Cette histoire se passe environ 500 ans avant la Guerre de l'Anneau, mais j'ai un peu modifié la chronologie, donc ne vous inquiétez pas si certaines choses ne semblent pas se passer au bon moment. C'est bien une histoire d'amour, mais ça va prendre un moment avant d'en arriver là. J'espère sincèrement que cette histoire vous plaira, et que vous pourrez prendre le temps de me laisser un commentaire.

La pluie glacée qui lui cinglait le visage tira Aubrey du sommeil. Désorientée, elle se redressa, clignant des yeux à cause de l'averse qui semblait s'intensifier. Elle en resta bouche-bée d'incrédulité. A la place des quatre murs de sa chambre, une vaste plaine dégagée s'étendait devant elle. L'uniformité de cette prairieétait brisée çà et là par de petits bosquets d'arbres tandis qu'au loin les hauts arbres d'une imposante foret obscurcissaient l'horizon.

Elle se leva en jetant des coups d'œils émerveillés autour d'elle. Derrière elle, les mêmes étendues désertes s'étiraient jusqu'aux flancs sombres d'une imposante montagne, le premier sommet d'une chaîne qui s'étendait de part et d'autres aussi loin qu'elle pouvait en juger, et aux cimes si hautes qu'elles étaient enveloppées de nuages.

Elle fronça les sourcils, perplexe. La dernière chose dont elle se souvenait était de s'être préparée à aller se coucher dans sa petite maison à Hawes. Et en effet, elle constata avec consternation qu'elle portait toujours son pyjama à carreaux. Elle se retourna en direction de la foret et frissonna, son fin pantalon de coton et son t-shirt trop grand étaient une piètre protection contre la pluie battante.

C'est un rêve, se dit-elle. Un rêve très, très réaliste. Sauf que, réalisa t-elle avec un effroi grandissant, quand on rêve, on ne sait pas qu'on est en train de rêver.

Le monde réel, donc. Ou une hallucination particulièrement convaincante.

Sa peau commençait à picoter sous l'effet de la pluie glacée, ses mains et ses pieds nus avaient rougi tandis que son nez et ses oreilles devenaient douloureux. « Je ne peux pas rester là indéfiniment, » se dit-elle tout haut.

Son regard fixé successivement sur la montagne derrière elle et sur la foret qui lui faisait face, elle s'avança en direction des arbres. Ils la protégeraient bien plus efficacement de ce temps infect et la montagne avait de toute façon l'air d'être à une bonne journée de marche de là. Se refusant à délibérer pour savoir si elle était la victime d'un enlèvement ou d'un énorme canular avant d'être au sec, elle se mit en marche. Le sol sous ses pieds était trempé, et son bas de pantalon se retrouva bien vite couvert de boue, une boue froide et visqueuse dont le contact sur ses orteils nus la dégoûta, et elle se mit à espérer que le sol de la foret soit, sinon sec, au moins tapissé de feuilles.

Tout en marchant, Aubrey examina les alentours, essayant désespérément de comprendre ou elle était. Elle réalisa immédiatement que ce paysage ne lui était pas familier. Les montagnes étaient bien plus grandes et escarpées que celles qu'elle avait pu voir en Grande-Bretagne. En fait, cela lui évoquait plutôt les photos qu'elle avait pu voir des vastes steppes russes ou des plaines d'Amérique du Nord.

La distance à parcourir lui avait paru faussement courte avant qu'elle ne se mette en marche. Il lui sembla que près d'une demi heure s'était écoulée avant qu'elle n'atteigne l'orée de la majestueuse foret. Même si l'averse s'était finalement calmée, elle était trempée jusqu'aux os et tremblait de tout ses membres. Ses pieds nus étaient couverts de boue jusqu'aux chevilles, blessés et contusionnés par sa longue marche sur ce terrain bosselé et rocailleux .

Une grande peur s'empara alors d'elle. Elle n'avait avec elle rien d'autre que les vêtements qu'elle portait, et elle ne discernait autour d'elle aucun signe de présence humaine. Déjà, la soif lui brûlait la gorge, et une douloureuse sensation de faim se propageait dans ses membres. Habituée aux randonnées, Aubrey savait pertinemment à quel point il était dangereux de se perdre dans la nature sans la nourriture, l'eau, ou l'équipement adéquat. Une soudaine envie de pleurer lui noua la gorge. Je suis perdue. Je ne sais pas ou je suis, ni comment je suis arrivé là.

