Somnium

Résumé de l'histoire : Padmé Naberrie, jeune New-yorkaise, rêve depuis toujours d'une autre galaxie et d'un homme appelé Anakin Skywalker. Quand elle réalise que ses rêves sont réels, il est déjà trop tard. Darth Vader vient conquérir cette planète trop longtemps oubliée.

Crédit: L'épopée Star Wars est la propriété de George Lucas, rien n'est à moi.


Lereniel est ma superbe beta pour cette histoire. Grâce à elle, vous pouvez lire cette histoire sans risquer de faire une crise cardiaque à cause des fautes d'orthographe.


PARTIE 1. TERRA


Chapitre 1


Terre
Etats-Unis

New-York


La vie de Padmé Naberrie était, à bien des égards, une vie simple et heureuse.

C'était du moins ce qu'avait affirmé son psy dès qu'il avait commencé à la suivre, quelques années auparavant. Quand elle avait dix ans. Et qu'il lui avait tendu une sucette dans une piètre tentative de nouer un lien avec sa plus jeune patiente.

Avec le recul, et ses connaissances, il lui paraissait aujourd'hui évident que c'était lui qui avait besoin de consulter plutôt qu'elle. Franchement, quel homme saint d'esprit pouvait tendre une sucette à une petite fille inconnue et sans défense, et lui sourire d'un air conspirateur ?

Assurément un malade mental !

Non pas qu'il sache ce que Padmé voyait en lui! Il aurait été bien trop heureux de voir qu'elle lui accordait un semblant d'intérêt ! Elle avait découvert très tôt qu'il valait mieux éviter toute conversation avec cet ahuri qui pouvait lui demander pendant des heures ce qu'elle voyait dans ses lunettes !

Et quand elle répondait que c'était lui qui devait voir avec et non pas elle –non pas que cela lui semblait possible au regard de la saleté incroyable qui recouvrait les verres- il affirmait que c'était là son problème ! Qu'elle ne voyait pas à travers les choses !

Franchement !

Pourquoi elle continuait à le voir après autant d'années la mystifiait elle-même.

Padmé supposait que c'était un peu comme une habitude, un grain de normalité dans une vie qui n'avait clairement rien d'assez extraordinaire pour justifier les caprices de son cerveau. Ou alors c'était simplement pour que ses parents lui fichent la paix et qu'ils la laissent à ses vrais problèmes !

Pas ceux qui venaient de son imagination ! Non ! Ceux du monde réel ! Et non de cet homme aux cheveux blonds qui avait partagé ses rêves aussi longtemps qu'elle s'en souvienne ! Anakin !

Non, les vrais problèmes de la vie de Padmé étaient bien plus intéressants qu'un jeune homme devenant un assassin et un des hommes les plus importants d'un Empire Galactique ! Elle avait une thèse de science-politique sur le feu, quelques cours à prodiguer, des élections à préparer…

Et un foutu psychologue qui en plus de dix ans, n'avait pas trouvé quoi que ce soit pour calmer son subconscient !

Avec le temps, elle avait fini par comprendre que « son cerveau profitait de son sommeil pour calmer son stress », comme l'affirmait le bon docteur. Ainsi, quand petite, elle rêvait d'un jeune esclave c'était car elle se sentait entravée. Adolescente, l'esclave s'était émancipé pour devenir une sorte de chevalier, au moment où elle-même elle s'éloignait de ses parents. La guerre qui avait suivi était liée à son entrée dans la vie d'adulte.

Alors pourquoi, actuellement, était-il devenu un assassin et avait-il tué son propre maitre pour en prendre un autre ?

Et pourquoi avait-elle été assez stupide pour le dire à Monsieur-Psy ?!

« Il a tué son maitre ? demanda-t-il tout en réajustant ses lunettes avant de passer une main dans ses cheveux grisonnants. Padmé en profita pour se redresser sur le divan en cuire dont les manches étaient striées de griffures.

Ce n'était pas une bonne idée de le lui dire. C'était évident. Dieu seul savait quel genre de déduction stupide il pourrait en faire. Qu'elle allait bientôt se transformer en tueur, peut-être ?

A chaque fois qu'elle disait quelque chose à propos de ses rêves, elle avait toujours cette horrible impression qu'elle venait de faire quelque chose de mal. Comme si ces derniers n'étaient que pour elle, Padmé Naberrie, et surement pas pour les autres. Qu'elle n'avait aucun droit de partager ce qu'elle voyait avec quelqu'un.

