[Je ne suis pas la créatrice du Voyage de Chihiro, ni n'est affiliée à aucun de ses créateurs ou distributeurs. Je ne tire aucun profit de cette production, autre que celui de m'améliorer et de m'amuser.]

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{Cette fanfiction a été commencée sur un coup de tête, vraiment, mais il semblerait que ça croche de mon côté. On va voir ce que ça donne.}

01 – Bus

- Chihiro ! Je t'ai dit d'arrêter avec le téléphone il y a cinq minutes, » tonna sa mère depuis la cuisine. Elle apparut brièvement à la porte, un couteau à la main et un tablier serré autour de son tailleur vermillon. Elle s'était à peine donnée le temps de refaire son chignon avant de s'atteler à la préparation. « Je vais manger sans toi si ça continue.

La jeune fille couvrit le combiné de la main, l'air ennuyée par l'intervention.

- Attends ! Trente secondes, c'est important. S'il-te-plait ?

- Chihiro, tu as eut deux heures pour discuter. Ça suffit un peu, non ? » La femme dû faire face à un long silence, et au regard insistant de sa fille. Elle se permit un soupire qui sous-entendait qu'elle exagérait. « D'accords, trente seconde et tu mets la table. Mais pas une de plus. » Avant que sa fille ne puisse formuler une réponse, elle était déjà de retour à ses fourneaux.

Chihiro recolla le combiné à son oreille.

- Non mais là je suis désolé, je dois vraiment partir... Oui, c'est ma mère qui veux que je mette la table... Oublie pas, il te méritait vraiment pas, c'est un idiot, tu es belle et courageuse sans lui, ok ? ... Oui c'est ça, bises, je t'aime aussi... Bises... Oui, Mi-chan. Je te vois demain, à l'école... Non, tu viens, comme ça il verra que tu n'as pas besoin de lui...

- Chihiro !

- Là je dois vraiment y aller. Tu viens demain, tu es forte, il ne te mérite pas. Bise bise ! Je t'aime... Bye bye. » Chihiro reposa le combiné avec soulagement. Ce n'était pas qu'elle n'appréciait pas Ayumi, mais cette dernière avait un cœur d'artichaut et un goût prononcé pour les séparations particulièrement dramatiques. À chaque fois, Chihiro devait la dissuader de se suicider, avant de l'écouter en parler pendant des heures. Elle complaisait pour lui faire plaisir, mais à l'intérieur d'elle, elle commençait à en avoir légèrement marre, surtout que c'était la même farandole à chaque fois.

Elle rejoignit sa mère d'un pas libéré. Elle ne le lui avouerait jamais, mais elle lui était reconnaissante de son intervention, qui interrompait une conversation qui tournait en rond depuis le début.

- Ton père fait des heures supplémentaires, ce soir, on ne sera que deux, » annonça platement sa génitrice en tirant sa casserole du feu.

- Encore ? On n'a pas assez d'argent comme ça ?

- On a prévu de partit pour les vacances sur la Côte d'Azure, en France. C'est un endroit qui coûte cher.

- Mais on est obligé d'aller à la Côte d'Azure ? On est obligé d'aller en vacances ? Il se passe des choses ici aussi. On ne reste jamais à la maison.

- Ne fais pas ta difficile, Chihiro, et mets la table.

La jeune fille haussa les épaules, et s'exécuta sans poser d'autres questions. Elle savait d'expérience que sa mère avait des principes, et que dans le cas où la conversation s'attardait dessus, il ne servait à rien de pousser le bouchon.

Elle mangèrent en silence. Yûko Ogino n'était pas femme à s'épancher sur sa journée, et Chihiro préférait parler avec son père. Leur relation n'avait jamais été facile, et elles le savaient toutes les deux implicitement. La jeune fille attendit pourtant poliment que sa mère eut terminé de manger, avant de débarrasser avec elle et de monter dans sa chambre avec un vague « bonne nuit ».