Elle crispa la mâchoire de colère, regardant la foret qui l'entourait d'un air mauvais. Je ne vais pas mourir, se dit-elle d'un ton ferme. Un pied devant l'autre. Cette résolution prise, elle se remit en marche, l'air déterminé, et pénétra dans la foret.

o0o

Un cri d'oiseau perçant attira l'attention d'Haldir. Il releva vivement les yeux de la flèche qu'il était en train de garnir de plumes et se leva, rejoignant prestement le bord du flet.

Un nouvel appel. C'était le sifflement criard et alarmé d'un merle, un signal souvent utilisé par ses gardiens pour alerter d'un danger potentiel. Quelque chose approche.

Il sentit l'air changer derrière lui, et vit son plus jeune frère Rúmil, à ses côtés . « Qu'est-ce qui se passe ? » demanda Rúmil.

Haldir haussa les épaules et posa la hampe qu'il tenait encore. « Allons voir. »

Ils sautèrent hors du flet à l'unisson, atterrissant côte à côte et sans bruit sur une large branche à seulement quelques mètres du sol. Les yeux d'Haldir furent attirés par un mouvement dans les fourrés sous ses pieds. Il pivota, saisissant son arc dans son dos et positionnant d'un mouvement fluide une flèche contre la corde.

Sa surprise fut telle en voyant l'intrus qu'il faillit en lâcher son arc. Une jeune mortelle avait franchi la frontière de la Lórien, sans remarquer qu'elle était observée. Haldireut un sourire narquois. Son étrange accoutrement était trempé et collait à sa peau, laissant bien peu de place à l'imagination. Il croisa le regard de Rúmil, et vit le même sourire sur le visage de son frère. Mais, aussi charmante qu'était la tenue de la demoiselle, il n'en demeurait pas moins qu'elle était une intruse dans ce royaume.

Haldir siffla, imitant un cri d'oiseau à l'intention des gardiens qu'il savait à l'écoute de son signal. Il sauta au sol, non sans faire en sorte d'atterrir aussi près que possible de la mortelle. Un soupçon plus près, et il lui tomberait dessus.

00o

La foret dans laquelle se trouvait Aubrey était d'une beauté à couper le souffle. Une douce lumière dorée filtrait à travers la canopée, se reflétant dans les gouttes d'eau qui s'écoulaient le long de la frondaison et créant des effets d'ombres et de lumière sur le sol couvert de mousses. Certains des arbres qu'elle croisa tandis qu'elle se frayait un chemin lui étaient familier, tels les bouleaux argentés et les larges chênes, mais il y en avait d'autres qu'elle n'avait jamais vu auparavant. Leur écorces argentées étaient lisses et douces, et ils étaient plus grands et plus imposants qu'aucun des arbres qu'elle avait pu voir. Levant les yeux, elle remarqua que leur feuilles brillaient d'un pale reflet doré.

Un cri d'oiseau, bref et strident, attira son attention et lui fit lever les yeux vers la cime des arbres, les sourcils froncés. Le bois était vide, et pourtant elle avait l'étrange impression d'être observée.

Le cri retentit à nouveau -un merle, pensa t-elle. Son impression d'être observée devint plus pressante et alors qu'elle allait se retourner, elle sentit un souffle léger passer devant elle et vit soudain un homme qui se tenait là, à moins d'un mètre d'elle.

Aubrey recula en poussant un cris perçant, le cœur battant. Il lui fallut quelques instants, le choc passé, pour comprendre qu'il n'était pas apparu de nul part, mais qu'il avait sauté d'un des arbres. Moins d'un battement de cœur plus tard, elle se retrouva cernée par au moins une vingtaine d'hommes formant un cercle compact autour d'elle et de l'homme.

Aubrey balaya le cercle du regard. Tous portaient les mêmes leggings de cuirs moulants, des bottes montantes et une tunique, et tous arboraient une cape gris-vert sur les épaules. Plus étonnant encore, ils tenaient des arcs et leur flèches encochées étaient toutes pointées sur son visage. Elle remarqua qu'ils portaient des dagues à la ceinture et que l'homme au centre du cercle avec elle, leur chef très certainement, avait une épée à son côté. Ils avaient de longs cheveux d'un blond argenté, tressés le long de leur tempes, et leur visage étaient nobles et séduisants. Habituée à vivre dans un monde pleins de pistolets et d'armes modernes, Aubrey n'avait jamais pensé qu'un arc et une flèche puisse constituer une menace, puis elle remarqua la corde raide des arcs et les pointes des flèches, aussi aiguisées qu'une lame de rasoir et elle comprit qu'une seule de ses flèches pourrait la tuer aussi facilement qu'une balle.

