Chapitre 1
"Silence dans la salle s'il-vous-plait !" tonna le président du Magenmagot, un vieil homme à l'air sévère et aux traits tirés par un travail harassant. Lorsque le silence retomba, il reprit après un raclement de gorge. "Aujourd'hui, 17 août 1998, je déclare ouverte la dixième séance de jugement des crimes de guerre. Premier suspect," et tous les yeux se tournèrent vers l'accusé qui se ratatina un peu plus dans sa chaise de métal. Pour la première fois, il comprenait ce que ressentaient les animaux en cage. Il baissa les yeux, qu'importait leur identité, la séance serait la même. "Drago Malefoy", une murmure offusqué parcouru l'assemblée, un horrible descendant d'une horrible lignée " accusé de crime contre l'humanité, de discrimination, de non-assistance à personne en danger, d'association de malfaiteurs, de torture et enfin de meurtre."
Le silence qui pesa en cet instant sur l'assemblée, il ne l'oublierait jamais. Tous ses regards qui pesaient sur lui, qui le jugeait pour ses actes. Il aurait pu dire qu'il n'avait jamais tué, jamais torturé et surtout qu'il n'avait pas vraiment eu le choix dans toutes les choses dont la loi l'accusait. Pourtant, il ne dit rien. Il ne dit rien car il avait eu le choix, à un moment donné, des années auparavant. Il avait eu le choix de ne pas accepter les idées de sa famille. Il ne l'avait pas fait. Bien au contraire, il avait embrassé ces idées comme les siennes. Il les avait mis en application. Il avait été fier d'en être le symbole. Et il avait vu. Les conséquences, il les avait vues. La mort, le sang, la douleur et la terreur. Peu importait les insultes de ses geôliers, peu importait les mauvais traitements, la faim, la soif, les accusations pas complétement justes… Il avait vu et il n'avait rien fait, spectateur silencieux des horreurs de son temps. Et pour cela, il endurerait la punition que l'on lui donnerait sans protester.
Devant son silence, le président se pencha par-dessus son pupitre de bois.
"Qu'avez-vous à dire pour votre défense ?" Son ton était presque doux. Avait-il pitié de l'enfant qu'il voyait sous les haillons, les chaînes et la crasse ?
"Coupable." Lâcha l'enfant qui n'en était plus un sous les exclamations choquées de ses juges. Il était le premier, il supposait, à ne pas essayer de mentir. Pourquoi mentir ? Sa sentence était tombée le jour où la marque noire sur son bras droit était apparue.
Le président, Elphias Doge, si Drago se souvenait bien, exigea à nouveau le silence.
"Est-ce tout ?" insista-t-il. "Il y a eu des rumeurs… Une certaine aide apportée à une certaine-"
"Coupable." Trancha la voix résignée de l'ancien Serpentard. Qu'en avait-il à faire si sa lâcheté lui avait fait faire une bonne action ? Il écoperait d'un an de moins ? Sa vie était finie de toute façon.
Le président le dévisagea un instant, cherchant dans ses yeux la moindre trace de lumière. Lorsqu'il n'en trouva pas, il se laissa retomber sur sa chaise et soupira.
"Très bien. Il y-a-t-il des témoins de la défense ?" demanda-t-il plus pour la forme que pour vraiment savoir. Personne ne viendrait. Tous ceux qui avaient de l'importance dans sa vie étaient jugés eux-aussi. Drago ferma les yeux, attendant la fin du silence et sa sentence.
"Hum, hum…" intervint une voix timide, définitivement féminine, dans la foule. Drago ouvrit un œil.
"Oui, Miss Granger ?" Cette fois, Drago ouvrit les deux yeux, et en grand. Que faisait-elle ici ?
Il la fixa alors qu'elle descendait les marches, un parchemin à la main. Ses pas résonnèrent sur le carrelage alors qu'elle atteignait le bas des tribunes. Elle était habillée comme une moldue, ses cheveux incontrôlables tirés en chignon. Elle avançait vers lui, les yeux fuyants et les joues rouges. Elle croisa son regard, par hasard, avant de détourner les yeux le plus rapidement possible. Une fois placée à la droite de l'accusé qui la regardait toujours comme s'il s'agissait d'un fantôme, elle ne leva plus les yeux de ses notes.
"Je suis ici en tant que représentante de Monsieur Harry Potter qui, toujours hospitalisé, n'a pas pu assister à la séance. Hum, il s'en excuse et hum-"
"Et il est tout excusé," coupa Doge, un sourire bienveillant aux lèvres, "Que voulait-il dire, Miss Granger ?"
Drago, toujours fasciné par la jeune fille à sa droite, eut tout le loisir de voir les changements de son attitude. Les joues rouges disparurent, elle se redressa, la tête hautes et les yeux sur l'assemblée.