Sa chambre était étroite, mais suffisante. Son lit était directement situé sous la fenêtre, à l'opposé de la porte, son bureau à droite, son placard à gauche. Elle était obligée, à cause du manque de place, de la garder rangée si elle voulait survivre. Une journée d'inattention, et elle se retrouvait à slalomer entre ses affaires pour atteindre son lit. Elle aimait particulièrement le fait que son matelas se trouvait juste en dessous de la vitre, ce qui faisait que la seule chose qui l'empêchait de rouler dans le vide était le Plexiglas.

Habituellement, elle aurait traversée cette chambre pour fouiller ses draps à la recherche de son pyjama sans même réfléchir, comme tous les soirs. Mais aujourd'hui, pour une raison qu'elle ignorait, elle s'arrêta sur le seuil, et la contempla. Elle avait entendu dire que la chambre reflétait la pensée de la personne qui y dormait. Qu'est-ce que cette chambre disait sur elle ?

Tout d'abords, elle ne vit rien que son placard, son bureau, son plancher et son lit. Puis, elle se rendit compte qu'elle avait très peu. Ce que ses parents lui offrait à Noël et à son anniversaire, elle s'en servait, puis dès qu'elle n'en voulait plus, elle s'en débarrassait. Récemment, elle avait trouvée une technique pour économiser le peu de place qu'elle avait : pousser ses parents à lui offrir un ordinateur, puis des programmes coûteux. Le premier, elle le plaçait sagement sur son bureau vide, tandis que les seconds disparaissait à l'intérieur. Elle avait quelques vêtements, le minimum pour survivre jusqu'au prochain lavage, pas de souvenirs, pas de décorations, même pas de poussière. C'était la chambre d'une personne qui ne s'attendait pas à rester longtemps, qui s'apprêtait à partir.

Elle croyait même savoir où : elle attendait la réalisation d'une promesse vieille de quatre ans. Elle attendait qu'un certain dragon vienne se percher à cette fenêtre pour l'emmener dans son monde. Et, inconsciemment, elle avait organisé sa chambre en fonction. Même le lit était à la bonne hauteur.

Quatre ans déjà. C'était long, tout de même, quatre ans. Assez pour changer une vie, en tout cas, et Chihiro le savait. Elle n'était plus la petite gamine chétive et peureuse qui avait mis ses pieds chaussés de baskets roses à Aburaya ; elle avait grandis en une jeune fille qui compterait fièrement quinze ans dans trois mois. D'accord, depuis un certain voyage, elle voyait les esprits qui vaquaient à leurs affaires parmi les humains, mais tant qu'elle n'en parlait à personne, elle ne sera pas envoyée en hôpital psychiatrique. Mais à part cela… Elle était bien à sa place, dans sa petite ville, entourée de sa famille et ses amis.

Elle s'assit sur son lit, et fixa la surface assombrie pas la nuit, au travers de laquelle perçait l'oeil unique du lampadaire devant chez elle. Elle se souvenait de son séjour, ainsi que de son retour dans un monde où tout le monde les cherchait depuis trois jours. Un monde où elle s'était trouvée mal, après toutes les choses merveilleuses qu'elle avait vues et vécues.

Les premier temps, elle n'avait pas eut de repos. Elle avait fébrilement attendu que Kohaku se décide à descendre du ciel pour l'emporter sur son dos, mais elle avait attendu en vain. Puis l'école avait commencé, elle avait rencontré ses camarades de classe. Ils avaient été intriguée par elle, non seulement parce qu'elle était nouvelle, mais parce que son arrivée, avec sa disparition, avait fait beaucoup de bruit dans la région. Elle leur avait affirmée qu'elle ne se souvenait de rien, comme ses parents, plutôt que de leur parler de son voyage. Elle avait vraiment essayée de ne pas se lier à eux, pour ne pas souffrir lorsqu'elle partirait. N'avait-elle pas fait attention ? Quand est-ce qu'elle avait baissée la garde ? Avant qu'elle ne le sache, elle s'était fait embarquée dans un cercle d'amis où elle se sentait accueille et appréciée.

