur de répliquer, esquissa un sourire entendu et attendit la suite de l'argumentaire avec un intérêt poli qui s'avérait plutôt convainquant. En revanche, à quelques places sur la droite, Harry Potter – le sang beaucoup plus chaud – eut toutes les peines du monde à contrôler ses nerfs et s'empêcher de vociférer les pires insultes en direction de cette immonde limace hypocrite et anti-moldus[13]. Cependant, posant une main sur le poignet tremblant de Harry, sa voisine de gauche l'enjoint au calme alors qu'il semblait sur le point de se lever.[14]

La représentante du gouvernement français fit semblant de ne pas l'avoir remarqué et, le sourire aux lèvres, elle reprit là où elle s'était arrêtée :

- Je disais donc, chers Ministres et hauts fonctionnaires de la communauté magique internationale, que si Scarlett McAllister s'avère être un danger pour notre communauté toute entière – ce qui serait bien surprenant étant donné son statut de sang-pur – elle n'en reste pas moins une personne née sur le sol britannique, ayant fait ses études dans un établissement britannique et qui devrait normalement travailler pour le gouvernement britannique à l'heure qu'il est. Vous allez dire que je me répète Monsieur MacMillan, mais je continue de penser que les agissements de Scarlett McAllister relèvent de votre seule et unique juridiction. Ainsi, je ne peux m'empêcher de me montrer surprise, et même choquée de constater que vous avez convoqué toutes les délégations Européennes et alentours de la Confédération Internationale des Mages et Sorciers pour parler d'une seule sorcière solitaire et de bonne famille comme s'il s'agissait d'une tueuse en puissance. Voudriez-vous en plus que nous nous mettions à la recherche cette personne que vous êtes censés pouvoir retrouver par vous-mêmes ?

- Vous avez parfaitement analysé la situation, Madame Berthin, de votre point de vue tout sauf impartial, bien entendu, ne put s'empêcher d'intervenir Harry Potter. Croyez-vous sincèrement que son statut de sang-pur soit vraiment un sujet de discussion digne d'être soulevé par cette Assemblée alors que…

Mais il ne put en dire davantage, l'air furieux et désabusé, sa voisine de gauche aux cheveux touffus se leva à son tour, l'empoigna par les épaules, et le força à se rasseoir d'une façon plutôt brutale et maladroite qui en fit sourire plus d'un autour de la table. Mais pas Madame Berthin…

- Je vous prie de m'excuser, Mr Potter, susurra-t-elle d'un horrible ton hypocrite, mais je ne me souviens pas vous avoir vu entendu demander la parole…

Cette fois, on ne laissa pas Harry Potter répliquer et ce fut sa voisine qui demanda la parole, d'un air calme, mais déterminé.

- Oui, l'invita le président de l'Assemblée, nous vous écoutons.

- Hermione Weasley-Granger, Directrice du Département de la Justice Magique au sein de l'équipe de Mr MacMillan, se présenta la sorcière en rejetant son capuchon en arrière, ce qui laissa voir l'entier désordre qu'était ses cheveux. J'aimerais tout d'abord poser une question à Madame Berthin…

- Faites, l'autorisa le président d'un geste encourageant.

Cette fois la Secrétaire d'Etat du Ministre Français ne réagit pas elle connaissait cette Granger de réputation et était consciente qu'il était bien plus difficile de piéger cette magistrate renommée que l'homme d'action qu'était Harry Potter ou l'administratif qu'était Ernie McMillan. Elle se contenta donc de tourner ses petits yeux porcins vers la sorcière britannique sans dire un mot.

- Madame Berthin, connaissez-vous l'article 315 C de la Confédération Internationale des Mages et Sorciers ? demanda Hermione d'un ton poli que les usages exigeaient.

C'était bien sûr une question rhétorique, mais elle semblait néanmoins attendre une réponse.

- Oui, répondit prudemment Madame Berthin, je le connais.

- Alors rafraichissez-nous la mémoire, l'invita Hermione, peut-être y a-t-il dans cette Assemblée quelque sorcier ou sorcière qui l'aurait oublié…

Le regard furieux fixé sur Hermione, Madame Berthin ne put faire autrement que de réciter ce passage de la Constitution de la Fédération Internationale :

- En cas de menace pesant sur l'entière communauté magique, chaque ministère membre de la Confédération a le devoir de soutenir moralement, économiquement et militairement tout autre membre de cette même communauté souffrant ou ayant souffert de cette menace. Voilà ce que dit l'article, dans les grandes lignes en tout cas…

Pendant un instant, personne ne parla. Puis, voyant que les visages devenaient soucieux et plutôt concernés par ces révélations, la Secrétaire d'Etat du Ministre se leva une nouvelle fois – sans prendre le temps de demander la parole, bien qu'elle ne fût guère réprimandée pour cela – et déclara, d'une petite voix chantante :

- Mais je ne vois pas le rapport avec la présente affaire ! Scarlett McAllister n'est certainement pas une menace pour l'entière communauté ! Je crois, très chers, que vous surestimez la gravité de la situation, cette jeune fille solitaire vous ferait-elle peur à ce point ?