Elle imaginait que si Anakin avait vraiment existé, il n'aurait pas non plus été enchanté de découvrir qu'elle avait été témoin de ses meurtres. Et qu'il l'aurait frappé avec cette étrange arme luisante dont il ne se séparait jamais. Mais Ani n'était que le résultat de son cerveau dérangé, qui au lieu de la laisser en paix, avait imaginé assez de chose pour en faire une trilogie-télévisée !

-Et un tas d'autres personnes, oui, répondit-elle en levant les yeux vers le plafond.

C'était un faux-plafond, dont les plaques n'étaient jamais bien mises, ce qui se permettait de voir les câbles électriques cachés au-dessus. Elle imaginait que c'était délibéré, un geste de M-P (Monsieur-Psy) pour voir à quel point ses patients étaient névrosés.

Elle était surement la pire, un cas unique. La-fille-qui-vivait-sa-vie-et-voyait-celle-d'un-autre-à-la-fois ! Elle savait que son cas était étrange, merci Google. Mais pas plus que ceux qui étaient persuadés que le gouvernement avait caché des micros chez eux, non ? Ou que les petits-hommes-verts les avaient enlevés ?

Elle, au moins, elle vivait encore dans le monde réel, se réconfortait-elle. Même si parfois, elle avait l'impression que Padmé Naberrie n'aurait pas dû naitre sur terre, mais autre part. Dans une planète verdoyante, bordée de lacs et de montagnes, et non pleine de pollution !

-Et as-tu une idée de ce qui l'a poussé à faire cela ? Je veux dire, il n'avait jamais tué personne, pas vrai ? reprit son psychologue en fronçant les sourcils.

Comment ne pas être perturbé quand M-P parlait d'Anakin comme s'il vivait vraiment ? Et qu'elle partageait ses sentiments ?

Malgré tout ce qu'elle avait pu dire depuis des années sur ses rêves à M-P, celui-ci n'avait jamais compris à quel point Ani était une entité totalement autonome de son contrôle. Il n'avait jamais saisi à quel point ses actions étaient toujours insaisissables. Elle aurait voulu savoir ce qu'il ressentait, mais elle ne pouvait pas. Elle n'était pas en contrôle ! Elle voyait, simplement !

M-P semblait considérer que le jour où elle serait capable de prendre le pouvoir sur les actions d'Ani, quand elle ne serait plus spectateur mais acteur, alors elle serait délivrer de ses rêves. Et pour cela, elle devait comprendre qu'Anakin n'existait pas, car il n'était pas « lui », mais « elle ».

C'était bien beau en théorie, mais la pratique ne fonctionnait absolument pas ! Elle avait beau forcer, elle savait qu'il n'était pas elle.

Elle n'était pas un assassin, par exemple.

-Je crois qu'il se sentait trahi, dupé.

C'était tout à fait volontaire de sa part de ne pas mentionner le fait qu'il avait déjà tué avant. Ça ne lui semblait pas pertinent. Car les vies qu'il avait alors ôtées n'étaient pas innocentes.

Celles des enfants, si.

Elle prit une gorgée du verre d'eau qu'elle tenait en main, se demandant encore pourquoi elle en avait parlé à M-P. Certes, le fait que son « ami-imaginaire » était devenu un fou-sanguinaire-tueur-d-enfants pourrait surement être considéré comme une raison suffisante pour qu'elle ait envie d'en parler à son psy.

Mais ce n'était pas cela la vraie raison !

Le problème, c'était qu'elle n'avait pas réussi à se réveiller !

Elle avait dormi près de deux jours ! Pendant deux jours, elle avait pu assister à la décente aux enfers d'Ani. Elle l'avait vu à genoux, en pleure. Puis avec son arme déchiquetant les corps d'une centaine de personnes. Puis entouré de lave, tenant au respect celui qui avait été comme son frère. Et enfin, elle l'avait vu acclamé par cette « chose » qu'il avait appelée « maitre », avant de recevoir sa nouvelle arme…

Une arme rouge comme le sang…

Et pour la première fois, elle avait ressenti quelque chose. Quelque chose de sombre.

Une promesse.

