Disclaimer : Je ne possède rien de la franchise Pirates des Caraïbes. Les personnages, l'histoire, les décors, les costumes, les navires… etc etc, appartiennent tous sans exception à leurs propriétaires respectifs. Je rajoute : certains éléments auxquels je fais référence sont issus de l'imagination de Rob Kidd, et appartiennent aux mêmes propriétaires que ceux cités ci-dessus (je vous mets au défi de le dire dix fois de suite et le plus rapidement possible xD)
Note de début : Joyeux Halloween! pour commencer ^^ Le thème de cet OS, un peu comme le précédent, est une idée que nous avons eue Syrène, Vefree, et moi-même. Nous avons donc écrit chacune notre version de la chose, et… cadeau ! lol *rire démoniaque* Muahahahahahahahahaha !!!
Je ne vous fais pas de résumé, res ipsa loquitur xD le titre parle de lui-même (est-il besoin de le traduire ? lol)
Comme vous l'aurez compris, ce texte comporte quelques références aux livres de Rob Kidd intitulés Jack Sparrow. Je vous rassure, nul n'est besoin de les avoir lus pour comprendre. Pour ceux qui connaissent, eh bien… au poil (de dos) ^^ Vous reconnaitrez.
Enjoy !
PACTUM CUM DIABOLUS
Première Partie
« Chantons pour passer le temps
Les amours jolies d'une belle fille,
Chantons pour passer le temps
Les amours jolies d'une fille de quinze ans.... »
Le soleil avait beau briller haut dans le ciel ce jour-là, il ne parvenait pas à percer l'épais feuillage des grands arbres tropicaux qui bordaient les rives du Pantano et formaient une impénétrable voûte sylvestre. Sous le couvert, l'on n'entendait pas un son, pas le moindre bruissement de feuilles, pas le moindre chant d'oiseaux... le silence était complet, presque religieux. Des silhouettes attendaient patiemment dans l'ombre, immobiles, telles des statues. Il régnait une ambiance morne, glauque, à vous glacer le sang. Le Pantano était un fleuve qui n'apparaissait pas sur les cartes. Pour certains ce n'était qu'une légende, pour d'autres il existait vraiment, mais nul n'était capable d'indiquer son emplacement avec certitude, et pour cause. Rares étaient ceux qui avaient osé s'y aventurer et aucun d'entre eux n'en était jamais revenu... assez indemne pour pouvoir en témoigner. La légende racontait qu'une dangereuse sorcière vaudou y avait élu domicile... et qu'un jour elle avait changé une petite fille en chatte de gouttière!
Mais Jack Sparrow n'était pas n'importe qui. Jack Sparrow connaissait la sorcière, et la sorcière connaissait Jack Sparrow. Comment? C'était une longue histoire!
Ainsi donc, seul dans un modeste canot, se riant du danger (ou presque), il remontait le fleuve pour aller à Sa rencontre. Pourquoi? C'était aussi une longue histoire!
« Aussitôt qu'elle fut promise,
Aussitôt elle changea de mise
Et prit l'habit de matelot,
Et vint s'engager à bord du navire
Et prit l'habit de matelot,
Et vint s'engager à bord du vaisseau… »
Chantonnait-il d'un air lugubre, malgré les paroles joyeuses. En vérité, il essayait de se donner du courage mais, hélas, jusque là il avait échoué lamentablement. Il soupira et se mit à ramer plus énergiquement. Voilà qui allait le réchauffer, à défaut de lui remonter le moral!
« Foutu Beckett ! jura-t-il brusquement, entre deux coups de rame. Si tu n'avais pas fait couler mon navire, je ne serais pas là! Je serais à bord du navire en question, au chaud, bien calé dans mon siège, les pieds sur ma table, en train de siroter une délicieuse bouteille de rhum pendant que mon équipage fait ce que je lui ai dit de faire! Il fit la moue. Il en faut toujours un pour tout gâcher ! »
Jack Sparrow avait travaillé un temps pour Cutler Beckett de la Compagnie des Indes de l'Est. Malheureusement, les deux hommes s'étaient révélés définitivement incompatibles, et ça s'était très mal terminé en fin de compte. Mais, c'était là encore une longue histoire, comme il y en avait beaucoup autour du jeune capitaine Jack Sparrow.
