Résumé : Charles ne peut pas dormir en cette chaude nuit à New York. Alors qu'il prend l'air sur son balcon, il réalise qu'il n'est pas le seul que le sommeil boude : il voit, dans l'immeuble d'en face, un de ses voisins fumer sur son balcon. Ils se rencontrent de nouveau dans l'ascenseur quelques jours plus tard et le voisin, Erik, n'est pas seulement absolument magnifique, mais aussi charmant et drôle. Sauf que Charles est en couple avec Scott et Erik cache quelque chose, alors c'est mieux s'ils restent juste voisins.
Dommage que ce soit le coup de foudre.
Notes de la traductrice : Bonjour ou bonsoir tout le monde ! Je me permets de vous offrir la traduction du texte de SomeCoolName, Defy The Stars, posté initialement sur AO3. Pour les anglophones, je vous conseille plus que vivement sa version ! Pour les non-anglophones, j'ai souhaité vous partager ce petit bijou, en espérant qu'il vous plaise !
Par soucis de confort de lecture, nous avons pris la décision de couper son OS en trois chapitres et un épilogue.
Vous pouvez également le retrouver sur AO3, où nous l'avons posté en co-author (Nos pseudos sont les mêmes)
Je remercie infiniment SomeCoolName, pour avoir écrit tant de belles choses, pour m'avoir autorisé à la traduire, et pour toutes ses remarques et améliorations.
Je remercie également Flo'wTralala pour sa première relecture, et Maya Holmes pour la dernière.
Toutes les trois, vous êtes des filles formidables, et je vous aime. Je ne vous remercierai jamais assez pour tout ce que vous m'apportez, en particulier après ce début d'année.
Bonne lecture à toutes et tous,
Nalou
Les yeux de Charles s'ouvrent. La nuit, tiède et humide, n'est pas son alliée ce soir. Il se redresse dans son lit et ne réfléchit pas vraiment avant de se lever. Même si la fenêtre de la chambre est ouverte, il ne peut pas s'endormir à cause de la chaleur ; à moins que ça ne soit le décalage horaire. Ou peut-être que c'est à cause de ce qui s'est passé ce soir, mais son inconscient lui épargne ce souvenir-là encore un peu plus longtemps.
Il marche jusqu'à la cuisine pour se servir un verre d'eau fraîche puis il ouvre la porte coulissante qui mène au balcon. Un souffle d'air frais l'accueille, entourant ses chevilles et ses mollets nus, et il soupire. La chaleur est plus supportable à l'extérieur, même s'il ne peut pas voir d'étoiles parce qu'il a décidé, il y a quelques années, de venir vivre à New York où les lampadaires empêchent les gens de voir plus loin que les murs de béton qui surplombent les rues de tous les côtés. Au-dessus de lui, il y a le ciel entier, inaccessible et pourtant si tentant. Une lumière vibre au loin, preuve, si besoin est, que New York ne dort jamais, qu'il y a toujours des hommes et des femmes en train de travailler, des jeunes en soirée, et des sans-abris qui luttent pour rester en vie. Les mains de Charles serrent la balustrade alors qu'il se penche légèrement en avant pour regarder la cour de l'immeuble. Le concierge s'en occupe bien, Charles sait combien ils sont chanceux d'avoir de si jolis parterres de fleurs et des bosquets. Son inconscient le rappelle doucement à l'ordre et il cligne des yeux. Il est chanceux d'être ici.
Il redresse la tête et laisse ses yeux vagabonder sur le mur à seulement quelques mètres de là. Certaines fenêtres sont ouvertes mais il n'y a pas de lumière - il s'y attendait un peu, la nuit est déjà bien entamée. Il se souvient de la première fois qu'il a visité cet endroit, à quel point ça lui avait rappelé Fenêtre sur cour, et la seule pensée qui avait alors traversé son esprit était que ça ne l'aurait pas dérangé d'être dans un fauteuil roulant si Grace Kelly était sa femme - ou James Stewart son amant, les deux marchent tout aussi bien. Il devrait acheter le DVD demain et regarder le film une nouvelle fois, lors d'une nuit comme celle-ci où le décalage horaire - parmi d'autres événements auxquels il ne pensera toujours pas - le prive d'un long sommeil pourtant mérité. Il devrait rentrer. Mais il y a une lumière allumée.
