Résumé : C'est l'histoire d'un groupe de personnes Canidés qui doivent se cacher dans leur ville natale où les chiens sont recherchés par l'armée des Félins. La jeune fille principale, Tsuda, va se découvrir peu à peu et aussi découvrir certains sentiments qu'elle ne pensait pas pouvoir ressentir jusque là. Elle va devoir accomplir une mission de grand ordre et sera accompagnée de prétendants pour le moins... étranges, et accueillera au cours du voyage d'autres membres relativement intéressant pour la mission qui lui est assignée.

Point de vue interne, de Tsuda.

Les personnages de cette histoire m'appartiennent, tout sort de mon esprit alors demandez-moi pour emprunter mes personnages.

Bonne lecture !

Chapitre I

Rencontre avec l'ennemi ?

«Allez, viens, enfoiré ! » dis-je à l'homme face à moi. «Viens, j'te dis ! Voyons qui de nous est le plus fort… Tu pourras parler de moi à ton chef…»

L'homme, enragé, se jette sur moi pour me tuer, j'évite aisément son premier coup, je lui balance un poing qu'il reçoit en plein visage, j'entends l'os de son nez craquer… Il gémit et relance une seconde attaque que j'évite aussi, il se retourne après s'être rendu compte qu'il m'a raté et je le frappe au ventre, il crache du sang et se laisse tomber à terre. Les gens autour de nous s'écrient, ils hurlent à ma victoire et me maudissent… Ils ne peuvent pas supporter qu'une louve de mon espèce puisse gagner contre l'un des leurs…

Je suis à peine sortie du ring et de la foule que je sens un regard haineux peser sur moi, un regard haineux… Mais pas comme celui des autres, j'observe l'homme et sait que c'est un félin… Mon ennemi, bien sûr, comme tous les autres, mais différemment. Lui me traque depuis quelques mois…

Je sais qu'il m'a vu mais je me dirige vers la sortie en essayant de l'ignorer. Lorsque je suis arrivée à la porte, je sens une main se poser sur mon épaule droite.

-Tu es forte, me dit une voix masculine comme un ronronnement, tu plairais au chef…

-Si je vois ton chef, je le tue, affirmai-je en me tournant pour faire face au félin.

Ses pupilles brillent d'un jaune vif, celles-ci m'indiquent quelle sorte de félins il renferme : c'est un tigre. En dehors de ses yeux, je vois ses deux canines supérieures légèrement plus longues que les autres dents, ceci est leur dentition significative. Je sais qu'il est à ce moment assez serein.

-Tu vas sagement venir avec moi, dit-il encore.

-Non, affirmai-je sèchement.

-Tu n'as pas le choix, continue-t-il.

-On a toujours le choix… et puis je ne viendrais pas avec toi… Pas tant que je ne connaîtrais pas ton nom.

Il toussote comme s'il riait. Je vois qu'il m'observe avec douceur… que veut-il ? Qu'attend-il de moi ?

-Tu n'as pas besoin de connaître mon nom.

-Si tu ne me le dis pas, alors ne comptes pas sur moi pour te suivre.

Son visage est doux, rayonnant. J'ai envie d'être proche de lui, de le voir sourire de bonheur véritable… mais l'heure n'est pas aux rêveries !

Il rit encore faiblement et siffle pour appeler ses sbires. Une dizaine d'adolescents arrivent dans la minute. Tous ne semblent que peu expérimentés. Nous reculons jusqu'en dehors du bâtiment.

-Ce n'est pas avec ces jeunots que tu m'obligeras à venir avec toi, me moquai-je. Dis-moi simplement ton nom, ce n'est pas compliqué tout de même… Si ?

Il ignore ma remarque et demande aux jeunes de m'attaquer. Je jette le premier qui vient à mon encontre et saute en l'air, contre le mur de l'immeuble pour grimper et rejoindre notre planque. Mes connaissances affinées sur les félins m'ont appris que grimper est le point fort des félins, mais je tente le coup et monte jusqu'au toit. Puis je saute d'immeuble en immeuble.