***
Quelques minutes, ou bien quelques heures, plus tard (il avait perdu la notion du temps), la nuit semblait être tombée (ou était-ce juste une impression ?) et la chaloupe de Jack pénétra dans un épais brouillard, qui rendait l'endroit encore plus sinistre qu'il ne l'était déjà (ce qui était peu dire). Toutefois, cette brume était signe qu'il n'était plus très loin de Son marais. Il en était certain. Il était déjà venu ici auparavant. Une seule fois. Mais une fois qu'il n'était pas prêt d'oublier ! Il eût d'ailleurs préféré éviter d'y remettre les pieds. Ca réveillait trop de souvenirs en lui. Trop de souvenirs désagréables de mensonges, de trahison et d'abandon. A l'époque, il avait été accompagné d'un jeune aristo, à qui il avait fait l'erreur d'accorder sa confiance. Il ne s'était pas méfié, il avait été naïf… et il avait été dupé. A cette pensée, il soupira derechef. C'était bien plus douloureux qu'il n'aurait jamais osé avouer.
Il secoua la tête, remisa ses affreux souvenirs dans un vieux sac au fond de son esprit et se concentra à nouveau sur la situation présente. Ca n'allait pas être de la coquille St Jacques ! Elle était dure en affaire, la sorcière. Mais il avait dans sa manche une carte très importante à jouer, et il allait devoir attendre le bon moment pour ça.
Il arriva soudain en vue d'une cabane en bois flotté construite sur pilotis, isolée, et ornée d'une vingtaine de cierges, tous allumés, mais qui servaient plus de décoration que d'éclairage. Dans l'obscurité, le canot de Jack passa à côté d'un caméléon qui choisit cet instant précis pour rompre le silence en attrapant une mouche d'un coup de langue agile avant de la gober. Jack sursauta et dégaina son pistolet… puis se ravisa en apercevant la bestiole. Il était tendu, ça partait mal…
Quelques secondes plus tard, il parvint enfin au pied de l'échelle qui menait à l'entrée de la cabane et y attacha sa chaloupe avant de commencer à grimper. Une fois en haut, il prit une profonde inspiration.
« Quand faut y aller, faut y aller », souffla-t-il, nerveux.
Le poing en l'air, il hésita. Fallait-il frapper ou non ?
« Entre ! » appela une voix, du dedans.
Il grimaça pendant quelques secondes, baissa le poing et, prenant son courage à deux mains, ouvrit la porte avant de pénétrer dans la pièce d'un pas franc, et esquissant le sourire le plus charmeur et le plus sûr de lui qu'il avait en stock. La sorcière, qui était assise à sa table, releva les yeux vers lui et lui décocha un sourire carnassier, découvrant des dents aussi noires que ses lèvres.
« Aoooh, Jack Sparrow ! s'exclama-t-elle, feignant la surprise, mais apparemment ravie de le voir.
_ Tia Dalma ! »
Tia Dalma se leva alors et vint vers lui d'une démarche assurée et prédatrice.
« Je te reconnaitrais entre mille ! Tu as grandi, » observa-t-elle, sérieusement.
Jack ne sut que répondre, il se contenta donc de sourire bêtement, appréhendant la suite, qui ne tarda pas.
« Tu es venu seul, cette fois, continua-t-elle, sur le même ton. Tu as une requête à me soumettre.
_ Oui. En fait, j'aurais besoin de…
_ Je sais, » coupa-t-elle, sèchement, changeant littéralement d'humeur, et lui tournant le dos pour s'en retourner à sa table.
Silence. Jack resta planté là, bouche bée, ne sachant plus trop s'il devait parler ou se taire. Aussi changeante et indomptable que l'océan, elle était la même. Il avait le sentiment d'avoir seize ans à nouveau. Dix ans auparavant. Il avait une désagréable impression de déjà vu.
Tout en se rasseyant dans son siège, de manière décontractée, Tia reprit la parole.
« Ton précieux navire est allé par le fond. Tu recherches l'aide de Davy Jones, cracha-t-elle, avec dédain. Hein ? »
Elle avait vu juste, cette fois encore. Jack s'avança alors, prudent, saisissant là l'occasion de pouvoir enfin en placer une.
