Disclaimer : la trilogie Divergente est une œuvre de Veronica Roth, elle ne m'appartient pas et ses personnages non plus.


- quoi ? Là ? Maintenant ? Pesta Eric, l'oreille vissée à son portable. Tu te fous de moi, Prior ?

Avachi dans son sofa et les pieds nonchalamment posés sur sa table basse, le prof de sport piocha une nouvelle gigantesque poignée de pop-corn dans son saladier puis les porta à sa bouche sans se soucier un instant que sa collègue comprenne ou non ce qu'il avait à dire alors qu'il mâchait bruyamment à l'autre bout du fil.

- parce que tu crois que j'allais attendre jusqu'à lundi pour les récupérer ?

Becca poussa un nouveau soupir de frustration, elle détestait tellement ce type, pourquoi fallait-il que ce soit justement lui qui ait embarqué par inadvertance son dossier de copies à corriger, pourquoi fallait-il que le sort s'acharne ainsi contre elle ?

- c'est bien toi qui cries à qui veut l'entendre que tu zappes toutes les fêtes de famille sans exception donc tu es libre comme l'air ce soir !
- pour regarder le match : oui, pour te rendre service : non ! Et puis quelle espèce de tordue corrige des copies chez ses vieux pendant Thanksgiving ?
- tu sais ce qu'elle lui dit la tordue à mister sans cervelle ?

Furieuse, la jeune prof de littérature anglaise jouait nerveusement avec son solitaire à l'annulaire droit afin de calmer ses nerfs, elle ne regrettait pas de s'être offert ce petit cadeau, surtout que ces derniers temps sa vie sentimentale ressemblait plus au désert de Gobi qu'à Disneyland, autant se faire des petits plaisirs de temps à autre.

- pour info, on a le câble donc tu pourras le regarder ton match de malheur et tu n'auras même pas à supporter les commentateurs des chaînes généralistes, c'est bon, ça te va comme ça ? Monsieur est satisfait ?
- tu fais chier Prior, souffla Eric. C'est quoi ta foutue adresse ?
- je te l'envoie par SMS. A tout à l'heure !
- ouais, c'est ça.

Becca raccrocha tout en savourant sa victoire avant de quitter son ancienne chambre à l'étage et de redescendre au salon pour aider ses parents avec les derniers préparatifs du dîner de Thanksgiving alors que la dinde dorait encore au four et qu'une délicieuse tarte aux pommes les attendait déjà dans le frigo en dessert.
Pour l'occasion, la table avait été dressée pour sept, la décoration était somptueuse, les serviettes au couleur de l'automne, le choix des couverts, le petit pot de fleurs en forme de citrouille qui traînait au beau milieu, ils n'avaient rien laissé au hasard.
Lorsque la sonnette de l'entrée retentit quelques minutes plus tard, Natalie Prior se précipita vers la porte pour y accueillir son fils Caleb et sa compagne Kristenn.

- joyeux Thanksgiving ! Leur souhaita la mère de famille avec joie en les prenant tour à tour dans ses bras pour les saluer.
- tenez, dit Kristenn en offrant une tarte au potiron à la mère de son compagnon.
- c'est gentil, merci. Il ne fallait pas, vraiment.
- bien sûr que si, je tiens à tout prix à rester votre belle-fille préférée.

Sa plaisanterie fit sourire franchement l'intéressée qui les guida d'une main encourageante jusqu'au salon où le jeune couple salua chaleureusement Becca et son père. Ce dernier les débarrassa de leurs manteaux alors que sa femme posait délicatement la tarte quadrillée sur la grande table avant de s'adresser directement à Kristenn.

- je suis sûre que ta tarte aura autant de succès que l'année dernière.
- avec papa pour tout engloutir, j'en suis certain, commenta Caleb avec humour.
- toi fais attention à ce que ton père ne te prive pas de dessert ! Réagit Andrew, faussement vexé.

Les rires fusèrent jusqu'à ce que la mère de famille accorde à nouveau toute son attention à ses enfants.

