Titre: Dark flash of lightning.
Auteur: Neska.
Fandom : Naruto.
AU. OOC.
Couples : SasuGaa + couples secondaires : NejiSasu, GaaHina, NejiGaa, KibaHina...
Rating : M (par la suite)
Premier chapitre: Feu.
Dark Flash of Lightning
FEU
Je m'appelle Gaara. Je suis né il y a dix-neuf ans de cela suite à l'étreinte maladroite d'un alcoolique indépendantiste originaire de Dublin et d'une prostituée amérindienne qui a eu le goût de claquer en accouchant, laissant l'Irlandais avec ses trois gosses sur les bras. Le tout probablement dans un bordel clandestin d'Oncida, état de New York. J'ai grandi tant bien que mal, et plutôt mal que bien, dans un bled du Massachussetts, puis, quand mon paternel menaça de réaliser son plus grand rêve (retourner se noyer dans le whiskey de Leinster), me suis tourné vers la ville lumière. Paris. J'habite dans le soixante-et-onzième quartier de Paris, à la Goutte d'Or. Mais laissons ça pour l'instant.
La salle d'attente dans laquelle je me trouve est meublée avec un luxe discret. Une sculpture en fil de fer qui doit valoir beaucoup plus que son poids en or oscille doucement dans un coin. Un courant d'air s'échappe de la fenêtre ouverte qui donne avenue du Président Wilson. Presque juste en face de mon fauteuil, une porte de bois verni porte une plaque dorée que je fixe depuis tout à l'heure d'un regard vide. La secrétaire, à ma gauche, jugeant sans doute m'avoir suffisamment fait poireauter, arrête un instant de chatter sur MSN et appuie sur le bouton de l'interphone.
— Monsieur le Directeur ?
— Miss ?
— Vous savez… Pour le poste de gardien suppléant du Musée d'Art Moderne en tant qu'emploi jeune de moins de 24 ans ?
— Ah oui ! Introduisez-le, je vous prie. Euh… qui ?
Quelle belle paire de manchots retardés…
— Monsieur No Sabaku, Monsieur. Je le fais entrer ?
— Faites donc.
— Euh…C'est que… Parce qu'enfin…
— Faites-le entrer, voyons !
— Bien, Monsieur le Directeur, capitule-t-elle en insistant sur les majuscules.
La porte s'ouvre enfin pour ce qu'Hinata appelle l'Epreuve Suprême. Celle en général que j'échoue à chaque fois.
Le premier regard.
J'entre dans le bureau du Conservateur. C'est un grand type aux longs cheveux blancs et qui a sûrement dû engager sa secrétaire plus pour son décolleté que pour ses diplômes. Dès qu'il me voit son sourire se fige puis les coins de sa bouche redescendent lentement comme s'ils glissaient de son visage. On pouvait presque entendre le bruit de ses intentions gluantes qui dégoulinaient.
Et bien sûr cet entretien se finit comme tous les autres :
— Désolé mais je crois que ça ne va pas être possible. On vous appellera.
Et mon cul c'est du poulet ?
Je sors de l'immeuble. Les gens ne me pensent même pas capable de rester debout huit heures d'affilée sans rien faire, planté comme un piquet au milieu des touristes et des groupes scolaires renfrognés. Ils préfèreraient embaucher une plante verte plutôt que moi.
Tssss…
Je sors mon portable et compose un numéro.
— Temari ?
— Non c'est la Joconde. Ne me dis pas que tu as oublié que c'est Mum's birthday ?
— Ben…
Non j'avais pas du tout oublié, simplement je devais aller à cet entretien et ma mère ne se préoccupe pas de la date à laquelle on vient lui rendre visite. Ça fait dix-neuf ans qu'elle est morte. Elle a été enterrée, bizarrement, en Bretagne, sous un monticule herbeux sans nom ni croix. Je soupçonne le patriarche de l'avoir enterrée dans ce bled au nom imprononçable pour éviter qu'on n'en parle.
— Je rentre me changer. Je peux être à Ploug-truc dans six heures, si je me dépêche, vous m'attendez ?
— Yah. It's Plouguerneau, you dumb. Kankuro a oublié la bière alors ramènes-en un pack, okay ? Et vas pas trop vite avec ta moto !
— Ouais, ouais. See ya.