« Et vous savez où je peux le trouver, lança-t-il, sûr de lui.
_ Et qu'est-ce qui te fait croire que je vais t'aider ? » siffla-t-elle, soudain courroucée.
Jack n'osa pas répliquer. Le regard plein d'éclairs qu'elle lui adressait le fit quelque peu trembler dans ses bottes. Il grimaça à cette pensée. Ce n'était pourtant pas son genre de se laisser intimider aussi facilement.
« Un pacte avec le diable… esclave à bord du Hollandais Volant pour l'éternité ! Voilà ce qui t'attend ! » prédit-elle, tentant visiblement de le dissuader de faire une énorme bêtise.
Mais Jack n'avait pas l'intention de renoncer. Malgré cet avertissement inquiétant. Récupérer sa Donzelle était sa priorité absolue et obtenir l'aide de cette vieille méduse de Jones était hélas la seule solution. Il aviserait du reste en temps voulu.
« Ca, c'est mon problème, éluda-t-il. Tout ce que je vous demande c'est de me dire où je peux le trouver. »
Tia sembla réfléchir durant quelques secondes intenses où elle le scruta de ses grands yeux noirs et pénétrants. Jack se sentit mal à l'aise une nouvelle fois et se mit à se balancer légèrement d'un pied sur l'autre, en attendant une quelconque réaction.
« Tu sais qu'il faut me payer ! » gronda-t-elle, intransigeante.
Nous y voilà enfin ! pensa Jack. Le bon moment… Le malaise laissa place à la détermination. Il était prêt à tout pour obtenir cette information. Il n'aurait reculé devant rien pour récupérer son bien le plus cher. D'un autre côté, il dut avouer qu'il était curieux. Elle avait beau l'intimider, le faire trembler de la tête aux pieds, il avait beau savoir qu'elle était dangereuse, c'était une femme fatale, une beauté des îles, divine, désirable… Il esquissa un sourire séducteur et se pencha vers elle, prenant appui sur la table, et plongeant le regard dans celui de la prêtresse païenne. Pourvu que ça fonctionne…
« Oh ça, je sais, ma belle, » susurra-t-il.
Tia changea alors d'humeur, une nouvelle fois, et lui décocha un sourire félin, satisfaite, la colère la quittant momentanément. Ca fonctionnait…
***
« Oh bugger… »
Un peu plus tard, allongé sur la paillasse, les bras en croix, pantelant et nu comme un ver, Jack tentait de reprendre ses esprits. Il venait de frôler la mort… Durant leur étreinte passionnée, leurs ébats débridés, Tia avait tenté de le tuer. Par deux fois. De toutes les liaisons qu'il avait eues dans sa courte vie, rien n'avait été comparable à ça ! Pas même la toute première. S'ébattre avec Tia ça avait été comme… fusionner avec la mer elle-même. Cette sensation de se noyer à chaque nouveau soubresaut, gigantesque vague de plaisir, ça avait été terrifiant… mais terriblement excitant. Il avait adoré ça ! S'il avait encore eu la force d'en redemander, il l'aurait d'ailleurs fait (à ses risques et périls même), mais il était épuisé, éreinté… mort, au sens figuré.
Il allait fermer les yeux et s'endormir comme un bienheureux, quand il entendit la sorcière se lever et commencer à se rhabiller.
« Ton paiement est honnête, » dit-elle, sur le ton du verdict.
Jack fronça les sourcils et se redressa sur ses coudes. Mon paiement a été bien plus qu'honnête ! protesta-t-il mentalement en la regardant finir de se vêtir.
« Tu vas m'aider, alors ? » demanda-t-il, en tentant un sourire charmeur.
Ajustant son corsage, Tia lui lança un dernier regard pénétrant, et sans un mot, disparut dans la pièce d'à côté, derrière le rideau déchiré. Jack était confus. Elle était si changeante, voire même insondable, qu'il ne savait pas trop ce que ça voulait dire. Est-ce que ça avait été aussi plaisant pour elle que ça l'avait été pour lui ? Allait-elle l'aider ? « Ton paiement est honnête » avait-elle dit.