Au cinquième étage, à peine en dessous du sien, il y a un homme sur son balcon. Il est habillé d'un jean et d'un tee-shirt pâle et il s'appuie lui aussi sur sa balustrade en fumant. Charles se sent nu (mais il ne l'est pas, il a un minimum de décence) dans son tee-shirt trop large (celui avec une ancre dessinée dessus) et son boxer ; et soudainement il ressent le besoin irrépressible de se frotter le mollet de son pied pour rapprocher ses jambes. L'homme prend une longue bouffée de sa cigarette et lève les yeux, comme s'il avait physiquement senti le regard insistant de Charles.
Il sourit.
Charles sourit aussi.
Charles ne voit pas trop l'utilité de faire des suites à des films, mais il pourrait commencer un financement participatif pour pouvoir tourner lui-même Fenêtre sur cour - La Revanche, avec un voisin absolument canon dans sa version. C'est stupide comme idée mais ça le fait sourire encore plus. Et ça fait hocher la tête du voisin - il le salue. Charles lui rend le geste. C'est inoffensif. Le voisin tire à nouveau sur sa cigarette et la termine. Il l'écrase contre la barrière et lève les yeux en direction de Charles une nouvelle fois, lui faisant signe de sa main à présent vide, et peut-être que ses yeux trainent une seconde de plus sur le corps de Charles avant qu'il ne se retourne, mais même si ce n'est pas le cas, Charles se laisse imaginer un instant que ça pourrait être ça, sa vie - des yeux le regardant comme s'il était un être céleste, quelqu'un qui détesterait le quitter. Mais il n'y a pas d'étoiles à voir dans une grande ville comme celle-ci. Charles rentre, ferme la porte coulissante et marche jusque dans la chambre. Scott dort encore, le dos tourné, toujours aussi inaccessible. Mais bien sûr, encore plus ce soir.
Charles s'allonge et se félicite de ne pas faire de bruit quand les larmes envahissent ses joues.
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C'est une journée épouvantable à l'Université de Columbia : le téléphone sonne sans arrêt, la police est en train de parler à Emma dans son bureau du vol des énoncés des examens (et de la divulgation des réponses) qu'elle prend très au sérieux. Bien sûr, ça devait arriver trois semaines avant les partiels de fin de semestre, et maintenant la moitié des collègues de Charles veut tout bonnement les annuler et faire redoubler l'ensemble des élèves (ce qui ne vaut même pas la peine d'être envisagé, merci bien), et l'autre moitié est rentrée chez elle pour écrire de nouveaux questionnaires. M. Shaw, le doyen, décidera de la suite à donner, enfin, quandil reviendra de son mois de vacances à Saint Barth, mais en attendant, sa secrétaire Emma Frost s'occupe de tout - comme toujours.
On frappe à la porte du bureau de Charles, et rapidement Emma entre. Elle fait une horrible grimace pour montrer à quel point elle est épuisée et ça fait rire Charles.
"Alors ?"
"Alors ils vont enquêter mais honnêtement, je pense que je devrais juste payer mon geek de neveu 50$ et il trouvera le coupable en moins d'une heure, j'en suis sûre."
"Dans tous les cas, vu que les étudiants ont reçu les réponses aux examens, nous devons faire de nouveaux questionnaires."
"Je sais, Charles, mais c'est une question de principe. Ça ne peut être qu'un professeur qui a volé les réponses de tous vos dossiers personnels et on ne va pas laisser s'en tirer un mec qui nous a trompé."