La promesse que bientôt, l'obscurité qui avait recouvert son monde illusoire allait envahir le monde réel. La promesse que bientôt, son âme elle-même serait en danger. Et elle s'était réveillée, partagée entre un sentiment d'horreur et de joie.

Ce n'était absolument pas normal.

-Mes rêves deviennent plus forts, plus réalistes.

M-P jeta un regard qu'il essaya discret à sa montre et, à sa grande consternation, elle comprit qu'il se sentait lasse de ses histoires. C'était un comble ! Son psy la trouvait ennuyeuse ! Mais elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle le serait aussi, si elle se trouvait face à un cas qu'elle devait suivre pendant des années ! N'empêche, son histoire était à tout du moins originale, pas comme celles de ces ménagères en dépression suite à un divorce !

Elle s'attendait donc fort logiquement à ce qu'il la mette dehors mais sa réponse inattendue la surpris :

-Franchement, Padmé, pourquoi continues-tu à revenir ici ? Tu ne cherches pas –ne veux pas- que tes rêves s'arrêtent, n'est-ce pas ?

Interloquée par la question, elle lui lança un regard noir tout en posant le verre qu'elle avait encore dans les mains. Elle prit son allure la plus assurée–et elle était la reine des faux semblant - avant de lever son menton d'un air de défit.

Il n'avait pas le droit de présumer connaitre ses pensées –même s'il était celui qui en savait le plus sur elle. Certes, elle s'était accoutumée à ses rêves, et ils ne la dérangeaient plus autant qu'avant, mais elle aurait largement préféré rêver d'un amant plutôt que de meurtres !

D'un autre côté, elle devait bien avouer qu'Anakin avait été une constante dans sa vie. Il était toujours là, dans l'ombre, et elle s'était souvent demandé ce qu'il ferait à sa place. L'homme de ses rêves était courageux, intrépide, un « héros sans peur » et elle avait souvent trouvé la foi en pensant à lui.

Mais elle ne laisserait pas à M-P la chance de le savoir !

Elle détestait cet homme et ses stupides, stupides, bonbons !

-Je veux une vie normale ! répliqua-t-elle donc, sévère.

M-P ne répondit pas tout de suite, ses gros doigts tachés d'encre s'agitant afin de fermer son dossier. Et une soudaine envie de brûler ces feuilles, et ce bureau, se rependit en elle comme une trainée de poudre tandis qu'une douce colère s'insinuée en elle.

Une colère qui n'était pas sienne et qu'elle fit disparaitre rapidement, ensevelie sous un monceau de culpabilité.

Même s'il était un idiot, il essayait quand même de l'aider.

-Alors vie ta vie, oublies tes rêves ! Si tu ne peux pas les arrêter, alors ne les laissent pas prendre le dessus. Je pense que ce sera notre dernière séance.

Padmé optima du chef, trouvant ses paroles sages bien qu'elles ne lui apportaient aucune solution miracle. De toute façon, s'il y en avait eu une, elle l'aurait trouvé depuis longtemps.

Après s'être levée de son canapé, elle lui tendit la main dans un geste de paix calculé. Main qu'il accepta avec un petit sourire. Une page de son histoire se tournait aujourd'hui. Et elle se sentait étrange : elle avait le sentiment qu'elle arrivait au bout du premier roman de sa vie, et qu'elle allait en entamer un autre.

o

Il ne lui fallut pas longtemps pour quitter la pièce et retrouver le bruit au combien séduisant de la civilisation.

Padmé était une New-yorkaise dans l'âme, totalement habituée aux rugissements des moteurs et à la circulation bondée. Fervente partisante des métros et amoureuse transit des concerts gratuits de Central-Parck. Parfois, quand le soleil était là, elle allait louer une des nombreuses chaises-longues du parc, et elle s'abandonnait pendant des heures dans un état de semi-éveille. Elle pouvait alors sentir les émotions d'Anakin et -s'il était en état de méditation- sa douce lumière la faisait frémir de bien-être.

Mais elle avait aussi une vie bien remplie de New-yorkaise. Ainsi, au fil des années, elle avait fini par ne plus avoir le temps pour ces moments de paix intérieure. Au fur et à mesure que le temps avait passé, elle avait décidée de se consacrer entièrement à la politique.

Padmé était l'une des de ces personnes qui trouvaient que la promulgation en 1935 de la National Labor Relations Act –fondatrice du régime social aux Etats-Unis- était une bénédiction. A l'instar, elle voyait la loi Taft-Hartley comme l'illustration même de la débâcle de son pays.