« Je suppose que ça veut dire oui, » marmonna Jack, avant de se lever à son tour pour rassembler ses affaires.
Pendant qu'il se rhabillait, ses yeux vagabondèrent de-ci de-là, dans la petite pièce qui servait de chambre. Il y avait des toiles d'araignée un peu partout dans les coins, des bocaux étranges étaient posés sur des espèces d'étagères, (et il ne tenait pas particulièrement à savoir ce qu'ils contenaient), grigris, poupées vaudous, branches, feuilles, et autres plantes bizarres, véritable bric-à-brac d'immondices et de camelotes, s'entassaient pêle-mêle, ça et là… Quand soudain, le regard de Jack se posa sur un petit objet octogonal noir et blanc, qui ressemblait étrangement à un compas. Il repensa au sien qui avait brûlé, peu de temps auparavant, il n'avait pas pensé à le récupérer et il était allé par le fond avec sa Donzelle. La curiosité étant la plus forte, et finissant d'enfiler sa veste, il s'approcha lentement et le prit délicatement dans sa main droite, avant de l'ouvrir.
Puis il fronça les sourcils derechef. L'objet semblait avoir perdu la boussole et n'indiquait pas le nord mais une direction générale et aléatoire. Il se tourna alors dans la direction que lui indiquait l'aiguille et esquissa une moue confuse. Il secoua le compas, se déplaça de quelques pas vers la gauche, fit volte-face, brusquement, mais ne constata aucun changement, l'aiguille s'entêtait. Intrigué, il referma l'objet fou et le glissa dans la poche de sa veste, ni vu ni connu.
Replaçant son sabre dans son fourreau, il rejoignit enfin Tia, de l'autre côté du rideau déchiré. Elle était assise dans son siège, décontractée, pareille à une reine sur son trône, silencieuse, elle l'attendait. Jack sursauta légèrement quand elle s'adressa à lui.
« Le compas que tu m'as dérobé, commença-t-elle, lentement.
_ Hein ? Quoi ? bafouilla-t-il d'une toute petite voix, pris la main dans le sac.
_ Il te conduira à lui.
_ Et comment ? Il n'indique même pas le nord. »
Tia changea alors d'attitude et se pencha vers lui, le menton posé dans la main droite et un sourire malicieux collé aux lèvres. Ses yeux noirs pétillaient d'une étrange lueur.
« Mais, ce n'est pas le nord que tu cherches… n'est-ce pas ? » lança-t-elle, provocante.
Elle parlait par énigmes maintenant. Jack soupira intérieurement, et décida d'éluder la question.
« Et… qu'est-ce que ce compas indique ? interrogea-t-il, hésitant.
_ Ce que tu désires le plus au monde, » expliqua-t-elle, portant une main à son cœur, avec un sourire espiègle aux dents noires.
Il ne put retenir un gloussement. C'était ridicule. Un compas magique ! Bon d'accord, il avait déjà eu son compte de trucs magiques durant toute sa courte vie, mais… un compas qui indiquait ce qu'on désirait le plus au monde… et puis quoi encore ? Pourquoi pas une montre à gousset capable de remonter le temps, tant qu'on y est !? plaisanta-t-il mentalement… Bon, d'accord, ça lui était déjà arrivé, ça. Il se racla la gorge, chassant un énième souvenir douloureux de son esprit.
« Si tu le dis, concéda-t-il. Seulement, il reste un problème… et de taille. Je n'ai qu'une malheureuse coquille de noix, et ce compas, si tant est qu'il indique réellement ce que je veux le plus au monde, ne peut pas m'y conduire… ou bien ?
_ Non.
_ Je m'en doutais.
_ Mais j'ai ce qu'il te faut, » acheva-t-elle dans un rictus empli de malice.