Je coupe la communication en entrant dans le métro. Une fois chez moi, je claque la porte et balance les fringues de vieux que j'avais enfilé pour aller au Musée. Je ne suis pas porté sur la mode mais quand même il y a des limites ! Une fois habillé plus normalement, je me regarde dans la grande glace en pied de la salle de bains de mon appartement de poche. Pantalon noir, chemise noire, bottes de moto, et cette gueule que les embaucheurs n'aiment pas. Ce n'est pas parce que j'ai les cheveux coupés en brosse, les yeux cernés et les oreilles percées que je suis un zonard analphabète sous cocaïne ! Je m'approche de mon reflet. Je n'ai pourtant pas l'air méchant, si ? Avec mes cinquante kilos tout mouillé ? Peut-être la faute de mes traits las (« fatigué de naissance » aurait grogné mon père) sous les tâches de son qui me dévorent le visage. Plus vraisemblablement mes hélix percés de billes noires et mes tifs genre Poil de Carotte tondus inégalement. Ils sont en train de repousser et à la décharge des bien-pensants (qui n'aiment pas que/ l'on suive une autre route qu'eux, chantonne une voix de mauvaise réputation), on dirait un peu que des Hurons sortis du Dernier des Mohicans ont essayé de me scalper mais ont abandonné en cours de route.
J'attrape mon blouson - enfin j'hésite : le rouge ou le noir ? Le noir est en cuir avec un soleil et un aigle sur le dos, c'est une blague que m'a faite mon grand frère comme cadeau de Noël… Abruti de Kankuro. Mais bon je l'aime bien quand même mon frère (alors qu'il est monstrueusement chiant, et je n'exagère pas !). Et comme on va se voir là… Je prends le noir.
J'attrape mon casque de moto et un pack de bières dans le frigo. La flemme d'en acheter d'autres. Celles-ci sont à la cerise. J'adore ça ! Je suis le seul d'ailleurs. Bah, ils s'en contenteront bien. Il vaut mieux qu'ils ne boivent pas trop : être bourré dans un cimetière, c'est pas le top. Au parking, je charge les bières dans la sacoche de selle, baisse la visière de mon casque… Je sors de la ville, narguant les bouchons, zigzaguant entre les voitures…
L'autoroute, enfin… Il n'y a plus que l'horizon…
Le monde est à moi…
J'accélère, roulant au maximum autorisé, et je me laisse emporter par la vitesse. Le vent qui siffle dans les oreilles malgré le casque… Le paysage flou qui défile de chaque côté… Les ronronnements du moteur entre mes cuisses…
C'est trop bon !
Presque sept heures plus tard (faut bien faire des pauses), je verrouille, à moitié frigorifié, l'antivol de ma moto à la grille du cimetière.
Que la fête commence ! Ben quoi un anniversaire c'est censé être joyeux non ?
J'ai jamais connu ma mère étant donné qu'elle est morte à ma naissance mais comme avec mon frère et ma sœur on se voit pas des masses, son anniversaire est une bonne raison de stopper le temps quelques fois et de se raconter nos vies avec tous les petits détails totalement débiles et insignifiants qu'elles comportent. Il paraît que c'est ça la fraternité. Eh ouais…
22h34. Fraternité de mon cul. J'ai pris le dernier TGV pour « Paris - Montparnasse » parce que cet #$*=*#~ de Kankuro avait « absolument besoin de cette moto pour aller au boulot demain, vu que j'ai un spectacle et que ma voiture pourave est encore tombée en rade » et gna gna gna…
Plutôt pour emballer une fille tiens…
Comme si une cylindrée changeait quoi que ce soit au gars qui est dessus. Mais bon, il faut dire que mon frère pêche les poissons les plus accessibles. Ses copines ne sont généralement pas des prix Nobel.
Moi ? Je ne pêche pas. Autre chose à faire et trop mauvais caractère. Temari dit que si je ne suis jamais tombé amoureux c'est parce que je m'aime trop moi-même. C'est vrai que par le passé j'étais on ne peut plus narcissique. Ça me rappelle… Quand je suis arrivé à Paris, il y a trois ans, j'ai rencontré une fille à la Bibliothèque de mon lycée (oh la tête d'ampoule que je fais)… et je lui ai donné cette part de confiance en soi que j'avais de trop et qui lui manquait tant…
Ça faisait vingt minutes que je cherchais sans résultat ce foutu bouquin dont je ne me rappelle plus le titre, quelque chose comme le Traité des Nations ou approchant, et je commençais à perdre patience. Au détour d'un rayon, je suis brutalement entré en collision avec une montagne de livres portés par quelqu'un qui disparaissait derrière la pile.
