Bonjour tout le monde ! Je récidive encore avec X-Japan mais avec un UA, une fois n'est pas coutume ! Je vous laisse la surprise de découvrir le contexte et les pairings (je change un peu de mes marottes habituelles ! XD) mais je précise qu'il pourrait y avoir certaines entorses à la vérité historique. Je fais beaucoup de recherches mais je n'ai pas accès à autant d'informations que je le voudrais. -_-

Bref j'espère qu'elle vous plaira bonne lecture !

Chapitre 1 : Un zanni nommé hide.

Il faisait très chaud à Paris ce jour-là. Le ciel, alourdi de nuages bas et d'un gris presque noir menaçait de tomber à tout moment sur la tête des passants comme si lui non plus n'approuvait pas ce qu'il se passait sur la place de l'église Saint-Sulpice.

Une foule populeuse s'y était amassée pour voir jouer l'une de ces troupes de comédiens italiens qui sillonnaient la France depuis le règne de la Médicis. Des gens de tout poil étaient là : mendiants, étudiants, commerçants, homme, femme, enfant, voyous ou honnêtes, tous unis dans un rire collectif qui ponctuait les moments forts de l'action qu'ils avaient sous les yeux et dans une touffeur qui faisait monter d'abominables relents de sueur.

Les comédiens jouaient en italien donc personne ne comprenait ce qu'ils disaient mais cela n'avait pas d'importance car leur jeu était surtout basé sur un comique de situation, de gestes et d'expression. Du reste, l'intrigue était toujours très simple et facile à suivre. Cette après-midi-là, c'était Il Convitato di pietra, une énième version de l'histoire de Don Juan qui était repris un peu partout à cette époque.

L'homme qui allait donner, quelques années plus tard, la version la plus célèbre de cette pièce était là aussi et se divertissait comme tous les autres de si bon cœur que personne n'aurait pu soupçonner que lui aussi était comédien. Il avait passé son enfance à admirer la Commedia dell arte et c'était elle qui l'avait poussé vers le théâtre. L'admiration de l'enfant était restée la même chez l'adulte.

Cette troupe, appartenant à Fedeli, était de celles qui marchaient le mieux à l'époque. Le maître de troupe tenait le rôle de Don Juan mais l'observateur, assis au bord de la magnifique fontaine de la place, accordait une attention particulière à celui qui jouait Arlequin, le valet grotesque de Don Juan. Il portait le demi-masque noir qui laissait voir la bouche et le costume aux couleurs bigarrées caractéristiques de son personnage. Par sa physionomie, on devinait un tout jeune homme, de taille moyenne, de constitution plutôt frêle mais qui faisait preuve d'une énergie remarquable par une température pareille. Les spectateurs hurlaient de rire à la moindre de ses pitreries. Il déformait sa voix, imitait son « maître », faisait des gestes grossiers, des cabrioles pour éviter les coups de bâtons et l'on regrettait de ne pas voir l'intégralité de son visage qui devait être aussi expressif que sa voix. Détail étonnant : ses cheveux, coupés aux épaules, s'agitaient autour de sa tête comme de la soie noire.1

Le fait d'avoir dressé leur scène à tréteaux sur la place d'une église était une malice audacieuse de la part de ces comédiens. Si le peuple les aimait, l'Église les considérait toujours comme néfastes aux bonnes mœurs. A leur mort, seule la fosse commune les attendait. Et l'on sait la puissance du pouvoir de l'Église à cette époque...

L'homme, catholique mais confrère avant tout, appréciait et applaudissait. Sa propre troupe venait de voir partir l'un de ces principaux comédiens de farce et il aurait donné gros pour pouvoir recruter cet Arlequin.

Une fois la pièce terminée, la foule se dispersa. L'observateur vit sortir du semblant de coulisse qui avait été installé, le jeune homme coloré qui avait ôté son masque. Il semblait mourir de chaleur. Il se dirigea droit vers la fontaine et, sans faire attention à l'homme, mit sa tête sous l'eau qui ruisselait. Il but et se rafraîchit à la fois. Quand il eut fini, il s'ébroua comme un jeune chien et poussa un long soupir de soulagement et de fatigue. L'homme n'attendit pas davantage pour lui adresser la parole en italien :

- Permettez que je vous félicite pour votre performance monsieur. C'était remarquable et je pense m'y connaître en la matière.

Le jeune homme, surpris, tourna enfin la tête vers lui. Sous ses cheveux en l'air, il avait deux grands yeux noirs, pétillants d'intelligence et de vivacité. Il sourit et répondit :

- Je vous remercie monsieur mais ne prenez pas la peine de me parler en italien.