Charles acquiesce, concentré, et ne prête pas attention à la douleur dans son estomac quand les mots sonnent autour de lui. Ne pas laisser s'en tirer un mec qui t'a trompé...
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"Tu es sûr que tu veux mettre une cravate ?" demande Scott en boutonnant sa chemise.
"Raven me l'a offerte."
"Et alors ? Tu sais que je n'aime pas cette cravate."
Charles inspire et jette un coup d'oeil à son reflet dans le miroir de leur chambre. Non, la cravate n'est pas vraiment jolie, elle est trop grande et sa couleur bordeaux est un peu trop sérieuse au goût de Charles, mais il sait qu'elle sera contente de le voir la porter (même s'il ne le fait que quand elle lui rend visite de Londres). Peut-être qu'il devrait annuler le rendez-vous, prétextant une migraine, et rester au lit pour regarder Black Sails en mangeant des céréales comme un adolescent (même s'il n'a jamais mangé de céréales au dîner en étant adolescent, grâce à sa mère, et surtout sa cuisinière). Scott entre dans la pièce et se place derrière lui. Il lui enlève doucement la cravate avant d'ouvrir les deux premiers boutons de sa chemise blanche.
"Tu vois ? Tu es pas mal comme ça."
Charles s'observe et sourit faiblement. Il ne sait pas s'il peut dire qu'il est mignon, mais oui, il est plus agréable à regarder quand il ne porte pas cette cravate immonde qui est tellement à la mode à Londres, Charles ! comme le répète la voix de Raven dans sa tête. Il acquiesce.
"Merci."
C'était gentil à dire. Ça devrait faire plaisir à Charles d'avoir un compliment de la part de Scott. Mais il préférerait toujours s'arracher les yeux plutôt que d'aller à ce dîner qui compte Raven, son mari Hank, en plus de sa mère et de son beau-père. Il les aime trop pour leur mentir et faire semblant que tout va bien. Mais il les aime encore plus pour décider qu'il ne les blessera pas.
Alors il va à ce dîner, il tient la main de Scott, le laisse lui embrasser la joue et le laisse raconter à sa famille comment se sont passées leurs vacances dans le Vermont - mais pas tout, bien sûr.
Quand il craque finalement et pleure, il est seul sous la douche. Les larmes se fanent dans l'eau, alors ça va.
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Charles est appuyé contre le mur de l'ascenseur tout en vérifiant ses mails sur son téléphone quand il entend une voix s'élever. Par réflexe, il retient la porte pour laisser le voisin entrer avant que les portes ne se referment.
Oh. Charles devrait dire Le Voisin.
"Salut," dit l'homme, légèrement essoufflé.
"Salut," répond Charles, lui-même essoufflé, même s'il n'a pas couru.
"Merci."
Les yeux de Charles n'osent pas cligner, trop concentrés à essayer de comprendre pourquoi Le Voisin le remercie.
"Pour avoir retenu la porte," clarifie Le Voisin.
"Ah, pas de problème," répond Charles et il se blâme immédiatement d'être incapable d'ajouter quelque chose qui pourrait faire durer la conversation.
Ils hochent tous les deux la tête en silence et enfin Le Voisin ajoute :
"Je m'appelle Erik."
"Charles," il répond avec entrain, tendant une main pour la lui serrer - une poigne forte mais une peau douce, est-ce que cet homme pourrait être autre chose qu'un fantasme sur pattes ? "Je viens de m'installer ici. Il y a quelques semaines en fait."
"Bienvenue alors. Vous verrez, les gens sont très gentils dans cet immeuble."
Et absolument canons, oui, j'ai remarqué.
"Quand avez-vous emménagé ici ?" demande Charles.
"Mhh… Il y a cinq ans environ, je crois."
"Vous devrez me dire tous les potins du voisinage, alors !" dit Charles, flirtant clairement et sa voix intérieure hurle Oh mon dieu Charles qu'est-ce que c'était que ça ? Tu n'aimes MÊME PAS les potins ! Mais il continue de sourire, prétendant que son âme n'est pas en train de se faire Hara-Kiri.