Le chef l'observait d'un regard insondable, son propre arc fixé derrière son dos. Il la toisait, plus grand qu'elle d'au moins trente centimètres. Son visage était dur mais séduisant, et ses yeux d'un gris argenté semblait voir en elle. Elle frissonna, réalisant soudainement à quel point son pyjama trempé collait à sa peau. Le regard de l'homme était si intense qu'il en devenait presque irréel.

« Salutations, mortelle. » dit-il. Sa voix était grave et puissante, mais pourtant mélodieuse. Il avait un léger accent, comme si l'anglais n'était pas sa langue maternelle, mais il le parlait avec une aisance qui témoignait d'une longue pratique. « Vous êtes entré sans permission en Lothlórien. Qu'avez-vous à dire pour votre défense ? »

« Comment ça, 'mortelle ' ? » demanda t-elle.

Il haussa les sourcils d'un air moqueur. « J'entends par là que vous n'êtes pas l'un des Eldar. »

Aubrey fronça les sourcils, perdue. Elle l'examina à nouveau, notant chaque détail de son apparence.

L'étrange style médiéval de ses vêtements, l'immense arc et l'épée mis à part, il avait eu l'air plutôt normal au premier coup d'œil. Mais maintenant qu'elle le regardait plus attentivement,il lui sembla que les traits de son visage étaient presque trop parfaits, trop séduisants. Ce qu'elle avait d'abord pris pour un reflet du soleil était en fait une légère et presque imperceptible lumière qui émanait de son visage. Et puis, maintenant qu'elle y prêtait attention, elle vit que ses oreilles étaient délicatement pointues.

« Vous...Vous n'êtes pas humain » souffla t-elle.

Il lui lança un regard noir, visiblement outré qu'elle puisse le prendre pour l'un des siens. « Non, en effet. Mais vous êtes une intruse. Vous allez devoir nous suivre. »

« Je ne suis pas une intruse, je suis perdue ! » protesta t-elle en reculant.

« Dans ce cas, vous avez choisi le mauvais endroit pour vous perdre, » déclara t-il tandis qu'il s'avançait pour lui saisir le bras.

« Lâchez-moi,» cracha t-elle en essayant de dégager son bras.

Il avait une poigne de fer et elle ne réussit qu'à se faire encore plus de contusions et à agacer d'avantage le non-humain.

« Soit vous me suivez volontairement, soit je vous porte. » dit-il sèchement. Il baissa les yeux sur son t-shirt, à l'endroit ou le tissu mouillé collait à sa poitrine, et ajouta avec un sourire narquois, « Ça ne me déplairait pas. »

« Va te faire foutre,» répliqua-elle vivement en dépit l'absence de désir dans son regard. Elle eut le sentiment que loin d'être une expression de son désir pour elle, ses paroles avaient pour seul but de la déstabiliser. Jetant un coup d'œil aux flèches pointées sur elle, elle cessa à contrecœur de se débattre. «Si c'est ça ou se faire tirer dessus, je vais marcher toute seule. »

Il haussa les épaules et la relâcha. « N'essayez pas de vous enfuir,» lui conseilla t-il, « Nous sommes plus rapides que ceux de votre race, et je n'ai aucune envie de perdre mon temps à courir après une mortelle grincheuse. »

Il fit volte-face et s'adressa à ses hommes dans une langue fluide et gracieuse au rythme si étrange qu'elle n'arrivait pas à déterminer ou commençaient et ou finissaient les mots. Il abaissèrent leur arcs et replacèrent leur longues flèches à plumes blanches dans leur carquois. Ils se retournèrent simultanément et la moitié d'entre eux disparu dans les arbres, leur capes gris-vert les rendant invisible aussitôt qu'ils s'enfonçaient dans l'ombre.

Avec leur chef devant elle, et une dizaine d'entre eux derrière, Aubrey fut conduite encore plus profondément dans la forêt.

O0o

Aubrey claudiquait derrière le chef, fixant ses larges épaules d'un air furieux. Elle ne savait où se trouvait cette Lothlórien, mais de toute évidence, ils n'aimaient guère les visiteurs. Bien qu'elle ne discernait aucun chemin au milieu de cet enchevêtrement de broussailles, l'homme devant elle les guidait d'un air assuré, sans jamais s'arrêter pour vérifier qu'ils avançaient dans la bonne direction. Il se mouvait comme un animal sauvage, comme si la forêt était son habitat naturel, une extension de lui-même où il se sentait parfaitement à l'aise. Le sol de la forêt semblait être un tapis de mousses et de feuilles dorées, mais les fourrés rampant et les larges racines qui parsemaient le chemin rendaient la marche difficile, surtout pied nu.