"Il voulait que je fasse part de sa volonté d'épargner la prison à Drago Malefoy."
"Quoi ?!" explosa une voix d'homme par-dessus la clameur grandissante.
"Mais pourquoi ?" demanda une femme, plus surprise que choquée.
Plusieurs coups de maillet en bois imposèrent à nouveau le silence.
"A-t-il apporté des raisons à sa requête ?" demanda le président, pas si surpris que ses compères. "Vous avez entendu comme nous le début de ce procès. Monsieur Malefoy est accusé de crimes très graves, certains punis de prison à perpétuité, et il n'a nié aucune de ses accusations."
La jeune fille replongea la tête dans son parchemin qu'elle déplia frénétiquement. Drago tenta de jeter un œil mais sans succès.
"Oui, hum, en fait, euh." Finalement, elle releva la tête. "Tout d'abord, je- il tenait à souligner que les mêmes crimes ont été assignés à tous les Mangemorts sans distinction. Cela est contraire à la loi sorcière d'après le décret n° 198-"
"Je connais la loi, Miss Granger." La coupa le président avec un sourire indulgent. "Vous n'êtes pas sans savoir que, compte tenu du nombre d'accusé et de la gravité et l'urgence de la situation, nous sommes forcés d'être moins tatillons."
En cet instant, alors qu'elle se redressait encore et que ses cheveux s'échappaient de son chignon serrés, Drago crut avoir une vision de la Miss-je-sais-tout du passé. Elle froissa le morceau de parchemin dans son poing et fusilla l'assemblée du regard avant d'avancer face à eux et devant Drago.
"Croyez bien, Monsieur Doge, que je connais, tout comme Harry, les horreurs de la guerre, et que je sais mieux que quiconque la situation précaire du Magenmagot et du droit sorcier en l'état." Drago ne voyait que son dos et ne pouvait pas voir son expression, mais si l'outrage sur les traits d'une bonne partie des sorciers était un indice, Granger faisait ce qu'il appelait une Potter. Du haut de ses dix-sept ans, elle remettait le monde entier à sa place. Il retint un sourire qu'il cacha derrière sa main. Un bruit de chaine retentit avec son mouvement et il la vit se figer. Après quelques secondes, elle reprit.
" Nous pensons cependant que traiter un mineur, tout Mangemort qu'il est, avec les mêmes chefs d'accusation qu'un adulte n'est pas un exemple à donner pour la renaissance du monde sorcier. Le nouveau ministre a fait part d'une volonté de créer une nouvelle ère. Une ère de justice et d'égalité. Ceci n'est pas l'égalité, pas la justice."
"Monsieur Malefoy a plaidé coupable, Miss Granger." Tenta de contrer le président.
"Mais regardez-le !" s'insurgea-t-elle alors qu'elle le désignait d'un grand geste. L'ancien Serpentard, jusque-là partagé entre l'amusement et l'indifférence face à son propre sort, sentit le besoin de se redresser lorsqu'il redevint le centre d'attention général. "Il est évident que les conditions de traitement à Azkaban ne se sont guère améliorées, détraqueurs ou non. Je veux dire, Malefoy n'a jamais été bien gros mais là, il est cadavérique." Le cadavérique en question tenta de protester, par reflexe, face à l'attaque sur son physique. Elle reprit aussitôt. "Il est évident qu'il a été maltraité et qu'il n'est pas en état de décider de son propre sort. Sans parler du choc des évènements des derniers mois…" Elle se tourna à nouveau devant son auditoire.
"Harry," elle hésita, "Harry m'avait écrit aussi de parler de son histoire et de la nôtre. Nous, Ron, Harry et moi, nous sommes battus pour le bien. Par sens du devoir, par besoin de justice mais aussi… aussi parce que nous n'avions pas d'autres choix. C'était nous battre, fuir ou mourir. Malefoy, lui, avait une quatrième option : rester avec sa famille et suivre le mouvement en espérant ne pas être trop arrosé par les conséquences. Un choix certes pas très courageux mais, honnêtement, à quinze ans, lorsqu'il a fait ce choix, auriez-vous tous fait mieux ?"
Le silence lui répondit. Drago surpris tout le monde en se levant, luttant contre ses chaînes pour le faire.
"J'ai choisi cette voix. C'était un choix idiot guidé par la bêtise, les préjugés et la fierté mais c'était mon choix."
Elle fit volteface, soufflée. Il la dévisagea du haut de son mètre soixante-quinze, plongeant son regard dans ses yeux noisette. Pourquoi faisait-elle ça ? Potter avait-il perdu le peu de neurone qu'il avait ? Elle, à peine à un mètre de lui, soutint son regard malgré la différence de taille. Finalement, elle croisa les bras et reprit la parole.
