Encore une traduction, cette fois de The Gardiner Connection. S'il y a trop de phrases à rallonge, de problèmes de concordance des temps, de maladresses ou de coquilles, je plaide coupable. :-)

L'histoire est en trois parties, que je compte publier en une ou deux semaines selon mes disponibilités. Elle sera suivie de trois courtes scènes.


Première partie


Londres, 1803

Edward Gardiner frappa à la porte de l'hôtel particulier et y fut rapidement admis. Tout en suivant le majordome qui le conduisait au bureau de son maître, il se demandait si le soutien financier qui lui avait été promis, et sur lequel il comptait pour lancer son affaire, lui serait retiré avant même d'avoir été donné. Cette convocation sortait de l'ordinaire, et cette raison était la seule qui lui vint à l'esprit pour expliquer sa présence en ce lieu. Une fois arrivé dans le bureau, il ne fut guère rassuré par l'attitude de son hôte. Le gentilhomme d'âge mûr faisait montre de nervosité, et une certaine tristesse pouvait par moments se lire dans son regard. La nervosité de Mr Gardiner s'en trouva augmentée, car il craignait que son investisseur ne soit sur le point de lui annoncer qu'il avait tout simplement perdu l'argent qu'il pensait investir dans l'affaire.

« Merci d'être venu, Gardiner. Asseyez-vous. Prendrez-vous du café ?

— Pardonnez ma franchise, Monsieur, mais j'aimerais plutôt savoir pourquoi vous m'avez convoqué. Le projet est en bonne voie ; est-il arrivé quelque chose qui menace son exécution ?

— Non, rien de tel, rassurez-vous, lui répondit son hôte. J'aurais simplement souhaité savoir … c'est-à-dire … avez-vous songé à vous marier ? »

Le jeune homme, stupéfait, fit non de la tête.

« Je n'ai que vingt-deux ans, et mes affaires ne sont pas encore installées. Bien que j'espère que nos efforts porteront du fruit, je ne suis pas en mesure de subvenir aux besoins d'une famille.

— Et si vous disposiez d'un certain capital ?

— Je ne suis pas sûr de bien vous comprendre, dit Gardiner en fronçant les sourcils.

— Je parle de vingt mille livres.

— Monsieur ? »

La réponse se fit attendre, elle fut précédée d'un long soupir.

« Ma fille, selon toute vraisemblance, attend un enfant. »

De tout ce qu'il pouvait lui être dit, c'était la dernière chose à laquelle Gardiner s'attendait. La jeune fille en question, qui était d'un âge similaire au sien, n'était, à sa connaissance, ni mariée ni fiancée. Ne sachant quoi répondre, il se tut. Après quelque temps et un autre soupir, son investisseur reprit la parole.

« Je vous apprécie. Je vous fais confiance. J'aimerais que vous l'épousiez.

— Ne vaudrait-il pas mieux que vous exigiez cela du père de l'enfant ?

— Certainement pas ! Margaret serait profondément malheureuse si elle se retrouvait liée à cet homme, et je crois qu'elle a pris conscience de cela. Du reste, il s'est depuis marié, et, l'aurais-je souhaité, mon influence aurait été insuffisante pour forcer sa main.

— Pourquoi moi ? Il me semble me rappeler que vous teniez en haute estime l'un de vos neveux.

— Si je me prononçais en faveur d'un mariage entre cousins, je craindrais fort que cela donnât des idées à ma soeur.

— Je suis le fils d'un homme de loi et je suis commerçant, du moins c'est ce que j'aspire à être. Ce serait une mésalliance pour votre fille.

— Je pense qu'il serait mieux pour elle de quitter notre milieu. Ainsi, elle n'aura pas à subir le mépris et la malveillance des hypocrites qui y sont légion. De plus, ne m'avez vous pas dit que votre soeur avait épousé un gentilhomme ?

— Monsieur, dit-il d'un air embarrassé, si vous devez devenir mon beau-père, je crois qu'il serait mieux de ne pas révéler votre nom à Mrs Bennet. Elle a déjà cinq filles, et bien que l'aînée n'ait que quatorze ans, ma soeur s'inquiète déjà de les voire toutes bien mariées. Je ne voudrais pas qu'elle abusât de notre lien.

— Je m'en remets à votre jugement. Cela veut-il dire que vous acceptez ma proposition ? »

Gardiner réfléchit. Il avait rencontré la jeune fille à plusieurs reprises et l'avait trouvée aimable. Étant donnée leur différence sociale, il n'avait jamais cherché à savoir si elle lui plaisait. Maintenant qu'il y songeait, il se dit que cette union pourrait être aussi bonne pour sa félicité personnelle que pour ses affaires. Il voulait toutefois s'entretenir avec la jeune fille avant d'accepter l'offre qui lui avait été faite, et fit part à son hôte de cette requête ; ce dernier envoya chercher sa fille.

Deux semaines plus tard, le jeune couple fut uni par les liens sacrés du mariage. Quatre mois plus tard, Mrs Gardiner donnait naissance à une petite fille.

Meryton, octobre 1811

Tandis que Mr Bingley et Mr Hurst s'affairaient respectivement à danser et à boire, le reste de leur petit groupe était plutôt mécontent de la soirée. Miss Bingley et sa soeur Mrs Hurst observaient les lieux et les personnes présentes avec l'intention de les critiquer plus tard ; quant à Mr Darcy, qui était un ami de Mr Bingley, il avait décidé de rester planté le long du mur après avoir dansé une fois avec chacune des deux dames précédemment citées. Il n'en bougea qu'après que son ami vint le trouver pour le prier de danser avec la soeur d'une demoiselle dont il venait de faire la connaissance. Darcy n'avait pas l'intention d'obtempérer, mais il souhaitait au moins savoir quelle était la jeune fille en question avant de répondre par la négative à son ami.