Il avait en effet répondu dans un français impeccable qui fit demander à l'autre homme :

- Êtes-vous Français ou Italien ?

- Je suis Italien, originaire de Bergame. Mais cela fait plusieurs années que nous tournons en France et j'ai eu le temps d'apprendre.

- Votre troupe va-t-elle rester encore longtemps à Paris ?

- Cela va dépendre de notre succès ou de notre tranquillité. Nous partons quand les gens ne viennent plus ou qu'on nous chasse.

Cela, l'homme le savait bien.

- Vous feriez mieux de jouer ailleurs que sur le parvis d'une église, conseilla-t-il.

Le jeune homme jeta un coup d'œil railleur au majestueux édifice qui parut alors se draper dans son honneur, égratigné par ce regard qui ne craignait rien.

- Ne sommes-nous pas déjà damnés ?

Il regarda de nouveau son interlocuteur d'un air un peu plus sombre :

- Si ça se trouve, vous êtes prêtre.

L'homme éclata de rire et répondit :

- Oh non ! C'est pire que cela, je suis comédien comme vous !

Le visage du jeune homme s'éclaircit :

- Oh vraiment ? C'est toujours agréable d'être apprécié par les gens du métier. Quel genre de rôle jouez-vous ?

- Je suis directeur de la troupe mais j'avoue avoir un certain penchant non pas pour les rôles principaux mais pour les rôles secondaires. Surtout les valets.

- Vous faites de la comédie donc ?

- Tout à fait, nous sortons tout juste de dix ans de tournées en province et nous jouons ce soir notre première pièce à Paris.

L'homme se dit qu'après tout, il ne perdait rien à faire sa proposition à ce jeune homme.

- L'un des mes comédiens vient de partir et j'en suis très embêté. Pour être d'une totale franchise avec vous, votre jeu m'intéresse énormément. Si la place vous intéresse, elle est à vous.

Les yeux noirs s'écarquillèrent d'étonnement :

- Ma foi, je ne peux pas donner de réponses avec si peu d'informations. Quel genre de pièces faites-vous ? Des farces italiennes aussi ?

- Pas tout à fait. Je connais très bien la commedia pour l'avoir souvent vue jouée. Mes pièces en sont inspirées mais elles sont bien davantage dans le goût français. Je comprends bien que vous ne puissiez pas répondre tout de suite alors je vous invite à venir nous voir. Voici l'heure et l'adresse de la représentation.

Il tira de la poche de sa veste un petit carton que hide prit sans le lire.

- Je viendrai. Pourrais-je savoir votre nom ?

- Je m'appelle Jean-Baptiste Poquelin mais rare sont ceux qui utilisent encore ce nom. Dans le milieu, je m'appelle Molière. Et votre nom à vous ?

- hide…je n'en ai pas d'autre. Appelez-moi seulement hide.

- Très bien, dit Molière en inclinant. Alors monsieur hide, si vous me permettez, je vais à la répétition. A ce soir donc !

hide acquiesça et le regarda partir en ne sachant que penser. Il n'avait pas l'air d'être un escroc car il était bien habillé et il parlait en regardant dans les yeux, d'une voix bien timbrée qui donnait confiance. Il tourna les talons pour rejoindre sa troupe qui commençait déjà à démonter la scène. Il sortit le carton de sa poche pour lire l'invitation :

- 18 h au théâtre du Petit-Bourbon.

Il se souvint alors brusquement de ce qu'on lui avait dit lorsqu'il était passé devant ce superbe théâtre : une troupe italienne la partageait avec une nouvelle venue qui venait d'obtenir la protection de Monsieur frère du Roi ! Était-ce celle-ci ?

Il faut absolument que j'aille les voir !

Si c'était bien cette troupe alors sa vie risquait de changer s'il acceptait la proposition de Molière. Il allait quitter une vie de nomade pour s'établir dans un vrai théâtre sous la protection d'un prince ! Il aurait fallu être fou pour ne pas saisir cette occasion d'une vie meilleure et plus aisée que celle qu'il avait maintenant.

- Hé hide, c'était qui ce bonhomme ? l'interpella Léo, l'un des autres interprètes de la compagnie.

Il avait le physique type d'un Italien : cheveux noirs bouclés, des yeux noirs et brillants et un grand sourire canaille. Il parlait fort, buvait beaucoup, chantait quand il était ivre et lutinait toutes les filles qu'il pouvait. Peu d'entre elles lui résistaient d'ailleurs car son accent et son français maladroit les charmaient. D'ailleurs, dans la troupe, il tenait toujours des rôles de jeunes premiers.

