Chapitre 1 – Nous redoutons, Car nous le savons, on va détester.

Chapitre I

Je regarde l'eau qui coule sur la fenêtre du train, ce train si familier aux autres... Pour nous, rien n'est plus nouveau que cette machine qui nous emmène vers notre nouvelle vie. Je me tourne vers mes sœurs, l'une dort, tandis que l'autre me fixe de cette expression neutre que je connais par coeur. Je sais très bien qu'aucune d'entre nous ne veut être ici. Pour ma part, je serais volontiers retournée dans le plus miteux des orphelinats que nous avions habité pendant des mois. Mais aussi affreux que furent ces mois, je suis convaincue que rien ne pourra être pire que cette nouvelle année, que nous allons passer en compagnie des plus infâmes camarades que la Terre ait pu porter. Des camarades en nombre interminable, avec leurs manies du Sang, des Maisons d'une importance insignifiante, et aux regards meurtris à perpétuité. Tout ce que je déteste le plus en ce bas monde se rassemble dans cette école d'infortune, que j'ai été obligée de rejoindre contre mon gré, à l'instar d'Erin et de Haley, mes sœurs.

Si j'avais su que cette petite gaffe, si minuscule et insignifiante, se finirait ainsi... Ça n'aurait pas dû ce terminer comme ça, rien ne prévoyait que cette blague drôle et bien méchante comme il est de coutume, me tue, moi, mes sœurs et tous nos camarades de famille d'accueil. Le verbe tuer est quelque peu déplacé, mais ce mot, aussi morbide que nécessaire, est en quelque sorte un dérivé de la mort bien vraie. Car la chance de revenir à la case départ est depuis longtemps dépassée. Quand Erin, Haley et moi avons mis accidentellement le feu à la maison de nos tuteurs temporaires, nous avons cessé d'exister. Plus personne ne voulut plus de nous, et nous avons visité la Terre entière : Japon, France, Canada, Russie, Australie, États-Unis… Chaque fois, c'était une nouvelle famille, de nouvelles cultures, des règles différentes à assimiler. Mais aujourd'hui, nous n'avons plus d'endroit où aller. Le Ministère Magique Japonais nous a envoyées au Royaume-Uni où l'affaire a été rapidement classée. Les triplettes Erin, Haley et Chloé Bass étaient expédiées à l'école Poudlard.

Pour moi, cette école de magie où nous allons entreprendre notre première et dernière année n'est qu'une énorme erreur. Nous sommes tout sauf sociables et aimables. Erin déteste les gens, Haley les trouve d'une banalité épouvantable et écœurante et moi, je suis incapable de meubler une conversation comme je n'ai aucune envie d'habiter avec de parfaits inconnus.

Me lassant de regarder les arbres défiler sous mes yeux, je décide de contempler Haley, endormie sur le siège inconfortable du wagon. Mon esprit vagabonde mais mes yeux se fixent sur Erin, qui me regarde en retour. Je le sais parfaitement, elle redoute autant que moi cette horrible année qui s'en vient. J'aurais tant voulu qu'on ait pu réussir à contrôler le feu que l'on a propagé dans notre chambre. On n'a rien pu faire, les flammes magiques ne pouvaient s'éteindre que de leur belle mort. Haley n'avait rien vu venir.

Nous étions assises dans notre chambre, mes deux sœurs et moi, à manigancer une petite blague à l'un de nos tendres professeurs pour avoir l'après-midi libre au lieu de cours ennuyeux. Cette nuit-là, Erin feuilletait ses nombreux volumes de Sortilèges. Elle connaissait les sortilèges des plus étranges des coins les plus reculés. Partout où nous avions vécu depuis ces neuf dernières années, personne ne maîtrisait mieux la magie qu'elle. Magie noire, ou blanche, rouge, ou bien verte, dites n'importe quelle couleur, elle connaît la magie qui va de paire. Les malédictions, les rituels, charmes ou envoûtements... Élixirs vaudou, sorcellerie chinoise ou bien magie des premières nations, elle les pratique toutes. J'étais assise au côté de Haley, nous pratiquions le sortilège à lancer sur les vêtements de l'enseignante : le feu ne devait pas brûler la peau, seulement ses vêtements. Bien sûr, toutes les deux manquions quelque peu d'expérience pour lancer un tel sortilège... Puis, le malheur arriva, accidentellement la chambre prit feu, après quoi, la maison au grand complet. Si nous réussîmes à sortir indemnes de l'incendie, ce ne fut pas le cas de tout le monde. Certains resteraient brûlés à vie et d'autres, moins chanceux encore, périrent dans ce terrible incendie. Une fois à l'extérieur, Haley s'étrangla de surprise, elle venait de voir la maison qui brûlait, sa vision était arrivée en retard, jamais cela ne s'était produit. Haley est médium. Elle peut voir l'avenir dans des visions, mais ce n'est pas la seule forme de divination qu'elle exerce. Astrologie, Auto-hypnose, Boule de Cristal, Chiromancie, Divination, Flash et visions, Intuition, Miroir d'obsidienne, Numérologie, Pendule, Radiesthésie, Rêves Prémonitoires, Runes, Tarot, Troisième Œil, Visualisation, Yi-king. Avec elle, j'en suis sûre, j'en ai plus appris sur l'art divinatoire que si j'avais étudié cette matière pendant sept ans dans n'importe quelle école...