Comme prévu, Harry Potter esquissa un geste pour se lever furieusement, mais Hermione l'avait à nouveau anticipé et le força à rester assis. Ce fut un autre membre de la délégation britannique qui s'occupa de répliquer :

- Anthony Goldstein, Directeur du Département des Accidents et Catastrophes Magiques, se présenta-t-il après avoir été autorisé à parler, j'aimerais attirer l'attention de cette assemblée sur un point qui n'a pas encore été abordé, en dépit de son importance. Madame Berthin, dans sa hâte, ne nous a pas permis d'aller plus en avant.

Il avait parlé d'une voix calme et posée, pourtant le message était clair. Suivant les directives des membres de son équipe – après longue concertation – Madame Berthin décida de ne pas répondre à cette attaque personnelle (avec beaucoup de difficultés, est-il utile de le préciser ?)

- Nous vous écoutons, Mr Goldstein, qu'avez-vous à nous apprendre ? l'invita le président de l'Assemblée.

- Rien de plus que vous ne savez déjà, si vous vous êtes penchés sérieusement sur le problème, expliqua Anthony Goldstein, toujours avec ce ton calme et respectueux qui lui permettait d'asséner de puissantes critiques à ses interlocuteurs. Je suis sûr, Mesdames et Messieurs, éminents membres de la Confédération, continua-t-il en s'inclinant devant un sorcier en particulier, que le massacre qui a eu lieu à Saint-Pétersbourg, il y quelques semaines, a retenu toute votre attention…

Plusieurs membres de l'Assemblée parurent interloqués tandis que d'autres hochèrent tristement la tête en signe de sombre compréhension. Les derniers, moins nombreux, rougirent de honte et d'embarras. Celui devant lequel Goldstein s'était incliné décida de prendre la parole pour répondre à ces accusations à peine déguisées. Sa voix était lente, douce, et il roulait les « R. »

- Il est évident, Mrrr Golstein, que l'entièrrre communauté magique a été mis au courrrrant de ce drrrrrame.

- Youri Gorsakov, intervint le président de l'Assemblée, à titre d'indication, Directeur du Département des Catastrophes Magiques du Gouvernement Russe.

- Aprrrès experrrrtise des lieux, continua Gorsakov, imperturbable, il a été conclu qu'il s'agissait d'une épidémie de Drrrragoncelle particulièrrrrement virrrulente.

Suite à cette déclaration plutôt surprenante, l'un des membres du groupe d'Ernie McMillan et Harry Potter éclata d'un rire peu flatteur. Tous se retournèrent dans sa direction. C'était un vieux sorcier aux allures plutôt avenantes, gardant malgré son âge une teinte de cheveux aussi brune qu'un homme jeune et en bonne santé.[15]

- Une épidémie de Dragoncelle ? répéta-t-il, toujours hilare. Vous n'aviez rien de mieux en stock ? Vous pensez pouvoir leurrer votre peuple aussi facilement que vous pouvez leurrer les moldus ?

Sa remarque en fit se lever plus d'un. Certains semblaient sur le point de protester, mais le compatriote de Harry Potter les devança :

- Ne vous fatiguez pas à me demander de prendre la parole, Madame Berthin, leur dit-il en souriant d'un air insolent à la sous secrétaire française, j'allais le faire de toute façon…

Il se redressa de toute sa hauteur, montrant à tous sa silhouette encore bien conservée, faisant briller les rides de son visage comme d'innombrables blessures de guerre qu'il arborerait fièrement pour prouver sa valeur.

- Michael Corner, annonça-t-il fièrement, je suis à la tête du Département britannique du CRCM – Contrôle et Régulation des Créatures Magiques, pour ceux qui débarquent. En tant que tel, chers confrères, je me demande comment une épidémie de Dragoncelle aurait pu se propager sur le sol russe alors que les dragons les plus proches se trouvent à des milliers de kilomètres de Saint-Pétersbourg. De plus, j'estime que la signature est claire : sur les trois-cent-quinze sorciers habitant à Saint-Pétersbourg et dans les environs, seuls quatorze cadavres ont pu être retrouvés au milieu des millions de moldus morts, or j'ignorais que la Dragoncelle choisissait ses victimes. Les guérisseurs russes auraient-ils trouvé un remède à ce mal sans en référer aux instances supérieures, et surtout sans permettre aux moldus d'en bénéficier ?

Dans le rang des délégués slaves, on commençait à se sentir à l'étroit dans sa robe de sorcier. Vraies ou non, les suspicions de Michael Corner étaient plus qu'embarrassantes et ils devaient se sortir de ce guêpier le plus vite possible. Ce fut en fait au sein de la délégation française que l'on trouva une solution :

- Jean-Christophe Ventresse[16], Directeur du Département de Contrôle et Régulation des Créatures Magiques, Monsieur le Président, se présenta l'un d'eux.

