Format : multi-chapitres
Genre : romance, "univers alternatif"
Timeline : passé
Univers : manga
Spoilers : arc 1 (sur le passé/les liens entre les personnages)
Statut : terminé, sept chapitres
Publication : bi-hebdomadaire, mercredi et dimanche (vu que c'est terminé)
Note importante : Cette histoire est une collaboration avec Elendrhys. Il s'agit d'un passage particulier d'un scénario élaboré par ses soins, beaucoup plus vaste au départ, d'où l'absence d'établissement d'un contexte ou l'entrée directe dans le vif du sujet. Néanmoins, le tout est compréhensible sans cela. Je poste avec son autorisation.
Chapitre 1 : Liesse douce-amère
Partout au dehors, la foule se réjouissait depuis des heures. Le peuple célébrait la naissance de l'héritier du Prince d'Elysion qui s'était passée sans encombre au lever du soleil, comme un symbole. Les gens festoyaient, chantaient, remerciaient leur déesse Ymai du don qui venait de leur être fait et ils ne cessaient de déposer des cadeaux devant le palais pour féliciter les heureux parents.
Dans le château, l'ambiance était plus retenue. Les gens murmuraient leur enthousiasme ou échangeaient de grands sourires. Très rares étaient ceux que la naissance n'avait pas enjoués. Certaines femmes de la cour ou leurs parents grinçaient des dents de jalousie car jusqu'à maintenant, il était cru que la Princesse Beryl ne pourrait jamais donner d'héritier à son époux et beaucoup voyaient cela comme la dernière chance de se faire une place dans la couche princière et peut-être même d'entrer dans la famille royale d'Elysion. Mais maintenant, l'espoir n'était plus permis. Toutefois, en tant que sujets du royaume, ces mécontents trouvaient tout de même heureux un tel évènement.
Mais ce que très peu de personnes savaient, c'était que le Prince s'était enfui du palais d'Elysion peu après la naissance, quand son père était venu le féliciter d'avoir retrouvé ses esprits et pris la bonne décision d'oublier sa Sélénite. Et personne ne savait où il était allé, leur message envoyé à la Lune, première idée du couple royal et de Kunzite, était revenu négatif…
Les gardes, les domestiques et quelques-uns des employés de rangs plus élevés tels que les maîtres d'armes, certains érudits et autres professeurs s'étaient rassemblés dans la cour des gardes et fêtaient dignement la chose autour d'une immense table couverte de victuailles et de boissons, sous l'approbation du Roi Anarion. Il avait lui-même partagé leur table une heure ou deux et certains nobles ou bourgeois, hommes ou femmes, étaient assis avec eux. Leurs vivas et leurs chants entonnés avec exaltation résonnaient contre les murs, brisant périodiquement le silence solennel dans l'enceinte de la demeure royale. Une chope à la main, Nephrite releva la tête lorsqu'il sentit un regard sur lui depuis l'une des fenêtres. Il leva sa pinte en direction de la silhouette qui l'observait et eut un sourire qui disparut bien vite. Quelques places plus loin, en face, Jadeite stoppa sa conversation avec le maître forgeron et le regarda faire son petit manège. En voyant faner le sourire de son comparse, il se retourna et mira lui aussi la fenêtre. Son propre sourire s'évanouit et les deux Shitennō échangèrent un long regard. Nephrite quitta sa place pour prendre celle en face de son comparse, usant de son charme sur la petite lingère pour qu'elle se décale.
« Crois-tu que nous devrions remonter ?
– Penses-tu que notre présence soit vraiment utile, mon ami ? Je crains que cette fois nous ne soyons impuissants à aider notre Prince. La seule chose dont nous ne pouvons le protéger est lui-même. Si dévoués soyons-nous, nous ne pouvons le protéger de son cœur.
– Kunzite pense certainement le contraire, contesta Nephrite en jetant un coup d'œil à la fenêtre où la silhouette ne se dessinait plus. Mais Kunzite fait partie de ceux qui sont capables de verrouiller leur cœur, ce que toi et moi sommes incapables de faire, mon ami. »
Le soupir qui accompagna ses derniers mots était lourd, très lourd. Jadeite se pencha par-dessus la longue planche de bois recouverte d'un drap qui fut blanc au début des festivités et attrapa la pinte de métal que son acolyte n'avait pas lâchée en bougeant.
« Je crois que tu as assez bu pour aujourd'hui, cela te fait dire des choses qui ne sont pas bonnes à être dites.
