Démons, 3e opus

La prophétie

« La rivalité entre Piccolo et Végéta ne

tient pas seulement en un affrontement de

guerriers. Il s'agit aussi du choc entre deux

cultures. Les Nameks prennent soin de

la terre, la protège pour la faire durer.

Ils n'ont besoin que d'une planète, et

tissent des liens particuliers avec elle.

Les Saiyens sont comme des parasites.

Ils s'installent, épuisent la planète, puis

en changent. Ils sont passés maîtres dans

cet art au point d'en faire un commerce. »

La Légende du peuple saiyen


Chapitre 1 : Une nouvelle assemblée

Ils étaient tous les deux assis en tailleur, sur le sol de la petite salle ronde. Chacun avait posé son bâton sur sa droite, dans un mimétisme presque parfait. Sauf que l'un d'eux était un chat et l'autre un Namek.

« Il est rare que tu viennes me rendre visite, Dendé. »

« C'est vrai. Nos discussions me manquent parfois. Mais je suis Dieu, et je ne dois m'absenter du palais que lors de circonstances exceptionnelles. »

« Et tu as aujourd'hui derrière toi trois ans de circonstances exceptionnelles. »

« Qui se nouent autour de ce parchemin. » Le jeune Namek tendit la feuille grisâtre, aux bords rongés par l'humidité et le temps, au maître chat.

« Oui... La prophétie des Sept Moines... Je l'avais oubliée. Je ne lui avais pas prêté assez d'attention... Ces sept moines étaient des illuminés. Je n'ai pas cru à leur prophétie. »

« Mais aujourd'hui elle expliquerait bien des choses. L'évasion de Piccolo et Abarthagel. Et ce malaise que nous ressentons depuis quelque temps. » Les deux sages s'observèrent mutuellement. Dendé était le premier Dieu que Karin tutoyait. C'était aussi le plus jeune qu'il avait connu.

« D'autres questions te taraudent, Dendé, n'est-ce pas ? »

« Oui. Il y a cette présence que je devine confusément. Elle semble nous être amicale, mais je ne sais pas quoi en penser. Elle se manifeste par ce curieux lutin qui est apparu à Ten Shin Han et à Krilin. Tortue Géniale m'a également raconté l'histoire de ce Lan To Han, qui a lui aussi rencontré le lutin, et qui semble bien être le second fils de Ten Shin Han. »

« Et il y a le continent oublié... » Le sourire de Karin confirma le doute qui s'était installé dans l'esprit de Dendé.

« Tu savais... tu savais pour le continent oublié... » Le maître hocha la tête, gardant son sourire énigmatique.

« J'ai presque neuf cent ans, tu sais. J'ai vu défiler des générations de Dieux. Et Gallach est sans doute l'un des plus originaux. Avec toi et ton prédécesseur. » Silencieux, maître Karin hocha la tête lentement, ses petits yeux malins perdus dans un vague brouillard qui était peut-être celui de ses souvenirs, et il répéta dans un murmure : « Neuf cent ans... »

L'âge revenait souvent dans les discours de Karin ces derniers temps. Enfin, « souvent », cela voulait dire deux fois en quatre ou cinq ans. Dendé observait le vieux maître, qui avait connu tant de générations divines. Tant de crises...

« En fait, tout ce qui s'est passé ces dernières années nous amène à ce point, ce nexus. » Dendé hocha la tête.

« C'est le dernier acte. Ce parchemin que moi-même je ne comprends pas entièrement. Mais... il y a quelque chose d'autre. »

« Le vaisseau qui est en orbite... je ne sens pas de danger. »

« Moi non plus. Rien qui puisse nous agresser. »

« Mais tu es mal à l'aise. » La perspicacité de Karin n'était plus à démontrer. Il connaissait Dendé comme il avait appris à connaître les autres Dieux.

« Oui. Et je crois que... que Végéta va donner une forme à ce malaise. Le concrétiser... »


La table dressée dans le jardin accueillait autant de victuailles qu'un Saiyen affamé pouvait en avaler. Sangoku revenait d'une promenade dans les airs qui lui avait permis de réfléchir aux évènements récents. Les Fazerhs, le départ de Krilin, qui avait accompagné Ten Shin Han, et son goût retrouvé pour les arts martiaux, et le récit de Pan.