C'était un sorcier de stature imposante aux cheveux gris courts et ondulés, avec d'agressives lunettes carrés en métal. D'un point de vue esthétique, son physique n'aurait pu être plus éloigné de celui du charmant Michael Corner. Sa voix ressemblait plus à un aboiement, dénotant également très fortement de la jolie voix chantante de Corner.

- J'aimerais quand même, chers confrères britanniques, attirer votre attention sur le fait que le cadavre d'un quinzième sorcier a été retrouvé dans le fleuve de la Neva. C'était celui de Dean Thomas, Mr Corner ! déclara Monsieur Ventresse en pointant Mr Corner d'un doigt accusateur. Mr Thomas, un chasseur de vampires britannique renommé qui, très vraisemblablement, chassait sa proie hors du territoire qu'il lui était attribué !

A ce moment précis, on oublia complètement la dragoncelle et l'on s'égara sur le terrain glissant des braconniers chassant de pauvres créatures presque humaines sans autorisation. Michael Corner tenta bien une ou deux fois de recentrer la discussion vers le sujet initial, mais il fut contré par Berthin et Ventresse qui, les yeux exorbités et les bajoues frémissantes, continuaient leur réquisitoire avec, chacun à la main, un épais volume noir qui semblait être un exemplaire poussiéreux, et depuis longtemps dépassé, du règlement de la Fédération Internationale des Mages et Sorciers.

Il fallut qu'un énorme « bang ! » retentît pour faire taire ces deux enragés. Tous se tournèrent vers l'auteur de ce bruit, il s'agissait de Harry Potter en personne qui tenait bien en vue la baguette magique responsable de ce vacarme.

- Harry Potter, Directeur du Bureau des Aurors au sein du Ministère Britannique, déclara-t-il sur un ton chargé d'ironie, c'est moi qui ai envoyé notre regretté Mr Thomas à la recherche de Scarlett McAllister. Je suis d'ailleurs surpris de constater avec quelle nonchalance vous osez parler de l'ignoble assassinat du plus illustre chasseur de vampires au monde, celui-là-même qui a réglé de nombreux conflits avec les vampires dans les territoires de plusieurs congrégations ici présentes.

Une nouvelle fois, les responsables des dites congrégations affichèrent un visage tendu et embarrassé. De leur côté, nombreux furent les membres de la délégation britannique qui peinaient à contenir leurs émotions : le meurtre de Dean Thomas était encore trop récent pour qu'il pût être digéré aussi vite.

Cependant, ce manque de tact n'empêcha pas la délégation française de continuer ses tacles procéduriers en vue de déstabiliser leurs homologues outre-manche.

- Je suis Marielle Ancelot-Mézy[17], Directrice du Bureau des Aurors au sein du gouvernement français, Monsieur le Président Sorcier, déclara une sorcière au dos droit et au brushing couleur gris fer, et je me questionne sur la légitimité de mon homologue britannique à faire appel à un agent du gouvernement ne dépendant pas directement de son Département. Si je ne m'abuse, le Bureau des Chasseurs de Vampires dépend du Département de Contrôle et Régulation des Créatures Magiques, et ne devrait d'ailleurs pas être en mesure de s'occuper d'affaires n'ayant aucun rapport avec les vampires comme la traque de cette McAllister.

Cette fois, aucun membre de la délégation britannique ne fut en mesure de répliquer non pas parce qu'ils étaient à court d'arguments, mais plutôt en raison de l'effet qu'avait eu l'évocation de Dean Thomas sur leur moral.

Contre toute attente, ce fut le Ministre Scandinave qui se leva et prit la parole. Stanford Gründberg n'eut même pas besoin de se présenter : tous et toutes connaissaient le visage ravagé de cet ancien dresseur de Dragons, qui porterait à jamais les brûlures et taillades qu'il avait reçues dans l'exercice de ses précédentes fonctions.

- Permettez-moi de vous faire remarquer, Messieurs et Mesdames les Ministres, ainsi que leurs Directeurs et Directrices de Départements, que la manière dont Mr McMillan et ses collaborateurs administrent leur propre gouvernement ne nous regarde aucunement. En effet, comme l'a soulevé précédemment Madame Berthin, ce qui ne concerne pas directement l'entière Communauté Internationale n'a pas à être abordé lors de la Confédération Internationale des Mages et Sorciers. Je suis d'ailleurs surpris que vous n'ayez pas rappelé à l'ordre vos subordonnés, Monsieur Lésigny. Ce devrait être votre rôle et non le mien…

Un peu surpris par cette attaque personnelle, sorciers et sorcières se tournèrent en direction du Ministre de la Magie du territoire français. Extrêmement petit, le dos voûté, Nicolas Lésigny[18] avait besoin de placer trois épais coussins sur sa chaise afin que ses yeux pussent être à hauteur de voir quoi que ce soit. Habile orateur et fin tacticien, il se garda bien de répondre à cette provocation à la place posa une autre question au Ministre Scandinave :

- Mais bien sûr Monsieur le Ministre, j'y pensais. En attendant, pourriez-vous nous éclairer sur les sujets qui devraient être abordés ici et ne concernent pas directement le Ministère Britannique et ses bourdes entrainant les disparitions de deux de ses citoyens les plus éminents ?