Autant dire que beaucoup la qualifiaient de rêveuse, d'idéaliste, d'utopiste, d'irréaliste et se moquaient d'elle avec ferveur. Après tout, il n'y avait bien que la fille d'un riche industriel pour avoir des idées aussi opposées à tout ce qui faisait la grandeur des Etats-Unis.

Comme si ses idées politiques avaient quelque chose à voir avec une crise d'adolescence qui perdurerait…

Il n'en restait pas moins qu'elle était clairement démocrate et que sa « naïveté touchante » avait très vite séduit quelques tenants du parti qui s'étaient empressés de s'en servir à des fins électoralistes. Et ils avaient raison, car son beau sourire, ses beaux discours, et ce feu qui brulait à l'intérieur d'elle avait cette capacité de fédérer autour.

Padmé savait qu'elle était belle. Ses cheveux longs châtains auraient pu paraitre banals, mais ils semblaient aspirer la lumière pour la rendre ensuite plus scintillante. Elle était plutôt petite et fine. Elle avait le visage bien fait, les traits doux, des fins sourcils, un nez droit, des lèvres pulpeuses, mais surtout elle avait le regard pétillant de ceux qui profitaient de la vie.

Déjà, à seulement vingt-cinq ans, Padmé était une étoile montante de la politique. Les new-yorkais connaissaient son visage et certains disaient même qu'elle serait rapidement sénatrice.

Mais il y avait encore du chemin à faire avant cela. Et aujourd'hui, elle n'avait vraiment pas envie de s'inquiéter pour son avenir. Aujourd'hui était un jour de victoire : son psy l'avait enfin estimé prête à vivre outre ses rêves. Et une telle victoire méritait bien une petite récompense !

Ce fut donc d'un pas décidé qu'elle prit non pas la direction du QG de campagne où elle militait, mais celle d'un pub qu'elle affectionnait particulièrement. Le « Sweet ».

Elle n'était pas une fervente admiratrice des noms « colorés », ni des bars. Mais le « Sweet » était l'un de ces endroits tranquilles où se réunissaient la jeunesse branchée le soir. Et si elle n'y allait pas maintenant, le pub serait rempli. Or, elle n'avait pas l'intention de faire la fête.

Elle allait voir Pablo, l'un de ses amis de lycée, qui avait rapidement arrêté ses études pour devenir peintre… avant de comprendre une évidence commune : on ne vivait pas de la peinture, il fallait travailler à côté.

Pablo était un jeune homme pétillant, plein d'entrain, qui avait monté son propre bar en empruntant de l'argent ici et là. Surtout son argent, d'ailleurs, les banques n'étant pas très friande à prêter de l'argent à un jeune hispanique sans diplôme. Ce qui lui avait assuré des consommations gratuites jusqu'à sa mort.

Pablo et elle avaient eu une sorte de liaison à l'époque du lycée. Par curiosité sans doute. La réponse à cette « relation» avant été instructive. Elle n'était clairement pas intéressée par l'amour, et Pablo ne l'était pas par les femmes. Et leur histoire avait fini de la même manière qu'elle avait commencé : dans une humeur bonne-enfant.

Au bout de quelques minutes de marche, elle arriva enfin devant le « Sweet ».

A peine poussa-t-elle la porte que l'odeur particulière du lieu –entre le tabac-menthol et l'odeur des pintes de bière- lui fit froncer le nez. Elle ne s'y habituerait jamais. Il n'y avait encore personne à cette heure. Pablo était derrière le bar, nettoyant méthodiquement les verres avec une minutie que l'on ne trouvait que chez les artistes.

C'était un bel homme, la peau bronzée, des cheveux d'or, des yeux verts, et un sourire à en faire chavirer le cœur de n'importe quelle femme. S'il n'avait pas une carrure impressionnante –comme son Anakin- il compensait par sa gaieté et ses traits presque féminins. Levant les yeux vers elle, il fit un grand sourire en la reconnaissant.

-Hé ! Mademoiselle Naberrie ! Quel honneur de vous accueillir en mon humble brasserie ! Il est particulièrement rare de vous voir autre part que dans votre bureau de tractation ces derniers temps ! beugla-t-il, moqueur.

Elle rit de bon cœur.

-J'imagine que sera plus le cas désormais, mon cher MP ayant décidé de ne plus jamais me voir !