La petite s'était absentée dans la matinée et avait ramené sur son dos une bête noire au moins dix fois plus grosse qu'elle, le fameux Ekki dont elle leur avait parlé. Sangoku était heureux que Pan ait trouvé un nouveau compagnon, mais Videl et Sangohan ne semblait pas apprécier outre mesure l'animal.

Ekki jouait d'ailleurs à ce moment avec les petits qui avaient quitté la table. Sangoten les surveillait d'un œil. Sangoku s'entendait bien avec son fils depuis son retour. Goten avait muri, et ses progrès dans le domaine des arts martiaux avaient été considérables. Avec tous les problèmes qu'ils avaient eus, de Piccolo aux Fazerhs, il n'avait pas eu le temps de faire un combat contre son fils. Mais il passait du temps avec lui et ses petits-enfants. Il aimait ça et Dendé lui avait fait comprendre que c'était important. Du moins, c'est ce qu'il avait retenu de sa conversation avec le jeune Dieu, pendant l'enlèvement de Maron.

Sa nouvelle belle-fille était très charmante, tout comme Videl. Sangoten lui avait enseigné quelques bases qui s'étaient avérées utiles pour sauver la vie des petits. Ani ne manquait pas de courage, et c'était une qualité appréciable. Elle était joyeuse et riait souvent, surtout depuis qu'elle attendait un deuxième enfant, et Sangoku devait bien avouer qu'il aimait discuter et plaisanter avec elle.

Bref, le Saiyen appréciait ce nouveau tournant de sa vie, et pour la première fois, il regretta un peu d'être resté loin de sa famille à une certaine époque. Oob était avec eux à table. Comme toujours, le jeune garçon restait discret, et ne participait quasiment pas aux conversations. Il était comme ça et Sangoku s'y était habitué. Sa personnalité effacée contrebalançait l'exubérance du Saiyen. Mais ce dernier était bien placé pour savoir qu'il ne s'agissait là que d'une apparence, et qu'en situation de combat, Oob était un adversaire plus terrible que ses fils.


Même s'il y avait passé la journée entière la veille, le palais avait pour Végéta l'aspect d'une demeure que l'on n'a pas vu depuis longtemps. Dendé l'attendait. Il le savait, car le jeune Dieu avait ce regard particulier qui disait qu'un nouveau problème se profilait à l'horizon.

« Ce vaisseau est là pour toi, n'est-ce pas, Végéta. »

« Oui. Ils viennent... me chercher. »

« Te chercher ? » répéta le jeune Dieu, surpris.

« Tu ne sais pas tout, alors. »

« Je soupçonne que le problème doit être grave pour que tu viennes me demander conseil. »

« Je ne viens pas te demander conseil. Je viens juste te prévenir. »

« Qui sont-ils ? » demanda Dendé.

« Des juges, ou quelque chose comme ça. Ils m'ont parlé d'un Tribunal Suprême. » Dendé resta silencieux. C'était à craindre. Piccolo sortit d'une des salles du palais. Il avait entendu la discussion, et senti le malaise de Végéta, même si la fierté du Saiyen lui interdisait d'avouer quoi que ce soit.

« Ils m'ont donné trois jours pour me décider. »

« Alors que vas-tu faire ? »

« Ne te fous pas de moi, Dendé. Tu sais aussi bien que moi que je n'ai pas le choix. » Le jeune Dieu aurait été tenté de répondre « on a toujours le choix ». Mais il savait que Végéta avait réfléchi toute la nuit et toute la journée. Pesé le pour et le contre. Refuser de se présenter au tribunal galactique serait reconnaître sa culpabilité sans même chercher à se défendre. Et mettre en danger sa famille, et peut-être même la Terre entière. Végéta n'était pas venu demander conseil quant à son choix. Il avait déjà pris sa décision. Il venait s'informer.