— Oh pardon ! J-je suis vraiment, vraiment d-désolée !
— …
— Euh… vous… vous allez bien ?
— J'ai l'air d'aller bien ?
— D-désolée je… je n'ai p-pas fait exprès je…
— C'est quoi ton problème ?
— Q-quoi ?
— C'est moi qui t'ai percuté. Don't talk cack ! me suis-je énervé sans raison (ça m'arrive souvent.)
— Ah… Désol-
— Arrête de t'excuser, bloody hell !
Je n'étais pas arrivé en France depuis longtemps et de toute façon, contrairement au méchant de Matrix, j'ai toujours préféré les jurons américains. L'adolescente restait silencieuse. Elle se contentait de me regarder en tremblant et ses yeux d'un bleu si clair brillaient de larmes contenues. Elle était pas trop mal, malgré ses fringues de remake de La petite maison dans la prairie, de taille moyenne, de jolis seins, des cheveux noirs coupés au carré et de grands yeux aux cils infinis. Après un instant de flottement, elle avait entrepris de ramasser ses livres éparpillés et de les poser sur une table. Puis elle s'est tourné vers moi et a bégayé, en me tendant un tube de pommade (j'ai appris plus tard qu'elle se trimballait toujours avec une pharmacie sur elle) :
— T-tiens c'est… enfin avec mes livres… euh… t-tu as un bleu… euh… s-sur la joue…
— Arrête de bégayer.
— D-désolée mais-
— Stop it ! Arrête de t'excuser et file moi ce truc. C'est quoi ton nom ?
— Hinata H-h-yug-g-a…
Je me suis servi de son gel, lui ai rendu et suis reparti, ne voyant franchement pas l'intérêt de rester en compagnie d'un autre être humain. Une phrase m'a retenu :
— Au revoir… Gaara !
— !?… Comment tu connais mon nom ?
— Je l'ai lu sur le registre. Je voudrais te dire une chose…
Le bégaiement avait disparu.
— Merci.
— What ? De quoi ?
— Pour m'avoir parlé. Pour avoir eu conscience de ma présence. Maintenant je me sens vivante. Tu sais…
Et puis là, elle a commencé à me…raconter sa vie ? Je sais plus trop ce qu'elle a fait, mais je me souviens que j'étais scotché. Je me souviens aussi que j'ai senti un truc qui se passait entre nous. C'était facile de parler avec elle. Et, chose étrange, j'avais plus envie de la lâcher.
Quand elle raconte des histoires, Hinata, elle est transfigurée. Plus le moindre bégaiement, la moindre hésitation. Sa voix est plus chaude, moins aigüe, sans jamais perdre sa douceur. Elle affiche ses émotions dans ses récits, et je l'enviais pour cela parce que moi je n'y arrivais pas. Je n'arrivais pas à parler et elle n'avait personne pour l'écouter. C'est grâce à moi qu'elle est ce qu'elle est maintenant et c'est grâce à elle que je suis qui je suis. On s'est construit l'un l'autre, et de deux solitaires, on est devenus deux amis. Elle est la petite sœur que je peux protéger et je suis le grand frère qu'elle peut taquiner. Même si on a le même âge, et que je ne suis pas très grand. Je la dépasse d'à peine cinq centimètres. Mais bon, ma taille, on s'en fout.
Voyons voir ce compartiment… Putain, il est aussi bourré que les autres. Ah non ! Il y a une place là-bas ! Sans faire le moins du monde attention à mon voisin, je m'installe et sors mon MP3 (oui, le vieux 512 Ko à pile). Merde, j'ai plus qu'une barre de batterie ! J'espère que ça suffira pour le trajet… mmh… Lecture aléatoire…Voyons voir sur quoi je tombe…
« Nothing Else Matters — Metallica ».
Perfect. Je ferme les yeux. « Forever trusting who we are… And nothing else matters… »
Mmmh… j'adore cette chanson. C'est tout moi. Doux et violent à la fois, lent mais résilient. Ouais. C'est un mot de Temari, ça. Résilient. Je crois qu'elle essayait de me consoler de ma carrure de crevette sous-alimentée. En gros ça veut dire que je ne peux pas donner de coups mais que j'arrive très bien à en recevoir. Elle ajoutait ensuite qu'elle ne parlait que de coups physiques, vu que côté psychique, j'avais la sensibilité et l'empathie d'un tas de bois mort.