- vous voulez boire quelque chose ?
- on a ouvert une bouteille de cidre, les informa Becca. Il est délicieux.
- va pour du cidre alors, trancha Caleb.
- c'est parfait, ajouta Kristenn.
- très bien, allez-y, installez-vous, je vous apporte ça.
- attendez Natalie, je vais vous aider.
- non, non, non, hors de question, tu es notre invitée alors je ne veux pas te voir bouger le petit doigt. Va t'asseoir, je vais chercher la bouteille dans le frigo.

Le regard de Kristenn se posa immédiatement sur son compagnon qui semblait résigné face au comportement de sa mère.

- et oui, c'est notre maman tout crachée, elle est comme ça, on ne la changera pas, commenta Becca avec le sourire.

Lorsque Natalie disparut dans la cuisine, c'est une femelle shar-pei au pelage couleur crème qui en ressortit en trombe, elle ne cessait de remuer sa queue à la vitesse de l'éclair devant Kristenn qui s'agenouilla à sa hauteur pour lui caresser allègrement le dessus de sa tête.

- ça va, Pancake ? Mais oui, t'es belle !
- rassure-moi Kris, tu t'attends pas à ce qu'elle te réponde quand même, se moqua gentiment Caleb.

Sa compagne secoua la tête d'un air amusé en retour, c'est aussi l'humour du jeune homme qui l'avait séduite. Le bruit de la sonnette retentit une nouvelle fois, cette fois c'est l'aînée de la fratrie qui se précipita pour ouvrir à leurs nouveaux invités.

- oh mais je ne savais pas que Rudolph le petit renne au nez rouge était aussi invité ! S'exclama Becca tout sourire. Tu viens voir marraine, Tristan ?

En effet, alors que son beau-frère Tobias portait dans ses mains un pain de maïs, sa sœur Beatrice tenait dans ses bras son fils âgé de sept mois vêtu d'une grenouillère marron avec une petite queue au verso, la maman protectrice ajusta au passage son petit bonnet à l'effigie d'un visage de renne et dont les bois dépassaient légèrement de sa tête.

- mais qu'il est craquant dans ce pyjama, commenta Becca tout en ajustant son filleul dans ses bras.
- il va en faire des ravages quand il sera plus grand, plaisanta le mari de Beatrice de bon coeur.
- tout comme son papa, ajouta sa femme en le dévorant des yeux.

Ils avancèrent ensuite tous vers le salon et se saluèrent chaleureusement en se prenant dans les bras et en se souhaitant un bon thanksgiving en toute sincérité.

- ça va, vous avez fait bonne route ?
- tu connais Tristan maman, répondit Beatrice, dès qu'il peut être en voiture, c'est le bébé le plus heureux du monde.
- heu juste pour vous prévenir, votre fils est déguisé en renne, annonça Caleb, je crois qu'il a confondu Thanksgiving avec Halloween.
- toi et l'humour, c'est toujours pas ça hein ? Ironisa Tobias.
- au lieu de t'en prendre à ton neveu, tu ferais mieux de t'y mettre toi aussi, j'ai envie de devenir tata moi.
- ah mais on y travaille Tris, leur annonça fièrement Caleb.
- en parlant de travail, vas-y, dis-leur, l'exhorta Kristenn, tout sourire.
- nous dire quoi ? Se renseigna Natalie, avec curiosité.
- on va me nommer procureur général, je dois prêter serment en fin de semaine prochaine et normalement, je pourrai commencer dès le lundi suivant, annonça-t-il avec enthousiasme.
- procureur général de Chicago ? S'étonna Andrew. C'est fantastique, mon fils ! Je suis fier de toi !

Il le serra fortement dans ses bras en guise de félicitation avant que sa mère ne prenne le relais. A la plus grande surprise de tous, la sonnerie retentit une nouvelle fois, c'était au tour du père de famille de répondre cette fois.

- bonsoir, je suis Eric. Becca m'a demandé de passer.
- bonsoir. Allez-y, entrez, je vais la prévenir.

Ni une, ni deux, ce dernier fit quelques pas vers la grande table du salon avant de s'adresser directement à sa fille aînée.

- Becca, un certain Eric pour toi à la porte !

L'intéressée parcourut alors les quelques mètres qui la séparaient de son collègue en une poignée de secondes quand il lui tendit immédiatement son dossier d'un air blasé.