« Le Tribunal Suprême a été créé après la chute de l'empire de Freezer. Après la mort du tyran et de son père, les planètes se sont révoltées une à une. De ce chaos sont nées des organisations intergalactiques dont le Tribunal Suprême, qui a pour but de poursuivre les anciens émissaires de Freezer, de les juger et de les punir. »

« Tu savais qu'ils risquaient de venir me chercher. »

« Je ne pensais pas qu'ils viendraient jusque sur Terre. Les planètes affiliées au Tribunal sont très éloignées de notre monde. » Un silence s'imposa entre les deux hommes. Végéta gardait ce masque de pierre qui ne laissait s'échapper aucune émotion. Mais Dendé savait qu'il était en proie à un tourbillon dévastateur.

« Il faudrait... réunir un conseil, Végéta. »

« Un conseil ? »

« Pour choisir la stratégie à adopter. Il faut quelqu'un pour te défendre. Tu y as droit et... »

« Je le ferai tout seul. »

« Ne sois pas si impulsif, Végéta. Ce combat sera... un des plus difficiles pour toi. Je sais que tu ne voulais rien dire aux autres, mais... il le faut. Il nous faut l'avis de tout le monde, il nous faut utiliser tout le temps qui nous est disponible. Il faut élaborer une stratégie, Végéta. Tu sais les risques qu'on encourt à aborder un combat sans stratégie... »


Après cette nuit, il semblait à Yamcha que les heures noires de ces derniers jours s'étaient presque effacées. Il savait que Krilin vivait à nouveau, et qu'il y prenait du plaisir. Son vieil ami s'était remis à l'entraînement, et l'idée faisait son chemin dans l'esprit de Yamcha. Au fil des années, des barrières s'étaient installées, et il s'était persuadé que tout retour serait impossible, qu'il avait perdu à jamais le rythme et même l'envie. Pourtant, avant même la mort de Krilin, des signes l'avaient déjà tiraillé. Lorsqu'il s'en était voulu de ne pas avoir prévu l'attaque des hommes d'Abarthagel, par exemple.

Mais il ne se sentait pas encore prêt. Ce n'était peut-être après tout qu'un passage. Une envie qui s'éteindrait plus vite qu'elle n'avait vu le jour.

Mira passa. Elle sortait de la salle de bain. Et comme chaque fois qu'elle faisait ce trajet, jusqu'à sa chambre, Yamcha ne pouvait s'empêcher de la trouver belle. Ses cheveux blonds tanguaient, rendus moins souples par l'eau qui en ruisselait encore, dans un même mouvement de balancier que ses hanches. Et une fois qu'elle eut disparu, après lui avoir adressé un de ses sourires qui témoignaient de sa lente guérison, Yamcha secoua la tête, comme chaque fois, se disant qu'il était le dernier, et le plus vieux, des idiots.

La sonnerie du téléphone le fit sursauter. Plume traversa la pièce, frôlant le plafond, et décrocha. Très vite, son expression fit revenir les heures noires dans la mémoire récente de Yamcha.

« Végéta va... être jugé ? »


Le problème devait être plus qu'épineux pour que Sangoku soit venu chercher son vieux maître pour l'emmener chez Dendé. Tortue Géniale avait bien une idée sur la question. Il soupçonnait le parchemin. Il avait entendu parler, très jeune, de cette ancestrale prophétie des Sept Moines, qui annonçait la venue de démons terrifiants. Le mystère de l'évasion de Piccolo lui avait ramené cette prophétie en mémoire.

Mais quand il se dirigea vers Dendé, Tortue Géniale sut que ce n'était pas ça. Le vieux maître resta silencieux. Bulma pleurait. De façon peu commune. D'habitude, Bulma pleurait d'énervement, ou au pire de fatigue. Là, Tortue Géniale sentait qu'elle pleurait parce que tout ce qu'elle avait de plus cher échappait à son contrôle. Il fallut quelques minutes à Tortue Géniale pour imaginer que cela puisse être vrai.

« Voilà, vous savez tous à peu près pourquoi vous êtes ici. Végéta va être jugé pour ses... crimes passés par un Tribunal intergalactique. Il doit partir dans deux jours. Je vous ai demandé à tous de revenir aujourd'hui parce qu'il me semble que tous les conseils, tous les avis sont bons à entendre dans une situation comme celle-ci. » Dendé, après cette rapide présentation des faits, observa l'assemblée qui lui faisait face. Sur la gauche, Guymaho, incrédule, tenait Chichi par les épaules. Videl et Sangohan tentait maladroitement de rassurer Bulma. Sangoten fronçait les sourcils, comme si tout cela paraissait illogique, pendant qu'Ani tentait de recomposer ce qu'elle savait de Végéta. Piccolo discutait silencieusement avec Yamcha. Enfin, tout à droite, Tortue Géniale et Sangoku semblaient chercher une solution trop facile. Végéta était absent. Il avait demandé à se retirer dans la Salle de l'Esprit et du Temps.