Son attente s'était fait plus sereine, plus calme. Elle avait toujours espéré qu'il vienne, mais… Plus tard, peut-être, dans une semaine, un mois, une année. Avant, il y avait ce pique-nique, puis cet anniversaire, puis cette visite, et cette séance shopping… Elle devait aussi se concentrer sur ses études. Elle n'avait pas encore d'idées précise, mais elle voulait faire un métier à responsabilité, comme sa mère, dans une grande entreprise. Peut-être dans l'hôtellerie.

Presque sans s'en rendre compte, avec les années, elle avait arrêté d'attendre. Et maintenant qu'elle se tenait là, dans sa chambre, elle voyait enfin à quel point elle avait changée. Elle ne voulait plus partir. Elle avait des amis, une famille qu'elle ne pouvait pas simplement quitter comme cela, sur un coup de tête. Que ferait Ayumi sans elle ? À quoi servirait toutes ses heures de révisions et toutes ses bonnes notes ? Il y avait eut un temps où elle était sans attache, fraichement arrivée dans une école qu'elle ne connaissait pas, dans une ville inconnue. Et ce temps était révolu.

Demain, elle décida, elle allait demander à son père si elle ne pouvait pas s'installer dans la grande chambre d'ami au lieu de celle-là.

Elle en avait marre d'attendre.

§

- Je n'arrive pas à croire que j'ai aimé ce type, » commenta Ayumi, son large front collé à la fenêtre. « Regarde comme il est moche. La pauvre, franchement, elle le prend parce qu'elle pense qu'il est gentil, mais elle ne sait pas ce qui l'attends. Quand il va la jeter…

Chihiro hocha la tête. Personnellement, elle pensait que l'ex de son meilleur ami n'était pas si moche que ça (même s'il n'était pas son genre), et qu'il avait vraiment l'air d'aimer sa nouvelle copine, mais Mi-chan n'était pas d'humeur à entendre ses arguments. Elle était dans la phase de rejet, qui intervenait habituellement après sa phase de lamentation, et Chihiro aurait tout donnée pour pouvoir la laisser seul jusqu'à ce qu'elle se calme et qu'elle redevienne normale, sans qu'elle se sente abandonnée. Il ne fallait pas croire que la jeune fille n'aimait pas sa meilleure amie, mais il y avait juste des moments où elle mettait sa patience à l'épreuve.

- Je promets que je ne tomberais plus jamais amoureuse de ma vie, » jura la noiraude en se décollant de la vitre. « Je m'en fiche si je finit vieille fille, tant que j'ai des amies et le karaoké. D'ailleurs, on devrait s'en faire un ce soir.

- Bonne idée, » commenta Chihiro, « mais… je ne sais pas si ma mère sera d'accord.

- Tu fais comme d'habitude, tu demandes à ton père, il dira oui.

- Ouais… je lui enverrai un message. Mon père fait plein d'heures supplémentaires en ce moment, on va aller en vacances en France.

- En France ? Tellement de chance ! Je peux venir dans la valise ? » toute pensée de son ex envolé, Ayumi avait des étoiles dans les yeux. « Ce serait tellement mieux que la maison de mes grand-parents ! Il n'y a même pas le réseau, là-bas…

- Non, je ne penses pas que ma mère sera d'accord.

- Elle est pénible des fois…

- Oui…

Chihiro recula sa chaise, contemplant le plafond. C'était la pause du matin, et il restait à peines quelques élèves dans leur classe. Ayumi et elle s'étaient prises de chaises près de la fenêtre, afin d'observer ce qui se passait dans la cour du lycée et de profiter des premiers rayons de soleil du printemps sans le vent.

En ce moment, la brune songeait à sa mère. Elle regrettait vraiment de ne pas avoir une meilleur relation avec elle. Elle voyait pourtant les autres filles, dont Ayumi, qui s'entendaient très bien avec la leur, discutant de leur problèmes avec, et écoutant leurs conseils en retour. Chihio les enviait. Entre sa mère et elle, il n'y avait qu'un mur de silence. La jeune fille ignorait qui se trouvait sous le masque de femme parfaite, cadre dévouée, bonne cuisinière et bonne ménagère, et elle n'avait pas l'impression que sa mère allait jamais lui révéler quoi que ce soit du fond véritable de sa pensée.