M'empêchant de pousser plus loin mon introspection délirante, une blondasse arrive bruyamment dans notre compartiment et s'assoit à côté du type dont j'ai vaguement eu vent de la présence, celui qui est pile devant moi, à environ quarante centimètres. Je suis très fort quand je veux. Je lève enfin mon regard sur lui. Il est grand, brun, typé asiatique, et il regarde par la fenêtre d'un air profondément ennuyé. Il est très beau aussi.
Ce qui est extrêmement agaçant. Pourquoi ? Parce que la blondasse — ne vous méprenez pas, j'ai rien contre les blondes, ma sœur est blonde, quoique, ce serait une bonne raison — cette fille, donc, semble-t-il, connaissait déjà le mec devant, avait flashé sur lui, ce qui lui donnait apparemment tous les droits pour babiller de sa voix criarde je ne sais quelles stupidités. Dingue, même avec la musique à fond, je l'entendais. Tout à coup, « Nothing else matters » a fini et je me suis pris « Before I forget » de Slipknot à plein volume. Aouch.
Obligé de baisser le son. Et donc de supporter CA :
— Dis Sasuke-kun, comment tu me trouves ?
Envahissante. Pour ne pas dire chiante.
— Au fait, Sasuke-kun, tu fais quoi ici ?
Il cueille des pâquerettes. Ça se voit, non ?
— Ah, Sasuke-kun, je t'avais pas dit…
Non. Et c'est pas la peine que tu dises.
— Tu sais quoi, Sasuke-kun ?
BORDEL MAIS ELLE VA SE TAIRE OUI ?
J'hallucine. Totalement. Parler autant pour ne rien dire, ça me sidère. Je vais chercher dans mon sac quelque chose à faire pour m'occuper… Ah. C'est vrai. J'ai pas de sac.
…
Je ne peux me retenir de soupirer. Le mec s'en est rendu compte, je le sens qui tourne la tête vers moi, même si je ne le regarde pas. La fille, non. Elle continue de parler. Le train déraillerait qu'elle s'arrêterait pas. Lentement, je me mets à somnoler, essayant de trouver une position confortable sur des fauteuils visiblement conçus pour n'en offrir aucune, avec en bruit de fond ma musique qui pulse à travers le babillage incessant…
Quelques heures plus tard (j'ai enfin fini par m'endormir, j'ai des courbatures qui le prouvent), Requiem vibra dans ma poche. Requiem, c'est mon téléphone portable. Quoi, vous donnez pas de nom au vôtre ? Moi si. Il s'appelle comme ça parce qu'il est déjà mort plusieurs fois, mais il a ressuscité. Grâce à la petite sœur d'Hinata, je dois dire. Cette gamine est épatante, elle branle rien en cours (en même temps, elle est qu'en… euh… J'en sais rien en fait) mais elle peut réparer n'importe quoi. Je l'appelle la Fée Electronique, ça la fait rire. En fait, je l'appelle comme ça parce que je ne me souviens jamais de son nom. Mais ça faut pas le dire, héhé. Bref, je me dépêche de décrocher, vu que c'est Hinata qui m'a changé ma sonnerie, et c'est le premier solo de guitare de Diamond Busaiku de Charlotte, du rock japonais, qui revient en boucle. Elle était effondrée de rire comme ça lui arrive rarement en regardant le clip.
— Allô ?
— Gaara-chou, mon amour, où es-tu ?
Je souris et baisse le son. Au moins la blonde s'est tue (si elle pouvait se tueR ! nan, je suis méchant), elle pense sans doute assister à une conversation de couple, ce salsifis. Désolé, c'est le premier mot qui m'est venu à l'esprit. Faut voir sa coiffure aussi. Je réponds à ma douce et tendre Hinata (ahaha).
— Dans le train, je suis allé à Ploug-machin, cet aprèm. J'en ai encore — coup d'œil à ma montre - pour une bonne heure.
— … Tu veux en parler ?
Je sais qu'elle parle de ma mère, à cause de cette gêne dans sa voix. Sa mère à elle est gravement malade depuis plusieurs années, elle est tout le temps alitée, et Hinata, ça la rend très triste. Quand elle a su que la mienne était morte, elle a éclaté en sanglots. J'aime pas la voir comme ça.
— On en a déjà parlé, je rétorque, et pas qu'un peu.
— Comme tu veux. Sinon, ton entretien… ?