Environs douze bâtiments plus loin, je descends d'un bond à terre et me cache derrière une porte pour tromper les jeunes lynx. Je les entends passer au loin et je sors lorsque je suis certaine d'être seule. Je casse la fenêtre d'un magasin un peu plus loin et prends deux gros sacs pleins de nourritures pour tout le monde. Puis je pars. J'arrive dans une sorte de grande place entre quatre murs à ciel ouvert, des "grosses boîtes" de multiples couleurs sont présentes de-ci, de-là contre les murs et même au milieu du terrain.

-Tu as fais quelques courses pour la compagnie ?

Je sursaute et fais un bond en arrière. C'est l'homme félin qui veut absolument que je vienne avec lui, sa voix qui ronronne serait reconnaissable entre mille.

-Dis-moi donc où est la famille que tu caches, murmure-t-il à mon oreille en apparaissant dans mon dos.

-Jamais ! criai-je en me tournant brusquement avec un large mouvement de la main.

-Du calme, louve…

-…

-Je ne te ferais pas de mal, ce ne sont pas ses ordres…

-Je me contre-fiche des ordres que tu as reçus ! Laisses-moi ! Laisses-nous !

Je veux m'en aller, partir jusque chez nous, retrouver la meute, les protéger.

-Je ne peux pas te laisser…

Je l'attaque brusquement d'un saut grotesque. Je ne le touche pas, je ne peux pas… Il est plus rapide et plus en forme que moi… alors que je suis fatiguée de ma journée de combats successifs…

-Serais-tu en manque de sommeil ? Ou en manque de nourriture chaude et délicieuse ?... Si tu viens avec moi, tu auras ce que tu…

-LA FERME ! hurlai-je en le frappant au visage avec mes griffes encore saignantes des combats précédents.

Je réussis à lui érafler assez profondément le torse, je vois du sang sortir de la blessure et souris. Je l'ai touché malgré ma fatigue..

Je ressens une vive douleur dans les pattes… Il faut que je rentre absolument ! Que je lui échappe et qu'il ne me suive pas… Je lui donne un coup aux genoux, il crie et me lance un regard méchant… Je m'assois sur son torse et le frappe à nouveau au visage jusqu'à voir du sang dans ses pupilles… je veux le frapper au lieu de rentrer chez moi ! J'ai besoin de le frapper encore et encore !

-Pourquoi me frappes-tu ? demande-t-il faiblement entre deux coups.

-Parce que tu me traques depuis bientôt dix mois ! Et que tu nous obliges à vivre enfermés dans un trou à rat ! répondis-je.

Il se tait un instant, comme moi, mais je ne cesse pas de le rouer de coups.

-Je m'appelle Ketsu…

J'arrête immédiatement de le frapper, étonnée qu'il m'ait donné son nom. Je vois un sourire au bord de ses lèvres, je viens de commettre une erreur... Je le sens bouger sous moi, il veut se lever… puis, d'un coup, il nous retourne et se retrouve sur moi…

-Que… ?

-J'ai convaincu le chef de te laisser la vie sauve… Je ne veux pas le regretter… Ne m'oblige pas à te tuer, s'il te plaît…

-Pourquoi ? De toute façon, tu meurs d'envie de me tuer… Me voir morte à cause de tes griffes et tes crocs… Me voir morte moi et mes amis, répliquai-je calmement mais amèrement.

-Non, moi je n'ai rien contre vous.

Un temps de silence trop longs vient après sa phrase.

-Pourquoi ne dis-tu rien ? m'interroge le garçon toujours sur mon corps.

-Je n'ai rien à dire à mon ennemi.

