Bienvenue dans cette histoire défouloir, habituellement je fais de petites histoires courtes pour me changer de l'autre récit. Mais cette fois-ci, ça sera selon l'envie, donc vous verrez…

Bonne lecture à tous !


En pleine nuit, la voiture renfoncée dans l'ombre, à l'affût, appareil photo en main, Yami était heureux de voir de ses yeux la fin de son enquête. Cela faisait deux longs mois qu'il observait le domicile d'un de ses clients, un homme d'affaire toujours en voyage, qui avait des soupçons sur la fidélité de sa femme. Dans ce genre d'affaire, les craintes étaient la plupart du temps exactes, mais il fallait toujours des preuves. Des preuves que Yami devait bien sûr récupérer. Dans le cas de son client, sa femme voyait bien un autre homme, et même plusieurs hommes. La coquine !

Yami photographia tout ce dont il avait besoin, puis lâcha un soupir de soulagement. Tout en regardant les images, il imaginait déjà la réaction du client quand il apprendrait la joyeuse nouvelle. Affaire conclue ! s'exclama Yami qui démarra pour quitter les lieux. Dans tous les cas, même s'il n'avait pas découvert le pot aux roses, il aurait été payé, mais cela l'aurait obligé à jouer les voyeurs pendant les quatre mois de délai accordés.

La musique épousait les ronronnements de sa nouvelle voiture et le détendit pendant sa traversée des rues ensommeillées. De plus, penser au futur chèque qu'il allait recevoir lui donnait un léger sourire.

Après plusieurs minutes de route, Yami se gara en face de son agence. Il remarqua que de la lumière s'échappaient des fenêtres. C'était curieux, il ressentait une drôle de sensation. Il monta les escaliers quatre à quatre et ouvrit la porte brusquement. Une belle jeune femme assise sur le canapé sursauta à son entrée et resta intimidée par l'air froid et sévère de Yami. Il fallait dire que les expressions de ce détective se limitaient aux sourcils froncés.

— Bonsoir…

— Bon-bonsoir, bégaya la jeune femme toute apeurée. C'est… euh… votre propriétaire qui m'a invité à vous attendre ici…

— Je vois, dit simplement Yami qui regarda sa montre. Il est assez tard, vous avez attendu longtemps ?

— Non, juste quinze minutes. Mais c'est vrai qu'il est tard, il est presque… minuit ! C'était ridicule de venir à une telle heure, balbutia la femme gênée qui se cacha le visage avec ses mains.

— Une affaire urgente donc… je vous sers du thé et je vous écoute, madame.

— Yûkino Mutô et merci.

Pendant que Yami préparait la boisson, il jetait de temps en temps un coup d'œil sur la jeune femme. Elle était vêtue d'un tailleur hors de prix et tenait dans ses bras un sac très chic d'une marque que même la petite-amie du détective rêverait d'exhiber. Ses cheveux noirs en permanente était impeccable et son maquillage cachait légèrement ses yeux creusés par la fatigue.

L'homme servit le thé et s'assit sur le canapé qui était face à sa cliente décontenancée par la présence du détective au regard perçant.

— Votre mari vous trompe ? C'est ça ?

— Hein ? Non pas du tout… Qui engagerait un détective pour ça ?

Quatre-vingt-dix pour cent de mes clients par exemple, pensa Yami qui sirotait son thé.

— Ça n'a rien avoir avec mon couple, mais plutôt, avec mon fils.

— Votre fils ? Il vous cache des choses ?

— C'est… c'est compliqué. Laissez-moi vous expliquer…

La femme prit une grande respiration et se lança dans son récit. Elle lui raconta que son fils Yûgi avait une malformation pulmonaire qui nécessitait des soins particuliers. Dans l'espoir d'y remédier, ils avaient consulté plusieurs spécialistes, mais sans succès. Aucun d'entre eux ne pouvait les aider… Néanmoins, un médecin leur redonna espoir en leur communiquant l'adresse d'un centre de soins. Bien évidemment, ils sautèrent sur l'occasion et firent tout le nécessaire. L'inscription était un vrai parcours du combattant, de longs mois à attendre, à espérer. Alors le jour où il avait reçu son admission au centre, seule la joie était présente.

Il était parti, et les premiers mois s'étaient bien passés. Cependant, les cinq mois de traitement s'étaient transformés en année… Des années où elle n'eut plus de nouvelle de la part de son fils.