Erik Le Voisin, fronce un peu les sourcils mais il a ensuite la décence de sourire, légèrement amusé - même s'il ne répond pas du tout au flirt de Charles.
"Vous ne semblez pas américain."
"Ah, oui, effectivement, je suis constitué d'un tiers de thé, d'un tiers de tartan et d'un tiers de références des Monty Python."
"Anglais alors."
"God Save The Queen," confirme Charles.
Cette fois, Erik Le Voisin a un sourire immense et 'immense' est un mot bien faible pour décrire à quel point ses lèvres s'étirent sur ce visage magnifique. Combien de dents a-t-il ? Pourquoi Charles se pose-t-il ce genre de questions ?
L'ascenseur s'arrête et les portes s'ouvrent. Erik laisse passer Charles en premier et Charles a l'impression qu'il s'échappe de l'Enfer et du Paradis en même temps. Cet ascenseur doit être le pire purgatoire qui existe.
"Passez une bonne journée, Charles."
"Merci, vous aussi," il répond, souriant.
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Le repas avec Moira est tellement rapide que le ventre de Charles lui fait mal d'avoir mangé si vite, mais elle a tellement de problèmes au travail que le moins qu'il puisse faire est de passer un peu de temps avec elle. Elle lui parle de son chef et de ses collègues incroyablement sexistes, de la façon dont ils la mettent sous pression parce que c'est une femme en disant d'elle qu'elle ne peut pas gérer un poste en mairie vu qu'elle ne peut même pas tenir ses hormones. Moira est enceinte de six mois et Charles est convaincu qu'elle reste la personne la plus motivée et proactive de la ville entière.
"C'est la loi, tu sais. On ne peut organiser l'appel d'offre que si nous avons au moins cinq agences qui participent. Et comme LBT Architects s'est retiré la semaine dernière, il semblerait qu'on soit obligés d'annuler… Enfin, j'aurai à l'annuler, puisque tu ne verras jamais un homme de mon bureau avoir le courage de faire un discours pour dire 'oups, nous avons échoué'."
"Oh Moira, je suis désolé… Tu ne peux pas trouver un autre architecte pour postuler à la place de LBT ?" demande Charles, en sirotant son thé glacé.
"Étonnamment, très peu d'agences veulent participer. Comme le concours est organisé par la mairie, tout est public. Le nom des agences et leurs travaux seront exposés, même s'ils ne sont pas choisis. S'ils ratent, ils seront sur tous les blogs et dans tous les magazines du monde. Mais si jamais tu connais quelqu'un qui serait prêt à tenter sa chance et qui n'a pas peur d'être la risée du monde merveilleux de l'architecture, donne-lui mon numéro."
"C'est promis." Charles serre sa main dans la sienne.
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Je vais rentrer tard ce soir. Grosse réunion au boulot. Ne m'attends pas. -S
Charles fixe le message écrit dans une bulle de discussion verte. Pourquoi est-ce que c'est vert ? Pourquoi ce n'est pas bleu ? Scott a le WiFi au travail et même si ça ne marche pas, son forfait de téléphone n'a pas de limite d'accès à internet. À moins que Scott ne soit dans une pièce ou un immeuble où il ne capte pas bien. Pourquoi serait-il dans un endroit où il ne capte pas bien?
"Attendez !"
Charles tend un bras pour faire comme demandé sans même y penser. Et c'est une bonne chose, car Erik Le Voisin entre dans l'ascenseur et lui sourit comme si Charles était la meilleure nouvelle de sa journée.
"Êtes-vous en fait un fan de Spirou ? C'est comme si vous étiez toujours là pour retenir l'ascenseur pour moi," dit Erik, souriant, mais pas moqueur.
"Ah, mince, vous avez découvert mon secret, le charme est maintenant rompu."