- Tu ne vas pas me croire…

hide l'attira à part. Cette histoire le gênait beaucoup vis-à-vis du reste de la troupe et il se demandait déjà comment il allait s'y prendre pour leur annoncer son départ sans les froisser. Rien dans son contrat ne lui interdisait de partir mais c'était toujours une chose assez délicate. Il expliqua à voix basse en italien :

- C'est le directeur de la troupe qui vient de s'installer au Petit-Bourbon. Il a beaucoup aimé ma prestation et il veut m'engager.

Léo siffla d'un air admiratif :

- Mamma mia, mais tu vas gagner du galon !

- Euh attends, je vais voir ce soir à quoi ressemblent leurs pièces. Certes c'est tentant mais je ne vais pas quitter une situation qui me plaît pour une autre que je ne connais pas !

- Oui bien sûr.

Léo sourit, soupira et se mit les poings sur les hanches :

- C'est dommage si tu pars quand même…tu es un peu notre mascotte. Le public t'adore.

- Oh non, ne me dis pas ça, tu me mets devant un dilemme terrible.

Mais Léo lui mit chaleureusement la main sur l'épaule :

- Je suis désolé, ne te ronge pas trop les sangs. Nous avons tous notre propre chemin à tracer et tu serais bien stupide de laisser passer une telle occasion. Il ne manque pas d'acteurs de talent, tu n'es pas irremplaçable cher ami !

hide lui décocha un regard oblique mais il se sentit un peu plus léger.

Lorsqu'il se rendit au Petit-Bourbon ce soir-là, il espérait presque que ce qu'il allait voir ne lui plairait pas pour ne pas se retrouver devant un choix difficile à faire. Mais la foule qui se pressait dans les couloirs montrait à quel point la troupe de Molière était déjà populaire.

Dès son entrée, hide fut impressionné par les lieux. C'était une immense salle très longue, au plafond haut dont chaque côté était bordé de colonnes recouvertes de dorures. Le plafond comportait des fresques narrant il ne savait quel épisode antique. Louis XIII y avait célébré son mariage et le fond de la salle formait une demi-sphère comme dans les églises.

Comme c'était la coutume, les balcons aux étages étaient réservés à la haute société et le parterre était pour le peuple. Contrairement à ce qui se passait pour les théâtres de rue, les gens étaient assis. La scène était longue et large et offrait de nombreuses possibilités de déplacements. En s'imaginant jouer dans de si belles conditions, hide ressentit un frisson de plaisir lui courir dans le dos. Il avait envie de sauter sur la scène et de commencer à improviser quelque chose.

Il s'assit au troisième rang et bientôt on entendit les trois coups annonçant le début de la pièce. Il s'agissait d'une farce appelée Le Docteur Amoureux qui avait plu au roi lui-même ainsi qu'il l'entendait dire autour de lui.

Le rideau se leva et hide comprit bien vite qu'il se trouvait là à un carrefour de sa vie.

C'était bien différent de ce dont il avait l'habitude de jouer. C'était en français avec beaucoup de texte mais il retrouvait aussi le comique qu'il aimait. Molière tenait le rôle de Mascarille, un type de personnage venu tout droit de la commedia et qu'il connaissait pour l'avoir déjà joué. L'homme qui l'avait abordé dans la journée était au moins aussi bon acteur comique que lui et déclenchait des tonnerres de rires par ses ruses et ses fourberies. hide rit beaucoup aussi et applaudit à tout rompre lorsque ce fut fini.

Après cela, il sut à quoi s'en tenir et la proposition de Molière devint plus tentante que jamais. Trop belle même pour être vraie. Il avait envie de lui parler pour s'assurer qu'elle était toujours valable, pour voir si vraiment on voulait de lui dans cette troupe qui ne semblait pas avoir besoin d'un renfort de talent. Est-ce qu'on le laisserait parler au directeur de troupe ?

Il se leva, se faufila à travers la foule et grimpa hardiment sur la scène côté jardin pour se rendre dans les coulisses mais il fut aussitôt rattrapé au vol par le moucheur de chandelles :

- Holà le drôle ! Où crois-tu aller comme ça ?

- J'ai besoin de voir Monsieur Molière, il m'a invité ici et je dois lui parler.

hide avait ôté son chapeau avant de parler pour bien montrer qu'il n'était ni un fauteur de trouble, ni un assassin avec un couteau caché sous sa chemise. L'homme le toisa d'un air méfiant puis lui fit signe de le suivre :

- J't'emmène…

Il guida hide jusqu'à une petite pièce et ouvrit :

- M'sieur Molière, y'a quelqu'un qui veut vous voir. C'est quoi ton nom ?