— Ah… Raté, comme tous les autres. Ils commencent vraiment à me faire chier.
— Qui ?
— Le monde.
Silence.
— Sauf toi bien sûr, ô soleil de ma vie, lumière de tous mes instants, rajoutais-je avec cet humour si, disons, particulier, qui est le mien.
— Je t'avais déjà dit que j'étais lesbienne ?
— Qu… WHAT ?
— Bah, maintenant c'est fait…
— Mais, et l'autre blond, là…
Je croyais qu'Hinata était à fond sur un petit blond que j'avais entrevu vaguement une ou deux fois à la fac. Faudrait que je me réactualise.
— En fait c'est sa copine qui m'intéressait…
— …
— C'était une blague, soupire-t-elle en faisant un gros bruit dans le téléphone.
— Dommage, j'imaginais la situation et je me disais…
— Sale pervers.
— Hé ! Mais je n'ai encore rien dit !
— Je lis dans tes pensées, pas bien compliqué.
— Je ne te savais pas médium, Hinata Hyuga.
— Uniquement avec toi et encore pas tout le temps, sinon j'aurais su que t'étais pas chez toi et je serais pas devant ta porte, dans ton quartier glauque, alors qu'il fait nuit et qu'un serial killer psychopathe va me…
— Tu as les clés de chez moi, non ?
— Nan. Néji me les a piquées. Il compte s'introduire chez toi en catimini pour te violer.
— Très drôle. Je le vois tout à fait en train de faire ça.
— A la vérité, j'ai oublié de les prendre, je pensais que tu étais chez toi, à cette heure-ci. Comment je fais ?
— Euh… Je sais !
— Je crains le pire…
— Mais non ! Sonne chez ma voisine, tu sais, celle avec les chiens. En général elle est bourrée, et sa fille travaille de nuit, donc les deux harpies te laisseront en paix. C'est sans doute le fils qui viendra t'ouvrir et il est sympa. Tu vas sur leur balcon, tu enjambes, hop, t'es dans le mien, ça tombe bien j'ai laissé la porte-fenêtre ouverte.
— T'es malade ? Je vais pas aller sonner chez tes vois…
— Mais si ! D'ailleurs, tu sais, mon voisin, il doit avoir ton âge et il est plutôt pas m…
— Gaara…
— Je sais que tu préfères les blonds mais bon, faut pas être exclusif comme ça, sinon tu finiras…
— Tais-toi ! Tais-toi, tais-toi, tais-toi !
— …
— Gaara ?
— Ben quoi ? Je me tais…
— Trrrès drôle. C'est quoi ce « bip » ? Oh non !
— Qu'est-ce qu'il se passe ?
— J'ai plus de batterie !
— Bah t'as plus qu'à faire ce que je te dis ! Tu le regretteras pas !
— Bip bip….
Ça a coupé. Je rajoute dans le vide :
— …enfin je crois.
Je raccroche, un peu mieux disposé à l'écart de la Terre entière qu'il y a deux minutes. Sentiment qui ne dure pas. Pourquoi elle s'adresse à moi ?
— Tu as dit Hyuga ? Comme Néji Hyuga ?
Ben voyons. Le monde est petit. J'acquiesce vaguement mais ça ne décourage pas Salsifis. Dommage, c'était fait pour.
— Vous vous connaissez ? J'aurais jamais cru !
Ah ouais ? Parce que j'ai pas une tête à connaître Néji Hyuga ?
Je vois la blonde qui détaille mon blouson de cuir, mon teint de cadavre sclérosé, mes piercings… Okay, okay, n'en jetez plus. J'ai définitivement pas une gueule à connaître Néji Hyuga.
Tiens, lui, il ne doit pas avoir de difficultés à passer des entretiens d'embauche. C'est pas compliqué, c'est Monsieur-tout-le-monde, mais en mieux bien sûr. D'après les dires de tous, il est parfait. Ben la perfection, je trouve ça fade, moi. Même si, si ça se trouve, il y a des gosses qui disent à leurs parents «Moi quand je serais grand, je veux être comme Néji Hyuga ! ». Ce à quoi les parents répondent : « En attendant mange ta soupe, ou on appelle Gaara l'Eventreur et il viendra te découper en morceaux ! ». Enfin non, peut-être pas… Traumatisés qu'ils seront, les gosses. Je plains mes futurs chiards. Mais pas trop, parce que je suis pas près d'en avoir. Je ne suis jamais sorti avec personne en dix-neuf ans d'existence. Ça vous choque ? Moi aussi.