Harry fut sur le point de répliquer furieusement, mais le Ministre Scandinave lui fit signe de se taire et reprit la parole :

- Bien entendu, Monsieur Lésigny, nous avons par exemple cette épidémie dragoncelle très improbable survenue en à peine une journée dans une région dépourvue du moindre dragon. Et permettez-moi de vous rappeler qu'en tant que représentant d'une contrée spécialisée dans l'élevage et le dressage de dragons, je dispose de nombreuses connaissances dans ce domaine…

- Je n'en doute pas, cher Monsieur Gründberg, mais peut-être justement est-ce dû à un défaut de surveillance des réserves de Suède et de Norvège…

Devant la perfide supposition de Monsieur Lésigny, Mr Gründberg n'eut d'autre réaction que de hausser les sourcils en signe de surprise.

- Je n'ose envisager la possibilité, Monsieur le Ministre, que vous ignoriez que depuis cinq-cent-quarante-deux ans, pas un dragon ne s'est échappé d'une réserve en Suède ou en Norvège. Et si par hasard cela arrivait, continua-t-il en élevant la voix car Lésigny semblait sur le point de répliquer, soyez assuré que j'en aurais été le premier averti, car un signal magique retentit à l'intérieur-même du Ministère au moindre mouvement suspect dans n'importe quelle réserve…

A cette révélation, les responsables français parurent quelque peu désemparés. Ils le furent d'autant plus lorsque ce fut à la Directrice roumaine du Département de Contrôle et Régulation des Créatures Magiques de se lever.

- J'aimerrrrais également lever tout soupçon surrrr une possible faille dans notrrrre prrroprre système de sécurrrrité, intervint Anja Talscescu, la plupart des Dragons de notrre rrréserrrve dans la forrrêt magique des Drrragons Rrrrouges est utilisée dans un but purrrrement éducatif et sont surrrveillés parrr les prrrofesseurrrrs de la Fondation Orrbalaurr en perrsonne. Orrr, je ne doute pas de la confiance que vous accorrrrdez à ces enseignants étant donné qu'il ne se passe pas une année sans que vous ne demandiez que l'un d'eux occupe le poste de prrrofesseurrrr de Soins aux Crrréaturrrres Magiques que perrrrrsonne ne veut occuper à Beauxbâtons…

L'annonce eut l'effet d'un coup de fouet sur Lésigny qui fusilla du regard la représentante roumaine, mais sans pour autant répliquer quoi que ce soit. Il se rassit ensuite et entreprit de se concerter avec ses Directeurs de Départements, mais aucun ne semblait d'accord.

A ce moment-là, les discours furent plus confus, les déclarations lancées avec moins d'assurances, les affirmations moins nombreuses. On se demanda d'abord si ces soi-disant dragons ne viendraient pas de Chine, du Japon ou du Pays de Galles, mais personne ne fut dupe car ces contrées étaient bien trop éloignées pour qu'un dragon venu de là-bas pût s'égarer jusqu'à Saint-Pétersbourg. Ainsi, au bout de plusieurs heures de balbutiements et d'hésitantes déclarations, le Ministre Russe – Igor Barzeiev – avoua finalement, tête baissée, que cette histoire de dragoncelle avait été créée de toute pièces pour ne pas effrayer la population plus qu'elle ne l'était déjà. D'ailleurs, avait-il fait remarquer, on ne savait pas encore quel mal avait pu anéantir ainsi toute une population.

- Cela n'est pourtant pas difficile à deviner, Barzeiev ! répliqua un Michael Corner de mauvaise humeur, et sans prendre le temps de demander la parole. A votre avis, quel est le seul peuple affilié à la communauté magique capable de faire verser autant de sang en si peu de temps, et se gardant bien de faire des cadavres parmi les sorciers ? Cette question est si difficile que ça ?

C'était, là aussi, une question rhétorique. Cependant, le ministre Russe semblait décidé à feindre l'ignorance jusqu'au bout…

- Je ne vois pas où vous voulez en venirrrr, Mrrr Cornerrr, insinuerrrriez-vous que nous abrrriterrrions à Saint-Péterrrsbourrrg un peuple de crrréatures magiques assez dangerrrreuses pour en rrréduirrrre à néant toute la population ?