- hide.

Molière devait l'avoir entendu puisqu'il ouvrit la porte toute grande et accueillit le jeune homme avec un large sourire :

- Ah vous voilà ! Je suis ravi que vous ayez répondu à mon invitation. Merci Augustin, cet homme est de mes amis.

Il fit entrer hide dans sa loge où se trouvait une femme blonde à la poitrine généreuse que Molière présenta en ces termes :

- Ma femme Madeleine...

La femme fit un beau sourire ainsi qu'une révérence à laquelle hide répondit tout aussi poliment. La femme sortit de la pièce et Molière fit asseoir hide, croisa les jambes et demanda gaiement :

- Alors Monsieur, qu'avez-vous pensé de ce soir ? J'accepte les louanges comme les lancers de tomates pourvu qu'ils soient justifiés.

- Je n'ai que des compliments à vous faire monsieur. Et tellement que je me demandais si votre proposition était vraiment sérieuse. Vous avez-vous-même un grand talent comique, vous n'avez pas besoin de moi.

Molière sourit avec indulgence. Maintenant qu'il pouvait l'étudier de façon plus détaillée, hide s'apercevait qu'il était beaucoup plus âgé que lui. Entre trente-cinq et quarante ans certainement. Il répondit tranquillement :

- Mais si j'ai besoin de vous. Vous avez du talent et je ne peux pas tenir seul les rôles comiques de toutes mes pièces. Il me manque un acteur et vous feriez parfaitement l'affaire.

- Et mon accent ? Vos pièces sont en français, je crains que les spectateurs ne soient gênés.

- Votre accent est léger et pourrait très facilement se corriger si vous faites des efforts sur la diction, ne serait-ce que pour vos répliques. Voilà ce que je vous propose : un contrat d'un an pour essayer. Au bout d'un an, vous serez libre de rester ou pas.

hide avait vraiment très envie d'accepter.

- Vous allez rester longtemps au Petit-Bourbon ?

- Aussi longtemps qu'il plaira au Roi ! Nous avons eu le bonheur de lui plaire et nous espérons qu'il en sera ainsi longtemps.

hide ne put s'empêcher de demander d'une petite voix :

- Vous croyez que j'aurais l'occasion de le voir en vrai ?

Le sourire de Molière s'élargit :

- Mon jeune ami, si vous venez avec nous, il faudra vous préparer à jouer devant d'illustres spectateurs. Sa Majesté est férue de théâtre, Monsieur son frère également et il y a fort à parier que de belles années s'annoncent pour notre métier.

Il allait jouer devant le Roi, devant toute la Cour un jour peut-être ? Aurait-il l'occasion de jouer dans un château ? La tête de hide lui tournait. La Cour de France, sous l'égide de son tout jeune Roi, faisait déjà parler l'Europe entière. On décrivait sa magnificence, sa jeunesse et les châteaux étaient pour hide des visions de contes de fées. Oh s'il pouvait voir tout cela un jour pour de vrai ! Il n'avait pas envie de s'enrichir, ni de devenir noble pour en faire partie (chose impossible de toute façon) car il était content de son sort. Il se ferait tout petit s'il le fallait mais il voulait quand même voir tout cela, frôler des habits de soie, s'éblouir de dorures et de lumières et partager un peu de l'air de ce monde de rêve qu'il s'imaginait.

L'aventure était bien trop tentante pour un jeune homme d'origine pauvre et à l'imagination fertile comme lui.

- Monsieur Molière, je suis vraiment très intéressé. Mais je vous demanderai de bien vouloir m'accorder un peu de temps pour que je parle au signor Fedeli. Un départ est toujours plus difficile à négocier qu'un engagement.

- Oh oui, j'en sais quelque chose, répondit Molière. Vous avez le temps et revenez dès que vous aurez été libéré.

Lorsqu'il sortit du Petit-Bourbon, hide rentra auprès de sa troupe, à pas très lents parce qu'il réfléchissait à la façon dont il allait annoncer son départ. Le fait de quitter cette troupe ne lui causait pas de tristesse immense si ce n'est qu'il ne verrait sûrement plus Léo. Mais il avait peur que tout le monde lui en veuille et il se faisait un peu l'effet d'un opportuniste.

« Bah ! se dit-il. Ils en feraient tous autant que moi à ma place ! Quel acteur saint d'esprit refuserait pareille proposition ? »

Sa troupe avait établi ses quartiers dans une pauvre auberge près de la place Saint Sulpice. Leur standing variait en fonction de l'argent récolté lors des prestations du jour. Il leur était déjà arrivé de ne pas avoir de quoi se payer le coucher. Dans ce cas, ils passaient à la nuit dans quelque cabaret à dépenser leurs sous à boire. Ce soir-là, ils auraient l'alcool et le lit à la fois.

