15 novembre, 22h30, Irlande:
Artémis s'assit confortablement à l'arrière de la Bentley et s'autorisa un large sourire. Le jeune Irlandais venait de conclure une affaire juteuse qui allait lui rapporter quelques millions bien mérités. Il regarda dans le rétroviseur et aperçut le visage de son garde du corps. Butler semblait plus renfermé que d'habitude et n'avait pas prononcé plus de quatre mots de toute la journée. Artémis prit un air décontracté et demanda:
« Êtes-vous contrarié par quelque action que j'aurais commise vieux frère? Ou bien est-ce cette pluie qui vous ruine le moral? »
Aucune réponse. Bien! Artémis se rassit et darda maintenant un œil suspicieux sur son garde du corps. Il n'avait jamais vu Butler dans un tel état. Le jeune homme se détacha et se glissa souplement sur le siège avant. Butler tourna alors un regar noir vers son protégé.
« Artémis ne faite jamais ça! Imaginez un instant que j'ai dû freiner, vous auriez traversé le pare-brise!
-C'est sans doute la plus longue phrase de la journée! » S'exclama Artémis en s'attachant à l'avant.
Butler émit un grognement et concentra son attention sur la route. Les gouttes de pluie frappaient sans cesse les vitres de la voiture et le bruit régulier de leurs chutes ressemblait à une symphonie irréelle. Butler était à moitié hypnotisé par l'averse et il eut l'impression de recevoir un coup de poing lorsqu'Artémis lui demanda:
« Que vous arrive-t-il vieux frère? »
Le ton d'Artémis n'était plus enjoué du tout, il regardait son ami d'un œil inquiet. Il avait décodé les expressions faciales de Butler et ce qu'il y avait trouvé le terrifiait: colère, peine, douleur.
Le jeune homme n'aurait jamais pensé un seul instant trouver le sentiment « douleur » affiché si ostentatoirement sur ce visage. Il réitéra sa question et cette fois ci Butler soupira profondément. Une tornade d'émotions contradictoires passèrent dans ses traits et son regard posait toujours le même dilemme « Lui dire? Ne pas lui dire? »
« Vous pouvez tout me dire mon ami. Souffla Artémis.
-Mais par ou commencer? Répondit Butler avec un sourire triste.
-Nous avons tout notre temps, la route est encore longue jusqu'à Dublin. »
Le garde du corps poussa un nouveau soupir, il se plongea dans ses souvenirs et son esprit revint vingt ans en arrière.
10 juin, 10h 42, Etats-Unis, New-Hampshire:
« Dépêche toi Butler!
-J'arrive!
-Mais courrez bon sang ils vont nous rattraper! »
Rien ne vaut un bon footing matinal dans les rues de Concord un beau jour de juin! La plupart des gens seraient d'accord avec cette idée. Mais ce n'était pas vraiment le cas des trois jeunes soldats qui couraient comme des dératés en tentant de semer leurs poursuivants. En effet, ils avaient été matinals, à 8heure ils avaient volés un prototype d'arme chimique à la mafia Russe basée à Boston et ils avaient atteint Concord quelques heures après à l'arrière d'un camion volé. Le Camion ayant explosé, ils ne pouvaient maintenant que courir et il est sans doute inutile de préciser qu'ils étaient fortement ralentis par le poids de l'arme chimique volée. Une bonne matinée pour des élèves de Madame Ko!
« On va jamais y arriver! Paniqua l'un des garçons en tournant dans une ruelle.
-Mais si il suffit de pas mourir! Ironisa l'autre garçon.
-Bon plan Butler t'en as d'autres des comme ça? » S'exclafa une vois féminine.
Le trio s'arrêta au bout de la ruelle et scruta les environs. En face d'eux s'étendait un hangar aux pilonnes d'acier, c'était là qu'ils avaient rendez-vous avec Madame Ko.
« Ils sont pas là! S'écria la fille.
-Peut être qu'ils ont été retardés. Tenta Butler
-Ou peut-être qu'ils savent qu'on est coursés par les ruskofs et qu'ils vont nous laisser clamser ici! S'énerva l'autre garçon.
-Mais non Marlow arrêtes un peu de toujours voir le mauvais côté! Soupira la fille.
-Avec Madame Ko il faut toujours s'attendre au mauvais côté! Couina Marlow.
-Laisses tomber Sanchez. Ricana Butler. Il a peur de son ombre de toutes façon. »
Marlow voulut protester mais une voix familière attira l'attention des trois jeunes gens:
« J'hésite encore à vous enlever vos tatouages Butler et Sanchez! Grinça Madame Ko. Quand à vous Marlow vous pouvez Attendre l'année prochaine. »
Tous trois s'inclinèrent respectueusement. La tête penchée vers le sol Marlow murmura à Butler:
« C'est de ta faute grand dadais!
-Moi au moins j'ai eu mon diplôme...
-La ferme les enfants! » Crachat Sanchez en leur lançant un regard tranchant.
À Cette époque, Butler était âgé de vingt cinq ans et était mercenaire pour le compte de Madame Ko. Il faisait équipe avec une diplômée de l'académie, la seule fille de la promotion, Sanchez. Une Espagnole aux compétences redoutables et au physique encore plus redoutable. Ils enchaînaient les missions avec succès et étaient les élèves les plus accomplis de madame Ko.
Une seule chose venait ternir leur palmarès: un secret... leur secret. Au delà de l'amitié, Butler et Sanchez entretenaient une relation dangereuse et interdite. Leur situation bancale était presque stable car personne n'avait de soupçons, mais ils savaient que tôt ou tard ils serait découverts. Pour l'heure, aucun problème ne semblait se profiler et leur vie avait un délicieux goût d'aventure.