***
« Oh bugger… ! »
Dans son canot, de retour du Marais, Jack avait cessé de ramer et fixait le large avec des yeux ronds, bouche bée. Il faisait jour à nouveau (ce n'était pas là l'objet de sa surprise, il avait renoncé à comprendre depuis un moment) et le soleil était haut dans le ciel. Le tableau aurait pu être lumineux, le ciel était bleu, les petits oiseaux chantaient… Mais, hélas, il y avait une grosse tache sur ce tableau. Un navire rougeâtre mouillait, là, à quelques encablures. Un navire qu'il connaissait bien. Un navire dont il aurait reconnu la figure de proue, une jolie sirène, entre mille. C'était le Misty Lady, le navire du capitaine Teague, son père… Alors, c'était là ce qu'Elle voulait dire par « j'ai ce qu'il te faut » ?
« J'ai ce qu'il te faut !! » imita Jack, choqué et mécontent.
Une chaloupe venait à sa rencontre. Il eut soudain une envie irrésistible de sauter par-dessus bord et de faire demi-tour à la nage, mais il se retint en pensant à sa Donzelle. Il se souvint qu'il avait été prêt à tout, seulement quelques heures auparavant.
« Prêt à tout… mais y a des limites quand même, » soupira-t-il.
Il n'avait pas revu son paternel depuis dix ans, environ, et il n'avait pas eu l'intention de le revoir de si tôt. A l'âge de quinze ans, il avait fugué, échappant à cette famille de dégénérés mentaux (ses oncles et tantes n'avaient cessé de vouloir le vendre ou le tuer depuis qu'il était né), cette famille de pirates qui était la sienne, et il avait passé des mois entiers à fuir, pour tomber finalement entre les pattes de son père, un an après. Il avait refusé de « rentrer à la maison » et Teague l'avait laissé partir. Ils ne s'étaient plus croisés depuis. Et, pour être tout à fait honnête, il ne s'en portait que trop bien. Ses leçons et sa philosophie à deux shillings ne lui avaient pas manqué du tout !
Il poussa un profond soupir en regardant la chaloupe se rapprocher.
Quand elle arriva à sa hauteur, il grimaça en reconnaissant l'un des trois occupants. Le capitaine Teague, en personne. Il n'avait pas changé, malgré quelques petites rides, il avait toujours cet air canaille, cette longue chevelure couleur de jais, bouclée, la même moustache frisotée, le même large chapeau, et il portait toujours cette longue veste rouge qui lui donnait un air de roi des pirates. L'un des deux autres était un rufian qu'il avait déjà croisé par le passé et qui s'appelait le Renégat. Robbie, de son petit nom, avait des cheveux bruns, grisonnants et hirsutes, qui le faisaient ressembler à un épouvantail, il portait un gilet, sans chemise, et n'était pas très grand, il dépassait tout juste le mètre cinquante. Mais Jack avait bien retenu la leçon : ne jamais se fier aux apparences. Il avait beau mesurer deux têtes de moins que lui… son estomac et son nez s'en souvenaient encore. Le troisième homme qui occupait le canot était assez vieux, et semblait être infirme, il lui manquait les deux bras et une partie de son œil gauche. Jack n'avait aucun souvenir de lui, par contre.
« 'jour, Jackie, salua son père. Ca faisait longtemps. T'as grandi. »
Jack leva les yeux au ciel. Oui, je sais ! Mais, qu'est-ce qu'ils ont, tous, avec ça ?! pensa-t-il, légèrement sur les nerfs. Il prit une profonde inspiration et tenta de garder son calme.
« Bonjour… p'pa, » salua-t-il, presque craintivement.
Ce tout petit mot avait failli lui écorcher la langue. Jack et le capitaine Teague avaient toujours eu une relation père-fils assez… disons particulière, et il n'aimait pas l'appeler « papa ». C'était bien trop bizarre, trop familier, trop sentimental… Ils n'étaient pas très démonstratifs, et préféraient conserver une certaine distance. Jack considérait Teague comme son « géniteur » (potentiel de surcroit), et Teague se contentait de l'appeler « petit ». Ca s'arrêtait là. Quelque part, tout au fond, ça leur fendait le cœur à tous les deux, mais ils n'auraient jamais osé l'avouer, même sur leur lit de mort. C'était comme ça. Ils allaient de l'avant.
« On m'a dit que t'avais besoin d'un navire, annonça Teague, de sa voix profonde et grave.
_ C'est Tia Dalma qui t'envoie ? rétorqua Jack, méfiant.
_ Elle t'a vu venir. Elle m'a prévenu.