-Nous ne sommes pas ennemis…

-SI ! Depuis toujours! Nous avons toujours été ennemis, et ce sera pour l'éternité ! On n'a pas le choix, lui crachai-je au visage. Nous sommes nés pour nous entretuer, pour nous haïr jusqu'à notre mort, jusqu'à l'extinction de l'ennemi. La preuve est que tu m'attaque !

-Pourquoi penses-tu que nous ne sommes pas alliés ?

-Ta question est idiote, lui dis-je en le fixant dans les yeux.

-Non…

-…

-Pourquoi ne pourrions-nous pas nous aimer ?

-… ?

Je le fixe intensément tout en me demandant pourquoi il ne me tue pas maintenant… Pourquoi me parle-t-il de paix entre nos races alors qu'il passe son temps à me suivre et à me traquer depuis des mois, soi-disant sous l'ordre de son chef… mais je vois bien dans ses yeux que c'est autre chose qui est plus fort que cet ordre à suivre. C'est à présent pour lui, pour ses sentiments personnels qu'il me suit…

-Quoi ?

-…pas grand-chose… c'est juste que tu me poursuis depuis pas mal de temps… Et, quand finalement tu m'as en face de toi… Au lieu de me ligoter et m'emmener voir ton… "Chef"… Ou de me tuer… Tu essaies de me faire une leçon de morale en t'asseyant sur moi… Et tu me parle d'amour impossible…

-Je ne te fais pas la morale… Je te parle simplement pour partager tes points de vue…

-Nous n'avons pas la même vision des choses… Tu peux me laisser partir maintenant, non ?

-Je ne peux pas…

-Il faut que l'on se batte, c'est ça ?

-…

Il ne fait pas un geste… Puis, après un moment, il m'observe, intensément… Fixement… Comme s'il voulait quelque chose… son expression est tellement douce, on dirait un ange, un dieu parmi les « humains »…

-Quoi ? fais-je.

-J'aimerais faire quelque chose…. Mais, je… Je ne pense pas que tu sois d'accord… Et puis, si je le fais… Tu risques de me frapper…

-… Et ? Que veux-tu faire ?

-Tu veux que je te montre ? demande-t-il innocemment en inclinant légèrement la tête vers la droite.

-ça dépend ! Qu'est-ce que tu veux fai… ?

Je ne peux pas finir ma phrase, il a posé ses lèvres contre les miennes… L'instant ne dure que quelques seconde… Il a entouré mon visage entre ses paumes, sa peau est douce et chaude malgré la saison froide. Je n'ai pas le temps d'avoir une quelconque réaction… Je ne sais pas trop quoi faire, je suis, comment dire… Choquée que celui qui me traque fasse ça

-… (Moi)

-Je… Hum, désolé…

Il se lève et me tourne le dos.

-On n'se connaît pas… Et toi tu… ?

-J't'ai dis que j'm'excusai ! me coupe-t-il. Et puis, on s'est déjà croisé dans la rue, lorsque t'essayais de passer inaperçue… Tu ne m'as simplement pas vu…

-Mais on ne se connaît pas ! Tu ne connais rien de moi ! Tu ne peux pas te permettre de… de faire ça alors que tu ne me connais qu'en ennemie !

-…

-Bon, et qu'est-ce que tu veux faire de moi maintenant, hein ?

-Le chef te poursuivra toujours, toi et tes amis… Lui ainsi que tous ses hommes…

-Et toi ? Que vas-tu faire ? Tu vas continuer à me traquer ? Il faudra bien qu'un jour tu m'emmènes le voir !

Ma voix se veut cassante, je ne peux pas comprendre pourquoi il a fait "ça" alors que son but était de m'amener à son chef.

-Je n'ai pas le choix.

-Alors tue-moi.

-Je ne peux pas.

-Pourquoi ? "Tu m'aimes" ? me moquai-je en prenant un ton enfantin.

Il ne pipe mot. Je me mets debout et commence à m'en aller.

-Attends ! m'appelle-t-il.