— Je vous en prie, aidez-moi… supplia Yûkino, les yeux larmoyants.

— Madame Mutô, je ferais tout le nécessaire. Mais j'ai des questions à vous poser afin de remplir le dossier.

— Bien.

Ils passèrent deux bonnes heures à discuter, et il nota le plus d'informations possible. L'entretient termina, il raccompagna sa cliente jusqu'à sa voiture et lui souhaita une bonne nuit. Il était maintenant deux heures du matin et il était l'heure de rentrer chez lui. Yami alla récupérer quelques affaires dans son bureau, emporta le dossier et prit la route, rendu sceptique par cette histoire. À l'époque où il était encore dans la police, il avait rencontré beaucoup de personnes qui mentaient sur leur vraie situation familiale. Il en avait vu des femmes pleurer la disparation de leur enfant qui avait fugué à cause des violences conjugales. Il en avait noté des plaintes diffamatoires pleines de jalousie qui avaient pour but de briser des familles. Alors il n'était pas impossible d'écarter une telle éventualité, celle d'une simple fuite. Surtout dans une famille aisée…

Une fois arrivé chez lui, il se déplaça sur la pointe des pieds, en faisant le moins de bruit possible. Il n'avait aucune envie de réveiller sa « dulcinée » qui depuis quelques jours était insistante sur certains points. Chaque grincement de porte et de parquet avait l'air d'une alerte à ses oreilles et il vérifiait toujours autour de lui s'il était bien seul. Une fois dans la chambre à coucher, il se faufila dans le lit, en faisant bien attention de ne pas la réveiller.

— Tu es rentré tard… où étais-tu ?

— Au travail…

— Ouais, à cette heure ?

— Anzu, je t'en prie je suis fatigué, on en parlera demain.

— T'as intérêt !

Yami soupira, régla l'alarme de son téléphone aux aurores et se couvrit. Il n'avait aucune envie de se disputer dès son réveil, donc il préférait fuir dès que possible. Parler de mariage, d'enfant et de changer de métier pour « la famille », sans façon !

Il te faudrait un métier plus fiable et stable ! Et un métier qui ne brisera pas la famille… se remémora Yami.

Il ne voulait pas se marier, il ne voulait pas d'enfant et il ne voulait surtout pas changer de métier. Yami se disait que vingt-neuf ans était trop jeune pour faire des enfants, il voulait encore profiter de sa vie et ne pas être l'esclave de petits êtres dodus et baveux. Il soupira une dernière fois et s'endormit au mieux, car demain il avait beaucoup à faire.


Le détective s'évada de la maison sous les cris de sa petite amie à la recherche de réponses. Il sauta par-dessus la clôture, plongea dans sa voiture, démarra à toute vitesse et prit la route pour le domicile Mutô. Yami souffla de soulagement et tapota le tableau de bord avec le sourire, comme pour la féliciter. Son ancien véhicule n'était pas tout jeune et était beaucoup trop éreinté pour filer comme le vent au démarrage. Donc les disputes matinales ne pouvaient pas être évitées…

Arrivé à destination, il fut épaté par la taille imposante de la demeure. Yami s'approcha de l'énorme portail et appuya de façon continue sur la sonnette. Une voix grave et rauque qui sortit de l'interphone le fit sursauter, empreinte d'irritation.

— Laissez ce bouton ! Oh !

— Oh pardon, au moins elle marche bien ! annonça Yami qui retira son doigt de la sonnette.

— Qui est-ce ?

— Yami Sennen, détective. J'aimerais voir madame Yûkino Mutô.

— Je vous ouvre.

Les portes s'ouvrirent et Yami entra tout en admirant le travail qu'avait exercé les pépiniéristes dans les massifs. À la porte d'entrée, il se fit accueillir par un grand homme brun, vêtu tout de blanc, aux yeux bleus électriques, peu souriant, il avait l'air presque agacé. L'homme se décala de la porte et l'invita à entrer, ce que Yami fit tout en découvrant la décoration intérieure raffinée.

— Yûkino m'a parlé de vous, elle m'a dit que vous alliez enquête sur le centre. Suivez-moi je vous prie.