Mais les gens sont tellement… je sais pas… Tellement cons ? Ce n'est pas que je me sente supérieur à eux, mais généralement ils m'indiffèrent. Sauf certains, bien sûr.
Ceux qui m'emmerdent.
Je me demande comment Hinata peut me supporter. Enfin, faut dire que c'est une asociale aussi. Voilà, vous avez la preuve que je suis méchant. Bouh.
Tiens… La blonde a continué à parler. Bah, ça ne devait pas être intéressant.
Je me lève pour aller me griller une cigarette en la coupant net dans son blabla. J'avais dit à Hinata que j'arrêtais de fumer mais… si elle me voit pas, ça ne compte pas, non ?
Le compartiment fumeur est désert. Tant mieux. Un peu de silence me fera le plus grand bien. Je cherche mon paquet de clopes. Pas dans les poches de mon blouson ? Ni dans une poche intérieure ? Dans mon pantalon ? Poches avant, arrières, latérales (sauf que ce pantalon il en a pas de poches latérales)… Rien. Nothing. Nada. Fuck !
Des pas derrière moi. Je me retourne : c'est le chinois du compartiment. Il me suit ou quoi ? Ou alors il essaie de semer désespérément le salsifis ? Sans un regard dans ma direction, il s'adosse à un mur et entreprend de se rouler une cigarette…enfin je crois. Je vois pas bien, vu que je le regarde pas (moi et ma stupide… ma stupide quoi en fait ? Indifférence fausse ?), mais c'est… plus gros. Et puis il l'allume.
Avec des allumettes.
Je sais, ça fait petit détail débile mais… Enfin, personne n'allume ses clopes avec des allumettes de nos jours ! Tout le monde a un briquet ! C'est bizarre, ça provoque une sensation en moi, comme un vieux souvenir oublié qui me reviendrait à l'esprit… Une association d'idées peut-être.
Il aspire une bouffée en fermant les yeux puis se tourne tout naturellement vers moi et me dit :
— T'en veux ?
Sa voix est grave et chaude. Moins grave que la mienne (sur ce côté-là je crains peu de monde, je parle comme une voix off), mais putain, qu'est-ce qu'il est grand. Ou c'est moi qui suis petit ? Non, c'est lui qui est grand. Et sa coiffure trop bizarre pointe vers le haut en plus. Elle pointe un peu dans tous les sens à vrai dire. C'est… dérangeant. Je déteste devoir lever la tête pour m'adresser à quelqu'un. Prenant mon « dialogue intérieur quant à son apparence, particulièrement sa coupe ridicule » pour une hésitation, il se décolle du mur pour s'approcher de moi et me tend… son joint. De près je suis forcé de l'admettre, ceci est un joint. Pas une cigarette. Il a un petit sourire en coin. Narquois.
Connard.
Tiens pour la peine. Je prends la drogue qu'il me tend, vaguement conscient que je fais une connerie. Bah, faut bien goûter un jour. Oui, je me suis jamais drogué - je compte pas les cigarettes. Je suis un vrai petit saint (malgré les apparences). Quand nos doigts se sont touchés, enfin, effleurés, j'ai ressenti comme un léger frisson.
Electricité statique sans doute.
Je porte le joint à mes lèvres et aspire, laisse la fumée m'envahir un instant avant d'exhaler. Pensif, je tire une deuxième bouffée avant de le lui rendre. Il a l'air… ironique, et légèrement surpris. Aha, tu t'y attendais pas, hein ?
…
J'ai l'impression que ce truc me fait penser encore plus de stupidités que d'habitude. Non ? Tant que je me retiens de les dire cependant, tout va bien. Ouep. All… is… right…
So right…
Mmh… je pensais pas que ça me ferait tant d'effet. Cool. Je me rends compte que « Sasuke-kun » a ouvert la bouche et qu'il est —très probablement- en train de parler. Avec toute ma politesse, je maugrée :
— Quoi ?
— Ça te plait ?
— C'est… weird.
— T'avais jamais essayé avant ?
Il a l'air incrédule. Au fond, il a autant de préjugés stupides, tout camé qu'il est, que le Conservateur du Musée. Faut-il que je me déguise en Néji (aucun risque) pour que l'on me considère, je ne sais pas moi…sain ?