Elle regarda machinalement dehors, avant de retourner au plafond immaculé. Lorsqu'elle se rendit compte de ce qu'elle venait d'apercevoir, elle se redressa et scruta dehors. Elle n'avait pas rêvé. Il y en avait bien un, juste à côté de la grille à l'entrée, sur le trottoir.

Un Kaonashi regardait les élèves qui trainait dans la cours devant l'école, l'air impassible typique de ses semblables sur son masque blanc. La jeune fille sentit l'habituelle curiosité à leur égard poindre à sa vue. Le premier qu'elle avait rencontré, à Aburaya, était finalement devenu son ami, mais elle n'avait jamais oublié son appétit vorace ni la destruction qu'il avait causé, même si c'était sous l'influence de l'endroit. Pour cela, elle avait préféré se tenir à distance des autres qu'elle avait rencontré. Ce n'était pas très compliqué, ils étaient assez rare : tout au plus en avait-elle vu deux autres pendant sa vie. Avec celui-là, cela en faisait trois.

Le comportement de ce dernier, debout en dehors d'un bâtiment dont il surveillait l'activité, ne la surprenait pas tant que cela. Elle avait apprit en les observant de loin qu'il ne pouvaient pas rentrer quelque part sans y être invités. Elle supposait qu'il voulait rentrer dans l'école, mais elle n'en voyait pas l'intérêt. Il n'y avait pas beaucoup de nourriture, et elle ne pensait pas qu'il pourrait avaler un élève en passant inaperçu.

- Qu'est ce que tu regarde ? » demanda Ayumi, curieuse.

- Il est vraiment moche, tu as raison, » mentit Chihiro sans hésiter. Elle entendait beaucoup cette question lorsqu'elle s'oubliait à fixer des esprits qui passaient.

- Tu as vus, hein ? Franchement, je suis heureuse qu'il m'ait quitté. J'allais le faire moi-même tôt ou tard.

Chihiro ne répondit pas. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle avait l'impression que les yeux peints sur le masque de l'esprit la fixait.

§

- On devrait se faire une soirée comme ça plus souvent, » commenta Sakuko en tirant une bouffée de sa cigarette, juste après le karaoké.

- Chaque fois qu'Ayumi se sépare ! » proposa Yui joyeusement, malgré sa vois enrouée d'avoir trop criée. Elle s'agrippa au bras de son petit ami, Takuro, qui lui semblait regretter d'avoir accepté d'être le seul garçon à venir. « Comme ça, on fera ça plein de fois !

- C'est pas si souvent que cela, » s'offensa l'intéressée.

Chihiro se contenta se sourire, voyant à quel point ses amis s'étaient amusée. Comme d'habitude, elle avait chanté comme une casserole et avait préféré discuter avec Ayumi, qui était de nouveau elle-même, mais cela ne l'avait pas empêché de s'amuser.

Elle avait bien fait de demander à son père en premier si elle pouvait sortir ce soir. Elle avait reçu son portable il n'y avait pas si longtemps que cela, pour le Noël passé, et s'en était servit pour lui envoyer un message alors qu'il était au travail. Elle avait reçu la réponse peu de temps après – qu'elle avait bien sûr l'autorisation de sortir, puisqu'il savait qu'elle travaillait bien à l'école – et elle avait juste eut besoin de prévenir sa mère qu'elle rentrerait plus tard.

Un coup d'oeil à sa montre fit battre son coeur un peu plus vite.

- Je vais être en retard pour mon bus ! » Elle prévint ses amis. « À demain, tout le monde !

- Salut salut ! » fit Yui, tandis que Sakuko se contenta d'un signe de la main.

- Chi-chan ! Merci pour tout ! » s'écria Ayumi. « Je t'adore !

Chihiro allait répondre, mais la pensée qu'elle pouvait manquer le bus à tout moment l'en empêcha. Elle se mit à courir de toute ses forces. L'arrêt était juste au-delà du coin de la rue.