Peu après, le chef s'arrêta devant un arbre. Il siffla, imitant à la perfection le cri d'un moineau. Presque aussitôt, une corde tomba de la canopée dans un léger bruissement. Surprise, Aubrey leva les yeux. L'abondance frondaison de l'arbre et l'ombre qu'elle créait l'empêchait de voir jusqu'où celui-ci poussait.

« Grimpez,» lui ordonna le chef d'un ton laconique.

Elle jeta un nouveau coup d'œil à la fine corde blanche qui était maintenant à sa hauteur puis lui jeta un regard noir. « Avec ce truc ? J'ai déjà vu des lacets plus épais. »

« Vous auriez tort de douter de notre hithlain. Les cordes elfiques ne rompent pas. » dit-il d'un ton catégorique.

Elle le fixa d'un air ahuri. « Elfique ? »

« Oui, » répondit-il. « Elfique. Nous sommes des elfes. Comment pouvez-vous ne pas le savoir ? Êtes-vous simple d'esprit ? »

Il y avait un soupçon d'incrédulité dans ses yeux, et quelque chose qui ressemblait à une lueur de pitié. Aubrey le fusilla du regard, résistant à l'envie de le gifler pour chasser cette lueur de son visage. « Ce n'est manifestement pas moi qui a un problème cérébral. Les elfes n'existent pas. »

Il l'agrippa par le bras et la tira vers lui et, se penchant si près d'elle que son souffle caressait sa joue, et dit d'une voix menaçante, « Les elfes existent, mortelle. Grimpez. Sur. Cette. Corde. »

Sa main était chaude contra sa peau nue, et l'enserrait si fortement qu'elle en eut des fourmillements dans les doigts, « Je ne peux pas, » lâcha t-elle en plaquant sa main libre contre son large torse pour essayer de le repousser. « Je ne peux pas grimper en utilisant juste une petite corde, je ne suis pas Tarzan. »

Il l'a laissa le repousser, répondant à la violence de son regard par une expression si glaciale qu'elle la fit frissonner. Il lança quelque chose dans cette étrange et mélodieuse langue et patienta. Un instant plus tard, une échelle de corde apparut.

Le visage tout empourpré de colère, Aubrey s'avança pour grimper à l'échelle avant qu'il ne puisse la rabrouer à nouveau. La pitié et le dédain dans son regard l'avait profondément vexée. L'échelle s'entortillait tandis qu'elle grimpait, et plus d'une fois elle glissa ou manqua un barreau. Il lui sembla avoir grimpé pendant une éternité quand elle atteignit enfin les premières feuilles de l'arbre et vit sa destination, une large plate-forme de bois soutenue par les branches de celui-ci. Deux hommes -elfes, pensa t-elle avec dérision- se tenaient là, observant ses efforts maladroits pour atteindre le sommet. Ni l'un ni l'autre ne lui proposèrent de l'aider, alors même que la branche à laquelle était fixée l'échelle était à bonne distance du bord de la plate-forme en forme de feuille.

Grognant sous le poids de cet effort, Aubrey parvint à se hisser sur la plate-forme. Ses pauvres pieds maltraités heurtant la surface ombragée dans un bruit sourd. Depuis sa position privilégiée, elle vit son escorte en contrebas, et comprit alors comment les feuilles et l'ombre des arbres entre la plate-forme et le sol avait dissimulées celle-ci.

Les elfes qui se tenaient là passèrent silencieusement devant elle et entreprirent de remonter l'échelle et la corde avant de les enrouler et de les arrimer soigneusement au bord de la plate-forme. Aubrey fronça les sourcils comment son escorte allait t-elle pouvoir la rejoindre à présent ?

Elle jeta un coup d'œil en contrebas et en resta bouche-bée. Un à un, les elfes bondissaient majestueusement dans l'arbre, sautant aisément de toute leur hauteur pour saisir une branche. De là, ils se balançaient et grimpaient à toute vitesse de branches en branches comme des singes, sans jamais se départir de leur grâce fluide. Elle avait l'impression de regarder Matrix, et elle s'attendait à tout instant à voir Hugo Weaving apparaître pour la tuer. Peut-être que cela mettrait fin à cette hallucination.