— Non. J' suis un ange tombé du ciel. Pourquoi personne ne me croit quand j' dis ça ?
C'est ça, marre-toi. Enfin, au moins il a un rire agréable, pas comme celui de Saï, un condisciple de lycée, dont le rire était moqueur, aigrelet et faux. Chaque fois qu'il riait, j'avais une très forte envie de le défenestrer. Non, lui, l'individu présentement en face de moi, là, a un rire doux et discret, qui ressemble presque plus à un murmure frémissant qu'à un rire. Il se tire une latte avant de me présenter à nouveau son pétard. Que je reprends, je ne sais même pas pourquoi. Je devrais arrêter. Ouep.
Probablement. Sûrement en fait.
Allez, une dernière… Juste une de plus…
Faut vraiment que j'arrête. Allez, stop. Je vais plus retrouver mon chemin après. Mon chemin vers où ? Vers la maison…
Home…
Le joint… Les allumettes… Oh non pas ça…
Tout mais pas ça…
De quoi je vais avoir l'air si je me mets à chial… Les allumettes, les flammes… Non, je ne voulais pas… pas vraiment…
Je lâche le pétard, brisé en deux par une force titanesque qui s'abat sur moi et qui ressemble à de la tristesse, en mille fois pire. Les flammes et l'explosion. Owen… Pas toi… Je n'ai pas fait exprès, je… Ne meurs pas, not you… not you, Yashamaru ! Pourquoi ce crétin m'a-t-il fait repenser à … à ça… Je ne veux pas m'en rappeler ! Never ! J'avais presque réussi, tu vois ? J'avais presque réussi… A oublier mon oncle adoré piégé dans les flammes et la maison en feu parce que j'avais joué… joué avec des allumettes, et tout est de ma faute.
Ma très grande faute.
Peut-être qu'il me regarde bizarrement. J'ai prononcé mes dernières pensées à voix haute. Je crois. Je ne sais pas. Je ne vois plus rien de toute façon. Que le sol moquetté du wagon, et brouillé, flou. Une main sur mon épaule. Je me dégage violemment, comme quand j'étais tout petit et que je refusais tout contact. Va te faire voir, connard, va te faire voir avec tes putain d'allumettes.
Je ne veux pas te voir…
Le visage de Yashamaru est trop net dans mon esprit. Son sourire. Ses cheveux pâles qui flottaient au vent du souvenir et sa voix calme et les contes qu'il inventait et que j'ai tous oubliés. Je ferme les yeux, me prend la tête dans les mains, et serre les dents. Je ne veux pas hurler, pas ici. Parce qu'hurler, il n'y a que ça qui marche chez moi. Hurler, pour faire sortir ma peur, mes souvenirs, mes deuils. Pousser un cri plus grand que moi, me vider, et rester enroué, haletant, m'enfonçant sans bouger dans une spirale d'oubli, à nouveau. Mais là je ne peux pas crier. Alors je pleure. Ça marche moins bien.
Quand j'émerge, je constate la présence de… ben, de plein de gens en fait, l'air vaguement inquiet. Qu'est-ce qu'ils disent ?
— Vous allez bien, monsieur ?
Monsieur ? Elle m'a regardé celle-là ? Je passe une main sur mes joues. Je sens les traces légèrement collantes des larmes séchées. Qu'est-ce qui me coule du front ? Je ramène mes doigts sous mes yeux. Pleins de sang.
— Ça va, ça va, je dis.
J'ai la voix éraillée. J'ai dû crier. Mais qu'est-ce qui s'est passé ?
Pfff. Pas envie de réfléchir, pas là, avec tous ces… gens. Je me relève (depuis quand suis-je assis par terre ?), les remercie (de quoi ?) et tente de décamper. En chemin vers mon wagon, on me regarde bizarrement. Plus que d'habitude, je veux dire. J'entre dans les toilettes du train, me regarde dans le miroir… Je sais pas ce que j'ai à la tête, mais ça saigne pas mal. Le filet de sang s'est séparé en deux et coule sur les ailes de mon nez. Je me nettoie vite fait. En même temps, l'eau froide me remet les idées en place.
Où est passé ce connard avec son joint ? Je ne l'ai pas revu. Sûr qu'il s'est taillé. J'essaie de ne plus penser à ce souvenir. Mais je me sens faible. Le miroir me renvoie une image démoralisante, faut dire. Je suis hyper pâle, mes yeux si clairs sont férocement cernés de rouge larmoyant. Et j'ai une ri-di-cule étoile vermillon en plein milieu du front. Encore heureux que je me sois pas habillé en orange, j'aurais eu l'air d'un moine bouddhiste. Presque. Faut pas exagérer tout de même.