– Allons, chacun ici sait que je suis un invétéré coureur de jupons, jamais on ne croira qu'une seule femme a pu capter mon attention et voler mon cœur. Mais dis-moi, as-tu une si piètre opinion de moi pour penser un instant que je puisse m'enivrer quand je sais mon Prince si malheureux ? »
Et Jadeite eut la surprise de voir un liquide transparent aux reflets un peu dorés dans la grande chope, exhalant des effluves sucrés. Du jus de pommes ou de raisin blanc. Le blond inclina la tête en une excuse silencieuse et lui redonna le récipient. Mais Nephrite ne le prit pas et se leva. Le métal cogna en un bruit sourd contre le bois recouvert de tissu et, dans l'indifférence générale, ils traversèrent la cour de garde. À l'entrée, l'épaule appuyée contre l'arche de pierre qui tenait les lourds battants de la porte de bois et de fer, Zoisite attendait les bras croisés. Tous trois passèrent la salle des gardes puis prirent la direction de l'une des tours dont le long colimaçon donnait sur le chemin de ronde. De là, ils pouvaient observer à loisir les environs, le vent battant doucement la campagne. Au loin, le village s'était paré d'étendards aux couleurs d'Elysion et des tentures avaient été accrochées sur les bords du pont de pierre qui enjambait la rivière et qui tombaient dans l'eau, l'épais tissu ballotté par le courant. Le vent portait aux trois guerriers les chants lointains de ceux qui ne pouvaient se permettre de festoyer malgré l'évènement : des petites figures s'agitaient dans les champs d'or aux alentours au rythme des faux et des fléaux en ces temps de moissons.
« Comment va Beryl ? » demanda Jadeite, brisant le silence entre eux.
Et s'ils avaient du respect pour l'épouse de leur protégé, jamais entre eux ils n'utilisaient son titre. Elle n'était pas la véritable Princesse de leur Prince, à leur grand regret.
« Bien, à présent, elle se repose, répondit Zoisite en s'asseyant sur le rebord de pierre, face au vide. Le petit prince est en pleine forme.
– Tu as l'air exténué, remarqua encore une fois le blond en s'asseyant face au château.
– Je le suis. Nous ne l'avons dit à personne mais Beryl a fait une grave hémorragie, les guérisseurs et moi y avons passé toute notre magie.
– C'était si grave que cela ?
– Elle n'avait pas la volonté de se battre, il nous a fallu… ruser.
– Tu lui as menti. »
Jadeite venait d'énoncer clairement le sous-entendu fait par son compagnon de l'Est. Celui-ci n'acquiesça pas mais les autres comprirent son silence comme l'aveu qu'il ne voulait faire.
« C'était la meilleure… Non, l'unique solution et certainement pas la meilleure, soupira le jeune guérisseur. Même si cet espoir gangrène son cœur et la rend triste, il la fera continuer à vivre.
– Elle savait malheureusement à quoi s'attendre en épousant notre Maître. Ce mariage était non seulement un mariage de raison mais aussi pour tenter de–
– Kunzite est parti chercher le Prince. »
Nephrite, appuyé contre l'autre rebord du chemin de ronde en face de Jadeite, venait de prendre la parole pour la première fois depuis qu'ils étaient montés. Le guerrier du Sud se tourna vers le vide et leva les yeux, comme Zoisite, pour contempler l'immense quartier de lune qui brillait faiblement dans le ciel d'un bleu soutenu, éclipsée par le brûlant soleil de fin d'été.
« Je vais auprès de Beryl, je ne te laisserai pas la lourde tâche de lui mentir encore, mon ami, fit le brun quand le plus jeune lui jeta un regard par-dessus son épaule. Votre tact et votre sens de la diplomatie ne seront pas inutiles quand Sa Majesté comprendra que la Reine Serenity lui a menti.
– Où est la Princesse Sofiah ?
– La dernière fois que je l'ai vue, elle traînait dans les pattes de Kunzite, persuadée que son frère était sur la Lune et elle a essayé de lui ordonner de l'y accompagner, répondit Zoisite en descendant de son perchoir.
– Parfois, je me dis que c'est un miracle pour nous qu'elle n'ait pas de pouvoirs » lâcha Nephrite.
Aucun ne répondit mais ils n'en pensaient pas moins. Ils quittèrent leur perchoir et chacun se rendit là où son devoir l'appelait.