La fête avait déjà commencé d'ailleurs mais hide avait une mine si sombre en entrant dans la pièce éclairée de multiples bougies que Léo vint tout de suite à lui et dit :

- Bon, je vois que tu vas nous quitter. Il est inutile de faire une mine aussi lugubre. Je vais te regretter quand même…

hide ne sut que répondre. Léo le prit vigoureusement par l'épaule et l'entraîna à sa table :

- Allez viens boire et manger ensuite tu iras voir le patron. Raconte-moi ce que tu as vu.

Un énorme cochon rôti tournait sur une broche dont on distribuait la viande aux convives. Ils la mangeaient avec du pain, accompagné d'un verre de vin vieux. Tout en mangeant, hide raconta ce qu'il avait vu. Léo l'écouta avec beaucoup d'attention et surtout, sans une once d'amertume.

- Tu es sûr de ne pas t'ennuyer à rester sans cesse au même endroit ? La vie de saltimbanque te plaisait tant !

- Je n'en sais absolument rien puisque je n'ai jamais joué dans un théâtre fixe. Mais je n'ai qu'un contrat d'un an et si jamais ça ne me plaît pas, je te promets que je vous retrouverai même si je devais traverser tout le pays !

Léo sourit et répondit :

- Moi je t'écrirai en t'indiquant à chaque fois l'endroit où nous serons comme ça tu sauras où nous trouver.

Vint le pénible moment pour hide d'aller trouver son directeur de troupe. Il s'était retiré dans sa chambre et griffonnait déjà l'ébauche d'une future pièce. hide commença à lui exposer son problème mais soudain, Fedeli l'interrompit d'une voix forte en italien :

- Ah je suis déjà au courant mon garçon ! Molière m'a écrit pour me parler de tout ça.

Il agita une lettre sous les yeux du jeune homme qui se sentit légèrement floué : Molière aurait quand même pu lui dire qu'il écrirait ! Puis il pensa qu'il l'avait peut-être fait pour lui faciliter les choses.

- Oh je vois…, bredouilla-t-il, coupé dans son élan et ne sachant quoi ajouter. Alors…j'aimerais accepter sa proposition…

- Oui je comprends et je n'ai pas le droit de t'en empêcher. Je dois avouer que je suis un peu déçu de perdre un garçon comme toi mais basta ! Nous nous en sortirons bien sans toi.

Fedeli avait toujours le parler un rude, un peu bourru mais hide se sentit comme s'il avait porté une poutre d'église sur son dos et qu'on venait enfin de la lui retirer. Le soulagement lui fit avouer :

- Merci…je ne savais vraiment pas comment vous l'annoncer.

- Si tu veux vraiment me remercier, fais-nous honneur dans ce théâtre parisien. Montre à ces Français de quoi nous sommes capables.

Fedeli paya à hide la dernière somme qu'il lui devait puis le congédia. Cependant, le jeune homme ne dormit pas et passa la nuit à faire la fête avec ses compagnons qu'il allait quitter. Beaucoup faisaient la tête et semblaient lui tenir rigueur de ce départ précipité. hide n'eut pas le courage de se défendre parce qu'il comprenait trop bien leur réaction.

Le lendemain, il rassembla ses maigres affaires et alla trouver Molière qui le présenta tout de suite aux autres membres de sa nouvelle famille. La troupe de hide resta quelques semaines à Paris puis elle reprit le chemin vers le nord et hide la regarda partir, le cœur lourd.

Ce fut ainsi que hide passa de la troupe de Fedeli à celle de Molière. Il était, sans le savoir, au tournant de sa vie. Molière se prit très vite d'affection pour ce jeune homme surmotivé, qui était capable de passer des heures, des nuits entières à apprendre son texte, chose qu'il n'avait pas l'habitude de faire dans le théâtre d'improvisation. Il travaillait aussi dur pour corriger son accent afin qu'il s'entende le moins possible. Molière, qui aimait les travailleurs, le garda sous son aile et prit l'habitude de l'emmener partout avec lui.

hide ne quitta donc pas l'Hôtel du Petit-Bourbon au bout de la première année. Retrouvons-le trois ans plus tard, en Août 1661, lors de la célèbre fête donnée par Nicolas Fouquet en son château de Vaux-le-Vicomte pour Louis XIV.

(1) Je pouvais difficilement transposer cet homme-là avec ses cheveux colorés au XVIIe siècle ! ^^