Auteur: katoru87

Disclaimer: Tout appartient à JKR, je ne fais que lui emprunter ses personnages pour m'amuser et vous distraire.

Genre: yaoi. UA.

Dédicace: Aux Plumes, parce qu'elles le valent bien.

The show must go on

Chapitre 1

Je sais que ce n'est pas original comme entrée en matière mais j'aimerais avoir le pouvoir de remonter dans le temps. Quand j'y repense, l'époque où je faisais mes comptes tous les jours en espérant qu'il me resterait de quoi terminer le mois, où il m'arrivait de vendre mon corps à quelqu'un de confiance, de travailler au noir pour mes voisins et de cumuler les concerts n'était pas si terrible que ça. Elle a même été le préambule de la période la plus heureuse de ma vie.

Pas que je sois à plaindre, loin de là même, mais ce que je n'ai plus depuis deux ans aujourd'hui me manque terriblement. J'ai eu la preuve, douloureuse et concrète, que dans la vie on ne fait pas toujours ce qu'on veut et, surtout, que les choses ne se passent pas toujours comme on le voudrait. J'ai essayé d'empêcher l'inévitable mais je n'ai pas réussi et ça n'a surpris personne, même pas moi.

Cela fait deux ans que j'ai quitté Draco et Severus. Deux ans que j'ai fait ma valise et qu'ils m'ont laissé partir sans un mot, les yeux chargés de désespoir et de résignation, d'acceptation même. Trois ans c'est long pour une passion, surtout quand elle se passe entre trois personnes, « couple » improbable et composite, de l'avis général éphémère, et la fin n'en a été que plus pénible.

Une fin qui, pour moi, n'est pas encore terminée. J'ai toujours pensé que ce mot impliquait la finitude d'un tout, d'une relation comme des sentiments qui l'ont fait naître. Mes sentiments ne sont pas morts, la fin n'est donc pas complète. Et à mesure que le temps passe, je me dis qu'elle restera éclopée à jamais. Ma fin avortée.

ooo ooo

Harry n'avait pas envie de lever la tête. Les yeux perdus dans les profondeurs insondables d'un verre de vin blanc, il ruminait ses pensées en se retenant de pleurer. Il ne tenait pas à se sentir encore plus pitoyable, pas plus qu'il n'avait envie de sentir sur lui le regard désolé du barman, Regulus, qui depuis deux ans l'avait vu rouler sous la table plus souvent qu'à son tour. Harry avait toujours une bonne descente mais il ne tenait plus aussi bien l'alcool qu'avant et ce simple fait achevait de lui plomber le moral. Il se demandait parfois où avait bien pu passer son estomac blindé et son cerveau capable de rester éveillé même en marinant dans le whisky-coca. Est-ce que c'était ça, le début de la maturité?

Le jeune homme vida son verre d'un trait, s'attirant un regard noir du barman qui était un fervent défenseur de la dégustation lente et maîtrisée, savoureuse et aguerrie, et se lança à l'attaque d'un bol de noix de pécan. Il n'avait pas faim, pas envie de rentrer chez lui. Il pensa se réfugier dans le sexe, comme il le faisait chaque fois que ça allait mal, mais il ne s'en sentait pas le courage cette fois. Pas alors que c'était l'anniversaire de sa rupture avec les hommes de sa vie. Il sentait confusément que cela aurait été trahir leur relation, leurs sentiments passés et présents, que cela aurait été admettre qu'il avait tourné la page, que cela n'avait plus d'importance alors que c'était faux. Rien n'était terminé. Rien n'avait cicatrisé. Et lui de se sentir con, parce qu'il n'arrivait pas à avancer.

Il sortit une petite flasque en argent de la poche de sa veste et s'envoya une bonne rasade de vodka. Il en avait besoin.

« Tu devrais rentrer chez toi, lui dit doucement Regulus, tu sais bien que tu n'aimes pas qu'on te voit dans cet état.