En traversant le couloir, ils se retrouvèrent dans une grande salle à manger avec en son centre une longue et énorme table en bois massif. Son hôte l'invita à s'asseoir tandis qu'il sortit des dossiers. Deux hommes en costard noir se tenaient de chaque côté de la porte, visiblement des gardes du corps près à agir en cas de nécessité.

— Je n'ai pas fait les présentations, j'en suis désolé… dit l'homme brun en lui tendant la main. Seto Kaiba.

— Enchanté, répondit Yami qui lui serra la main. Je suis honoré d'avoir face moi un homme aussi respecté.

— N'abusons pas…

C'était pourtant vrai, la société Kaiba Corp était aussi influante que celle de la pomme. Mais ce qui intriguait Yami c'était la raison de la présence de cet homme.

— Vous avez l'air perplexe, je suis sûr que vous vous demandez pourquoi je suis ici.

— Eh bien oui.

— Yûgi Mutô est un ami d'enfance… Et de plus, cette affaire de centre me turlupine depuis un long moment.

En montrant les photos du centre, le PDG conta les faits qu'il avait accumulés. Pendant des mois, il avait essayé de montrer aux médias les agissements étranges de cet organisme. Mais tous avaient été démenti par faute de preuve concrète. Donc, il avait envoyé un détective sur les lieux, embauché comme employé. Seto avait reçu des informations plus qu'intéressantes qui lui avaient permis d'établir un dossier consistant.

Du jour au lendemain, son enquêteur ne donna plus signe de vie. Il avait mené sa propre investigation sans aucun résultat.

— Comment est-ce possible ? C'est juste dingue !

— Écoutez, je mets à votre disposition tout le nécessaire pour éclaircir cette affaire. Ne vous inquiétez de rien, je prends tous les frais à ma charge.

Yami déglutit et prit un des dossiers pour le feuilleter. Il y découvrit des photos du fils « disparu ». Un garçon bien maigre et pâle qui affichait toujours un grand sourire. Des cheveux bruns en bataille avec quelques mèches blondes qui lui tombaient sur le visage, mettant en valeur de grands yeux de couleur améthyste, fort peu communs.

— Il avait tout juste 17 ans lors de son départ pour le centre. Il devait fêter ses 20 ans cette année.

— Et qu'a fait la police ? demanda Yami qui parcourait le dossier.

— Justement… regardez ce courrier.

Le détective se mit à lire la lettre étrange. Rédigée sur ordinateur, elle annonçait un désir d'aventure inattendu.

« Je suis heureux de t'annoncer que je suis maintenant rétabli ! Je peux désormais réaliser mes rêves les plus fous. Je vais partir pour l'Allemagne pour faire mes études, et je n'ai nul besoin de financement pour cela. Je vous contacterai au plus vite… »

— C'est bizarre… Pourquoi partir comme ça ? Sans vous revoir, prendre des affaires…

— Pour les autorités c'était suffisant, vu qu'il était majeur. Et pour un « gosse de riche » comme ils disent, il avait envie de prendre son envol.

Un désir d'indépendance ? Quelle mouche avait piqué mes confrères policiers ! Ça crevait les yeux que c'était pour le moins anormal…


À l'agence, lumière tamisée et musique Soul en fond, Yami était allongé sur son canapé, téléphone collé à l'oreille, à discuter avec son experte médicale, sa douce et redoutable mère.

— Maman, connais-tu le centre « D'Avancé Médical Biologique et Scientifique » ?

— Ah, le centre A.M.B.S ! Oui bien sûr, c'est là-bas que les analyses et tests sont réalisés.

— Ils ont des patients ?

— Oui, mais bien sûr, seuls les plus fortunés peuvent se permettre d'avoir des soins dans cet établissement. Je rêve d'y travailler un jour !

— Ah, pourquoi ?

— Bah il faut faire partie de l'élite pour y rentrer et avoir beaucoup d'argent… Ce que je n'ai pas !

— Hum… Eh bien maman, je pense que tu vas adorer cette affaire.

— Ah ? dis-moi, dis-moi !

En effet, car son « experte » lui donna l'idée du siècle pour entrer dans L'A.M.B.S tout en étant l'un de ces privilégiés. Ce qui faciliterait sa tâche…

Enfin c'est ce qu'il avait pensé avant d'y être vraiment intégré deux mois plus tard…

Yami n'imaginait pas ce centre si « immense » et encore il trouvait le mot faible. Tout était trop beau, propre, parfait. C'était exactement comme sur la brochure qu'on leur avait distribué à l'entrée, comme les publicités qui passaient à la télévision, un paradis.

