OS introspectif entre Leo et/ou Glen, à ce stade on ne sait pas vraiment. Une petite frénésie nocturne en prose sur fond musique maladif.

Dans le plus respect et l'admiration de l'univers original +/- subjectif (interprétation personnelle oblige), donc tout à JUN MOCHIZUKI, prosternez-vous.

Une folle lecture à vous.


TRANSCENDER LE MIROIR

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Si lisse surface laquée où ton regard n'est que désir d'oubli. Reflet trompeusement intact d'une âme morcelée. Qui es-tu ? Tu cherches, encore, en vain, en pleine connaissance de cette cause perdue. Non, tu sais que ce n'est pas bonne question. Que la vérité est tout autre. Lointaine. Nébuleuse. A portée de ton doigt. De l'autre côté de ce miroir de fortune. Le sens même de tout cela en a perdu sa boussole depuis le temps qu'il erre. Et tu cherches, encore, en vain. Derrière la glace.

N'as-tu jamais été, ne serait-ce qu'un fugace instant fol, quelqu'un, une entité à part, une existence in-dé-pen-dan-te ?

Les lumières dansent devant des yeux, telle une neige douce et flavescente brûlant tes joues de sa froidure et de son sel.

Être ou ne pas être. Souvent tu te questionnes. Tant et si bien que la question tourne en rond, en rond, en rond, en rond… dans un monde où tout, absolument tout, ne tourne plus rond du tout. Les courbes de tes pensées et de ta volonté fléchissent. Se fracassent. S'éparpillent. Et jamais ne t'a paru si lointaine cette journée de non-anniversaire, ces éclats de rire propres à l'enfance oubliée. En secret, tu espères les voir crever le verre pour qu'ils entaillent ton visage devenu si laid, si détestable.

Tu te demandes comment se serait, le monde, s'il en avait été autrement. Comment les choses auraient-elles abouties, finalement, sans toi. Toutes ces questions se bousculent comme des étoiles dans ta tête. À l'intérieur, tu es vide. Comme le Gouffre. Infiniment vide. Et la souffrance, indicible, frôle le temps qui s'allonge sans jamais parvenir à le gondoler pour revenir en arrière. Trop souvent, presque las de cette habitude mortifère, tu rêves de disparaître.

Dans tes yeux, les lumières scintillent.

Des bougies, une infinité de flammèches fébriles sur un gâteau aussi sec que le monde brillent dans les lacunes de ton âme. Et tu te questionnes encore. Comment font-elles, pour luire, alors qu'il n'y a pas d'oxygène dans cet univers de reflets ? Puis la vraisemblance de tes propres propos envers toi-même t'assaille. Ta tête est un trou, un cercueil à mille âmes errantes, un terrier dans lequel un lapin fou creuse, creuse, creuse encore et toujours. Il creuse dans le vide qui s'étend, et plus il creuse, plus les lumières resplendissent.

Toi seul perçois cet univers aux larmes dorées.

Dans ton sommeil, tu as encore fantasmé cette époque révolue où les cauchemars d'Elliot brisaient tes nuits. Presque hagard, écrasé par l'étau de ta propre poitrine, tes yeux glacés d'or ont pleuré lorsque tes pas t'ont guidé, sous la clarté lunaire silencieuse, près du piano du manoir des Baskerville. Qui es-tu ? et l'écho de tes sombres raisons à vivre encore équarrisse ton ventre. Le Jabberwock veille en tes entrailles et leurs mémoires sont autant de vies antérieures qui plombent la tienne. Tu te sens partir et leurs présences imperceptibles s'imposent à toi. L'une d'entre elle, aux jambes perpétuellement croisées et au châle, devines-tu à sa silhouette, appose parfois sa main aux bandages phosphorescents sur ton épaule.

Cent ans d'errance pour en arriver là. Tu ne comptes plus les existences que tu as déjà vécues pour ne plus savoir discerner le vrai du faux de ce que constitue ton âme. Cette question n'en est même plus une. Regarde-toi.

Qui es-tu ? Imposteur de personne. Tes interrogations se mordent la queue et l'Oiseau Jubjube barigoule.*

Le couvercle luit sous la flammèche de la bougie et tu te rappelles vaguement de la sonorité hésitante de celui de l'orphelinat de Fiona. Des frères, des sœurs, des intrus. Tous des monstres. La haine remonte en toi. Ta douleur est pleine comme un gros œuf.

Une évidence perce ton thorax et tes sanglots ne sont que des plaintes muettes qui déchirent la quiétude de cet univers enchainé pour subsister.

Tu tires le banc, t'y poses. Tes doigts se perdent sur le clavier centenaire et l'air s'emplit d'une mélancolie suave. L'air vibre d'une détresse qui n'est pas la tienne et ton cœur se serre sous les assauts de tes mains virtuoses. D'un regard, tu cherches ton partenaire, mais la place vide à côté de toi est irrémédiablement vacante. Cette douleur est tienne. La cicatrice suinte son pus. Glen ne saura la taire. Ensemble, vous pleurez vos disparus de votre plus noir amour.

Lacie.

Elliot.

D'autres noms voltigent en tes souvenirs morcelés. Le prix à payer pour la sustentation de ce monde que tu entaches de ta propre rancœur envers tes échecs. Droit de succession. Legs de la famille maudite. Un lien tissé dans les ténèbres, bien au-delà de celui du sang et que tu as caché, si longtemps durant, derrières quelques mèches de cheveux pour ne plus voir ce monde détestable. Hélas, ta cécité feinte n'a pas su préserver ton ami et jamais plus tu ne fermeras les yeux sur cette réalité distordue à laquelle ton existence est vouée pour l'en préserver du néant originel.

Tu persévères à exister dans la mélodie que tu as toi-même écrit, un siècle auparavant. Et tu rêves d'elle prêtant sa gorge à tes notes. Quelle heure est-il ? Tu te remémores ce bijou à gousset de Jack. Le temps n'a pas d'emprise sur toi mais tes blessures ruissellent encore malgré l'eau sous les ponts. Oh comme la trahison t'as déchiré…

Tu les aimes. Tous autant qu'ils sont. Peut-être errent-ils ? Mais dans le fond, tu le sais, d'une certitude qui oblige tes doigts à se recroqueviller sur les touches noires et blanches pour ne pas hurler, que cela est impossible. Les geôles de l'Abysse ne régurgitent jamais personne. Elle les digère, les consume. Sa Volonté ne distord pas ses propres règles, immuables dans sa géométrie impossible.

Toi seul émerge à l'infini de la mort mais ta fin s'annonce en toi comme une évidence et tu souris. Qui es-tu ? L'aven en toi s'ouvre et tu tombes dans la poudreuse luminescente de ce que tu croyais être, jadis, que des hallucinations, des créations de ton imagination malade.

Dans l'abime de ton essence, tandis que les ongles s'écorchent presque sur l'épicéa, tu aspires plus que quiconque à succomber au propre poids de tes responsabilités envers ce monde déchu de sa beauté. Résigné, tu refermes le couvercle et caresse l'air redevenu statique. Le miroir se brise et ton ciel promis n'est qu'absence.

Sa Volonté deviendra tienne, et plus jamais tu ne te poseras la question.

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Peu à peu tu t'effaces.


* "L'oiseau Jujube barigoule": autre nom du Jabberwock selon les traductions du poème de Lewis Carrol (La Traversé du Miroir)


Merci à vous et peut-être à la prochaine sur "La Loyauté s'obstine en aveugle" (OS sur Kevin et/ou Break ^^) plus d'information sur mon profil.