- c'est bon, satisfaite ?
- très, dit-elle sur le même ton ironique. C'est pas vrai, t'es venu en survêtement, tu te moques de moi là !

Ignorant totalement ce dernier commentaire, son visiteur balayait le salon des yeux, il semblait apprécier la décoration mais cela ne l'empêchait pas de s'attarder tout particulièrement sur le coin télé.

- tu croyais quoi ? J'allais pas me faire chier à me changer pour tes beaux yeux !
- Tobias, je te sers un verre de cidre ? Demanda Natalie à son gendre.
- volontiers.
- toi aussi, Tris ?
- il y a de l'alcool dedans, maman ?
- oui, un petit peu.
- alors je ne préfère pas, dit-elle en se touchant naturellement le ventre comme par réflexe.
- c'est pas vrai, vous attendez le deuxième ! Devina Natalie avec engouement.
- ça va faire trois semaines bientôt, confirma Tobias, le sourire jusqu'aux oreilles.
- bon, sinon, je peux mater la suite du match ou…

Coupé dans son élan par des cris de joie, Eric s'arrêta en pleine phrase quand il vit que l'attention de Becca n'était plus du tout sur lui mais sur les diverses embrassades qui se déroulaient à peine vingt mètres derrière eux.

- vous fêtez quoi ? Qu'est-ce qui se passe ? Demanda la jeune prof, piquée dans sa curiosité.
- il se passe que Tristan va bientôt devenir grand frère, annonça fièrement Tobias en passant amoureusement sa main sur le ventre de sa femme.
- c'est pas vrai, t'es enceinte, félicitations !

La tête de Beatrice était à présent nichée dans le cou de son mari, prise d'émotion, Becca passa une main devant sa bouche, elle était absolument ravie pour sa petite sœur et son beau-frère et leur souhaitait tout le bonheur du monde dans leur nouvelle vie à quatre.

- et toi alors, future belle-sœur, t'aurais pas une bonne nouvelle à nous annoncer aussi ? L'interrogea Kristenn avec jeu.

Son regard venait de passer de Becca à Eric en quelques secondes, prise de panique, c'est à ce moment précis que la prof de littérature anglaise sentit six paires d'yeux la scruter avec attention comme s'ils s'attendaient tous à ce qu'elle leur annonce un truc exceptionnel dans la seconde.

- et bien, j'ai…je...

Leur annoncer quoi ? Rien ne se passait jamais rien dans sa vie, absolument rien, c'était toujours le même boulot, le même train-train quotidien, la même routine, aussi bien dans sa vie professionnelle que sentimentale, c'était le calme plat, elle n'était même pas foutue de garder un mec, elle n'avait qu'un seul talent : celui de les faire fuir, elle finirait vieille fille assurément.
En tant qu'aînée de la famille, sa vie était pathétique, son frère de cinq ans de moins venait tout juste d'être nommé procureur général de la ville et vivait une relation des plus sérieuses avec une ravissante hôtesse de l'air, sans parler de sa sœur de six ans de moins qu'elle qui était mariée à un brillant pédiatre et qui arrivait à mener de front une carrière de policière et de super maman, à côté, elle faisait pâle figure, très pâle figure.
C'est pourquoi sans même se poser plus de questions, elle fit rapidement passer le solitaire de son annulaire droit à son annulaire gauche avant d'accrocher fermement son bras droit autour de celui d'Eric et de lever fièrement sa main gauche bien haut devant toute sa famille.

- on va se marier !

Chaque membre de sa famille vint alors la féliciter chaleureusement et tapotait amicalement sur l'épaule d'Eric en même temps, Becca sentait qu'il allait craquer d'une minute à l'autre et tout faire foirer, elle eut le malheur de croiser son regard au passage, il semblait furieux contre elle, il bouillonnait de rage juste à ses côtés, une discussion s'imposait entre eux, c'était urgent et inévitable.

- fais voir ta bague.

Becca approcha aussitôt son doigt à la vue de sa sœur qui semblait impressionnée par ce bijou en or blanc.

- elle est magnifique.
- merci Tris.
- je suis tellement ravie pour toi ma chérie, il faut préparer un couvert de plus, je suppose que tu restes pour le week-end avec nous Eric.
- merci pour l'invitation madame Prior mais….
- madame Prior était ma belle-mère, s'il te plaît appelle-moi Natalie.
- c'est gentil Natalie mais...
- je m'en occupe maman ! Le coupa immédiatement Becca. Je vais chercher des couverts en plus dans la cuisine !