_ Elle m'a trahi !
_ Elle t'envoie de l'aide.
_ Je n'ai pas besoin de ton aide !
_ Je suis ton père, Jackie. »
Voilà qui mettait un point final à cette conversation avortée. Teague avait toujours eu le chic pour lui rappeler qui il était vraiment. Jack, lui, aurait parfois préféré l'oublier. A cette pensée, une boule se forma dans sa gorge, mais la fierté le lui interdisait formellement. Aussi, il s'empressa de la ravaler, en se mordant l'intérieur de la joue.
« Allez viens », l'invita Teague, en lui tendant la main.
***
« Tu t'apprêtes à faire une énorme bêtise, petit ! »
Accoudé au bastingage, un peu plus tard, Jack poussa un énième profond soupir, le centième depuis qu'il était monté à bord de la Lady, si ses calculs étaient exacts.
« J'avais en effet besoin d'un navire… mais pas de ton avis ! » répliqua-t-il, sèchement.
Il avait même été un peu trop sec à son goût. Il le regretta aussitôt. Hélas, s'excuser n'était pas dans ses habitudes, il se contenta donc de fixer l'horizon.
Il entendit Teague venir se placer à ses côtés, sans un mot. Il sentit même son regard se poser sur son avant bras droit, là où était la marque, un P fraichement gravé dans sa chair, comme s'il pouvait voir à travers le tissu de sa chemise. Jack faillit s'enflammer une nouvelle fois, mais il se retint et tenta de recouvrer son calme. Il n'avait aucune raison d'être aussi en colère. Le passé était révolu, après tout.
« T'as pas fini d'apprendre. La route est longue, Jackie », dit Teague, tout à coup.
Jack soupira derechef. Et voilà, c'est reparti ! pensa-t-il, en levant les yeux au ciel intérieurement. Il allait avoir droit à une autre leçon de vie Teague-esque. Son père avait tout vu, tout fait, tout vécu et « crois-en mon expérience » par-ci, « crois-en mon expérience » par-là ! C'était d'ailleurs une des raisons qui l'avaient poussé à signer ce contrat avec la Compagnie des Indes. Pour n'en faire qu'à sa tête, braver les mises en garde passées du capitaine Teague, et, surtout, pour vivre sa propre expérience. Une expérience cuisante, songea-t-il, amer. Le vieux avait peut-être eu raison dans le fond. Mais il n'en restait pas moins qu'il voulait se faire sa propre idée des choses, de la vie, et de la liberté !
En revanche, ce qu'il aurait bien aimé savoir dans l'immédiat, c'était la raison qui motivait son père à l'aider.
« C'est pour ça que je t'aide à faire des erreurs. Tes propres erreurs. Pour que tu apprennes. C'est en faisant des erreurs qu'on apprend et qu'on grandit », expliqua soudain Teague, apportant, sans le savoir, une réponse au questionnement interne de son fils.
Ce dernier se tourna vers son géniteur, bouche bée, les sourcils en accents circonflexes. Avait-il lu dans ses pensées ? C'était peu probable.
« J'allais justement te demander pourquoi tu m'aidais… Plus besoin, dit-il. Par contre, je suis désolé, mais j'ai du mal à croire que tu m'offres une aide totalement désintéressée.
_ Aïe, ça fait mal ça, Jackie, rétorqua Teague, feignant la douleur et portant une main à son vieux cœur.
_ Arrête ton char ! Que t'a-t-elle promis en échange ? » interrogea Jack, suspicieux.
Mais le capitaine Teague ne répondit pas et se contenta de décocher un clin d'œil canaille à son rejeton avant de s'éloigner, lentement. Jack comprit instantanément, et leva les yeux au ciel.
« Question stupide ! » bougonna-t-il.
Note de fin : La chanson de Jack au tout début de ce chapitre est un chant traditionnel normand et qui s'appelle « Chantons pour passer le temps ». Si vous souhaitez l'écouter :
http : // babord . amures . info / paroles / chantonspourpasserletemps . html (supprimez les espaces, bien entendu)
Je remercie Syrène pour son aide d'ailleurs, c'est une très jolie chanson ^^
La suite, c'est un clic plus loin ;)