Elle sentit toute le stress retomber lorsqu'elle le dépassa et aperçu une vieille dame qui attendait sous le panneau avec son panier à provisions, signe qu'elle ne l'avait pas raté. Elle parcourut tranquillement les derniers mètres, et se mit à attendre aussi.

Se sentant un peu ridicule d'avoir couru, elle s'agita un peu, se penchant en avant pour regarder le long de la rue si le véhicule arrivait, avant de se redresser. Elle capta un mouvement du coin de l'oeil, tourna machinalement la tête, et sentit son coeur déraper avant de se lancer lui-même dans un sprint.

Un Kaonashi se tenait à côté d'elle, si près que s'il avait eut une chaleur humaine, elle l'aurait sentie. Il se tenait droit comme un i, son masque tourné devant lui, l'air de penser à rien. Chihiro se contenta d'un coup d'oeil, avant de se tourner de nouveau et faire comme si elle ne l'avait pas vu. Est ce qu'il venait aussi d'arriver à l'arrêt ? Elle ne l'espérait pas. Cela voulait dire qu'il se serait volontairement placé à côté d'elle. même si elle savait que ses semblables ne feraient pas de mal à une mouche (sans raison), il n'empêchait que son intrusion dans son espace personnel la gênait.

Est ce que c'était le même que ce matin ? Elle supposait que oui. Ces esprits étaient assez rares pour qu'elle puisse dire avec assurance qu'il était peu probable qu'il y en ait deux dans la même ville en même temps.

Le car s'arrêta devant eux avec un grincement, interrompant ses réflexions, et elle se rendit compte qu'elle n'avait pas encore sortit son abonnement. La porte s'ouvrit en un chuintement, et les notes dissoute d'une chanson à la mode s'envolèrent dans l'air du soir, échappées de la radio du conducteur. Chihiro mit la main sur son porte-monnaie, le tirant des méandres obscures de son sac, et présenta fièrement son abonnement au chauffeur en passant. Elle était rassurée à l'idée que l'esprit ne pouvait la suivre. Elle ne l'avait pas invitée à rentrer, et elle était apparemment la seule à le voir.

Le bus était moyennement remplit, un avant-goût des heures de pointes. Chihiro s'installa à la première place libre, du côté fenêtre : elle préférait avoir quelque choses sur quoi s'appuyer lorsqu'elle était dans le bus, et regarder dehors était relaxant. Pourtant, elle sentit ses cheveux se dresser sur sa nuque lorsqu'elle entendit le siège à côté d'elle grincer légèrement sous un poids. Elle glissa un regard vers les genoux de la personne, et il n'en fallut pas plus pour apprendre que son voisin était grand, noir et légèrement transparent.

Comment était-il monté ? Sa mémoire choisit ce moment-là pour glisser la vision d'elle il y avait quatre ans, alors qu'elle prenait le train pour se rendre chez Zeniba. Le Kaonashi qui l'avait accompagné était monté aussi. Peut-être que l'ouverture de la porte pouvait être considéré comme une sorte d'invitation pour tout ceux qui se tenaient sur le quai ? Ou alors est-ce que les voitures et les autobus comptaient comme des endroits n'appartenants à personne ?

En tout cas, une chose était certaine. Cet esprit, peu importe ses intentions, la suivait de très près, et cela ne la rassurait pas. Habituellement, ils ne faisaient pas spécialement attention à elle, tout comme elle passait son temps à les ignorer. C'était bien la première fois que l'un d'entre eux s'approchait délibérément d'elle.

Une hypothèse prit forme dans son esprit. Se pourrait-il qu'elle connaissait ce Kaonashi ? Que ce soit le même qu'elle a laissé rentrer à Aburaya un jour de pluie ? Ce n'était pas probable. Quand elle l'avait quitté, il semblait heureux chez Zeniba, il avait trouvé une maison et un rôle. Pourquoi quitterait-il ce havre pour s'aventurer dans un monde aussi différent que celui des humains ? A moins qu'il s'était passé quelque chose – cette idée lui colla des frissons. Elle avait mis à mal Kohaku sans trop d'efforts, alors qu'il n'était pas mauvais magicien lui-même et un dragon par-dessus le marché. Et même s'il s'était quand même passé quelque chose, pourquoi viendrait-il la trouver, elle, Chihiro ?