Redoutant une gaffe de son pire ennemi, elle le tira d'une main ferme par la manche de sa veste de jogging tout en serrant la mâchoire.

- tu viens, mon coeur ? Lâcha-t-elle, entre ses dents.

Sans plus attendre, ils rejoignirent la cuisine, Becca se demandait encore comment le convaincre de faire croire à toute cette supercherie mais vu la rapidité avec laquelle il avait retiré son bras du sien dès qu'elle avait refermé la porte de la cuisine derrière eux, son refus était couru d'avance, elle partait perdante sur toute la ligne. Elle entreprit alors de lui lancer un regard façon Chat Potté, malheureusement pour elle, il n'avait pas l'air très réceptif, loin de là.

- plutôt mourir que de me prêter à ton petit jeu Prior, tu peux toujours courir.
- s'il te plaît, s'il te plaît, s'il te plaît, je ferais tout ce que tu veux.
- tout ? Répéta-t-il, avec jeu.
- espèce de gros pervers, tu ne penses vraiment qu'à ça, tu me dégoûtes !
- en attendant, le gros pervers il est entrain de te sauver les miches alors il est temps d'arrêter de te la raconter !
- une minute, ça veut dire que tu serais prêt à continuer de jouer la comédie ?
- ça dépend, j'y gagne quoi ?

Telle était toute la question, Eric n'avait pour centre d'intérêt que les filles canons et délurées, son raisonnement fut simple, il suffisait qu'elle le branche avec la prof de maths super sexy du lycée, la solution était toute trouvée.

- qu'est-ce que tu dirais du numéro de portable de Cyndeah comme monnaie d'échange ?
- cette bombe. Continue, tu m'intéresses.
- je lui chanterais même tes louanges juste avant que tu l'appelles, fais-moi confiance, à ses yeux tu deviendras l'homme idéal.
- sauf que je le suis déjà.
- c'est pas beau de se vanter.
- c'est pas de la vantardise quand c'est la vérité.

Blasée, Becca leva les yeux au ciel, elle arrivait déjà à saturation avec ce mec avant même d'avoir commencé à jouer son rôle, ne pas craquer, surtout ne pas craquer.

- t'es allée les fabriquer en Chine ces couverts ou quoi ? Plaisanta Natalie en faisant son entrée dans la cuisine.
- ah oui, c'est vrai, j'avais oublié, avoua Becca.

Elle se dirigea tout de suite vers le tiroir à couverts, l'atmosphère qui régnait dans la pièce était étrange aux yeux de la mère de famille, sa fille semblait totalement déboussolée.

- j'ai interrompu quelque chose ? Je peux repasser plus tard si vous voulez.
- mais non, ne dis pas de bêtises maman, c'est ta cuisine. Eric, t'as qu'à rejoindre les autres au salon, on arrive, d'accord ?
- ça marche, j'y vais de ce pas… ma tigresse.

Elle le fusilla du regard à l'entente de ce sobriquet ridicule alors qu'il quittait la pièce d'un œil rieur, cet espèce de gros sadique ferait vraiment tout pour l'énerver, la tâche s'annonçait rude.

- ma tigresse ? Répéta Natalie, piquée dans sa curiosité.
- c'est rien, ne fais pas attention, il dit ça parce qu'il sait très bien que je déteste ce surnom.
- tu sais ce que dit le proverbe ma chérie : qui aime bien, châtie bien.
- oh dans ce cas, il doit m'aimer à la folie alors.
- encore heureux qu'il t'aime, je te rappelle que vous êtes fiancés tous les deux.
- ah bon, c'est vrai ? J'avais déjà oublié ce point de détail, plaisanta Becca qu'à moitié. Bon à part des couverts en plus, il faut autre chose ?
- oui, prends des serviettes aussi, moi j'apporte la purée de patates douces et la sauce aux canneberges.

La jeune prof s'exécuta sans tarder puis rejoignit le salon où une place juste à côté de son faux fiancé l'attendait, le week-end s'annonçait long.


XOXO