Hermione Granger était la première de la classe. Tous les professeurs qu'elle avait eus n'hésitaient pas à le dire, à vanter ses multiples talents. Ils étaient tous, moldus comme sorciers, ébahis par son intelligence, sa capacité à résoudre des problèmes et à apprendre une foule de connaissances. Un petit génie disaient-ils. Même les plus sévères, dont Minerva McGonagall, n'hésitaient pas à lui accorder leurs faveurs.
Tous, sauf un, le professeur Snape, qui enseignait les potions. Celui-ci était un homme vêtu de noir de la tête aux pieds. Il avait des cheveux gras et emmêlés qui lui tombaient aux épaules. Son nez était crochu et sa mine grincheuse, voire sévère lorsqu'il était de bonne humeur.
Lorsqu'elle avait réussi sa première potion, lors du premier cours, au lieu de la complimenter et donner quelques points pour Gryffondor, le professeur était passé devant elle. Il avait regardé le chaudron d'un air indifférent, même pas dédaigneux, puis avait passé son chemin. Comme si c'était normal. Elle en bouillait de rage, voire d'indignation. Elle avait travaillé tellement dur pour réussir cette potion, et voilà comment ce malotru la remerciait. Elle se fit violence. non, elle ne devait pas penser cela d'un professeur, c'était impoli.
Elle lui en voulait pourtant. Pour qui se prenait-il à mépriser son travail ainsi? De plus, elle l'avait vu adresser un rictus à Drago Malefoy, de Serpentard, en lui disant que sa potion était parfaite,qu'il décernait dix points pour leur maison.
Ce n'était pas juste! Et elle, alors? Elle comptait pour du beurre, ou quoi? Elle était tellement en colère contre cet enseignant pour l'avoir injustement évaluée, qu'elle prêta à peine attention aux points qu'il avait enlevés à Harry Potter. Il était novice et n'avait rien lu, pas étonnant qu'il s'attire les foudres de Snape. Mais elle, c'était différent, elle avait lu tous les livres du programme, en connaissait par cœur le contenu. Elle ne devrait donc pas subir autant d'injustices.
Jamais encore cela ne lui était arrivé. Elle n'avait jamais eu à subir les foudres d'un enseignant, quel qu'il soit. Elle avait toujours travaillé pour mériter ses résultats.
La coche sonna, les élèves de Gryffondor prirent leurs affaires, et s'en allèrent. Quelques Serpentard se dirigeait vers Rogue et lui demandaient des explications sur les différentes utilisations de la potion. Il leur répondait d'un ton sec, mais où perçait une certaine volonté, crut-elle percevoir, de transmettre son savoir. Un pincement au coeur la serra. Pourquoi agissait-il comme cela avec eux et pas avec elle. Ce n'était pas juste. Comment se faisait-il que...
"Oui, Miss Granger?"
La voix était douce, veloutée, légèrement mielleuse, ce qui contrastait avec le regard agacé qu'il lui lança. Comment pouvait-on regarder les gens de façon si austère? Elle se sentit tout d'un coup impressionnée, et bafouilla:
"Heu, professeur, j'aimerais vous poser une question s'il vous plaît."
-Allez-y, lança-t-il d'un ton sarcastique. Il n'y avait plus aucun élève dans la salle.
-Tout à l'heure, j'ai bien réussi ma potion, non?
- Mmmh... Pas tout à fait. Il manquait quelques graines d'ellébore.
-Et alors? La potion aurait tout aussi bien marché.
Elle regretta aussitôt ses paroles en voyant le regard furieux qu'il lui adressa.
-Asseyez-vous, mademoiselle, cracha-t-il sur un ton venimeux. A votre place.
Elle s'assit aussitôt, prête à fondre en larmes. Pourquoi était-il si dur envers elle? Qu'avait-elle fait pour mériter cela?
-Ici, vous êtes dans un cours de potions, n'est-ce pas Miss Granger?
-O..Oui, professeur.
-Dans, ce cas, vous êtes censée savoir que l'ajout ou l'absence d'un seul ingrédient peut modifier une potion, ainsi que son degré de dangerosité. Je ne sais pas si la gamine pourrie gâtée que vous êtes a bien compris ce concept.
Hermione fondit en larmes. Elle était dégoûtée. Alors, parce qu'elle n'avait pas ajouté ces graines d'ellébore, il la sanctionnait. Sur le manuel, elle avait pourtant bien lu que ces graines d'ellébore n'étaient que facultatives. Elle n'avait pas fait l'effort de les ajouter. Elle se détestait d'être si minable. Elle continua à pleurer.
N'importe quel professeur normalement constitué l'aurait prise dans ses bras et lui aurait dit que l'essentiel était qu'elle apprenne de ses erreurs. Il l'aurait même félicitée pour être arrivée à un résultat auquel peu d'élèves étaient parvenus. Mais pas Snape. Lui, il continuait de la regarder d'un air suffisant, comme s'il estimait qu'elle avait mérité cette correction. De surcroît, il l'avait traitée de "gamine pourrie gâtée", ce qui la révoltait au plus haut point.
Il était vrai qu'elle était fille unique, avait eu une enfance heureuse, tout ce qu'elle voulait. Mais généralement, ses parents ne lui avaient pas passé ses caprices. Elle avait dû travailler pour mériter les jouets, les sorties, les plaisirs superflus qu'elle leur demandait. Par contre, elle n'avait pas eu beaucoup d'amis. Les autres la considéraient comme une fayotte, une miss-je-sais-tout, une petite bourge suffisante.