Erin me regarde toujours quand brusquement, elle se tourne vers la porte qui donne sur le couloir. Le regard froid et le visage neutre, elle scrute l'ouverture sans broncher. Une fille aux cheveux ébouriffés, ondulés et touffus entre sans frapper, quel manque de politesse !

L'élève, qui a déjà enfilé son uniforme nous regarde l'une après l'autre, puis s'arrête sur Erin. Cette dernière l'examine de la tête aux pieds. La jeune fille à la crinière d'une épaisseur impressionnante semble se sentir brusquement mal à l'aise.

- Hermione Granger, murmure celle-ci en se tournant vers moi.

Ni Erin, ni moi ne pipons mot. C'est à ce moment-là que Haley décide de se réveiller et interrompt le silence gênant qui s'est installé dans la pièce.

- Je déteste ce train, marmonne Haley en s'étirant. Oh, mais qui voilà ? prononce-t-elle en dévisageant le nouvelle arrivante

- Nous n'en avons aucune idée, répond sèchement Erin. Mais j'ai bien hâte qu'elle se décide à partir, ajoute-t-elle en regardant l'intéressée d'un œil mauvais.

L'intruse blêmit en entendant la phrase de ma sœur. C'est bien vrai, qu'est-ce qu'elle fait ici ? Et puis, elle pourrait nous dire quelque chose au lieu de nous fixer bêtement.

- Je suis Hermione Granger, Préfete-en-chef, je vous souhaite la bienvenue à l'école de sorcellerie Poudlard.

Je regarde Haley, puis comme elle hoche la tête, je décide de répondre à cette fille qui aurait bien besoin d'une brosse à cheveux.

- Je m'appelle Chloé, et voici Erin et Haley Bass. Nous venons du Japon.

Cette Granger écarquille les yeux, puis se tourne vers moi et répond :

- Vous venez sérieusement du Japon, vous ne me faites pas marcher là ?

Erin secoue la tête d'un air désespéré, et se tourne alors vers Haley pour qu'elle réponde à sa place.

- Notre dernière maison était véritablement au Japon, vous ne nous croyez pas ? ricane celle-ci en se levant.

- Oui, bien sûr… je vous crois, répond-elle précipitamment. Haley la dépassait d'une tête, avec ses longs cheveux noirs et son maintien de reine. A ses côtés, Hermione faisait pitié à voir.

Elle se retourne pour nous regarder toutes les trois, lâche vivement un « on se verra au banquet » puis tourne les tallons et un nuage de cheveux bruns quitte la pièce.

- Je la déteste, s'écrie Erin en faisant claquée la porte vitrée à la suite d'Hermione.

Cela n'est pas nouveau pour nous, Erin déteste tout le monde. Je me surprends à éprouver moi aussi une certaine irritation au sujet d'Hermione Granger, cette fille qui peut se permettre de débarquer dans notre compartiment comme si nous déranger était la chose la plus naturelle au monde. Je ne suis même pas arrivée à l'école que déjà, les autres m'énervent. Et si tous les élèves lui ressemblent, l'année promet d'être encore plus longue que ce que j'ai prévu.

Comme je réfléchis, une veille dame vient frapper à la vitre, qu'elle fait coulisser. C'est une une femme si ridée que l'on a du mal à apercevoir ses yeux sous sa peau plissée. Elle nous sourit gentiment. Cette dame tire derrière elle un chariot empli de friandises, de bonbons de toutes sortes et de toutes les couleurs. À les regarder, l'eau me monte à la bouche.

- Vous voulez quelque chose? nous demande-t-elle, en désignant le chariot de sucreries.

- Non merci, nous n'avons pas faim pour l'instant, dis-je en souriant, même si le cœur n'y est pas, tout me déprime dans cette nouvelle vie.

- Et puis,, que vous vendez ici est très mauvais pour la santé, vous le savez ça ? s'énerve Erin à ma suite.

- De toute nous n'avons pas d'argent sur nous, conclue Haley.

La femme nous regarde ahurie, il arrive souvent que l'on fasse cet effet aux gens. Nous enchaînons les unes à la suite des autres, dans la même ligne de pensée, et nos phrases forment un seul propos. La vieille femme hoche la tête, ferme la porte et s'éloigne de notre compartiment. Je me penche alors vers la vitre pour la suivre du regard. Je vois d'autres élèves, en nombre stupéfiant qui parlent entre eux, qui rient et s'amusent. Je n'ai jamais été très à l'aise avec les gens et sans mes sœurs à mes côtés, je me sens seule et incomplète. C'est avec elles que je suis née, c'est avec elles que je veux mourir, ça finit là. Si quelqu'un se met entre nous, je le tuerai de mes propres mains. J'ai hâte de sortir de ce train infernal, cela fait trop longtemps que j'y suis enfermée, mais je redoute l'arrivée à Poudlard. Les autres me font peur et je redoute d'être séparée de ma seule famille. Et si les cours sont trop durs, et que je ne puisse passer mes ASPIC... J'ai des espoirs, mais trop de craintes pour pouvoir être sereine.