Je m'arrête. Il arrive d'un bond face à moi en prenant de force ma main droite.

Sa peau bouillante fait battre mon cœur, il est affolé de sentir cette chaleur contre ma peau. Je ne contrôle plus les battements de cet organe. J'ai chaud…

-Je ne connais pas ton nom… Je t'ai dit le mien…

-Non, je n'ai pas de nom, mentis-je froidement. Et si je te le donnai, tu t'empresserais de le répéter à ton maître.

-Non !

Je m'aperçois que ses pupilles brillent, comme si une étoile était à l'intérieur. Ses cheveux courts et blonds peuvent faire penser qu'il est humain. Je remarque que sa peau est aussi lisse. Et pour vérifier, je me défais de sa main pour poser ma paume droite sur sa joue… Je le sens frémir lorsque nos peaux se frôlent. Nos visages sont très proches, son souffle ne cesse de passer et repasser sur mon visage. J'ai du mal à lâcher ses yeux du regard. Le sien est envoûtant. Je ne peux pas défaire mon regard de ses pupilles… Ma bouche me donne l'impression d'être attirée par la sienne. Mon cœur bat la chamade.

-Que… que fais-tu ? me demande-t-il.

-Ta peau est douce, murmurai-je comme hypnotisée.

« Mais… qu'est-ce que je fais ? Je… il est en train de m'envoûter… Je dois partir ! ». Je me recule et pars d'un saut. Il faillit me retenir mais je le frappe brusquement. Il réussi à reprendre ma cheville.

-Lâche-moi !

Je l'assomme d'un coup de pied dans le nez et je le vois tomber au sol. J'en profite pour rentrer avec les sacs de nourriture à la planque.

Retour à la maison

Et discussion avec le Maitre

Quelques minutes plus tard, j'entre dans notre planque, essoufflée.

-Je suis de retour ! m'écriai-je en fermant la porte d'entrée.

D'un coup, une demi-douzaine d'enfants me saute dessus.

-Tante Tsuda !

-Oui, c'est moi… J'ai rapporté un peu de nourriture.

-Oh ? C'est vrai ? T'as réussi ? Trop bien Tante, s'exclame Enkio, un ados que j'entraîne depuis bientôt deux mois.

-Hé hé… Oui, j'ai réussi, et un bon butin, cette fois… J'ai même assommé un de nos plus forts ennemis…

-Sérieux ? s'émerveille le jeune loup.

-Ouais… T'es fier, hein ?

-Trop ! rit-il.

Je secoue ses cheveux bruns, courts, et monte à l'étage grâce à un escalier en bois faible qui arrive à ne pas s'écrouler dès que quelqu'un monte dessus à cause de plein de carton empilés en-dessous. Le plafond du rez-de-chaussée est bas et le haut de l'escalier n'est pas très luxueux, en fait, l'escalier est simplement fait de bouts de bois collés les uns aux autres pour faire paraître une sorte d'échelle… En haut de cette échelle en mauvais état, il faut ouvrir la trappe qui permet d'accéder au premier étage… J'avance et m'arrête devant la troisième porte à gauche.

J'entre dans la pièce qui est utilisée comme ma chambre que je partage avec un garçon qui est lui-même arrivé peu auparavant. Il s'appelle Keiki. Ses cheveux sont presque gris-blancs malgré sa jeunesse -15 ou 16 ans- et ses yeux d'un bleu perçants reflètent sa véritable personnalité, un loup de sang pur, c'est d'ailleurs l'unique raison pour laquelle il a été accepté dans le clan que nous formons. Lorsque j'entre, je le vois couché sur le dos, sur son matelas posé au sol. Il lit un bouquin que j'ai amené lors de ma dernière escapade. Il me reconnait et me sourit.

-Il n'y a pas de place pour les sourires ici, sauf pour les gamins, qui ont le droit à l'innocence et à l'ignorance.

Il perd immédiatement son sourire au son de ma voix glacée.

