Il m'est apparu que François Mauriac dans Thérèse Desqueyroux avait écrit des mots qui pouvaient tout aussi bien convenir à Sévèrus. Aussi ai-je pris la liberté, avec des coupures et quelques adaptations, de transcrire ici l'histoire de Sévère vu par Mauriac.

A vous de me dire si j'ai eu raison, avec des rewiews.

I

L'avocat ouvrit une porte. Sévèrus Snape, dans ce couloir dérobé du palais de justice, sentit sur sa face la brume et, profondément, l'aspira. Il avait peur d'être attendu, hésitait à sortir. Un homme, dont le col était relevé, se détacha d'un platane, il reconnut Rémus. L'avocat cria : « Non-lieu » et, se retournant vers Sévèrus :

« Vous pouvez sortir : il n'y a personne. »

Il descendit les marches mouillées. Oui, la petite place semblait déserte. Rémus ne lui donna pas même un regard, il interrogeait l'avocat qui répondait à mi-voix, comme s'ils eussent été épiés. Il entendait confusément leur propos :

« Je recevrai demain l'avis officiel de non-lieu.

Il ne peut plus y avoir de surprise ?

Non, les carottes sont cuites, comme on dit.

Après la déposition d'Albus, c'était couru.

Couru…Couru… On ne sait jamais. Vous savez, Lupin, dans ces sortes d'affaires, le témoignage de la victime… »

La voix de Sévèrus s'éleva :

« Il n'y a pas eu de victime. »

Les deux hommes, un instant, observèrent Sévèrus, immobile, serré dans son manteau, et ce blême visage qui n'exprimait rien.

Ils traversèrent la place : des feuilles de platane étaient collées aux bancs trempés de pluie. Sévèrus marchait entre les deux hommes qu'il dominait du front et qui de nouveau discutaient comme s'il n'eut pas été présent ; mais gênés par ce corps, ils le poussaient du coude. Alors il demeura un peu en arrière, faisant jouer ses longs doigts qui ne détenaient plus aucune baguette.

Il s'efforçait de ne pas entendre les propos du petit homme aux courtes jambes arquées qui, pas une fois, ne se retourna vers Sévèrus. Il aurait pu choir au bord de ce chemin. Ni Lupin, ni l'avocat ne s'en fussent aperçus. Ils n'avaient plus peur d'élever la voix :

« Croyez-moi, dites à Albus de faire front ! Prenez l'offensive dans la Gazette du sorcier de dimanche ; préférez vous que je m'en charge? Il faudrait un titre comme La rumeur infâme…

Non, mon vieux ; non, non : que répondre, d'ailleurs ? C'est trop évident que l'instruction a été bâclée ; on n'a même pas fait allusion à son passé… »

Au bord du fossé, les lanternes d'une calèche, dont la capote était baissée, éclairaient deux croupes maigres de chevaux.

Le cocher contemplait Sévèrus avec une attention goulue. Comme il lui demandait s'ils arriveraient assez tôt, il le rassura : tout de même, mieux valait ne pas s'attarder.

« C'est la dernière fois que je vous donne cette corvée,Gardère.

Monsieur n'a plus à faire ici ? »

Il secoua la tête et l'homme le dévora des yeux. Devrait-il toute sa vie, être ainsi dévisagé ?

« Alors tu es content ? »

Lupin semblait enfin s'apercevoir qu'il était là. Il dit à voix basse : « Je suis rompu… » puis s'interrompit : à quoi bon parler ? Il ne l'écoute pas, ne le voit pas. Que lui importe ce que Sévèrus éprouve ? Cela seul compte : cette lutte contre Voldemort, compromise par son acte.

Heureusement, la justice ne leur ôte pas ce pion précieux. La cour d'assise évitée, tous respirent. Mais comment empêcher les adversaires d'entretenir la plaie ? Dès le lendemain, Albus devra aller voir le ministre.

Depuis l'ouverture de l'instruction, sans doute avait-il fait souvent ce même voyage qu'il entreprenait ce soir; mais il n'avait alors aucune autre préoccupation que de renseigner exactement Albus Dumbledore ; il écoutait, avant de monter en voiture, les derniers conseils de l'avocat touchant les réponses que devrait faire Albus Dumbledore losqu'il serait de nouveau interrogé -aucune angoisse chez Sévèrus, en ce temps-là, aucune gêne à l'idée de se retrouver face à face avec ce vieil homme : il s'agissait alors entre eux non de ce qui c'était passé réellement, mais de ce qu'il importait de dire ou de ne pas dire. Ils recomposaient, à l'usage du juge, une histoire simple, fortement liée et qui pût satisfaire ce logicien. Sévèrus, à cette époque, montait dans la même calèche qui l'attend ce soir –mais avec quelle impatience d'achever ce voyage nocturne dont il souhaite à présent ne pas voir la fin !

Il repense à ce long trajet que l'interdiction de l'usage de toute magie l'obligeait à parcourir, et encore ce soir.

Le cauchemar dissipé, de quoi parleront-ils, ce soir, Albus et Sévèrus ?