A cette question posée avec toute la réserve et la politesse dont devait faire preuve un haut dignitaire, Corner réagit de façon beaucoup moins digne en éclatant d'un rire peu flatteur, ce qui fit se crisper bon nombre de membres de la délégation russe.

- Pour insinuer quelque chose, il faudrait que je sois perfide et peu sûr de ce que j'avance, répliqua Corner avec un sourire moqueur, or ce n'est pas mon cas. Car, avouez-le, ce n'est plus un secret : de nombreux clans de vampires chassés d'Ukraine et de Bulgarie ont trouvé refuge, non pas dans les forêts roumaines ou les déserts de Sibérie comme il leur avait été imposé par la Confédération Internationale, mais bien en plein cœur de Saint-Pétersbourg, à proximité de nombreuses proies humaines innocentes et sans défense que sont les moldus de Saint-Pétersbourg.

- Cela n'a jamais été forrrrmellement prrrrouvé ! s'écria avec fougue le Directeur russe du Département de Contrôle et Régulation des Créatures Magiques. Corrrner ! Vos prrrropos rrrrelèvent de la diffamation et j'exige que vous les rrretirriez tout de suite !

Mais loin de se laisser impressionner par la tirade enflammée de Mr Gorsakov, Michael Corner se retourna vers lui, et lui jeta un regard si noir et si lourd de menaces que son homologue russe fut contraint de baisser le regard…

- Cela n'a jamais été prouvé, car personne n'a jamais essayé de le faire, ajouta Corner qui, loin de se déstabiliser par de si piètres tentatives, prenait plaisir à mettre à mal les explications malhabiles de ses adversaires. D'ailleurs je me demande, Mr Gorsakov, ce qui se passerait si un émissaire de la Confédération venait fourrer son nez dans les affaires de Saint-Pétersbourg. Serait-il reçu les bras ouverts ? Ou devrait-on penser à le faire escorter par toute une escouade de chasseurs de vampires pour éviter la contamination de l'émissaire ?

Les joues rougissantes et la mâchoire crispée, Gorsakov semblait à court d'arguments et on le vit, avec une tension extrême, porter la main dans sa robe de sorcier. Plusieurs sorciers – dont Harry et Hermione – avaient réagi au quart de tour en sortant leurs baguettes avant même que le dignitaire russe n'eût touché la sienne au fond de sa poche.

Cependant, le ministre Barzeïev se leva à son tour – sans baguette à la main – et, non sans une certaine brutalité, enjoint Gorsakov à s'asseoir. Il attendit quelques minutes en silence, dévisageant les membres de l'Assemblée les uns après les autres jusqu'à ce que tous se fussent rassis, leurs baguettes de nouveau hors de vue.

- Admettons… qu'il existe un clan de vampirrres séjourrrnant à Saint-Péterrrsbourrrg, finit-il par lâcher, ils ne serrraient jamais assez nombrrreux pour mettrre à sac, et si peu de temps, une ville comme Saint-Péterrrsbourrg. N'oublions pas que l'on compte plus de quatrrre millions de perrrsonnes dans cette ville. Et malgrrré leurrr faiblesse flagrrrante, même les moldus se serrrraient défendus face à une menace comme celle-là…

- Pas s'ils étaient des dizaines de milliers, rétorqua Harry avec hargne.

Tous sursautèrent en l'entendant parler d'une voix si maîtrisée et frissonnèrent en mesurant la gravité d'une telle déclaration.

- Foutaises ! s'écria alors un autre membre de la délégation russe. Quelques uns, passe encorrre, mais des dizaines de milliers de vampirrrres ! Comment voulez-vous qu'ils passent inaperrrrçus ?

- Avec seulement trois-cents sorciers habitant à Saint-Pétersbourg, comment voulez-vous contrôler quoi que ce soit ? s'emporta Harry. Depuis le début du siècle dernier, la population des sorciers de Saint-Pétersbourg n'a cessé de baisser alors que celles des vampires s'est considérablement accrue !

Cette fois, les accusations n'étaient même plus camouflées et les russes peinaient à trouver des parades plausibles. D'autant plus que, cette fois, les français semblaient avoir abandonné l'idée de couvrir leurs alliés et d'incriminer leurs ennemis.

- C'est… c'est stupide ! finit par balbutier Gorsakov d'une voix plaintive. Saint-Pétersbourg est peut-être un repaire de vampires, mais nous avions un accord, aucun d'entre eux ne le briserait. Ils sont censés chasser dans les montagnes hors de la ville, nous avions leur promesse !

- Une promesse qu'ils ne pouvaient se risquer à enfreindre avant d'être assez puissants pour prendre la ville d'assaut ! déclara Michael Corner d'un ton accusateur. N'avez-vous rien appris en cinq-cents ans de guerre contre les vampires ?

Cette réplique fut reçue par les dignitaires russes comme on reçoit une violente gifle en pleine figure.