- Je ne suis pas en état de conduire, grogna en retour le violoniste.

- Alors va t'allonger à l'arrière, je te ramènerai chez toi.

- C'est gentil, mais je pense que je vais attendre un peu. Je n'ai pas encore envie de dormir.

- Tu n'as envie de rien quand tu es dans cet état, je te connais. Tu vas encore déprimer toute la soirée, te bourrer la gueule et se sera encore à moi de te ramasser. Et je sais très bien ce qui se passera ensuite.

- Tu ne t'en plains pas d'habitude, souffla Harry, un sourire canaille sur la figure et ses doigts caressant le poignet découvert du barman. »

Regulus retira sa main, amusé malgré lui par le petit jeu de son client, et retourna à ses occupations sans dire un mot.

Cela faisait deux ans qu'Harry avait poussé pour la première fois la porte du Tastevin, deux ans qu'il s'était assis au comptoir pour la première fois. Regulus se souvenait très bien de leur rencontre. Le brun avait une valise avec lui, des cernes sous les yeux et l'air complètement hagard. Il portait un pull trop grand sous un manteau de feutre noir, un pantalon déchiré au niveau du genou droit et une vieille paire de basket. Il s'était effondré sur le zinc et avait commandé un verre de vin rouge. Quand il était parti, il ne marchait plus droit et la bouteille était vide.

Harry était revenu cinq jours de suite dans ce bar, et chaque fois il avait eu l'air perdu et désemparé. Chaque fois il portait le même pull. Regulus avait toujours évité de tomber dans la caricature du barman qui devient le confident d'un soir, ce n'était pas son genre d'écouter les misères de ses contemporains, mais il avait fait une exception pour ce petit inconnu qui semblait n'avoir pas dormi depuis des semaines. Peu à peu, Harry s'était mis à boire moins et à parler plus. Regulus savait presque tout de sa relation passée, hormis l'identité de ses amants. Même bourré, Harry avait fait bien attention de ne pas cracher le morceau – n'importe où il pouvait y avoir des oreilles indiscrètes et des gens avides de répandre ragots et commérages, les plus gênants étant ceux qui le faisaient via la presse à scandale.

Regulus savait presque tout de sa relation passée, mais pratiquement rien de sa vie. Il ne tenait pas réellement à savoir non plus. Pour lui, le jeune homme était un charmant petit mystère, un ami en dilettante et un amant occasionnel et cette situation lui convenait. Il n'était pas pour les relations durables.

Avachi sur son tabouret, Harry enfouit son visage dans ses bras croisés et ferma les yeux, essayant de visualiser la salle où il venait se réfugier régulièrement depuis des mois. Le Tastevin était un bar à vin situé sur King's road, installé au sous-sol d'un immeuble victorien remanié des années auparavant et coincé entre deux boutiques de vêtements vintage. Pour y accéder il fallait emprunter un ancien escalier de service en pierre gris, recouvert par endroit d'une fine couche de mousse verdâtre et bordé par une rambarde en fer forgé noir et rouille. La façade du bar était sobre, noire avec une enseigne peinte à l'ancienne indiquant le nom du lieu. La salle était toujours légèrement enfumée et personne n'y parlait jamais à voix haute. Quelque soit l'heure où l'on s'y rendait, on était accueilli par le bourdonnement tenace des conversations chuchotées entre voisins.

Autrefois ce sous-sol était occupé par une grande cuisine, un cellier et quelques chambres utilisées par les domestiques de la maison. L'ancien propriétaire, qui était également l'ancien patron de Regulus, avait fait abattre les murs pour créer une salle spacieuse. Le cellier avait été agrandi et transformé en cave à vin. Les murs avaient été peints en noir et, par endroit, de larges bandes de cuivre avaient été accrochées pour refléter la lumière des lampes. Les poutres du plafond avaient été cachées par des lambris de bois sombre, rabaissant ainsi le plafond de la pièce et achevant l'ambiance intime, presque secrète, du lieu. Le carrelage d'origine, trop abîmé, cassé en de nombreux endroits, n'avait pu être conservé. Les carreaux de céramique avaient été arrachés et remplacés par un sol en béton ciré brun doré.