Le sentiment d'angoisse l'étreignit, lorsqu'elle se recroquevillait sur sa chaise. Etait-il possible que Snape pensât cela d'elle? Cherchait-il à lui faire payer le fait d'avoir eu une forme de chance? Il n'avait pas le droit.
Elle releva le visage inondé de larmes, et le vit, en train de la contempler, d'un air hargneux.
- Miss Granger, pensez-vous que vous êtes au-dessus de tout le monde?
-No..Non, professeur, je ne l'ai jamais pensé... Pour..pourquoi êtes-vous aussi mé..méchant avec moi?
Il allait lui enlever des points, lui donner une retenue, ou ce qu'il voudrait. Elle s'en foutait. Elle voulait simplement qu'il cesse de la torturer.
-Votre comportement de miss-je-sais tout me montrait le contraire. Vingt points de moins à Gryffondor.
Elle sursauta. Non, sa scolarité ne pouvait pas être fichue en l'air par un professeur aussi injuste. Elle protesterait auprès de McGonagall, et demanderait des explications sur le comportement injuste du professeur de potions.
-Vous n'aurez pas besoin des explications de votre directrice de maison, lança soudain Snape sur un ton abrupt, comme s'il avait lu dans ses pensées,puisque je vais vous les donner moi-même. Je suis le directeur de Serpentard, il est donc normal que je favorise ma maison. Peut-être Mrs McGonagall a d'autres conceptions de l'attribution des points.
Cette dernière phrase avait été prononcée sur un ton dédaigneux. Il n'avait vraiment pas de respect.
-Ce n'est pas juste, certes, mais il faut que vous compreniez que la vie est loin d'être juste, que nous sommes condamnés à subir sans cesse le fouet de nos frustrations, de nos amertumes. Sinon, jamais vous ne pourrez faire face aux aléas vipérins de cette vie.
-Un poète belge d'expression française, Henri Michaux, a écrit un vers "observatrice vipérine des misères des faibles". Cela me rappelle ce que vous dites.
-Exact, Miss. Vous ne me semblez pas dépourvue d'esprit, bien au contraire, mais prenez garde à votre orgueil. Le ton sur lequel il avait parlé était doux, légèrement amer, mais il n'était plus du tout sarcastique. Il semblait en revanche y avoir une nuance d'avertissement. De quoi Snape souhaitait-il l'avertir?
Elle le regarda pensive, essuyant son visage avec les manches de sa robe.
-Ne faites pas cela, miss, c'est grossier, on dirait que vous n'avez pas reçu d'éducation en matière d'hygiène."Il sortit un mouchoir de sa poche et le lui tendit.
"Vous pouvez parler, pensa-t-elle en voyant les cheveux gras de son professeur. elle avait cru déceler deux ou trois taches sur la robe noire qu'il portait.
"Merci, monsieur."
-De rien. J'espère que vous avez retenu la leçon d'aujourd'hui.
-Oui professeur, répondit-elle. Puis, prenant un air sérieux, elle ajouta:
-Pourrais-je venir vous voir si j'ai des difficultés en potions? Ou pour progresser?
-Bien sûr.
Elle ne s'attendait pas à cette réponse du détestable enseignant qui se tenait devant elle. Il esquissa un léger sourire.
-C'est la première fois depuis longtemps qu'un élève de Gryffondor me demande cela, en dehors des préfets. De toute façon, mieux vaut la qualité que la quantité.
Ses paroles ambiguës suscitèrent aussitôt le doute chez la jeune fille. Pourquoi lui disait-il cela au juste?
- Vous cherchez à être la meilleure, ce n'est pas une bonne tactique car vous ne savez pas de quoi les autres sont capables. Si vous cherchez à surpasser les autres, vous vous ferez inévitablement des ennemis. Enfin, vous vous en ferez , quoi qu'il arrive, ajouta-t-il. L'adversité est comme un serpent à multiples têtes, on en tranche une et...
-Elle repousse, plus maléfique encore, l'interrompit Hermione.
-Vous ai-je demandé de m'interrompre Miss Granger? lança-t-il de son habituelle voix glacée.
-Non.
-Alors, ne m'interrompez pas. Vous avez raison, c'est l'image de l'Hydre.
Il regarda sa montre et lança:
-N'avez-vous pas d'autre cours, Miss Granger?
-Non aujourd'hui c'est vendredi.
-Et alors?
-Nous sommes libres après votre cours.
Il regarda sa montre et lança:
Vous avez de la chance que mon prochain cours ne soit que dans deux heures, sinon, je vous aurais renvoyé sitôt mon cours avec vous terminé.
Au fait, je vois que la leçon pénètre peu à peu dans vos esprits. vous méritez bien cinq points.
Elle rougit de plaisir. Bien que cela ne remplaçât pas les points qu'il lui avait enlevés, elle était contente d'avoir eu un échange avec lui, et d'avoir saisi pourquoi il était si injuste.
-Vous n'avez pas faim? Il est treize heures. Allez-y si vous ne voulez pas avoir l'estomac dans les talons, lança-t-il d'un ton abrupt.
-Et vous alors?
-Merci de vous soucier de ma santé, miss. Au revoir.
Elle n'oublia pas le regard qu'il lui avait lancé, mi-amusé, mi-agacé. Peut-être cet homme avait-il un cœur finalement?
Elle partit sans demander son reste.
Alors qu'en avez vous pensé? Est-ce la peine de de faire un autre chapitre?
A bientôt, chers lecteurs. Une review ne serait pas la malvenue.