Pablo était l'une des rares personnes à savoir qu'elle consultait un psychologue. Bien qu'il ne sache rien à propos de ses rêves, il savait qu'elle n'était pas « normale» depuis des années. Depuis qu'elle avait refusé d'aller à un cours de peinture avec lui car elle avait rendez-vous avec M-P. Et il ne l'avait absolument pas mal pris. Au contraire. Pablo était l'une de ces personnes qui donnait sans jamais vouloir en échange.

Il était un modèle de vertu qu'elle admirait avec ferveur. Trop bon pour faire de la politique.

-Wow ! J'imagine que cela vaut bien un petit verre ! Comme d'habitude ?

Elle n'avait jamais découvert ce qu'était son cocktail habituel, Pablo l'ayant inventé spécialement pour elle. C'était sa « spécialité » qu'il avait appelé le « Padmé ». Sa mère l'aurait tué si elle avait appris qu'il avait nommé une boisson alcoolisée selon le prénom de sa fille cadette. Prénom qui était d'ailleurs peu commun et sujet aux moqueries, comme elle l'avait découvert très jeune.

Pablo n'attendit pas qu'elle réponde pour commencer à remplir un de ses nombreux verres, et elle prit place juste en face de lui en soupirant de fatigue.

Depuis aussi longtemps qu'elle s'en souvienne, elle avait toujours été fatiguée. Ses rêves n'étaient pas vraiment reposant et elle dormait peu –enfin, si l'on retirait les deux jours de sommeille de cette semaine. Par moment, elle était prise d'une grande lassitude, souvent quand elle se détendait.

Mais ce n'était pas pour autant courant. Elle avait toujours été quelqu'un de très active et travailleur. Ce qui ne laissait que peu de temps pour se détendre. Mais quand cela arrivait –comme quand elle allait s'allonger dans un parc- c'était presque comme si son corps réclamait qu'elle aille voir Anakin.

Pablo du remarquer son épuisement car il lui demanda :

-Tu n'as pas un meeting aujourd'hui, n'est-ce pas ?

-Non, pas aujourd'hui. Je compte vite rentrer me coucher, le renseigna-t-elle en prenant le verre qu'il lui tendait et en l'avalant quasiment d'une traite.

Elle se sentait bien au Sweet. Il y régnait une impression de chaleur, de familiarité, qui pouvait presque en être perturbant. C'était peut-être car c'était le pub de son meilleur –et seul- ami, ou peut-être car les paysages peint par Pablo lui rappelaient quelque chose. Les lumières tamisées, l'ambiance entre le « trop girly » et le « trop-bar-pour-motard », l'odeur particulière, lui évoquaient une impression de sécurité qu'elle ne retrouvait jamais chez elle.

-Si tu veux, tu peux aller te reposer en haut, proposa Pablo.

« En haut » était l'appartement de Pablo, un appartement à son image. Chaque mur était une œuvre d'art, chaque bibelot était une de ses créations, et il lui semblait qu'il vivait dans une sorte de Marshmallow géant. Rien chez lui n'était neutre, et chaque chose y avait un sens caché. C'était le lieu le plus chouette au monde.

Parfois, Padmé se sentait jalouse. Quand elle avait toujours tout eu sur un plateau d'argent, Pablo avait dû travailler. Quand elle passait ses vacances en Europe, Pablo travaillait à McDonalds. Quand elle avait commencé ses brillantes études, il avait dû se battre pour faire exposer une toile. Et pourtant, il avait toujours eu le sourire et elle de la mélancolie.

Si elle avait dû affronter un tiers de ce qu'il avait vécu, elle était certaine qu'elle se serait effondrée. Pablo, lui, avait tout supporté sans jamais se plaindre. La seule personne qui avait eu une vie encore plus compliquée était Anakin.

S'il avait vraiment existé, le jeune homme aurait eu bien des raisons de devenir fou. La liste était grande : être un esclave, puis être séparé de sa mère, se former jour et nuit jusqu'au commencement d'une guerre où il avait perdu un bras, failli perdre un œil, ne pas avoir le droit d'aimer… Et recevoir toujours le regard presque méprisant de ses supérieurs…

Mais Ani n'existait pas, se rappela-t-elle. Et Pablo était donc l'homme le plus courageux qu'elle connaissait.