-Il faudrait aussi que je me batte contre toi pour examiner ta puissance et si tu me plais, je t'entraînerais.

-Ouah… T'es pas très sociable, toi…

-Écoutes, je me suis battue contre un connard de tigre tout à l'heure en rentrant, alors m'emmerde pas, c'est tout ce que je te demande.

-J'te veux pas de mal, tu sais ? dit-il en se postant à côté de moi alors que je prends deux boîte de gâteaux natures que je serai obligée de partager avec lui.

-Et en plus il m'a draguée ! répliquai-je.

-Ben… y'a de quoi…

-La ferme, dis-je en roulant des yeux alors que je dépose ma veste en cuir.

-Tu devrais être flattée de te faire draguer par un des adversaires…

-Il n'y a pas de quoi, il m'aurait emporté chez lui, voir son chef, et ils m'auraient torturé pour que je vende l'endroit où tu crèches.

-Hey ! Calme-toi… Ok ?

-T'es lourd, soufflai-je.

Je sors et vais voir comment vont les autres. Au premier étage, les adultes jouent presque tous aux cartes, pour faire du troc avec les objets qu'ils acquièrent au fur et à mesure de mes escapades en dehors du bâtiment.

Je ne suis pas la seule à aller dehors, disons que je suis l'une des plus expérimentée parce que j'ai grandi dans cette ambiance et que j'ai pris l'habitude de ne pas parler beaucoup, de me méfier de tout le monde, et en particulier des nouveaux venus comme Keiki. De plus, je trouve qu'il parle trop, toujours pour ne rien dire… Je pense qu'il énerve la plupart des gens de l'immeuble mais personne n'ose le lui dire.

Je dis bonjour aux plus âgés au second étage, ils sont tout de même en forme pour leur âge, surtout que les trois quart ont plus de soixante ans et qu'il est dur de vivre après la trentaine puisqu'il ne faut pas que les ennemis nous voient et nous attrapent pour nous faire avouer où se cachent les autres. Rares sont ceux qui se sont fait attrapés vivants. Si l'un d'eux sait qu'il est cuit, il se donne la mort avant de se faire prendre, ou il se tue à la vue d'un adversaire trop fort.

-Bonjour Tsuda.

Arrivée au troisième, l'étage des sages, celui qui m'a tout appris se montre, il se nomme Yokoha.

-Yokoha-sempai.

Je le salue poliment en posant mon genou gauche à terre.

-Je t'en prie, dit-il. Lève-toi et viens.

Il me fait signe de le suivre, je me lève et le suis donc.

-Quelque chose s'est passée durant mon absence, Maître ?

-Il faut juste que je te parle de Keiki.

Il m'amène à la pièce où il demeure et s'assoit sur son paillasson avant de m'inviter à faire de même.

-Il va devenir ton élève et il remplacera Enkio, car, comme tu le sais, tu es encore trop jeune pour avoir deux élèves simultanément.

-Je n'ai pas évalué sa puissance, Maître.

-Je le sais, mais je sais que tu lui enseigneras vite et bien. Je sais aussi qu'il apprend vite.

-Pourquoi devrais-je être son maître ? J'ai mon élève et il n'a pas fini son enseignement.

-Maintenant, si.

-Mais, vous ne comptez pas l'envoyer en mission ? Il n'est pas assez expérimenté au combat !

-Tu n'as pas le choix, Tsuda-chan.

Alors que nous nous taisons, une des jeunes femmes du groupe nous amène des tasses de thé qu'elle sert tout de suite et part ensuite sans dire un mot.

-Keiki viendra avec toi à ta prochaine expédition.

-Comment ? Vous n'êtes pas sérieux, Maître ?

-Si. D'ailleurs, tu devrais aller le lui dire et te reposer. Vous partirez dans trois jours.

Je ne dis rien pendant une dizaine de minutes, mais ne bouge pas de ma place. Puis je reprends la conversation.