"Ah oui ? Et après, dans la tour d'astronomie ? Lorsque nous t'avons vu au Manoir Malfoy ? Que tu n'as pas identifié Harry ? Que tu avais les traits tirés par l'horreur et la peur ? Que tu te retenais de vomir pendant que ta tante me torturait ? C'était toujours un choix ?"
Assailli par tous les souvenirs qu'elle avait fait remonter et comme frappé par une tonne de brique, Drago se laissa retomber dans son siège et plongea sa tête dans ses mains, dans l'espoir de contenir la nausée. Il avait passé des semaines à tenter de contrôler ses souvenirs. Pourquoi faisait-elle ça ? Ne pouvait-elle pas le laisser pourrir en prison en paix ? Maudit Saint-Potter et sa bande de bons samaritains !
"Selon Harry, Drago Malefoy est coupable." Ce dernier releva la tête, elle était revenue à sa droite et avait replongé les yeux dans ses notes. " Coupable de ses préjugés racistes, coupable de sa lâcheté, coupable de sa fierté, coupable de sa famille, coupable de son entourage tout aussi bigot." Elle marqua une pause presque théatrale. "Mais aucune de ces accusations n'est punissable par la loi. Laissez sa conscience, qui le dévore à vue d'œil, le punir pour cela. La prison n'est pas endroit pour les enfants, selon Harry."
Le président resta silencieux et tous les sorciers présents échangeaient des regards troublés. Rita Skeeter, elle, que reconnu enfin Drago au milieu de la foule, n'en perdait pas une miette. Il imaginait déjà les titres "Le chevalier blanc et sa princesse sauve leur ennemi d'enfance…" Le Serpentard, quant-à-lui, était encore trop choqué pour réagir proprement. Son cerveau recevait trop d'émotions et de pensées contraires pour pouvoir les trier et réagir.
"Et selon vous, Miss Granger ?" demanda finalement Doge.
"Je suis d'accord avec Harry. Bien sûr, ses erreurs ne peuvent pas rester impunis mais il a déjà perdu sa famille, sa richesse, sa réputation… Si," elle hésita et replongea dans ses notes, "si je devais risquer une idée, une idée que nous avons débattu avec Harry, je dirai que de forcer Monsieur Malefoy à finir son éducation, sous liberté surveillée bien sûr, serait une bonne idée. Et disons que, en cas de bonne conduite, les charges en resteront là. C'est une sanction reconnue à l'article 12 du Code des sanctions magiques au titre III, sur les mineurs. "
"Bien," reprit le président du Magenmagot en se levant, "au vu du témoignage de Miss Granger en sa qualité de représentante de Monsieur Potter, j'appelle au vote. Qui vote la prison ?"
Drago scanna ses juges. Des mains se levèrent, beaucoup de mains. Mais pas la majorité.
"Qui vote pour l'acquittement de Monsieur Malefoy ?"
Personne ne leva la main.
"Qui vote pour la solution de Miss Granger et Monsieur Potter ?"
La majorité leva la main. Drago les regarda, sidéré. Potter était un héros d'accord, mais il ne percevait que maintenant la popularité de ce dernier depuis la fin de la guerre. Personne d'autre n'aurait pu faire voter ce jugement… Une heure plus tôt, il pensait finir ses jours à Azkaban. Maintenant… Maintenant, il n'était pas libre, pas complétement mais cela s'en rapprochait fortement. Et il devait cela à Potter ?
"Très bien, le jugement est voté. Merci à tous. Monsieur Malefoy," un clic sonore retentit alors que ses chaînes le libéraient et tombaient au sol, " vous êtes désormais en liberté surveillée. Veuillez suivre Monsieur Smith jusqu'à son bureau où il vous expliquera les détails de votre sanction. "
Drago ne bougea d'abord pas. L'assemblée du Magenmagot commença de se lever et chacun entreprit de quitter la salle pour une pause café. Ce fut ce qui poussa Drago à réagir, il aurait tout le temps de penser à savourer sa chance… Qu'il ne méritait probablement pas… Peu importait, il devait d'abord remercier … Celle qui venait de s'enfuir à toutes jambes vers la sortie… Il soupira. Elle était parti si vite qu'elle en avait laissé ses notes au sol. Il comprenait qu'elle, en tout particulier après les évènements du manoir, ne soit pas à l'aise avec ce qu'elle venait de faire. Il se doutait qu'elle ne l'avait fait que par loyauté pour Potter et qu'elle n'avait été que son porte-parole, sans croire un mot de ce qu'elle disait, lui souhaitant probablement la prison à vie. Et elle avait raison. Mais il aurait aimé pouvoir lui dire de transmettre ses remerciements à Potter.