Elle allait refuser son offre quand un sentiment de lassitude la traversa de nouveau, balayant ses réticences. L'attrait d'un lit douillet, dans une chambre au chaud, était une promesse bien trop tentante pour qu'elle la refuse.

Elle accepta donc sa proposition avec un sourire reconnaissant.

Pablo sorti les clefs de sa poche –avec un porte-clefs dessus en forme de P- et lui jeta ces derniers. Padmé les attrapa.

-Il risque d'y avoir un peu de bruit ce soir, un groupe devrait arriver d'une minute à l'autre avec leur matériel, lui apprit-il.

Pablo aimait la musique, et permettait toujours à des petits groupes locaux de venir faire leur preuve dans son bar. Parfois, le groupe était vraiment bon et les clients étaient ravis. A d'autre moment, Pablo était le seul à applaudir. Mais il les soutenait toujours.

Un homme comme lui n'aurait pas dû exister. Il était bien trop gentil.

-Quel genre de groupe, demanda-t-elle en lui tendant son verre vide qu'il prit directement.

-Du genre dont les membres ont été nourris petits avec ACDC et Metallica.

Vraiment bruyant, donc, conclue-t-elle.

Heureusement, elle s'endormait toujours très rapidement. Il lui suffisait de penser à Anakin, de fermer les yeux et de se détendre pour que presque aussitôt, son « ami » vienne la retrouver. Ou plutôt qu'elle aille le retrouver. Car Anakin, lui, ne la voyait pas. Il ne l'avait jamais vue et ne la verrait jamais.

-Tout ce que tu aimes, fit-elle remarquer, se souvenant d'une des nombreuses tentatives de son ami au lycée pour créer un groupe de rock dans son garage… tentatives qui aboutissaient toujours sur un désastre.

Comprenant sans le moindre doute la moquerie sous-jacente, Pablo lui lança un sourire espiègle.

-Tu n'as jamais rien compris à l'art. Politique et art sont incompatibles, miss Naberrie. Tu en es la preuve vivante. Maintenant file dormir, avant de finir par baver sur mon comptoir !

De façon enfantine, elle lui tira la langue.

-Très bien, mais tu n'as pas peur que l'on trouve une fille chez toi? Ça pourrait nuire à ton image !

Il leva les yeux au plafond et lui dit « oust ! » tandis qu'elle descendait du tabouret où elle était assise, rieuse. Elle ouvrit la porte sur sa droite où était écrit « Interdiction d'entrer », et fit un signe de la main à son ami avant de monter les escaliers jusqu'à un petit palier. Il n'y avait qu'une seule porte, celle de l'appartement de Pablo, qu'elle déverrouilla avant de rentrer.

Elle fut éblouie par toutes les couleurs du lieu et sourit. Il n'avait vraiment aucune mesure. D'un pas décidé, elle alla jusqu'au canapé, où elle s'installa à son aise.

Il ne lui fallut pas longtemps pour tomber endormie.

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Elle rêvait, elle le savait parfaitement.

Elle savait toujours différencier ses rêves de la réalité.

Premièrement, les couleurs étaient différentes, plus vives parfois. C'était peut-être le plus dérangeant. Il y avait simplement des couleurs qui n'existaient pas dans sa réalité qui étaient ici ! Et elle n'y trouvait aucune explication logique.

Deuxièmement, il y avait cette sensation de bien-être, d'être à sa place, qu'elle ne trouvait que dans son monde fantasque. C'était ridicule, mais elle se sentait enfin en paix avec elle-même quand elle était ici. C'était son lieu de repos.

Troisièmement, et non des moindres, Anakin était présent. Et il ne méditait pas en ce moment. Au contraire. Il donnait ordres sur ordres à de pauvres soldats, qui le regardaient avec craintes et respects, essayant désespérément de ne pas lui déplaire.

Padmé ne savait pas si elle appréciait le voir ainsi, froid, presque dictatorial. Elle avait appris à aimer ce jeune homme plein d'esprit, de fougue, empli d'amour. Malheureusement, il semblait avoir disparu au profit de cet être opprimant, de ce meurtrier. En quelques jours, son Anakin était parti…

Cet homme n'était pas Ani, c'était Darth Vader… Mais avec le beau visage d'Anakin

C'était déroutant.