Celui qu'elle avait pris pour leur chef fut le premier à les atteindre, en sautant d'une branche juste au dessus de la tête d'Aubrey. Il atterrit sans un bruit, sans même le moindre bruissement de ses bottes sur le bois. Et à sa grande colère, il avait l'air de ne pas avoir déployé plus d'effort qu'elle en aurait fournis pour monter une volée de marches. Il lui avait fallu probablement moins de temps pour grimper qu'elle en avait mis avec l'échelle.

Il s'adressa aux elfes dans leur langues d'un ton suggérant une grande autorité. Et de fait, les elfes inclinèrent leur tête, récupérèrent leur arcs et leur carquois contre le tronc de l'arbre ou ils reposaient, et sautèrent de la plate-forme sans un regard en arrière.

« Vous allez passer la nuit ici, » l'informa le chef d'un ton vif, sans la regarder. « Permettez-moi de m'occuper de vos pieds. »

Ayant toujours en travers de la gorge la manière agressive et grossière dont il l'avait traité plus tôt, Aubrey recula. « Je n'ai pas besoin de votre aide. » dit-elle d'un ton cassant.

Ses yeux devinrent froids et sa mâchoire se serra, ses traits tout entiers exprimant l'agacement, si non de la colère. « A votre guise. » dit-il seulement. Avant même qu'elle ne puisse répondre, il avait disparu en bondissant hors de la plate-forme tel une panthère, et elle se retrouva seule,dans les hauts arbres de la Lothlórien.

O0o

Haldir s'élança hors du flet. La colère montait en lui malgré tout ses efforts pour garder son calme. Cette rage qu'il ressentait le perturbait, il y avait bien longtemps qu'il n'avait pas été si facilement mis en colère. Congédiant ses gardiens d'un signe de la main, il courut de branches en branche à travers la canopée jusqu'à ce qu'il atteigne le flet suivant. Il était vide, comme il l'avait escompté.

S'installant au bord du flet, il posa son arc au sol à côté de lui et défit son carquois, laissant ses jambes se balancer depuis le rebord de la plate-forme sculptée. Il contempla sa Lórien bien-aimée, laissant les doux bruits de la forêt l'apaiser. Il n'eut pas longtemps à attendre avant que l'inévitable ne se produise et qu'il sente la présence de son plus jeune frère.

« Bonjour, Rúmil, » soupira t-il.

Rúmil vint s'asseoir à ses côtés, repliant ses longues jambes pour s'installer en tailleur sur le flet. « Et bien, c'était fort intéressant à voir, » dit-il en souriant gaiement.

Haldir inspira profondément et ferma les yeux, « On peut dire ça comme ça. »

« Elle te tape sur les nerfs, mon frère,» constata Rúmil.

Haldir grimaça, regrettant une fois de plus que son frère soit si perspicace. « Peut-être bien. »

« Haldir, tu était prêt à la transpercer de part en part avec ton épée ! » s'écria le plus jeune elfe. Ses yeux se mirent à briller et il eut un sourire malicieux. « Ou plutôt... à la transpercer de part en part avec ton épée, si tu- »

« Tout le monde voit ce que tu veux dire, jeunot ,» rétorqua Haldir. « Ne dis pas n'importe quoi, cette créature est mortelle. »

« Et elle a une sacré paire de- »

« Merci, ça ira comme ça, Rúmil. » l'interrompit-il.

Rúmil se tut, un sourire aux lèvres tandis qu'il se saisissait de l'arc du Capitaine. Il fit courir l'un de ses doigts le long de la corde tendue de l'arme de son frère, plissant les yeux. « La corde de ton arc est usée. » fit-il remarquer.

Haldir se leva en s'éclaircissant la gorge, jetant un regard implacable à l'adresse de son plus jeune frère. « Alors tu vas la changer pour moi, » annonça t-il.

Rúmil laissa échapper un grognement peu élégant. « Certainement pas. »

« C'était un ordre, Gardien, » fit Haldir d'un ton suave. Il tourna le dos à son frère et quitta rapidement le flet, tandis que Rúmil lui lançait un regard noir.

o0o

« Debout, » lança quelqu'un à voix basse.

Et comme elle tardait à bouger, Aubrey sentit une botte lui donner un petit coup dans les côtes. « Hey ! » s'écria t-elle en roulant plus loin, avant de se souvenir un instant plus tard qu'elle était sur une plate-forme sans garde-corps, tout en haut d'un arbre. Elle s'immobilisa et leva les yeux jusqu'à croiser le regard froid du chef. « Bonjour à vous aussi, » grommela t-elle.