Tables basses et fauteuils club avaient été réunis pour former de petits salons, certains séparés du reste de la salle par des murets.

Le comptoir, un grand arc de cercle recouvert de plaques de cuivre, se trouvait tout au fond du bar. Et derrière le zinc, il y avait Regulus.

Harry se concentra davantage, autant que le lui permettait ses neurones alcoolisés, pour visualiser correctement son ami. Regulus n'était pas beaucoup plus grand que lui, une demi-tête tout au plus. Il portait des talonnettes pour compenser un peu et seuls quelques rares élus savaient que son comptoir dissimulait une estrade. Le barman avait les cheveux noirs, coupés courts, et les yeux bruns. Un physique avantageux et un visage crève-cœur, aux traits indéniablement virils sans pour autant êtres durs. Harry s'était parfois demandé pourquoi il n'arrivait pas à tomber amoureux de lui, la réponse était toujours la même: il ne sentait plus capable de tomber amoureux. Du moins, pour être exact, il ne se sentait pas encore capable de tomber amoureux à nouveau. Il en regrettait presque le temps de ses amours compliqués, qu'il croyait sans issue.

Il soupira en se rasseyant correctement. L'alcool rendait ses paupières lourdes, il avait envie de dormir. L'idéal aurait été qu'il ne soit pas seul mais il ne voulait pas se raccrocher à Regulus pour avoir une illusion de chaleur – ce n'était pas ce qu'il voulait et il connaissait assez son ami pour savoir que c'était réciproque.

Son verre était vide. Il avait encore le temps d'attraper le dernier métro.

Il était sur le point de se lever quand un éclair blanc attira son attention, ce même éclair qu'il voyait régulièrement quand il travaillait dans un restaurant français de Piccadilly Circus. Depuis combien de temps ne l'avait-il plus vu ?

Deux ans et demi. Presque trois.

Lucius Malfoy dans toute sa splendeur s'installa à quelques sièges de lui et, avec son élégance aristocratique coutumière, fit un signe discret au barman. Regulus le rejoignit presque instantanément, une bouteille de champagne rosé dans les mains.

« Un verre de pinot noir s'il vous plaît, demanda Lucius sans même consulter la carte. »

Regulus hocha simplement la tête et s'éloigna pour aller chercher une bouteille de Pommard. Le duc n'était pas un client régulier, mais il était assez connu pour que le barman se souvienne de lui et de ses goûts éclairés en matière de vins fins. Il n'avait que du bon dans sa cave, mais ne servait jamais autre chose que le meilleur à ce client là. Surtout qu'il ne grimaçait jamais en payant sa note.

« Vous avez l'air en forme Lucius, commença Harry depuis son siège, en grignotant une noix de pécan. »

Le blond tressaillit et leva vers le violoniste un regard surpris et… fatigué. Ses traits étaient tirés, ses yeux rouges. Le temps commençait à le rattraper, en deux ans certaines rides d'expression étaient apparues. Il s'était coupé les cheveux et ses joues, habituellement impeccables, étaient mal rasées. Tout blond qu'il était, ses joues étaient assombries par une barbe de trois jours.

« Pas vraiment, répondit simplement l'intéressé, et j'ai l'impression qu'il en est de même pour vous.

- Aujourd'hui, ça fait deux ans, se contenta de répliquer le brun en détournant les yeux. »

Lucius quitta son siège et vint s'asseoir à côté de son cadet. Regulus, curieux, aurait bien écouté la conversation de ces deux clients dont il n'aurait jamais cru qu'ils se connaissaient, mais il avait du travail et n'était pas en position de pouvoir espionner discrètement. Il posa devant Lucius un verre à vin où reposait un grand cru et retourna à ses affaires. Un groupe de gentlemen venait d'entrer et ce n'était qu'une question de minutes avant que Daphné, la serveuse, ne vienne lui passer une demi-douzaine de commandes.