- Que voulez-vous dirre parrr là ? voulut savoir Natanja Petrouchkova, la sous-secrétaire d'état russe et seul membre féminin de leur administration.

- Je veux dire par là, continua Corner, qu'en cent ans, la population des sorciers de Saint-Pétersbourg est passée de cent-mille à trois-cents tandis que celle des vampires n'a cessé d'augmenter petit à petit, jusqu'à atteindre le volume d'une petite armée. Et vous, membres du gouvernement russe, trop stupides pour soupçonner le moindre vil dessein de la part d'anciens sorciers de noble lignée, vous vous êtes laissé mener en bateau comme des débutants !

Si l'on s'était attendu à de nouveaux éclats de voix et à de nouvelles menaces à coup de baguettes magiques, alors on aurait été grandement déçu en voyant les russes baisser la tête d'un air vaincu.

- Quand bien même, intervint Ventresse dans une ultime tentative visant à protéger les intérêts de ses alliés (et les siens aussi, bien entendu), il faudrait plus de quinze mille vampires pour arriver à un tel résultat. Or, vous en conviendrez, une telle concentration de buveurs de sang ne peut rester cachée aussi longtemps dans Saint-Pétersbourg sans qu'on s'en aperçoive. Personnellement, je pense que si le gouvernement russe n'a pas prêté attention à la communauté vampire vivant à l'intérieur de la ville, c'est parce qu'elle ne devait pas compter plus de mille individus. Ce qu'on peut difficilement qualifier de menace sérieuse étant donné les millions de moldus qui y vivent. Ils les auraient découvert au moindre soulèvement et les aurait matés avec leurs armées aussi dérisoires soient-elles face à la puissance des sorciers, elles seraient quand même venues à bout d'un petit millier de vampires isolés !

Si le politicien français semblait fier de sa tirade, on doutait de son efficacité chez les sorciers russes. En fait, ils semblaient encore plus embarrassés par cette défense teintée de discours anti-moldus, que reconnaissant de voir que leurs alliés les soutenaient encore malgré tout.

D'ailleurs, cela semblait être l'argument que Harry attendait pour porter le coup de grâce. Il sortit un petit coffret d'argent qu'il déverrouilla d'un sortilège Alohomora. Puis, se retournant vers le président de l'Assemblée, il annonça :

- J'aimerais que le présent témoignage à l'intérieur de cette boîte soit conservé par la Fédération Internationale et considéré en tant que preuve démontrant l'implication de Scarlett McAllister dans la révolution vampirique qui à mis Saint-Pétersbourg moins à feu que à sang, ainsi que celle de Lord Vladimir, seigneur des vampires de Sibérie Orientale.

Alors que les russes semblaient au bord de l'évanouissement, le président de l'Assemblée resta de marbre, réceptionnant délicatement le récipient contenant la dite preuve.

- Nous prendrons en compte votre requête, Mr Potter, assura-t-il avant d'ouvrir le coffret.

Aussitôt, une petite forme argentée s'en enfuit en volant à tire-d'aile pour aller se poser, la tête vers le bas, sur une dorure du plafond.

Les réactions ne se firent pas attendre : nombreux furent celles et ceux qui portèrent la main à la bouche en signe d'effroi. Mais les plus troublés furent sans conteste les propres camarades de Harry de toute évidence, même eux ne s'attendaient pas à ce genre de « preuve. »

- Oh mon dieu ! s'exclama Hermione au bord des larmes. C'est le patronus de…

- Dean… souffla la sorcière assise à la gauche de McMillan[19]. C'est la chauve-souris de Dean[20]…

Elle aussi avait du mal à garder les yeux secs. Ses cheveux de couleur neige coiffés en un sévère chignon serré dénotait avec son expression horrifiée et apeurée. Puis, reprenant contenance, elle se tourna vers Harry :

- Comment l'as-tu récupéré ? demanda-t-elle en forçant sa voix à ne pas trembler.

- Hagrid, répondit simplement Harry qui, lui aussi, devait faire de gros efforts pour ne pas flancher. Vulcain a réussi à porter le coffret jusqu'à sa maison avant de mourir.

Au comble de l'émotion, Hermione sembla sur le point d'ajouter quelque chose mais une voix l'empêcha de dire quoi que ce soit. C'était une voix venue d'outre-tombe.

- Je… je vais mourir, je le sais… dit la voix qui venait du patronus chauve-souris.

- Oh mon dieu, Dean… gémit Hermione en plaquant un mouchoir sur sa bouche. Oh mon dieu… ce sont ses derniers mots…

Mais Harry lui fit signe de se taire, le message était loin d'être terminé et pour être compris, il lui fallait requérir tout l'attention et le silence possible…

- La situation est encore pire qu'on ne pouvait l'imaginer… Ils ne sont pas des centaines… ni des… mill…iers. Ils sont… des dizaines de mi…milliers.