"Non, il ne l'est pas." répond Erik, étrangement confiant.
Charles use de toutes ses forces pour ne pas laisser ses joues s'enflammer.
"Longue journée ?" demande Erik Le Voisin.
"Oh oui. Comment l'avez-vous deviné ?"
"Il se trouve que moi aussi."
"Et bien, j'espère que vous n'avez pas passé votre matinée avec la police, à essayer de leur expliquer que non, vous n'êtes pas un professeur vendu qui aurait reçu de l'argent en échange des réponses aux prochains examens. Ensuite, j'espère que vous n'avez pas déjeuné avec votre meilleure amie, qui se fait harceler par ses collègues et son patron à la mairie et qui cherche désespérément un architecte, point sur lequel vous ne pouvez pas l'aider puisque vous n'en connaissez aucun. Et bien sûr, j'espère que vous ne vous êtes pas fait draguer par un étudiant de dix-sept ans, qui plus est après avoir passé quatre heures chez les flics, et que vous n'avez pas eu à le rejeter doucement mais fermement."
"Vous êtes sérieux ?" demande Erik, gêné ou abasourdi, Charles ne peut pas vraiment dire.
Son estomac se serre. Bien sûr, Erik Le Voisin ne peut pas être Erik Le Voisin Gay.
"Oui, je suis gay, mais ça ne veut pas dire que je ferais quoi que ce soit avec un mineur," se sent obligé de préciser Charles, fatigué d'avoir encore une fois ce genre de discussion.
"Non, non, je me fiche de ça ! Je veux dire, votre amie, celle qui travaille à la mairie, est-ce qu'elle est sur le projet d'appel d'offres pour le Musée des Beaux-Arts qu'ils veulent construire près du lac ?"
"Oui, c'est ça. Comment le savez-vous ?"
"Je travaille chez Daedelus. Je suis architecte."
Erik Le Voisin pourrait bien être Erik Le Sauveur, finalement.
"Et vous pensez que votre agence serait intéressée par le concours ?"
"Eh bien, c'est un risque qui vaut la peine d'être pris, alors je vais évidemment tout faire pour les convaincre. Comment puis-je contacter votre amie ? Quand ?" demande vivement Erik, impatient, et Charles adore ce genre de personne qui se lance dans des aventures comme si l'échec n'était absolument pas flippant.
"Donnez-moi votre numéro et je l'appellerai pour lui dire de vous contacter au plus tôt."
"Parfait."
Charles déverrouille une nouvelle fois son portable et fixe le dernier message de Scott le temps d'une seconde avant d'ouvrir ses contacts et d'entrer le numéro qu'Erik lui donne, le sauvegardant sous Erik Le Voisin.
"Je m'appelle Erik Lehnsherr," dit-il d'une voix douce, pendant qu'un grand sourire prend place sur son visage, ayant clairement aperçu le nom que lui a donné Charles sur son téléphone.
"Désolé. Charles Xavier."
"Oh, donc vous n'êtes plus Charles Le Voisin En Pyjama, quel dommage," se moque gentiment Erik et Charles ne peut plus respirer jusqu'à ce que les portes de l'ascenseur ne s'ouvrent.
Ils se saluent et partent chacun de leur côté. Charles dort quand Scott rentre.
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Bonjour Charles, c'est Erik Lehnsherr, j'espère que tu vas bien. Je voulais juste te dire que Moira m'a appelé ce matin et que nous avons organisé une réunion avec mon agence. Nous faisons maintenant officiellement partie de la compétition, c'est vraiment excitant. Merci beaucoup pour ton aide. Passe une bonne journée.
Erik
Le cœur de Charles rate un battement. Il pose son stylo et prend son téléphone pour relire le message encore et encore (et encore). Il apprécie le passage au tutoiement qu'Erik a fait naturellement mais il lui faut tout de même exactement onze minutes pour être satisfait de la réponse qu'il daigne lui envoyer.
Bonjour Erik. Tant mieux. Bonne journée.