Lucius, de son côté, ne quittait pas son voisin des yeux. Leur dernière rencontre remontait à la soirée donnée pour les trente-six ans de Severus. Lord Malfoy avait eu l'occasion, sans le savoir, d'assister à une grande représentation théâtrale et de constater les talents de comédiens des trois amants – il n'avait pas vu que plus rien n'allait, il les avait vus aussi unis et amoureux que d'habitude. Deux semaines plus tard Draco et Severus étaient venus se réfugier chez lui, complètement démolis. Harry était parti. Ils n'avaient pas cherché à le retenir. C'était fini.

Lucius n'avait pas cherché à en savoir davantage, même si ce n'était pas l'envie qui lui manquait. Pourquoi s'étaient-ils séparés alors que, manifestement, ils s'aimaient toujours? Qu'est-ce qui avait pu les convaincre qu'ils ne pouvaient plus rester ensemble?

Depuis deux ans, il voyait son fils et son ami patauger, incapables d'aller de l'avant. Ils vivaient encore avec l'ombre du petit violoniste. D'une certaine façon, Lucius était rassuré de voir que le brun était aussi mal en point mais, en même temps, il trouvait sa situation injuste. Draco et Severus étaient ensemble, heureux et toujours aussi amoureux malgré certains sentiments tenaces. Harry était seul.

« Je pensais que votre refuge était ce fameux bar à Soho, souffla Lucius en admirant la robe rubis… non, plutôt pourpre en fait, de son vin.

- Les patrons n'y viennent plus que le samedi.

- Et alors ?

- Alors nous ne sommes que mardi. Je peux déprimer n'importe quel jour de la semaine, expliqua le jeune homme comme s'il parlait de la météo. »

Lucius haussa un sourcil mi-compatissant, mi-amusé.

« Je retire ce que j'ai dit, reprit Harry pour détourner la conversation, vous n'avez pas l'air en forme. Vous avez même l'air carrément épuisé. Quelques verres d'alcool en plus et j'aurais l'impression de me voir il y a quelques mois.

- Vous ne croyez pas si bien dire, marmonna Lucius en avalant une première gorgée de son vin. Il ferma les yeux et laissa le liquide imprégner sa bouche pour en apprécier pleinement les saveurs. C'était un vin souple, moelleux, laissant en bouche une agréable sensation de rondeur. Un excellent cru.

- Ce qui signifie?

- Vous ne le devinez pas? Zacharias et moi nous sommes séparés il y a quelques jours, avoua-t-il.

- Je suis désolé.

- Moi aussi.

- Je peux vous demander ce qui s'est passé? osa Harry en gardant les yeux rivés sur la surface lisse et brillante du comptoir, rendu mal à l'aise par sa propre question. »

Il savait qu'il était trop curieux, qu'il risquait de remuer le couteau dans une plaie beaucoup trop fraîche mais il n'avait pu s'empêcher de demander. Comme les douzaines de personnes qui lui avaient posé la même question lors de sa propre rupture, qu'il avait eu envie d'étrangler sur le coup mais dont il comprenait maintenant mieux la curiosité. Il espérait simplement n'avoir pas eu cet éclat de pitié insupportable dans le regard. Hésitant, il poursuivit:

« La dernière fois que je vous ai vus ensemble…

- Cela remonte à deux ans, le coupa Lucius.

- C'est vrai. Excusez-moi, je ne voulais pas être indiscret.

- Mais la réponse vous intéresse.