A ce moment, l'entière Assemblée fut parcourue d'un frisson. A sa voix, c'était clair que Dean Thomas souffrait le martyr. C'était les derniers mots d'un mourant qu'ils entendaient là…

Du côté de la délégation française, on fut sur le point d'intervenir, mais la voix retentit de nouveau, fragile et forte à la fois, articulant difficilement les derniers mots du condamné.

- Harry… Harry, tu… avais raison… C'est elle… C'est Scarlett… Elle est derrière tout ça. Elle… Le pacte Inviolable… Elle…

Les mots semblaient manquer au pauvre Dean tandis que les membres de la délégation anglaise semblaient éprouver autant de douleur que s'ils eussent été transpercés par des dizaines de lames chauffées à blanc. Harry, en particulier, semblait le plus touché il n'avait pu retenir une larme en entendant le désormais défunt Dean Thomas prononcer son nom, alors qu'il lui restait encore un souffle de vie.

- Elle était là… plein milieu de la… Place du Palais… autour… des milliers de vampires… complètement fous… Ils l'acclamaient… ils criaient… hurlaient… Ils sont… ils sont en train de massacrer des innoc… des innocents… Ils tuent des moldus, y a plus aucun sorcier… J'ai essayé Harry… j'ai essayé de les en empêcher… Je te promets que j'ai essayé…

La voix de Dean Thomas se perdait dans d'innombrables sanglots. Même parmi les délégations étrangères, peu furent ceux qui se montraient capables de rester impassibles. Cette dernière supplication de Dean Thomas, noyée dans le sang et les larmes, était bien plus éprouvante à supporter que n'importe quelle blessure de toute sorte. Et ce n'était pas fini Dean ne parlait certes plus, mais on entendait derrière lui – ou devant, peut-être même tout autour – des bruits de luttes, des hurlements déchirants, des cris sauvages, des bruits de succions, des craquements de cous que l'on brise. Cela semblait à sens unique, et l'on entendait clairement les assaillants se vanter de cette tuerie au nom de « Vladimir, leur seigneur à tous. »

A cet instant précis, où tous les visages étaient paralysés par l'angoisse, la peur et les images mentales que chacun se faisait du carnage, la voix de Dean Thomas se fit entendre une dernière fois :

- Il me reste… encore une chose… à faire… l'entendit-on bégayer avec douleur. Je vais devoir… la tuer… Sûrement mourir dans… l'entreprise… mais la tuer d'abord… C'est primordial pour l'avenir… l'ave…nir… de l'hu…manité… entière… Elle… elle… elle a fait le Serment Inviolable… avec Vlad…imi…r. Si je… la tue… il… mourra… aussi…

Le souffle semblait lui manquer, c'était clair qu'il ne lui restait plus que quelques secondes, on se demandait même s'il avait vraiment réussi à tuer Scarlett sans un tel état. Mais la réponse arriva presqu'aussitôt, sous la forme d'une voix froide et impitoyable qui, elle, ne semblait avoir aucun souci à articuler les horribles mots qui suivraient :

- Vous m'avez l'air en bien mauvaise posture, Mr Thomas.

Autour de la grande table, les réactions ne se firent pas attendre. Plusieurs sursautèrent tandis que d'autres se retournaient, l'air effrayé, comme dans la crainte d'une attaque surprise. D'autres encore – et c'était le cas de la délégation anglaise – semblaient tout simplement révoltés d'entendre cette voix ricaner, car ils connaissaient très bien sa propriétaire, et savaient ce qu'elle allait faire ensuite.

La chauve-souris argentée émit un bruit de mouvement brusque, comme si elle s'était retournée pour faire face à un danger, à ceci près qu'elle n'avait pas bougé, c'était Dean qui s'était retourné. Cependant, la voix qui prononça l'incantation suivante n'était pas la sienne :

- Avada Kedavra !

On n'entendit ni le bruissement caractéristique du sortilège de mort, ni celui de la chute de Dean. Car à peine avait-on entendu proférer la dernière syllabe de l'incantation fatale que la chauve-souris argentée disparut dans un nuage de fumée lumineuse. Ainsi Dean Thomas avait-il disparu pour de bon…

Le silence était pesant dans la salle et personne n'osait prononcer la moindre parole comme si, à l'instar de Harry Potter, ils avaient l'impression qu'ouvrir la bouche les rendrait malades. Cependant, le chef des Aurors britanniques finit par se faire violence et annonça, la voix tremblante :

- J'espère que vous avez tout bien écouté, car comme vous avez pu vous en rendre compte, il n'y aura pas de seconde chance…

On aurait pu croire, en l'entendant parler de la sorte, qu'il cherchait à faire de l'ironie pour punir les membres de l'Assemblée de leur manque de confiance en lui et en ses dires jusqu'à maintenant, mais Hermione n'était pas dupe. Elle savait qu'il n'aurait jamais être plus sérieux qu'à présent et que Harry avait sûrement hésité très longtemps avant de se décider à sortir cet enregistrement.