Charles
Voilà. Clair, poli et pas trop insistant. Il retourne à la rédaction de son nouveau sujet et se prend soudainement la tête entre les mains. Mais quel message de merde ! L'homme n'est que sourires et gentillesse et Charles agit comme si Erik était une sorte d'animal rare que l'on ne peut observer qu'à travers une vitre.
J'espère que tu n'as pas encore passé la matinée avec la police. Si c'est le cas, je vais commencer à penser que tu me caches des choses.
Erik
Mon Dieu, il a vraiment répondu au message insipide de Charles ? Charles a beaucoup de chance alors il devrait arrêter de se comporter comme si Erik allait le mordre au moment où il montrerait ne serait-ce qu'un peu d'intérêt pour lui (amical, se répète-t-il mentalement, en pensant à Scott et Erik simultanément). Il peut bien parler à un homme, ça ne va pas créer d'ambiguïté, il en est certain.
En fait, ils ont trouvé le professeur qui a envoyé les réponses aux trois étudiants qui l'ont payé, du coup la panique et les flics, c'est fini. Et je suis un professeur très respectable, tu peux en être sûr.
Charles
PS : C'est marrant que tu insinues que je te cache des choses alors que, bon, on ne connaît rien l'un de l'autre.
Pique amicale, pense Charles. Pique amicale.
Je sais que tu portes des vêtements trop grands pour toi. Je sais que tu dors mal la nuit. Je sais que tu es professeur à l'université. Je sais que tu donnes des surnoms à tes voisins.
Erik
Charles rit tout haut à la dernière remarque. Il en oublie sa feuille d'examen et prend appui sur le dossier de son fauteuil avant de répondre.
Je sais que tu fumes. Je sais que tu ne dors pas bien non plus. Je sais que tu es un architecte qui n'a pas peur de se planter. Je sais que tu mattes mes fesses quand tu me laisses sortir en premier de l'ascenseur.
Charles
Charles appuie sur envoyer et arrête automatiquement de respirer. Bordel, qu'est-ce que c'était que ça ? Qu'est-ce que c'était que ça ? Il vérifie rapidement son écran à la recherche d'un bouton caché sur lequel il pourrait appuyer continuellement pour effacer le dernier message mais, bordel, il a payé 350$ un téléphone qui ne lui permet même pas de reprendre une remarque pourrie ! Il commence à écrire Désolé, c'était absolument stupide mais il efface tout et pose le téléphone pour ne plus fixer l'écran, cachant son visage derrière ses mains. Il ne veut pas voir la réponse d'Erik. Au final, il n'en a pas besoin car Erik ne répond pas.
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"Pour l'amour de Dieu, Charles, ce n'est que pour deux jours !" crie presque Scott, posant sa chemise pliée dans sa petite valise.
Charles est sur le lit, ses pieds à quelques centimètres du sac qu'il pourrait si facilement renverser. Mais il ne le fait pas. À la place, il se mord le pouce, les yeux brûlants d'avoir besoin de se fermer mais il ne peut pas s'empêcher de fixer Scott, se demandant si la prochaine fois qu'ils se verront, ça se sera encore passé.
"Je vais juste avoir de longues réunions terriblement chiantes et je passerai faire une visite du barrage hydraulique. Rien de plus."
Charles acquiesce sans savoir pourquoi.
"Charles," l'appelle Scott depuis son côté du lit. Il attend que Charles lève le regard avant de continuer. "Tu dois avoir confiance en moi."
"Eh bien, tu n'as certainement rien fait pour que ce soit le cas," répond Charles avec une force qu'il ne se connaissait pas. Il se relève et évite la main tendue de Scott pour aller dans le salon. Il ne croit toujours pas qu'il a vraiment dit ça, c'est comme si un scénariste de série télé a pris possession de son cerveau et a écrit la réplique parfaitement cynique pour blesser Scott de la même manière qu'il le blesse lui. Mais c'est idiot, bien sûr. Ça ne peut absolument pas être aussi douloureux que de découvrir une nouvelle fois que Scott a couché avec quelqu'un d'autre. Charles ouvre la porte coulissante et sort sur le balcon pour prendre une grande inspiration. La lumière est allumée chez Erik et sa baie vitrée est ouverte, mais il n'y a personne sur le balcon. Dommage, tant mieux. En même temps.