« Mais... qu'est-ce que tu attends de nous exactement, Dendé ? »

« Il faut... trouver des bases, pour organiser une défense solide, Sangoten. Des arguments... Le problème, c'est que personne ici, je crois, ne sait... ne connaît vraiment tous les méfaits commis par Végéta. Je... cela paraît plus que difficile, mais il nous faut défendre un homme qui est... sans doute... le plus grand criminel de tous les temps... » Bulma n'osait plus regarder autre chose que le sol. Malgré tous les efforts qu'avait faits Dendé pour atténuer les faits, ses paroles la faisaient atrocement souffrir. Elle n'avait jamais sérieusement imaginé que le passé de Végéta puisse resurgir ainsi. Elle avait pensé, naïvement, elle s'en rendait compte à présent, que tout s'était effacé dès l'instant où Végéta avait accepté de rompre avec son passé.

Les débats s'ouvrir alors, sur cette question essentielle. Et chacun tomba d'accord sur un point : on ne pouvait trouver d'excuses au passé de Végéta il fallait tout puiser dans son présent.


Krilin emplit pleinement ses deux poumons. L'air était si... nouveau. Il était arrivé depuis la veille, et se sentait déjà comme chez lui. La terre était hospitalière, la nature amicale. Aujourd'hui, ils allaient se rendre à la cité. C'est ce qu'avait dit Ten Shin Han. Krlin n'avait pas encore rencontré un seul habitant de ce continent mystérieux, et il était impatient. Impatient... voilà un sentiment qui ne l'avait pas habité depuis bien longtemps... Depuis les minutes qui avaient précédées la naissance de Maron. Sauf qu'à ce moment, il y avait en plus la crainte que l'accouchement se déroule mal. Ici, rien. Seulement une impatience pure. Enfantine.

« Déjà debout, Krilin ? On ne reprend l'entraînement que dans deux jours, tu sais. »

« Je sais, Chaozu, je sais. Mais pour mon premier matin sur cette terre, je voulais être sûr que le soleil se levait comme ailleurs. » Le petit homme sourit à son ami.

Quand il sortit de sa tente, Ten Shin Han fut surpris de découvrir que le petit déjeuner était déjà prêt. Sur une souche de fortune s'étalait des fruits et de baies de la forêt. Et Krilin et Chaozu discutaient en riant. Avoir de la compagnie leur ferait le plus grand bien. Ten Shin Han se plaisait déjà à faire découvrir tous les mystères de ce monde oublié à leur ami. Et il avait senti dans le comportement de Krilin que lui aussi cachait des choses. Sans trop savoir pourquoi, Ten Shin Han pensa à son enfance, au milieu d'une forêt, comme ici.


Naturellement, le conseil s'était disposé en cercle, chacun assis par terre, en tailleur ou autre. On discutait, on proposait, et peu à peu, les lignes directrices s'installaient. Mais elle ne restait que des lignes, évasives, auxquelles il faudrait donner une forme. Auquel quelqu'un, le défenseur de Végéta, devrait donner forme.

Tortue Géniale se pencha vers le jeune Dieu, interrompant le cours de ses pensées.

« Dendé... à propos du parchemin... »

« Oui. Je... je n'ai pas encore tout compris moi-même. Ce qui est clair, c'est cet alignement de point... »

« Il s'agit bien de la conjonction... Les sept planètes... »

Le jeune Dieu hocha lentement la tête. Il sentait que depuis la veille, le malaise suscité par ce parchemin avait encore pris de l'importance. Comme si une échéance approchait. Quand les sept planètes seront parfaitement alignées... « les puissances démoniaques n'auront plus de chaîne, la Terre elle-même ne pourra les arrêter ». C'était une traduction approximative qu'avait faite Dendé des caractères qui naissaient du dessin de la conjonction. Tortue Géniale reprit.

