Mourir Demain

Je n'aurai jamais pensé que ce jour viendrait. Je n'aurai jamais imaginé voir la fin de toutes choses arrivée. Quel étrange destin, n'est-ce pas ?

S i o n d e v a i t m o u r i r d e m a i n .

L'enfer. Voilà ce qu'est devenue cette Terre depuis deux jours déjà. Ce soir est le dernier. Le tout dernier. Certains s'enferment chez eux pour pleurer. Certains en finissent avant l'heure. Certains prennent les derniers avions, à destination de n'importe quel autre endroit. Ils fuient. Nous fuyons tous. Certains se réfugient dans les bras de ceux qu'ils aiment. Je croisfaire partie de ces personnes. Mais alors, que fais-je encore ici ?

Q u ' e s t – c e q u ' o n f e r a i t d e p l u s ? Q u ' e s t – c e q u ' o n f e r a i t d e m o i n s ?

Je cours. Comme je ne l'ai jamais fait. Je ne sais pas d'où me vient cette énergie, cette ardeur, cette rage de terminer en beauté. Sûrement de lui. Après tout, c'est bien lui que je recherche à présent, non ? J'arrive enfin devant l'immeuble désiré. Un bâtiment comme les autres, fait de pierres grisâtres, mornes. Aujourd'hui, il me paraît sous un angle différent. Il ressemble à un immense sapin de noël, tout illuminé. Un symbole d'espoir et de rêve, qui ne s'éternise jamais. Je pousse la porte précipitemment, monte les marches quatre à quatre sans reprendre mon souffle, sans ne serait-ce que prêter attention à mes pas rapides et dangereux qui frôlent chaque marche, jusqu'à me poster devant une porte parmi toutes les mêmes autres. Au fond de moi, je m'attends à ne pas le trouver. Je m'attends à ce que lui aussi se soit en allé, je ne sais où, voir sa famille peut-être, ou tout simplement s'évader ailleurs. Satoshi aime la liberté. Je me risque tout de même à frapper, mon regard perçant braqué droit devant moi. Combien de secondes se sont écoulées avant que la porte ne s'entrouvre doucement ? Cinq ? Dix ? Vingt ? Cela me parut une éternité. L'intérieur de l'appartement qui se dessinait derrière la silhouette semblait plongé dans l'obscurité. Que faisait-il ? Attendait-il ? M'attendait-il ?

« Kazu … »

J'en eu la certitude. L'homme se recula dans l'ombre de l'entrée, me laissant passer, ce que je n'hésitai pas à faire. J'avais besoin de lui. Je ne pris pas la peine de fermer derrière moi, je me contentai d'avancer lentement vers Ohno, nos regards encrés l'un dans l'autre, jusqu'à le coincer contre un mur, mes deux mains encadrant son visage. Nous restâmes ainsi durant un moment, à nous regarder, à communiquer silencieusement, jusqu'à ce que nous n'en puissions plus et que nos lèvres se scellèrent en un baiser qui nous était jusque là encore inconnu, à la fois tendre et passionné, à la fois doux et sauvage. Si les instants qui allaient venir feraient partie des derniers, alors ils devraient être les plus intenses. Les plus magiques. Je détachai lentement mes lèvres des siennes, et je les approchai de son oreille afin d'y murmurer.

« Tant que je suis là, près de toi … »

Je le sentis frissonner et serrer mon bras.

E t s i o n d e v a i t m o u r i r d e m a i n ?

« … Tant que nous sommes ensembles, Satoshi … »

Je glissai un doigt sous son menton afin de lui relever la tête qu'il venait de baisser pour cacher les larmes qui coulaient le long de ses joues pâles.

Q u ' e s t – c e q u e t u f e r a i s d e p l u s ? Q u ' e s t – c e q u e t u f e r a i s d e m o i n s ?

« … Tant que nous serons là pour l'autre, tant que nous serons toi et moi, rien ne pourra nous effrayer. Rien. »

Une larme roula sur ma propre joue et s'échoua sur mes lèvres, alors qu'Ohno enfuiait son visage dans mon cou. Je l'entendis me répondre doucement, dans un souffle.

« Rien. Mourir demain ne nous effraie pas, tant que nous serons ensembles. »

E t s i o n d e v a i t m o u r i r d e m a i n ? M o i , j e t ' a i m e r a i .