- Je l'admets. Je suis désolé mais c'est une question que j'ai tellement entendue moi-même… C'est parti tout seul. »

Lucius cacha son sourire derrière son verre. Harry avait mûri mais il était toujours aussi spontané, c'en était désarmant. Même saoul et triste, il y avait toujours cet adorable éclat de malice dans ses yeux trop verts. Il avait également conservé cette manie de se mordiller les lèvres quand il était nerveux ou embarrassé.

« Je veux bien vous répondre, dit finalement le lord, si vous m'expliquez les raisons de votre départ.

- Vous ne l'avez pas demandé à votre fils? s'étonna le brun en levant brutalement les yeux.

- J'y ai pensé, un temps, mais il m'a fait comprendre que ça ne me regardait pas. Je crois surtout qu'il n'avait pas envie d'en parler. Et Severus n'a jamais été bavard sur sa vie sentimentale, il n'a pas dit un mot sur le sujet. Alors, ça vous paraît honnête?

- Je ne sais pas. Je n'ai pas envie de me rappeler… pas ce soir en tout cas.

- Une autre fois alors, se contenta de répondre le blond. »

Il était soulagé de ne pas avoir à répondre à la question de son cadet, lui non plus n'avait pas envie de se souvenir des causes de sa rupture. Lui qui pensait que tout allait bien avec son amant… Il devait vraiment manquer de subtilité pour ne pas capter les signaux. Cependant il lui fallait reconnaître qu'il était loin d'être aussi bouleversé que semblait l'être encore Harry.

Deux ans et le musicien n'arrivait toujours pas à seulement évoquer le sujet sans que ses yeux ne deviennent humides. Draco et Severus ne se maîtrisaient d'ailleurs pas tellement mieux. Le premier s'enfermait dans un silence buté, le second faisait comme s'il n'avait pas entendu et enfilait aussitôt ce masque d'arrogance qu'il s'était façonné à force de dîners mondains.

Lucius ne comprenait pas.

Draco et Severus avaient tout pour être heureux, l'amour, l'argent et la reconnaissance. Ils descendaient de familles prestigieuses et leur avenir était assuré.

Et Harry, lui, n'aurait eu qu'à claquer des doigts pour trouver quelqu'un de bien avec qui refaire sa vie. Il avait mûri, physiquement. Ses traits avaient définitivement perdu leur rondeur juvénile, son visage aux pommettes plus marquées n'en était que plus beau, masculin mais dépourvu d'angles saillants, fin sans être particulièrement féminin. Son corps avait perdu son côté pataud lié à l'adolescence, ses membres étaient désormais ceux d'un homme adulte, plus épais et mieux faits qu'avant. Une chose n'avait pas changé, sa taille, mais celle-ci lui allait tellement bien… Harry était bien le seul à s'en plaindre.

« J'ai entendu dire que tout allait bien pour vous, commença Lucius – il n'avait pas envie que la conversation s'arrête là, il avait envie d'en savoir plus et surtout il ne voulait pas être seul. Il paraît même que vous vous êtes hissé au rang de second violon de l'orchestre de Tom Riddle. C'est presque un exploit à votre âge.

- Un exploit qui me vaut la haine sourde de tous mes collègues plus âgés. Et les violonistes ne sont pas les pires, soupira Harry, de nombreux jurons particulièrement fleuris au bord des lèvres.

- Je pensais qu'ils finiraient par s'habituer, remarqua simplement Lucius qui, à une époque, avait beaucoup entendu parler de ces musiciens trop orgueilleux pour imaginer qu'il puisse y avoir une relève.

- Moi aussi, mais non. Pour vous donner un exemple, Bellatrix Lestranges, la harpiste, est la pire garce de la création. Elle me rabaisse constamment, m'insulte quand Tom a le dos tourné et j'ai souvent l'impression qu'elle essaie de me tuer par la seule force de son regard. Plus ça va et plus je rêve de l'étrangler avec les cordes de sa harpe.

