Science sans conscience n'est que ruine de l'âme.

Rabelais


LE LABO


Chapitre 1 : neurotoxique

Le silence de la nuit résonne encore dans la ruelle. Le bruit de quelques voitures au loin et le vent dans les arbres se laissent entendre, tandis que l'éclairage public, bientôt supplanté par la lueur orange du soleil se levant entre les bâtiments, grésille encore dans la rue où la jeune femme marche.

Elle passe la porte des locaux de l'entreprise pharmaceutique, puis, une fois à l'intérieur, utilise son badge pour pointer. Un cliquetis se fait entendre tandis qu'elle franchis le tourniquet. La femme de l'accueil la salue mais elle n'y prête quasiment pas attention, se dirigeant directement vers les locaux de son centre, une filiale du Groupe Karasuma.

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Vêtue de sa blouse blanche, boutonnée jusqu'au cou, elle souffle machinalement dans une paire de gants en latex, avant de les enfiler. Elle se trouve devant la porte de son laboratoire, et sans réfléchir entre la combinaison de chiffre sur le clavier numérique pour l'ouvrir.

Seul son assistant-chef est présent de si bon matin devant sa paillasse.

Le laboratoire ne possède pas de fenêtre, et dans le noir, n'est éclairé qu'à la lueur bleue des lampes à UV que l'assistant utilise, masqué par le matériel de chimie et l'électronique d'acquisition numérique.

– Bonjour Sherry. Tu est en retard ce matin, ça ne te ressemble pas.

Elle le fixe avec un air mauvais, le visage à peine visible, simplement éclairé par des nuances de bleus, donnant un air cadavérique à la jeune métisse.

– Enfin, ça ne vous ressemble pas... Lâche-t-il, penaud, malgré la différence d'age entre eux deux.

– Du nouveau ?

– Non, rien. Mais...

– Quoi ?

– Il... Il vous attend, dans l'annexe.

Les traits du visage de la jeune métis se tendent instantanément. Elle sert la mâchoire.

– Très bien, continuez ce que vous faites.

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– N'est-ce pas magnifique ? Dire qu'une si petite quantité de ce liquide puisse tuer si facilement des centaines de personnes innocentes... Prononce t-il de dos, en portant une fiole à la hauteur de ses yeux, pour en observer la surface dans l'éprouvette solidement sellée.

Il se retourne, le visage à moitié éclairée par les néons sautillants et grésillants de la pièce, puis se rapproche de Shiho. Il place sa tête à côté de la sienne afin qu'ils puissent touts deux voir la fiole de près, en lui tenant fermement l'épaule opposée.

– Et tu sais pourquoi c'est si magnifique Sherry ?

Elle ne répond pas, considérant que c'est sûrement la meilleure chose à faire, le laissant simplement sentir son rythme respiratoire s'accélérer dans cette étreinte forcée.

– Ce liquide, dans cette fiole, tu ne trouves pas qu'on dirait de l'eau ? Ils semblent si similaires, mais avec des conséquences tellement opposées...

– C'est un neurotoxique de classe militaire, Gin. Finit-elle par murmurer.

– Oh, mais elle parle, c'est magnifique. Racontes-moi, que t'arriverais tu si tu en buvais ? Lui demande-t-il en frottant le bout de la fiole contre ses lèvres.

– La dose mortelle est de 5 nanogrammes. ça fait bien moins d'un millilitre de solution. D'abord, il n'y a pas de douleur...

– Oui, et ensuite ?

– Soixante seconde plus tard, le sujet perd la vue, puis il commence à suffoquer. De la mousse apparaît à la commissure de ses lèvres. Soixante-dix secondes plus tard il se met à convulser par terre. Après son cerveau est foutu, et l'arrêt du cœur ne prend pas beaucoup plus temps...

– Et c'est toi qui a fait ça ?

Là encore elle ne répond pas, préférant détourner le regard.