Après son départ la nuit suivante, un autre elfe lui avait apporté une gourde d'eau fraîche, une petite assiette de pain et de fromage ainsi qu'une couverture légère. La nourriture s'était avérée fort rassasiante et l'eau revigorante et, bien qu'elle était plus fine que de la soie, la couverture avait été plus chaude que la couette en plume d'oie qu'elle avait chez elle. Elle n'avait d'ailleurs pas très envie d'en quitter la chaleur et d'affronter la froide brise matinale, mais à en juger par l'expression sur le visage du chef, ce n'était pas le moment de lui chercher querelle.

« Je suis debout,» grogna t-elle en se levant et en s'étirant. Ce n'est qu'une fois qu'elle eut les bras croisés derrière la tête qu'elle réalisa à quel point cela dévoilait sa poitrine et que l'elfe l'a regardait fixement, avec un sourire en coin. « Arrête de me reluquer, tête de nœud, » cracha t-elle en repliant rapidement ses bras sur sa poitrine.

Il se contenta de hausser un sourcil en dépliant l'étoffe qu'il tenait à la main. « Ou alors, » dit-il, « Vous pourriez vous habiller. »

Elle prit la cape et découvrit qu'elle était faite du même tissu léger mais chaud que la couverture. « Merci, » dit-elle à contrecœur en fixant le fermoir autour de son cou. La cape flottait autour de ses épaules jusqu'à ses chevilles, et était pourvue d'une capuche profonde dans laquelle elle aurait pu dissimuler tout son visage.

Au lieu de répondre à son remerciement, il fit volte-face et avança jusqu'au bord de la plate-forme. « Venez, » dit-il en indiquant d'un geste la terre ferme en contrebas.

Elle le rejoignit rapidement. « Quoi ? Je ne peux pas sauter de cette hauteur ! Écoutez, Elfe, vous pourriez- »

« Haldir , » la coupa t-il vivement.

« Hein ? »

« Je m'appelle Haldir, pas 'elfe ', »

Elle lui lança un regard noir. « Et moi Aubrey. Aubrey Wendale. Je sous signale que c'est vous qui m'avez appelé 'mortelle '. Je ne peux pas sauter de si haut. »

L'air exaspéré, il se pencha et dénoua l'échelle de corde qu'elle avait utilisé la veille. « Voila. Maintenant, descendez. »

« Arrêtez de me donner des ordres ! » s'exclama t-elle, en saisissant néanmoins l'échelle. La descente se révéla aussi difficile que l'ascension l'avait été, et fut peut-être rendue encore plus ardue par la longue cape qui s'entortillait autour de ses jambes. Elle n'avait pas descendu plus de cinq marches avant de sentir une large bourrasque l'effleurer et de voir Haldir atterrir avec légèreté sur une branche juste en dessous d'elle. Sans lui jeter un regard, il sauta à nouveau et, concentrée sur son objectif, elle le perdit de vue.

Quand elle atteignit enfin le sol, elle le trouva qui l'attendait en compagnie de deux autres elfes. « Enfin, » dit-il d'un ton acerbe. Il fit un signe de tête, et l'un des elfes s'avança et lui tendit une paire de bottes. Elles étaient similaires à celles que les elfes portaient, montantes et sans talon, mais plus petites et sans fioritures. Aubrey les accepta avec gratitude, d'autant que le fait de descendre l'échelle avait ravivé ses douleurs aux pieds.

« Merci, » dit-elle en les enfilant. Elle grimaça au contact du cuir soyeux sur ses pieds pleins d'ampoules. Elles étaient à la fois trop grandes et trop serrées, mais elle se dit que c''était toujours mieux que rien.

Haldir, qui n'avait pas perdu une miette de sa réaction, eut un mince sourire. «Ça a l'air douloureux , » remarqua t-il. « Vous auriez dû demander à quelqu'un de les soigner la nuit dernière, pendant que vous aviez le temps. »

Aubrey, qui avait parfaitement saisit l'allusion, jeta un regard mauvais à l'elfe arrogant, sérieusement tentée de lui lancer une botte au visage pour lui faire ravaler cet air suffisant. Mais il se retourna avant qu'elle n'ait pu lancer son projectile, entamant ainsi la longue marche jusqu'au cœur de la Lothlórien.

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