Curieux et désormais libre de ses chaînes, le jeune homme se pencha pour ramasser le parchemin qui contenait les mots de Potter que Granger avait si bien plaidé. Alors qu'il se relevait, notes en main, il se figea.
"Malefoy ?" appela Smith, l'Aurore en charge de son cas, en lui posant une main sur l'épaule.
"Qu'est-ce-que ?" se contenta de marmonner Drago en fixant le parchemin dans ses mains. Il était vierge…
"Suis-moi." Insista Smith en le tirant par l'épaule, le rattrapant par le bras lorsque le jeune homme perdit l'équilibre. Il l'aida à avancer le reste du chemin. "Pas de pitié pour les Mangemorts en prison, hein ?" commenta-t-il devant l'état fébrile de l'adolescent.
Ce dernier se contenta de hocher la tête et de suivre calmement l'aurore. Une seule pensée retentissait dans son esprit. Pourquoi cette foutue feuille était-elle blanche ? Granger avait-elle mémorisé les propose de Potter ? Maintenant qu'il y pensait, depuis quand Potter était-il un tel juriste ? Et si ? Et si…
Il ne vit pas vraiment où on l'emmenait et il s'assit docilement en face d'un bureau lorsque l'on lui demanda. Il ne pouvait pensait qu'à cette feuille blanche.
"Malefoy," reprit Smith en s'asseyant en face de lui, ses cheveux bruns tombant devant ses yeux sombres et cernés mais pas dépourvu de gentillesse, " je comprends que tu sois surpris et épuisé mais je vais avoir besoin que tu te concentres maintenant."
Le jeune homme passa une main dans ses mèches blondes et grimaça. Son poignet le faisait souffrir et ses cheveux étaient si sales qu'ils collaient les uns aux autres. Il tenta de pousser les évènements du tribunal dans un coin de son esprit pour se concentrer sur la situation actuelle. Lorsqu'il vit qu'il avait son attention, l'aurore reprit.
"Bien, voilà la situation. Le Manoir et les biens des Malefoy sont saisis par le Ministère. Mais puisque ton père est à Azkaban et ta mère internée à Sainte-Mangouste" Drago grimaça, Smith n'était jamais très diplomate, "le ministère t'accordera probablement une pension prise sur tes comptes pour payer tes études. Comme tu as dû le comprendre, tu vas être obligé de retourner à Poudlard pour ta septième année. Là-bas, tu seras sous la supervision de Minerva McGonnagal qui sera celle qui, au final, décidera si ton comportement pour l'année implique une levée des charges qui pèsent contre toi ou non. Elle décidera aussi d'un tuteur pour toi. Un prof, un élève, je ne sais pas. Ce tuteur sera chargé de rendre des comptes sur ton attitude quotidienne." Smith soupira. "En gros, tiens-toi bien cette année, supportes les moqueries et les mauvaises blagues auxquelles tu auras certainement le droit, ait des bonnes notes, et tu seras libre."
Drago acquiesça en silence. A côté des deux mois qu'il avait passé à Azkaban en attendant son jugement, être la tête de turc de l'école pendant une année paraissait bien moins terrible. Il y a quelques heures, alors qu'il avait perdu tout espoir, il se fichait de vivre ou non mais, maintenant que l'on offrait une chance, il la saisirait. Sans parler du fait que les remarques des élèves seraient tout à fait méritées.
"Allez, signe-ça," il lui tendit un parchemin, "que je puisse faire venir Minerva pour que l'on puisse réfléchir à ce que l'on va faire de toi jusqu'à la rentrée." Drago signa. Smith se leva et s'approcha de la cheminée de son bureau. Il saisit une poignée de poudre de cheminette mais s'arrêta avant de la jeter dans le feu. "Oh, et si j'étais toi, je cacherais mon avant-bras droit."
"Hm." Se contenta de répondre Drago en posant sa main gauche par-dessus la manche droite de sa chemise en lambeaux. Il n'avait pas besoin de lui dire ça. L'aurore lâcha la poudre dans l'âtre. Les flammes vertes éclatèrent, aveuglant presque Drago. Smith se pencha pour appeler Minerva mais recula et se tourna à nouveau vers son "prisonnier".
"Et je remercierais Hermione, aussi."
"Pas Potter ?" demanda Drago, même s'il commençait d'entrevoir la vérité. L'aurore laissa échapper un rire incrédule.
"Potter est un bon gamin et je suis sûr que l'intention y était mais…" Il hésita, "Arf, peu importe ! Tu verras bien." Il se concentra à nouveau sur les flammes.
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