- J'en rêvais également quand je devais la supporter pendant les fêtes de famille, confessa le blond en torturant une serviette en papier comme s'il s'était agit du cou de la célèbre musicienne.

- J'en déduis que vous la connaissez bien.

- C'est la sœur de mon ex-femme.

- Mes condoléances.

- Merci, mais je n'ai plus à la subir depuis mon divorce. Et je souhaite bonne chance à mon successeur, déclara-t-il en levant son verre comme pour porter un toast.

- Votre successeur?

- Et oui, Narcissa a rencontré un charmant gigolo pendant ses dernières vacances et elle a décidé de faire de lui un honnête homme. Tant mieux, dès qu'ils seront mariés je n'aurais plus à lui verser le moindre cent de pension alimentaire! »

Harry ne fut pas le moins du monde surpris par la jubilation de son voisin mais il s'abstint de tout commentaire.

Depuis que Narcissa avait annoncé son mariage avec le tout jeune suisse Gellert Grindewald, la presse people britannique était déchaînée. Le couple ne pouvait aller nulle part, ne pouvait rien faire sans qu'une photo ne paraisse en couverture d'un quelconque tabloïd – et ces photos étaient rarement flatteuses pour Narcissa. Autant le public avait de la sympathie pour le jeune écervelé qui, selon toute vraisemblance, avait choisi de faire un mariage d'argent et d'attendre l'héritage avant de chercher l'amour, autant la future mariée recevait des coups de tous les côtés. Il y avait les femmes qui trouvaient honteux qu'on s'en prenne à un garçon si jeune, il y avait les jeunes filles qui s'indignaient de voir un si beau morceau quitter le marché et il y avait ceux qui s'en foutaient comme d'une guigne mais trouvaient quand même limite qu'une quinquagénaire épouse un garçon d'à peine vingt ans.

Et au milieu de toutes ces personnes, il y avait Lucius qui n'était certainement pas le dernier à en remettre une couche quand son ex commençait à se faire oublier.

Il avait quelques vieux comptes à régler et savait pertinemment qu'elle s'en serait donnée à cœur joie si la situation avait été inversée. Ils ne s'étaient jamais aimés, se contentant en public de porter un masque de satisfaction qui n'avait jamais trompé personne, mais à la fin de leur mariage l'indifférence polie qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre s'était transformée en haine tenace.

Leur divorce avait duré des mois et, peu à peu, il s'était transformé en bataille rangée où les avocats avaient remplacé les canons. Il fallait s'y attendre. Ils avaient enchaîné les déclarations et les coups bas comme autant de passes lors d'un match de tennis, c'était à celui qui laisserait la balle tomber en premier. L'homosexualité de Lucius, l'infidélité de Narcissa. L'infidélité de Lucius, l'irresponsabilité de Narcissa. Et ainsi de suite. Au final, la victoire de Lucius avait été moins écrasante qu'il l'aurait voulu – puisqu'il s'était retrouvé à devoir payer une pension alimentaire exorbitante – mais évidente quand même.

Harry avait suivi en direct le divorce de son ancien amant, forcément, mais ignorait totalement que l'ancienne madame Malfoy avait décidé de se remarier. Il devait d'ailleurs être le seul Anglais à ne pas être au courant. Peut-être était-il temps pour lui de sortir de son petit monde pour se consacrer un peu plus à la réalité – même quand cette réalité concernait la vie de pseudo-stars dont il se fichait éperdument. C'était sans doute ça que Blaise appelait la « culture générale pour les bas de plafond ».

N'empêche, le musicien aurait payé cher pour voir la tête de Draco quand celui-ci avait appris qu'il allait avoir un beau-père plus jeune que lui. Le connaissant, au mieux, il avait dû s'étrangler avec son café.

Harry sourit tristement, il n'avait aucun mal à imaginer la scène. Draco, sortant à peine du lit, décoiffé et à moitié nu, s'asseyant à la table de la cuisine pour lire le journal en attendant que Severus finisse de préparer le petit-déjeuner… Le brun secoua brusquement la tête. C'était le passé.