Non. Ce n'était pas logique. Ce Kaonashi ne pouvait pas être le Kaonashi. Il la suivait sûrement pour une autre raison. Peut-être qu'il l'avait vu ce matin en train de le regarder, et qu'il n'avait rien de mieux à faire que de s'assurer qu'elle pouvait voir les esprits. Oui, il n'y avait pas à s'inquiéter. Il était probable qu'il la laissera tranquille une fois arrivée devant chez elle, voyant qu'il ne pouvait pas la suivre plus loin.

Le car stoppa encore à quelques arrêts en centre-ville, se remplissant encore plus de gens anonymes. La plupart restaient debout, le visage baissé, tandis que le voyage continuait. Elle avait l'impression de revivre ce moment sur le train, avec la mer qui s'étendait dans toutes les directions autour d'elle, perdue parmi une masse de gens sans visages, mais avec ses nouveaux amis. Elle chassa rapidement la nostalgie qui s'empara d'elle. Elle pouvait ressasser le passé plus tard.

Ils sortirent du centre ville, et tandis qu'ils montaient la colline, le transport publique se vidait petit à petit, tandis que les arrêts s'espaçaient. Finalement, elle aperçu son arrêt au loin, solitaire sur la route sinueuse. Elle se leva, mais resta devant son siège, pas très sûre comment elle allait passer l'esprit qui bloquait la route. Heureusement que, voyant qu'elle allait descendre, il se leva à son tour et fit un pas de côté. Elle pressa sur le bouton stop, et le bus se mit à ralentir. Elle descendit d'un bond sur le goudron, et s'éloigna en direction de sa maison sans un regard en arrière.

Le plus dur fut de ne pas se retourner. Elle pouvait jurer qu'elle sentait le regard vide d'un masque blanc fixé sur sa nuque, mais ne pouvait s'autoriser à en être certaine, sinon elle se mettrait à courir. Elle devait rester calme. Même s'il la suivait, ce dont elle ne pouvait pas être sûr puisqu'elle ne regardait pas, il ne pouvait lui faire du mal.

Ou du moins, elle l'espérait de toutes ses forces.

Elle passa la grille du jardin alors que tombait les toutes premières gouttes des averses que la météo avait prévu pour le début de la soirée. Deux marches à monter, et elle était abritée sous le porche. La porte déverrouillée s'ouvrit sans un grincement, et le dernier regard qu'elle jeta derrière elle lui révéla que la rue était vide.

§

{Il y a trois éléments dans ce chapitre qui demande des précisions.

Tout d'abord, les quatre Oc,Ayumi, Sakuko, Yui et Takuro, qui pourraient faire peur. Honnêtement, ce sont plus des figurants que des vrai personnages, à part peut-être Ayumi, la meilleure amie de Chihiro.

Deuxièmement, on peut dire que la personnalité de Chihiro ne colle pas totalement avec celle du film, mais on doit quand même se rendre compte que quatre ans, surtout à cet âge, c'est long. J'ai essayée de présenter une jeune fille absolument normale, peut-être un peu plus mature pour son âge qu'elle ne le devrait à cause de ce qu'elle a vécu, et avec des soucis du côté parental (mais cela viendra plus tard).

Troisièmement, je sais que Chihiro n'est pas supposée se souvenir de son voyage, d'après les dires de son créateur. Mais comme cela n'est pas mentionné dans le film, j'ai préférée prendre les devant et faire comme si je n'avais pas fait de recherches. Je trouve que c'est plus intéressant de dire qu'elle se souvienne de tout, et qu'elle puisse voir les esprits par-dessus le marché. Sans ce détail, cette fanfiction n'aurait pas lieux d'être.

En espérant vous revoir la prochaine fois,

Clayem}