« Et c'est l'approche de cette conjonction spectaculaire qui a libéré Piccolo et Abarthagel des Enfers... n'est-ce pas ? »

« C'est plus que probable. D'après le dessin, le rayon qui s'échappe ne s'arrête pas à la Terre. Il atteint des couches inférieures, souterraines... la représentation ancestrale des Enfers. »

« Je le savais... » Tortue Géniale n'avait pu s'empêcher de laisser transparaître un semblant de fierté. Mais il reprit aussitôt, perplexe. « Mais dans ce cas, Dendé... Comme l'alignement n'est pas encore parfait, d'après ce que disent les scientifiques, alors... le pire est à venir... » Une fois encore, Dendé se contenta de hocher la tête. « Et... pourquoi tu ne préviens pas les autres ? » Le Namek soupira, comme pour mieux signifier à Tortue Géniale que son esprit était plus qu'embrouillé à ce propos.

« Eh bien... Pour le moment, on ne sait pas ce qui va arriver. Pas vraiment... Le parchemin reste très évasif. Et puis... il y a ce problème avec Végéta. Je pense qu'il faut le régler en priorité. » À son tour, Tortue Géniale hocha la tête. Oui, c'était un point de vue. Mais il était risqué. Très risqué.


« Pourquoi ils sont partis, tu crois ? » Caline regarda la petite fille, et signifia d'un haussement d'épaules son impuissance à trouver une réponse.

« Je ne sais pas. Ta maman m'a juste demandé de te garder. Mais tu sais, je pense qu'il n'y a rien de grave. » Caline n'avait pas d'enfant, mais en cet instant, elle se rendit compte de la difficulté de mentir à quelqu'un qui ne peut pas tout comprendre.

« Je crois que c'est à propos de papa. Parce que maman pensait à lui tout le temps ce matin. Ça se voyait dans ses yeux. Pourtant je l'ai vu, papa. Il n'est pas parti comme la dernière fois. D'habitude, quand il est en colère ou quoi, il s'envole très loin et... » La petite s'arrêta, et posa ses mains sur sa bouche, les yeux rivés sur Caline.

« Qu'est-ce que tu as ? » Bra baissa ses mains, et ses yeux semblaient presque apeurés.

« En fait, quand je dis qu'il s'est envolé, c'est avec un jet, bien sûr... » Caline fronça les sourcils.

« Eh bien... oui... Comment veux-tu qu'il se soit envolé, sinon ? »

« Bah euh... je sais pas... » Bra respira un grand coup, se rendant compte à quel point il était difficile de cacher la vérité à quelqu'un qu'on aimait bien. Car elle devait bien l'avouer, Caline était une fille très gentille, et elle sentait que, quelque part, sa présence était bénéfique pour sa mère. Mais elle n'avait toujours pas compris ce qui n'allait pas avec Trunks. On ne lui avait rien dit, à elle, bien entendu, mais elle avait deviné que ça n'allait pas. Son frère était passé la veille au soir, avait récupéré quelques affaires, et il était parti sans dire un mot à personne. Ni à sa mère, ni à Caline, qui était pourtant sa secrétaire, d'après ce qu'avait compris Bra.

« Dis, ça fait longtemps que tu travailles pour Trunks ? »

« Non... non, pas tellement... Un peu plus d'un an. »

« Et tu l'as connu comment ? » Caline sourit, et il sembla à Bra que ses joues viraient tout doucement au rouge.

« Dans une boîte de nuit. Tu sais, pour aller danser. Il m'a offert un verre, on a discuté, puis... » Elle s'interrompit, comme si elle venait de dire quelque chose qu'il ne fallait pas. Un peu comme Bra tout à l'heure... C'était donc quelque chose que Caline voulait lui cacher...

« Alors c'était ton ami avant d'être ton chef. » Les joues de Caline se firent plus rouges et son sourire plus gêné.

« Si on veut, oui. » C'était le mot ami qui avait déclenché ce feu sur les joues de Caline. C'était là le point faible. Bra décida d'explorer la voie.