« J'en reviens à Bellatrix, dit brusquement Lucius, sortant son voisin de ses pensés. C'est une veuve rendue aigrie par la perte de sa beauté. C'est une langue de vipère mais il est facile de la contrer: montrez-lui une photo d'elle prise il y a trente ans. N'oubliez pas le sourire narquois et moqueur, elle sera tellement vexée qu'elle ne vous ennuiera plus jamais. »

Harry éclata de rire.

« Où pourrais-je trouver ce genre de photos? pouffa le brun.

- Si vous demandez poliment, je devrais pouvoir t'aider.

- Monsieur le duc, commença Harry en faisant sa plus belle révérence, qui parut franchement bancale étant donné qu'il était toujours assis, auriez-vous l'extrême amabilité de me fournir l'instrument de la destruction de l'ego de votre ancienne belle-sœur?

- C'est presque ça. Allez, encore un effort, se moqua le blond. »

Harry fit une grimace comique et se leva de son siège en titubant légèrement. L'arrivée de Lucius l'avait distrait un moment mais l'effet de l'alcool n'avait pas disparu pour autant. Ses paupières pesaient quelques tonnes chacune et ses gestes manquaient d'assurance mais, bizarrement, il se sentait bien.

« Très cher monsieur le duc, recommença Harry en tentant une vraie révérence tout aussi mal assurée que la première mais plus pour les mêmes raisons, auriez-vous l'aimable obligeance de m'aider à me venger de la perfide arrogance de votre ancienne belle-sœur? C'est mieux comme ça? »

Lucius pouffa et promit au petit violoniste de lui donner tout ce dont il aurait besoin pour se débarrasser de Bellatrix.

Harry, lui, réfléchissait déjà à ce qu'il pourrait faire des photos. Il n'était pas la seule bête noire de la vieille Lestranges, tous les musiciens de moins de trente ans subissaient ses sarcasmes. Quand son grand-père avait pris sa retraite, Neville n'avait été que trop heureux de démissionner pour reprendre l'affaire familiale. Tout pour lui échapper. Tout pour ne plus avoir à subir ses remarques acides, et celles des autres. Il était l'amant du patron, cela avait suffit à déchaîner des foudres inattendues.

« Il joue mieux de son cul que de son violoncelle! »

Harry se souvenait très bien de cette remarque tombée dès le premier jour. Et la suite avait été à la hauteur de ce démarrage sur les chapeaux de roues, grossière et usante.

Il était fatigué.

Quand Lucius vit son voisin bailler à s'en décrocher la mâchoire, il se proposa pour le raccompagner. Celui-ci ne refusa pas, et pour cause, il s'était endormi avant même que le blond ne termine sa question. Regulus, qui suivait la scène du coin de l'œil depuis un moment, enrageant intérieurement de ne rien entendre, s'approcha et se proposa pour s'occuper du petit brun.

« C'est gentil à vous, mais je vais m'occuper de lui, dit simplement Lucius en soulevant son compagnon. »

Harry n'était plus aussi léger qu'avant, son corps s'était endurci mais il restait désespérément maniable – même endormi.

Lucius avait déjà mis le moteur de sa voiture en route quand il se rendit compte qu'il ne savait pas où logeait le brun.

« Et merde, pensa-t-il en prenant la direction de son propre appartement ».

A suivre…

Me revoilà donc avec la suite des aventures de mon petit Harry violoniste. Avouez que vous n'y croyiez plus.

La moins bonne nouvelle, c'est que mes études me prennent beaucoup trop de temps pour que je puisse tenir un rythme hebdomadaire. Le second chapitre n'est même pas encore commencé et j'ai beau savoir où je vais, je ne peux faire aucun pronostic.

En attendant la suite, je vous souhaite une excellente année 2009.