-Quel sera le but du voyage ? demandai-je.

-Vous devrez aller à la ville principale, là où siège l'ennemi, et vous prendrez des plans des bâtiments.

-Maître… que… Qu'avez-vous en tête ? Une opération qui sera mise en échec ? Encore une fois ? m'énervais-je en haussant le ton.

-Je ne te permets pas ! fit-il en levant des yeux sévères sur moi.

-Pardons.

Un autre silence intervient. L'homme boit une gorgée de sa boisson.

-Je serais seulement avec Keiki ? l'interrogeai-je à nouveau calmement.

-Oui, pour le départ.

-Que voulez-vous dire ?

-Vous passerez par Conrigua, une ville près d'ici. Là, vous vous rendrez au camp 18 et vous prendrez avec vous une fille se nommant Neko Nakeshima.

-Nous ne serons que trois pour l'opération ? le coupai-je.

-Attends, laisses-moi finir.

-…

-S'il y a d'autres jeunes qui veulent vous accompagner, qu'ils le fassent, plus vous serez, mieux ce sera, mais vous ne devez pas dépasser l'effectif de cinq personnes… Et il ne faut pas qu'elles soient un poids pour vous, d'accord, Tsuda-chan ?

-Oui, Maître.

-Maintenant va.

-Oui.

Informations sur Keiki…

Après être sortie de la pièce, je me rends dans ma chambre.

-Keiki ? appelai-je lorsque j'entre.

Personne ne répond. Je m'installe alors sur mon matelas à la gauche de la porte, à l'opposé du matelas du garçon. Je réfléchis à ce que je peux faire étant donné que je suis apparemment seule, et finalement, je me mets à dessiner quelque chose au hasard.

Une dizaine de minutes après, la porte s'ouvre et un jeune loup gris entre. «Qu'est-ce que tu fais ?» me demande-t-il par les pensées (parce que lorsque l'on est transformé, nous ne communiquons que par la pensées, mais nous pouvons nous exprimer aussi par la pensée lorsque nous sommes humains). Il s'approche de moi, se met sur le matelas et observe ce que je dessine. Je ne me rends pas trop compte de ce que je dessine, je regarde à peine la feuille.

«Qui est le garçon qui est représenté dans ton dessin ?» m'interroge-t-il.

-Hein ? Quel gar… oh ?

En regardant ma feuille, je m'aperçois que j'ai dessiné Ketsu, avec ses yeux que l'on peut deviner dorés, sa chevelure courte et claire ainsi que sa peau presque brune. J'ai dessiné simplement jusqu'au buste, et j'avoue, sans me surestimer, que je l'ai fait très ressemblant !

-Alors ? Qui est-ce ? me demande Keiki de vive voix (il s'est remis en humain). C'est ton petit ami, il vit en dehors de notre groupe, c'est ça ?

-N'importe quoi ! m'exclamai-je en levant les yeux sur le garçon loup. C'est… Le gars que j'ai assommé avant d'arriver ici tout à l'heure…

-Ha ha !

-Quoi ?

-T'es amoureuse ! Ha ha !

-Qu'est-ce que tu racontes ? Je… Je ne suis pas amoureuse de lui ! C'est notre ennemi !

Il continue de rire. Puis, quelques minutes plus tard, il m'adresse à nouveau la parole :

-Je m'excuse de m'être moqué de toi tout à l'heure, dit-il.

-Hm ? Oui, oui…

-Tu penses à quoi ? me demande-t-il alors qu'il s'est allongé sur son lit.

-… Je dois te dire quelque chose…

-Aah ? Quoi donc ?

-Nous partons tous les deux en expédition dans trois jours, c'est Maître Yokoha qui m'en a parlé avant que je ne revienne dans la chambre.

-Mais… Je ne me suis jamais battu pour de vrai !