Il était temps pour lui de se lancer dans l'aventure : il allait devenir le Dr. Yami Kazumasa, un psychiatre suivi de près par Kaiba Corp. La boule au ventre, notre détective maîtrisait au mieux ses tremblements. Il avait l'impression de retourner dans les fusillades de banlieue et son corps réagissait en conséquence. L'envie de faire machine arrière était omniprésente, mais cela lui était impossible.

Yami se motiva par de petits encouragements et avança.

Déterminé, il entra dans l'établissement. Sa prestance attira bien des regards sur lui, une chose habituelle. Il n'était pas spécialement grand, mais son corps était assez musclé pour plaire à la gent féminine. Sa peau au teint parfait accentuait la couleur de ses iris couleurs rubis et se mariait parfaitement avec ses cheveux noirs aux pointes pourpre et ses mèches or. Totalement à l'opposé de sa tenue habituelle, il avait troqué son t-shirt contre une chemise sur mesure, son jeans par un pantalon tout aussi coûteux et ses rangers par des chaussures luxueuses fort peu confortables. Et tout ça, sous une blouse blanche…

Son enregistrement à l'accueil fait, il reçut son badge qui lui donnait accès à la formation Premium Élite. Une formation très coûteuse, qui nécessitait un lourd investissement financier ainsi qu'une recommandation. Et d'après le confrère disparu, il se passait des choses dont seul un petit cercle de privilégiés avait connaissance.

Accompagné par une jolie secrétaire coquette, Yami franchit une cour intérieure et déboucha sur un immeuble banal et défraîchi. Dès la porte franchie, tout était blanc et certains tableaux abstraits étaient accrochés au mur. L'infirmière, pressée de s'en retourner donna un jeu de clé et un dossier à Yami avant de déclarer en balbutiant :

— Vous êtes libre de vos allées et venues, tant que vous pointez à la machine juste ici. Votre formation avec les nouveaux inscrits commence dans une petite heure, alors pendant ce temps, prenez connaissance des documents.

— Merci, et ces clés ? demanda Yami en les agitant.

— Elle donne accès à votre chambre.

— Ma chambre ?

— Votre bureau… bonne journée ! acheva la femme en partant de cet endroit à toute vitesse.

Interloqué par la tournure des évènements, Yami traversa le couloir qui débouchait sur une multitude de portes numérotées. Il s'arrêta juste devant ce qui semblait être une salle commune… des patients étaient assis par terre. Comme de la marchandise, ils étaient là, assis en tailleur, à attendre. Ils n'échangeaient ni un mot, ni un regard entre eux.

Yami balaya du regard la salle à la recherche de Yûgi. Il s'apprêtait à quitter la pièce lorsque son regard fut attiré par un homme aux cheveux noirs, attachés en queue de cheval et à l'œil brun presque doré. Comparé aux autres qui étaient assis par terre au milieu de la pièce sans vie… cet homme était assis sur le banc et tenait une canne joliment sculptée entre ses mains. Cette personne attisa la curiosité de Yami au point qu'il s'approcha de cet inconnu sans hésiter et s'assit.

L'homme au pyjama blanc avait une peau laiteuse, enfin c'est qu'on pouvait constater malgré tout les bandages qui le recouvraient. Son visage fin sans défaut avait une petite barbe en forme de bouc et était couvert à moitié, cachant sans doute une opération à l'œil droit. Sans cela, Yami aurait trouvé cet inconnu très beau, même parfait, car il était comme les mannequins sur les affiches, sans défauts.

— Vous êtes nouveau ici…

— Hein ? répondit Yami qui sursauta à la voix calme et hypnotisant de cette personne. Oui, je suis psychiatre.

Aucune réponse… Le regard du jeune homme fixait le vide. Il laissa tomber sur le carrelage sa canne à l'embout d'acier, provoquant un vrai boucan dans cette pièce silencieuse. Yami se pencha, ramassa la canne et alors qu'il la tendait vers lui, l'œil doré du garçon le transperça tout entier, paralysant le détective.

L'homme prit la canne de ses mains et dit dans un murmure :

— Psychiatre, vous ? je n'en crois pas un mot.