Connaissant son ami sur le bout de la baguette, elle savait qu'il avait dû être tenté de garder pour lui le souvenir de Dean et la preuve que ses derniers instants eussent été voués au combat contre le mal et à la sauvegarde de la paix chez les sorciers. Mais, elle le savait, les différentes épreuves qu'il avait subi dans sa jeunesse avaient donné à Harry un sens aigu des priorités. Et c'était grâce à celui-ci qu'ils avaient pu écouter ce dernier enregistrement qui constituait à lui-seul une preuve irréfutable de la culpabilité de Scarlett et du seigneur Vladimir dans le massacre de Saint-Pétersbourg.

Hermione par contre, gardant au travers de la gorge les ignobles réflexions des français et l'hypocrisie des russes, ne se priva pas pour faire de l'ironie :

- A présent, il semblerait qu'il y ait plus aucun doute à avoir sur la nature des événements qui ont secoué Saint-Pétersbourg cet été, dit-elle en regardant sévèrement les différents membres de la Fédération, si on passait à présent aux mesures adéquates à mettre en place pour contrer ce fléau ?


Note de fin : Et voilà, mes chers amis ! Alors ? Qu'en pensez-vous ? L'évolution des personnages de JK Rowling vous satisfait-elle ? Auriez-vous préféré d'autres rôles pour les anciens de l'AD ? Allez-y, dites-moi tout, les reviews ne vous tuerons pas, et elles me feront beaucoup plaisir !

Dans les prochains épisodes : Vous verrez donc dans le chapitre 2 la réaction des sorciers du monde entier face à ce fléau mortel.

Dans le même temps, je vais essayer de mettre à jour mes OS récompenses en même temps que chaque publication de chapitre de ce tome 3. Voici pourquoi le délai d'attente entre chaque chapitre risque d'être assez déséquilibre d'une fois sur l'autre.

Ainsi, sans pour autant vous donner de date précise, je vous dit « à la prochaine !


[1] La description de Vienne : Toutes les informations que vous trouverez ici sur la ville viennent de Wikipédia.

[2] Gürtel : Ceinture en français.

[3] Confédération Internationale des Mages et Sorciers : Instance canon, souvent évoquée par JK Rowling. Leur chef est appelé « Manitou suprême ». Il est dit, dans « Harry Potter et l'Ordre du Phénix que la première convention s'est déroulée au Liechtenstein (Chapitre des BUSE). L'idée de la faire siéger à Vienne, en revanche, elle me vient de Xian Moriarty, une amie autrice plutôt calée sur les pays de l'Est.

[4] Préférence pour les balais : Véridique. Le sorcier en question le dit dans « Harry Potter et le Prince de Sang Mêlé ».

[5] Petite licorne : Equivalent sorcier de l'expression « petite nature ». C'est de mon cru.

[6] Bonne citrouille : Inventé aussi. Equivalent de « bonne poire ».

[7] Ring : Issu du terme allemand signifiant « anneau ».

[8] Le secret de la noblesse autrichienne : C'est bien entendu inventé. JK Rowling n'a jamais rien dit de tout cela.

[9] Dialogues en italique : Ça signifie que les personnages parlent une autre langue que l'anglais.

[10] Insinuation graveleuse les préférences de Harry pour les balais : Bien entendu, c'était voulu à 100% xD

[11] La délégation anglaise à la Confédération : Bien entendu, vous aurez reconnu Harry, Hermione, Percy et Ernie. Mais qui sont donc les autres ?

[12] Anne-Catherine Berthin : Non, cette horrible dame aux joues flasques et aux doigts boudinés qui tient un carnet noir dans la main n'est pas inspiré de Dolorès Ombrage, mais d'une personnalité politique qui a vraiment existé et dont je tairais le nom afin d'éviter tout débat idéologique superflu.

[13] Le Tempérament de Harry : Il n'a pas changé le survivant, toujours aussi impulsif.

[14] Le tempérament d'Hermione : Et elle, toujours aussi calme et mesurée.

[15] Un vieux sorcier aux allures avenantes : Avis aux gérontophiles. Après tout, il a déjà charmé ginny et Cho dans sa jeunesse.

[16] Jean-Christophe Ventresse : Comme pour Anne-Catherine Berthin, ce personnage est inspiré d'un vrai politicien français que je n'apprécie pas des masses.

[17] Marielle Ancelot-Mézy : Comme pour les deux autres, ce personnage est inspiré d'une personnalité politique française.

[18] Nicolas Lésigny : Euh… c'est vraiment nécessaire que j'en rajoute encore ?

[19] La sorcière à côté d'Ernie : Il s'agit de Susan Bones, je crois.

[20] Patronus de Dean : Oui, j'ai opté pour une chauve-souris. Ça fait bien chasseur de vampires.