-J'ai trois jours pour t'enseigner le minimum vital pendant une excursion. Puis pendant le voyage, je t'apprendrai plus de choses.

-…

Le garçon est pensif.

Cela fait quatre semaines qu'il n'est pas sorti, et qui plus est en dehors de la ville.

Conrigua, la première ville où nous devrions nous arrêter pour prendre d'autres personnes est à environ une dizaine de jours de marche, peut-être un peu moins avec un véhicule.

Puis, la ville principale se trouve à un mois entier de la ville de Conrigua, c'est-à-dire, un mois et demi d'Aquineo, notre ville actuelle.

Lui, Keiki, qui n'est orphelin que depuis quelques mois, l'esprit d'une vraie famille doit lui manquer. Même si l'on se considère, ici, comme une grande famille réunie sous le même toit. Une famille comptant une cinquantaine de personne de tout âge, ce n'est pas ses parents. Peut-être serions-nous ses frères et sœurs s'il en avait eu. Ou même ses grands-parents qui l'ont certainement gâté lorsqu'il était enfant. Mais notre groupe ne remplace pas tout ça. Nous ne pouvons pas être une vraie famille pour lui qui a connu sa véritable famille. En parlant sans cesse, il essaye de se faire une place dans notre "famille".

Je n'ai pas connu mes parents, moi. Lorsque je suis née, la guerre entre les félins et les loups avait déjà commencée, et comme nous n'étions pas une famille aisée, mes parents sont morts parce qu'ils n'avaient pas pu être protégés des ennemis. Deux Léopards sont venus un jour chez moi, m'avait raconté Yokoha-sempai, qui connaissait mes parents depuis leur enfance. Deux Léopards sont venus, et, alors que je jouais à cache-cache avec mon père, l'un des deux félins a assassiné ma mère qui m'aidait à passer inaperçue, sous mes yeux. Elle est morte sous mes yeux… Mais je n'ai pas de souvenir de ses moments, je ne me souviens pas de mon enfance, cela s'est passé lors de mes trois ans. C'est ce jour-là que le Maître m'a recueillie et m'a élevée comme sa fille. Il m'a tout appris, je le considère comme mon père.

-Ta famille te manque-t-elle, Keiki ? demandai-je rêveuse.

Je sens qu'il est plus que surpris de ma question.

-Je te demande ça parce que je ne me souviens pas de mes parents, Maître Yokoha m'a dit que ma mère a été tuée sous mes yeux… Mais je n'en ai pas le souvenir. J'imagine que notre groupe est différent de la famille que tu as eue…

-Oui, c'est vrai, dit-il après quelques secondes de silence. Mes parents me manquent, mais pas parce que le groupe est différent… moi il me rappelle beaucoup lorsque je vivais avec eux, avec mes parents… Il y a une harmonie entre chaque personne, c'est tellement beau et impressionnant… Je me sens toujours mal à l'aise de devoir demander quelque chose à quelqu'un, j'ai peur qu'il ne pense du mal de moi… Et puis, j'ai remarqué que quand tu es rentrée au rez-de-chaussée, les enfants sont venus te voir et ils t'ont appelée "tante Tsuda"…

-Oui, ils m'apprécient comme on aime sa tante… C'est parce que je suis la seule ados à être dans le groupe depuis mes trois ans… Treize ans que je vis avec tout le monde…

-ça fait hyper longtemps que tu es ici, en fait…

-Hm, oui…

-Je comprends maintenant mieux pourquoi tout le monde te respecte vraiment, comme si tu étais une adulte responsable…

-Non… C'est le fait que je sois l'élève de Maître Yokoha qui me donne plus de respect… Et puis, il paraît que je suis une louve pure, comme toi…

-Ah…

-Oui, un loup de sang pur a les pupilles bleues perçantes…

-Tu n'as pas les deux pupilles de la même couleur lorsque tu es louve… Ton œil droit est or et ton œil gauche est bleu…

-Comment tu sais ça, toi ? lui demandai-je. Je ne me rappelle pas m'être transformée devant toi !