« De qui voulez-vous parler ?

— De la jeune fille qui se tient juste derrière vous. »

Darcy se retourna et la dévisagea. Elle était passable, quoique pas assez jolie pour le pousser à danser avec elle. Elle lui retourna son regard, et il réalisa qu'il ne pouvait pas refuser de lui être présenté sans être impoli, ce qui pourrait blesser Bingley auprès de ses nouveaux voisins. Par ailleurs, plus il la regardait, plus il avait l'impression que la jeune fille ne lui était pas inconnue, mais il ne parvenait pas à se rappeler où il l'avait rencontrée. Une demi-heure de conversation lui suffirait certainement pour résoudre cette énigme et lui permettrait de se distraire de son ennui.

« Demandez donc à votre cavalière de nous présenter l'un à l'autre. »

Ce fut rapidement fait, et Mr Darcy et Miss Bennet évoluèrent bientôt parmi les danseurs. Darcy avait également trouvé quelque chose de familier dans les traits de l'aînée des demoiselles Bennet ; il n'osa pas poser à Miss Elizabeth des questions trop directes, mais il apprit que ni elle ni ses soeurs n'avaient été à Londres pour la saison, et qu'elles n'avaient que peu voyagé au-delà du voisinage de Meryton.

Les réunions qui suivirent ne lui en apprirent pas davantage, au contraire, il était de plus en plus intrigué. Toutes les dames de la famille Bennet, y compris la mère de famille, lui rappelaient quelqu'un, mais il était bien en peine de dire qui. De surcroît, il se trouvait plus attiré qu'il ne l'aurait souhaité par Miss Elizabeth Bennet, ses beaux yeux, et ses réflexions espiègles.

Netherfield, mercredi 13 novembre

Alors que les occupants de Netherfield prenaient leur petit déjeuner dans la salle à manger, Miss Elizabeth Bennet entra dans la pièce. Elle était venue s'enquérir de sa soeur qui était tombée malade la veille alors qu'elle dînait avec les dames de la maison ; Mr Darcy trouva qu'elle ne lui était jamais parue aussi charmante.

Il avait continué à songer à elle après qu'elle eut quitté la pièce pour se rendre auprès de Miss Bennet, et il n'écoutait que d'une oreille les commentaires mesquins que les soeurs de Bingley échangeaient au sujet de l'apparence et des manières de la visiteuse, se contentant d'y ajouter un mot çà et là. Les soeurs en étaient arrivées à critiquer les relations des Bennet, et il fit un effort pour mieux les écouter au cas où elles auraient appris quelque chose qui l'intéressât.

« Leur oncle est homme de loi à Meryton.

— Oui, répondit Mrs Hurst, et elles en ont un autre qui habite du côté de Cheapside. »

Les soeurs se mirent à rire aux éclats.

Darcy se figea. La mention de Cheapside l'avait enfin éclairé. Gardiner, bien sûr ! S'il n'avait pas été en compagnie, il se serait frappé la tête, possiblement contre le mur le plus proche. Oh, ni Mrs Hurst ni Miss Bingley n'avaient prononcé son nom, mais il devait être l'oncle en question, la ressemblance entre Mrs Bennet et Mr Gardiner était trop forte pour qu'ils ne soient pas apparentés. Darcy se rappelait maintenant que les soeurs de Gardiner habitaient le Hertfordshire, et ses enfants parlaient souvent de leur cousine Jane, parfois également de leur cousine Lizzy. Les autres jeunes filles étaient moins souvent mentionnées, et il n'aurait plus su dire quels étaient leurs noms. Il se reprocha son aveuglement.

C'était là, cependant, une bonne nouvelle pour son ami. Les hommes du calibre de Mr Gardiner étaient de ceux qu'on pouvait être fier de compter parmi ses relations. Darcy ne chercherait pas à dissuader Bingley si ce dernier envisageait de faire la cour à Miss Bennet ; tout au plus prendrait-il d'abord soin de s'assurer des sentiments de la jeune femme à l'égard de son ami.

Pendant que Darcy était plongé dans ses pensées, Bingley avait répliqué que le lieu de résidence de leur oncle ne rendait pas les demoiselles Bennet moins agréables. Ses soeurs avaient rétorqué que leurs chances d'épouser des hommes évoluant dans la bonne société en étaient amoindries, et rirent à nouveau de l'infériorité des relations de leur amie. Darcy, qui s'était d'abord amusé de l'ironie de la situation, était maintenant agacé par la mesquinerie des deux femmes, qui ne savaient rien des Gardiner, mais étaient sûre de pouvoir les mépriser. Éprouvant soudain le besoin de prendre l'air, il quitta la pièce.

Après avoir réfléchi, il résolut de ne révéler à Bingley ce qu'il savait des Gardiner que si le jeune homme venait lui demander son opinion. De même, il ne dirait pas à Miss Bennet ou à Miss Elizabeth qu'il connaissait leur oncle et leur tante. Il se demandait si elles découvriraient cela par elles-mêmes. Il décida d'écrire à sa soeur pour lui faire part de ce nouveau développement, qui l'amuserait probablement.