– Tu as du talent... Beaucoup de talent... C'est étonnant tu sais, de la part de quelqu'un d'aussi jeune que toi... Mais il te manque quelque-chose... Tu sais ce que c'est ?

– Non, je ne sais pas... Prononce-t-elle du bout des lèvres.

– Tu est une putain de victime. Et c'est pas ce que je veux... Alors pour remédier à cela, tu vas faire une petite piqûre, dis-t-il en sortant une seringue de sa poche, encore emballée dans son plastique, avant de la lui donner.

– Déballe-la !

Sherry reste avec la seringue dans les mains. Elle baisse la tête.

– C'est le cinquième ce mois-ci...

– Oui, mais c'est le premier que tu vas licencier toi même. Je ne veux plus que tu sois une victime...

– Mais une meurtrière, c'est ça ? Lui lance-t-elle, dépitée.

Un sourire illumine le visage de Gin. Il dégaine son arme et pointe le bout du canon sur la tête de la jeune femme.

– 10...9...

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– Ah Sherry, j'ai du nouveau...

Elle s'approche de lui, les mains dans le dos, fuyant le regard de son assistant-chef.

– Vous allez bien Sherry ?

Elle fait un pas en arrière, mais Gin surgit par derrière, sortant le l'annexe, et la laisse s'enfoncer sur le bout du canon, pointé entre ses reins.

– 4...3...

Shiho détourne la tête et plante l'aiguille dans l'épaule de son assistant avant que celui-ci n'ai rien eu le temps de faire, lui envoyant directement l'intégralité du contenu, soit plus de dix milles fois la dose létale.

– C'EST QUOI CETTE MERDE ?

– C'est un anesthésiant, se dépêche-t-elle de lui dire.

– Mais, il ne fonctionne pas, je ne sens rien !

La jeune scientifique craque, ne soutenant pas le fait de tuer arbitrairement

– P...Pardon...

L'homme comprend, et se jette sur elle. Gin le dégage en lui propulsant un uppercut dans le ventre l'envoyant directement à terre.

– Que le spectacle commence ! lance l'homme en noir, mi-amusé, mi-fasciné.

L'assistant commence à se convulser au sol, et comme prévu, Gin est heureux de voir apparaître de la mousse blanche à la commissure de ses lèvres.

– JE VOIES PLUS RIEN ! crie l'homme avec le peu de souffle qu'il lui reste, continuant de gesticuler anarchiquement

Shiho essaye de tourner le dos, mais Gin l'agrippe par les épaules et la force à contempler les conséquences de ses actions.

– Regarde Shiho comment il souffre. Contemple le mal que tu lui as fait ! Ressent et apprécie.

La jeune femme essaye vainement de se libérer de son étreinte.

Le cadavre finit par se figer.

– Maintenant, ma belle, jettes cette seringue.

Shiho l'agrippe fermement, et se demande un court instant si elle ne va pas utiliser les restes sur l'homme en noir qui se tient derrière elle.

– Fais ce que je te dis.

Elle s'exécute, et place la seringue et la fiole dans un conteneur marqué de symbole « biohazard »

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Il se place devant elle, et lui replace une mèche derrière l'oreille.

– Maintenant qu'on est seuls, dis-moi, comment te sens tu ? Est-ce que tu est toujours une victime ?

demande-t-il avec une fausse compassion, comportement qu'il n'a exclusivement qu'avec elle.

– Plus complètement...

– Non, maintenant, tu es coupable, et cela n'est pas près de changer.

– Comment-ça ?

Il se met alors à lui murmurer à l'oreille.

– Demain tu changes de labo. Fini les petites recherches sur les neurotoxiques.

– Je ne ferais plus de poison ?

– Pas vraiment.

Il s'amuse avec ses cheveux, et lui parle de plus en plus bas dans l'oreille.

– On veux que tu nous fasse de la drogue.

Il l'embrasse dans le cou.

La plus puissante qui sois.

Celle qui donne la jeunesse éternelle.