-Ah non ? fait-il innocemment. Pas même lorsque tu dors ?

-Comment ça, "lorsque tu dors" ?

Il reste silencieux en m'observant toujours.

-Tu veux dire que je me métamorphose pendant mon sommeil ? Mais… Je ne m'en étais jamais aperçue…?

-Et… ne me prends pas pour un pervers, mais t'es encore plus mignonne quand tu dors…

-Ne fais plus de nuit blanche ! ordonnai-je. Nous avons plus d'un mois et demi de trajet. Il faut se reposer le plus possible pour pouvoir tenir plus longtemps éveillé durant l'expédition.

Je le vois sourire tout en me fixant…

-Pourquoi souris-tu ?

-Je n'aime habituellement pas recevoir des ordres, mais de toi… C'est bizarre, j'apprécie, je commence peu à peu à m'habituer…

-Prends vite l'habitude d'exécuter mes ordres, parce que le Maître a ordonné que tu sois mon nouvel élève… Contre mon gré, j'ai dû en changer, marmonnai-je…

-Je suis ton élève… ?

-Oui, le Maître l'a ordonné.

-Cool…!

Je lui jette un regard glacial. Et, comme pour l'éviter, il se retrouve derrière moi.

-Cesse de me lancer de tels regards, je vais finir par avoir peur… Senpaï, murmure-t-il à mon oreille.

-Ce n'est pas à toi de me donner des ordres, Keiki.

En me tournant pour l'observer, je remarque que ses prunelles sont celles qu'il a lorsqu'il est loup. Ses yeux brillent, de la même façon que le regard étincelant de Ketsu…

-Cesse de me regarder, dis-je en me remettant à dessiner sur une page blanche.

Je ferme les paupières et veux m'endormir, me reposer à cause de la prochaine expédition, qui est trop proche du jour que nous sommes, à mon goût.

Je ne peux pas me reposer longtemps, car Keiki me réveille une trentaine de minutes plus tard pour que je l'entraîne.

-Hé… Senpaï ?... Senpaï ? Tu m'entraînes, dis ?

-Hm… m'oui… Plus tard, je dors, là.

-Nan ! Maintenant, Senpaï ! Allez !

Je sens que l'on me prend le poignet et que l'on essaye de me lever… Je lutte –sans bouger un doigt- pour me faire lourde. Je retombe brusquement contre le matelas et un poids suit ma petite chute. L'odeur du loup me vient au nez… Une douce odeur. Puis une chaleur s'approche, elle vient plus près de mon visage. Je m'oblige à ouvrir les yeux. Keiki tient son visage tout près du mien, il me fixe intensément… et sursaute légèrement lorsque j'ouvre les yeux.

-Tu es décidée, Senpaï ? s'impatiente-t-il.

-Qu'avais-tu en tête en te mettant au-dessus de moi ?

Il s'étonne de ma question.

-Ben… Euh, rien… Que crois-tu que je voulais faire ?

-Hmf… T'aurais pu faire n'importe quoi… Et surtout, penser n'importe quelle bêtise qu'un adolescent de ton âge a l'habitude de penser lorsqu'il est avec une fille…

Je l'observe. Me lève, prends sans qu'il ne me voit le sabre que mon Maître m'a offert à la fin de mon apprentissage intensif et me dirige vers l'entrée.

-Eh bien ? Tu viens ou pas ?

-Hein ? Euh, oui…

Nous descendons au rez-de-chaussée et sortons jusqu'à notre coin d'entraînement : un terrain que les autres canidés de la ville nous ont laissé. Nous y allons.

La nuit passe ainsi qu'une demi-journée, que nous occupons à des exercices d'entraînements.

Voilà pour le premier chapitre ! Dites-moi ce que vous en pensez et si vous voyez des fautes n'hésitez pas et faites-le moi savoir !