« Et il était gentil avec toi ? » Caline déglutit. Elle se demanda comment détourner la conversation qui prenait un tour vraiment embarrassant.

« Oui... c'est... c'est un bon patron, tu sais... » Elle avait dit ça avec une hésitation. Bra en était certaine. Quelque chose n'allait pas dans ce que disait Caline. Ce n'était pas faux mais... il y avait comme un décalage entre son regard et ses mots.

« Il faisait quoi de bien pour toi, par exemple ? »

« Euh... et bien... il m'a donné du travail, déjà... c'est important... » Les yeux de Caline tentaient d'appuyer son argumentation, comme pour mieux convaincre Bra. Mais la petite fille avait l'impression vague que c'était aussi elle-même que Caline essayait de convaincre.

« Mais il est pas venu te voir hier. C'était pas très sympa, ça. »

« Il... je crois que c'est plus compliqué que ça, tu sais. Ta maman t'a expliqué le... enfin, elle t'a dit comment il était revenu ? » Bra déglutit. Elle s'était bloquée elle-même. Qu'est-ce qu'elle pouvait répondre ? Sa mère, qui avait vraiment beaucoup de soucis, n'avait pas donné de directive à Bra à propos de ça. La détermination gagna soudain la petite fille. Oui, elle allait régler les deux problèmes d'un coup.

« Je te le dis si tu promets de répondre à ma question après. » Caline parut surprise, puis indécise, puis surprise à nouveau. Finalement, un air de perplexité gagna son visage. Presque méfiante, elle articula lentement :

« Si tu veux, oui. »

« Bien. Alors croche ton petit doigt au mien, et répète après moi : "Vampire, breloque et tête de mort, si je mens je meurs jusqu'à c'que j'sois mort". » Un sourire détendit d'un coup le visage et les esprits de Caline. Cette réaction enfantine rassura pour un instant la jeune femme. Bra l'avait mise dans une position délicate, et à présent, elle semblait sur le point de lui apprendre quelque chose de terrible.

Elle répéta la phrase de Bra.

« Bien. Alors Trunks a été tué par un démon. Un truc du hasard. C'est Piccolo qui l'a dit. Mais comme c'est à cause de Piccolo, l'autre, le méchant, que les machins du hasard étaient sur Terre alors que Piccolo, le méchant toujours, s'était enfui des Enfers, alors les trois guerriers d'Enma ont décidé de le ressusciter. Trunks, hein, pas Piccolo le méchant. » Voilà. Bra avait fait aussi explicite qu'elle le pouvait, tout en ne dévoilant rien de plus que ce qui concernait directement Trunks.

Caline regardait la petite fille, interdite. Des démons, Piccolo, Piccolo l'autre, les Enfers, Enma, des guerriers, ressusciter... Elle n'avait pas compris grand-chose du discours apparemment incohérent de Bra. En d'autres circonstances, elle aurait tout simplement pensé que la petite fille avait une imagination débordante, mais là... en recoupant les évènements bizarres de ces deux derniers jours, et notamment le curieux épisode avec ce Sangohan, ami de la famille, Caline ne pouvait s'empêcher de penser que Bra n'imaginait rien du tout. Elle fut ramenée à la réalité par le ton assuré de la petite fille.

« Bon, maintenant, à moi de te poser une question. Et t'es obligée de répondre, t'as promis. » Caline hocha la tête, absente, encore assaillie par des interrogations de tous ordres. « Est-ce que tu serais pas amoureuse de mon frère en secret ? »

Tout s'arrêta instantanément dans la tête de Caline. Ces histoires de démons et tous les détails étranges qu'elle avait notés dans la famille de Bulma, de la salle d'entraînement qui explose à la réapparition de Trunks, tout fut balayé d'un coup. Incapable d'articuler un mot, elle se força à fermer les yeux et à secouer la tête.

Bra fronça les sourcils. Étrange. Cette question avait touché Caline, mais Bra ne semblait pas avoir... touché juste. La jeune femme aurait tout aussi bien pu répondre « pas exactement… » Instinctivement, tous les détails s'articulèrent dans la tête de Bra. Les éléments s'agençaient de toutes les façons possibles, jusqu'à trouver la bonne. Une boîte de nuit... un ami avant d'être un chef... les joues qui rougissent... et maintenant, une sorte de mépris de la part de son frère... plus... plus Pearl... plus les problèmes d'adultes, comme on lui avait dit, entre Trunks et Pearl. Trunks, Pearl, Caline... Une sorte de trio, comme dans les séries que sa mère regardait parfois, à la télé... Trunks, Caline, Pearl... Ça y est ! La bonne combinaison !