Padmé détailla le lieu où elle était. C'était un vaisseau-spatial, elle en était certaine. Elle pouvait voir les étoiles défiler comme si de rien n'était. Si elle avait bien appris de ces expériences passées, elle était sur le pont du navire. Là où se prenaient les décisions.

-Combien de temps avant de sortir de l'hyper-espace ? demanda Vader, autoritaire.

Un officier, habillé en gris, portant une sorte de béret noir, répondit :

-Encore quelques minutes, seigneur Vader.

Il croisa les bras, dardant son regard sur l'homme plus petit et effrayé.

-Préparez ma navette, je vais me charger personnellement de ce Jedi.

Padmé hoqueta, mortifiée. Non, il n'allait pas encore tuer un de ses anciens amis, n'est-ce pas ?

Un homme plus âgé, qui se tenait à sa droite, demanda :

-Monsieur, n'est-il pas plus prudent d'envoyer un escadron avec vous ?

Si un regard pouvait tuer (et un regard d'Anakin le pouvait, elle en était certaine), l'homme serait mort sur le coup.

-Douteriez-vous de mes chances de victoire, commandant ? avança-t-il, mortel.

Tout le monde frissonna, sachant pertinemment ce que voulait dire contrarier leur supérieur.

-Non, mon seigneur, je… tenta de reprendre le commandant.

Peine perdue.

-Taisez-vous. Je serai le seul à tuer ce sale traitre, et ce n'est pas soumis à la discussion ! Allez plutôt vérifier que l'hyper-drive….

Vader s'arrêta soudain de parler.

Intriguée, Padmé regarda autour d'elle, cherchant ce qui avait pu le couper dans sa colère. Les soldats firent de mêmes, curieux et terrorisés par ce silence. Il n'y avait rien, rien qui justifiait ce calme soudain. Elle se retourna de nouveau vers Vader.

Et elle hoqueta.

Vader la regardait elle !

Ses yeux bleus étaient fixés sur son visage et c'était comme s'il pouvait tout voir à travers elle. Elle frissonna. C'était impossible, n'est-ce pas ? Vader ne pouvait pas la voir ? Anakin ne l'avait jamais vue en plus de dix ans ? Pourquoi ses rêves changeraient-ils maintenant ?

Soudain, elle se sentait pleine et entière. Visible. Visible là où elle devait être. Mais elle était aussi terrorisée. S'il pouvait la voir, lui ferai-t-il du mal ?

Il n'y avait plus rien d'un seul coup. Il n'y avait qu'eux. Elle allait dire quelque chose, n'importe quoi, quand elle entendit :

-Mon… Monsieur ? osa le commandant.

Vader retourna son attention vers son subalterne, et Padmé posa une main sur son cœur, tremblante.

-J'ai cru que…

-BOUM !

o

Padmé se réveilla en sursaut, le cœur battant à un rythme fou, la respiration irrégulière, tandis qu'un bruit fracassant se faisait de nouveau entendre.

Le groupe de musique venait d'arriver.

Elle se redressa à la hâte et regarda ses mains tremblantes, essayant de se calmer.

Ce n'était rien, tenta-t-elle de se rassurer. C'était juste un de ses rêves, elle en avait l'habitude. Il n'y avait aucune raison de paniquer comme ça ! Franchement aucune !

Elle devait oublier ce qui venait de se passer.

Oublier ce regard bleu glacé.

Oublier les frissons qui l'avaient parcouru.

Oublier cette sensation d'entièreté.

Ce n'était qu'un rêve. Juste un rêve.

Un rêve fichtrement réaliste.


Note de l'auteur.

Coucou. D'abord, merci d'avoir lu ce premier chapitre, j'espère que vous l'avez aimé. Ce n'est jamais facile d'écrire un premier chapitre car il doit lancer le ton, montrer ce que l'histoire vaut, essayer de ne pas noyer le lecteur dans des informations dont il n'a rien à faire, et présenter les personnages principaux. Le tout avec quand même un peu d'actions. Bref, tout un tas de choses que je ne sais pas faire. Soit.

J'espère vous avoir a tout du moins fait un peu voyager aux USA, que Padmé ne vous semble pas trop OC (elle l'est forcément un peu, main bon) et que vous avez envie de découvrir la suite des événements.

Encore merci d'avoir lu.

N'hésitez pas si l'envie vous en prend de laisser un petit commentaire, ça fait toujours plaisir.

A bientôt pour la suite.

Kallen Mason