Disclaimer : Sherlock Holmes est la propriété de sir Conan Doyle et des sieur Mark Gatiss et Steeven Moffat. Absolument rien ne m'appartient.

Rating : Tout peut évoluer! Je ne sais pas encore jusqu'où je vais aller dans le slash ^^. Si vous avez des suggestions...

L'adolescent avachit sur la banquette décrépie au fond d'un bistrot poisseux, rêvassait en tapotant en rythme un crayon rongé sur une table en bois. Il fixait les cicatrices rondes, profondes, imprimées dans la table, preuves du passage de nombreux verres dorlotés, embrassés puis frappés sans ménagement.

Il pensa aux habitués : de quoi peuvent-ils bien parler tous les jours dans ce troquet miteux? C'est un vrai passe-temps ou de la résignation ?

Une odeur infecte de gitane maïs lui emplit les narines : trop violent à 8h du matin. Il refreina un haut le cœur et expira l'air puant.

Pour la première fois depuis 21 jours, il prit conscience de sa situation : à 17 ans, il se trouvait dans un sacré pétrin… Malgré sa folle envie de se barrer de ce trou, il savait qu'au moins ici il était en sécurité. Dehors, c'était l'inconnu et il n'avait pas envie de s'y frotter, pas avant d'avoir décidé de ce qu'il allait faire.

John était partagé entre l'envie de rentrer, las de n'être qu'un fugueur en proie au doute parmi tous les autres et le désir d'échapper encore un peu à l'existence étouffante qu'il menait à Cardiff.

Quitter provisoirement des parents en instance de divorce et une sœur mère-célibataire paumée de 19 ans, lui avait paru comme allant de soi, pourtant il n'avait pas pensé à échafauder de plan précis. Il savait qu'il devait partir, point barre, même si ça ne lui ressemblait pas : John ayant toujours ressenti le besoin plus que l'envie, de satisfaire ses proches, de ne surtout pas représenter de gêne, de correspondre à leur idéal. Mais, il avait été égoïste. Pour une fois… Question de survie.

Et une chose était sûre, John attendait beaucoup de la vie.

Il se retrouvait donc un dimanche glauque dans un quelconque bar Bavarois, après s'être laissé porter d'autostop en autostop, laissant son avenir entre les mains d'inconnus plus ou moins bienveillants. John jeta un coup d'œil furtif dans le miroir derrière lui. Inutile de s'y attarder, il devait avoir des cernes et l'attitude détachée des pauvres bougres en transit, trop longtemps privés de sommeil. De toute façon il faudra faire avec.

Pourtant en ce matin brumeux, et ce malgré la fatigue, la solitude et le sentiment de culpabilité qui le tenaient au corps, il voulait croire en sa singularité, en sa force. Les jeunes gens de son âge devaient s'affairer chez eux, penser à la blonde bien roulée de la Terminale Scientifique qu'il fréquentait assidûment ou à la saloperie bien sentie qu'ils allaient balancer au binoclard chiant comme la pluie de la promo. Lui était là, entouré de vieux chômeurs voûtés à qui on pouvait lire la vie à travers la couperose rougeâtre et leur œil terne, et de joueurs de cartes braillards. Finalement, c'est peut-être ça que je suis venu chercher.

En fait, John n'avait pas conscience de grand-chose dans la routine adolescente qu'il menait auprès des siens : ni du désir qu'il provoquait auprès des jeunes filles en fleur, ni de la joie éprouvée par ses professeurs, simplement satisfaits d'avoir affaire à un garçon au futur prometteur, déjà passionné par la médecine (une carrière ô combien honorable dans nos sociétés) et peu impliqué dans les émois puérils adolescents.

Comme beaucoup d'entre eux, bien que profondément attaché à sa famille, John ne savait pas à quel point ses parents l'aimaient, leur fierté, leur confiance aveugle et sans doute trop absolue. A tel point que lorsqu'il avait prétexté ce voyage linguistique fumeux en Allemagne pour se débiner, aucun obstacle ne lui avait été présenté. En fait, ils n'avaient pas imaginé une seconde contrecarrer ses plans.

Il était parcouru par toutes sortes d'émotions et de pensées venues parasiter l'instant, SON instant présent, celui qu'il avait provoqué. Il était dans une sorte d'entre-deux, terrifié par l'idée de n'être qu'un gamin capricieux voulant tester ses limites et celle de vouloir se fondre dans un nouvel environnement, de créer sans contrôler, de se laisser atteindre par tout ce qui pouvait se présenter à lui. Il en était persuadé : il saurait voir l'opportunité dans la brume de ce bar. Et il avait hâte, il ne se sentait pas franchement à l'aise dans ce bistrot, il avait l'impression que des dizaines de paires d'yeux étaient rivées sur lui en permanence, sans s'embarrasser de la moindre discrétion ou pudeur.

Clairement, c'était lui l'attraction du village ce matin, l'objet des commérages de coiffeurs et des regards insistants des vieux du patelin. Sans doute, était-il justifié de se demander ce qu'un adolescent à la mine contrite, de nationalité galloise de surcroît, faisait à 35 bornes de la frontière autrichienne et aussi parce que son physique, bien qu'encore noyé dans les dernières reliques d'une adolescence finissante, ne laissait pas indifférent.

John avait longtemps rejeté en bloc les expressions flatteuses sur ce physique, le sien… car si comme tout un chacun, il s'estimait flatté, il s'en sentait détaché et il pensait sincèrement ne pas mériter ces compliments faciles et factices qui débouchaient toujours sur un certain malaise et faisaient ressortir sa timidité à l'extrême. Et puis, cette manie étrange et injustifiée qu'avaient les gens, devant une personne au physique avantageux, d'être happés, fascinés par quelque chose de si… évanescent… finalement, le laisserait toujours perplexe. Rien à faire, même complètement con, un individu déclaré « beau » par ses congénères, aura toujours moins de choses à prouver qu'un de ses semblables jugé « lambda ». Mais John était un garçon gentil, avenant : il se faisait donc un point d'honneur d'enfouir son trouble et se contentait de sourire poliment en attendant que ça passe. Ça passe toujours

Le visage doux et chaleureux de John avait cette capacité merveilleuse d'émouvoir, de provoquer une affection sincère et presque immédiate envers le jeune homme. Un visage hâlé, fait plutôt inhabituel pour un pur britannique, aux courbes harmonieuses. Ses yeux en amande, d'un bleu très vif et parsemés de légères tâches dorées semblaient dormir dans le lit moelleux de ses épais cils blonds, et ce malgré les replis sombres creusant ses traits, conséquence de nuits, où ballotté au fond de cars rouillés sur un siège au tissu râpeux d'un autre temps et à l'odeur douteuse, il désespérait de trouver le sommeil. Son nez était si finement ciselé qu'on ne pouvait qu'imaginer quel travail ardu ça aurait été pour un sculpteur de le façonner et il se mariait à merveille avec ses joues encore rondes, empourprées par la chaleur de la pièce. Quant à sa bouche fine et colorée, elle lui donnait une moue enfantine et définitivement adorable. Seuls ses cheveux trahissaient encore son quotidien auprès de jeunes ados aux goûts douteux : une masse en bataille retombant en mèches lourdes sur les tempes et la nuque, d'une longueur assez …. Indéfinissable, mais d'un blond doré tout à fait charmant.

Tandis que John peinait à finir un café que l'on pouvait, aisément qualifier de jus de chaussette, la sonnette déglinguée de la porte d'entrée tinta, la soupe pop allemande qui passait à la radio ne couvrant pas la discussion animée des quatre étrangers qui firent irruption dans le bistrot.