« T'es la maîtresse de Trunks ! » Caline se leva d'un bond. Impossible... Cette petite fille... tout allait trop vite, trop loin... En l'espace de dix secondes, Bra l'avait complètement mise à jour. Quoi faire ? Devant une fillette d'à peine dix ans... capable de raisonner comme une adulte, et même plus encore... comment réagir...

Caline pleura. Complètement désemparée, sans plus savoir quoi faire... il n'y avait rien à faire de toutes façons... En voyant les larmes couler, tout doucement, Bra se leva à son tour, des remords pleins les yeux.

« Caline... j'voulais pas... je... je l'dirais à personne, tu sais... c'est un secret... »

La jeune femme sentit les pleurs virer au sourire. Une petite fille naïve... sûre d'être la seule au courant. Et bizarrement, Caline se sentait mieux à présent. Comme si toute la pression accumulée venait de disparaître, de quitter son corps avec ses larmes. En cet instant, ni Trunks ni tous ses autres problèmes n'importaient.

« Merci Bra. » La petite fille lui sourit et se serra contre elle. Il fallut quelques minutes à Caline pour se remettre de ce tourbillon d'émotions qui venait de la faire tournoyer dans tous les sens. Remise, elle fronça les sourcils, et dit à Bra, toujours collée contre elle :

« Mais... j'aimerais bien mieux comprendre cette histoire de démon, de Piccolo et de résurrection... »


« Bien. Je crois, compte tenu de la situation, que nous avons été efficaces. »

Le cercle acquiesça en silence. Dendé était au centre, et avait mis fin au débat. Le groupe avait dégagé plusieurs pistes, plusieurs lignes directrices, et tenté de donner une cohérence à l'ensemble. La défense de Végéta était loin d'être solide et irréprochable, mais au moins, ils avaient trouvé des éléments. Et vu la situation de Végéta, c'était déjà un exploit...

Il restait néanmoins un point à éclaircir, un détail que Sangoten tournait dans son esprit depuis une petite heure.

« Dendé... je ne sais pas très bien comment marche ce tribunal, mais je suppose qu'il faudra un avocat, ou quelque chose de ce genre... »

« Hmm... C'est exact. Mais le Tribunal Suprême est très à cheval là-dessus. Il faut quelqu'un de compétent, qui puisse présenter un CV acceptable. » Tous se regardèrent. Dendé savait qui il enverrait auprès de Végéta, c'était évident. Mais personne ne semblait ici avoir les compétences requises. Il n'y avait que des combattants, des enfants ou de jeunes personnes sans aucune connaissance en droit sur la terrasse du palais. Dendé sourit et reprit.

« Il faut quelqu'un ayant ou ayant eu une charge importante, symbolique. Quelqu'un ayant des connaissances sur le droit, la justice, mais aussi sur l'univers, les peuples qui nous entourent... le mieux serait d'y envoyer un Dieu, ou... » Yamcha poursuivit dans un souffle :

« Ou un ancien Dieu... »

Piccolo se leva, le regard des autres pesant sur ses épaules. Personne ne savait vraiment comment Piccolo allait réagir. Il était loin d'éprouver une grande affection pour Végéta, c'était notoire. Le Namek fit face au jeune Dieu.

« Défendre Végéta ? » Piccolo avait retrouvé un regard dur, qui exprimait sa colère rentrée, mais aussi une sorte de fatalité. Il était le seul dont le Tribunal accepterait la candidature, c'était une évidence. Mais autre chose le gênait. Dendé avait une autre raison pour l'envoyer là-bas. Il connaissait trop bien le jeune Namek pour ne pas s'en rendre compte. Et il savait aussi pertinemment que Dieu ne lui en dirait pas plus. Ce qui l'énervait finalement bien plus que d'avoir à défendre celui qui l'avait assassiné.