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"Retenez la porte !"
Charles rigole car il a regardé Game of Thrones hier soir et met sa main contre la porte. Mais quand Erik entre dans l'ascenseur, Charles ne sait plus quelle expression adopter : 1) Sourire de toutes ses dents parce qu'Erik est toujours une bonne nouvelle. 2) Être aussi calme que possible et lui dire bonjour comme s'il n'avait jamais envoyé ce message débile. 3) S'excuser, tout simplement, bordel.
"Salut," dit-il mais Erik tourne la tête au même moment et continue de tenir la porte pour laisser entrer une femme.
Elle a les cheveux bruns et les yeux bleus, et elle porte une robe que Charles a dû apercevoir dans un des magazines dont Raven a fait la couverture. Elle est jolie. Non, n'importe quoi. Elle est magnifique.
"Salut," dit-elle à Charles alors qu'elle entre dans l'ascenseur, légèrement essoufflée elle aussi, enlevant les longues mèches tombées sur son visage. Charles essaye de ne pas regarder Erik, mais échoue lamentablement. "Oh, tu es Charles ? Erik m'a parlé de toi, tu es celui qui lui a fait rencontrer la mairie pour le projet du musée ! Merci beaucoup, c'est adorable !"
Charles sourit car, même quand tout son corps le fait souffrir, sourire est une bonne idée.
"Ah, je n'ai rien fait. J'ai juste donné son numéro à une amie, c'est tout…"
"Peu de gens aurait fait ça, tu sais." Elle regarde Erik, attend un instant, puis tend finalement une main pour serrer celle de Charles, "Je suis Magda, la femme d'Erik." Erik tourne la tête pour la fixer et elle sourit légèrement avant d'ajouter, "Et bien, c'est vrai, non ? Je suis ta femme."
"Enchanté," répond Charles, et c'est à moitié un mensonge.
"De même."
Charles n'essaie plus de croiser le regard d'Erik après ça.
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"J'ai acheté des sushis." annonce Scott qui se penche pour embrasser Charles sur ses lèvres closes.
Charles regarde le sac posé sur la table du salon et reconnaît le logo de son restaurant préféré, le seul de New York qui ne livre pas. Ce qui signifie que Scott a traversé la ville pour lui faire plaisir. Ça le fait sourire sincèrement.
"Merci."
"De rien, je me suis dit que je m'occuperais bien de toi avant de partir. Est-ce que tu veux regarder Black Sails ?" Charles veut toujours regarder Black Sails, alors il allume la télé avant que Scott ne disparaisse dans la cuisine pour récupérer les sets de table et des baguettes. "Au fait, j'ai rencontré un des voisins dans l'ascenseur en rentrant. Erik Ensher. Je crois que c'était son nom," dit Scott. Charles ne lance pas l'épisode immédiatement. "Il te dit bonjour."
"Comment il sait qu'on est ensemble ?" demande Charles en sourcillant. Mais Scott sort de la cuisine et Charles remarque le tee-shirt que son petit-ami porte. C'est celui avec le dessin de l'ancre, celui que Charles portait la nuit où Erik et lui se sont rencontrés.
Scott hausse les épaules et ils mangent en regardant un épisode entier. Ils se préparent à aller se coucher et Charles va fermer la porte coulissante mais il pose un pied sur le balcon et se penche légèrement en avant. Erik est également sur son balcon, en train de fumer, et leurs regards se croisent. Il n'y a rien d'autre qu'un silence froid entre eux alors Charles rentre et ferme la porte.