*Paris- Montparnasse, terminus du train*
Shit. Faut y aller. Dehors, la foule s'éparpille rapidement. Il pleut.
Je remonte le col de mon blouson et m'éloigne à pas lents, mains dans les poches. Le quai est gris, le ciel est gris, tout est gris… Et froid…
J'aime pas ce pays. Et le climat de Paris. En même temps, je suis pas prêt d'aimer quoi que ce soit à cet instant précis. Pour me remonter le moral, je repense à Assonet, quand j'étais petit. Ses collines, ses rocs doués de mille formes fantasmagoriques, profils de pierres saillants derrière les ombres…Les ouragans, les longues veillées, le silence qui résonnait au cœur de la nuit, la sensation de puissance enivrante que j'avais alors que j'étais le seul être humain éveillé du village, l'odeur de poussière et de sel de l'air… Ma sœur qui déchiffrait ses vieux bouquins à la lumière vacillante, les sourcils froncés de concentration - qu'elle est belle, ma sœur - , mon frère qui séchait les cours pour regarder l'eau courir sur son lit de pierres… Le vent glacé, l'hiver, et les étoiles quand l'insomnie me tenaillait.
Ici, la ville est couverte de nuages en permanence. Du coup, le climat est tempéré, mais on ne voit pas les étoiles. Elles étaient si belles, les étoiles de mon enfance…
Je suis enfin arrivé devant chez moi, après avoir souffert dans la cohue de sardines du métropolitain. Ma mauvaise humeur est toujours là, accompagnée de mélancolie. J'entre, jette mon blouson sur la chaise de l'entrée, enlève mes chaussures et file à la cuisine boire un verre d'eau. Je crève de soif. Une fois dans ma chambre… Je m'aperçois que mon lit est déjà occupé.
What ?
J'allume sans façons la lumière. Evidemment. C'est Hinata. J'avais oublié. Peu émue par mon réveil brutal, elle s'étire avant de tourner vers moi un regard doux quoiqu'encore un peu endormi.
— Je voulais qu'on se fasse une petite soirée mais là c'est un peu trop ta… Oh mon dieu, mais que t'es-t-il arrivé ?
— Quoi ?
— T'as un truc sur le front. Fais voir.
Elle se lève et me pousse vers la salle de bains pour nettoyer ma blessure. C'est bon, je suis grand, je peux le faire tout seul ! Pfff, elle m'écoute même pas.
— Attention, ça va piquer.
Pourquoi me prend-t-elle pour un gosse de quatre ans ? C'est pas un tampon imbibé d'alcool qui va me… Hey ! Mais ça piiique !
Snif.
— C'est bon, me sourit-elle.
Je regarde dans la glace. J'ai presque la moitié de la tête bandée. On dirait que je sors d'un crash d'avion, alors que c'est plus probablement un crash de ma tête avec le mur d'un train, ce qui, avouons-le, fait beaucoup moins d'effet à raconter dans les soirées.
— Euh… T'as pas un peu abusé ?
— Sinon je pouvais te coller un pansement en forme de dragon rose en plein milieu du front, mais je me suis dit que ça te donnerait l'air, comment dire ? D'un grand crétin.
— C'est trop gentil, je grince.
— Je squatte chez toi pour la nuit, j'ai la flemme de rentrer chez moi.
— Je suis désolé, je…
— Rassure-toi, t'as pas à l'être !
Elle sort de la poche de son jean un petit papier plié en quatre, le déplie et me le montre. Il y a un numéro de portable griffonné dessus. Il n'y a pas de nom, mais son petit sourire coquin me donne la réponse…
— Je suppose que c'est le numéro de mon voisin ?
Son sourire s'élargit.
— T'as raison, répond-t-elle, il est vraiment craquant, avec ses yeux pétillants et son sourire si…
— Chut, je fais en mettent un doigt sur mes lèvres, je veux dodo moi.
Plus tard, quand elle me rejoint (je n'ai qu'un lit, c'est pas le Taj Mahal ici, et le canapé est pire qu'inconfortable), vêtue d'un short et d'un tee-shirt à moi, elle me fait, dès la lumière éteinte :
— Comment tu t'es blessé ?
Je ne réponds pas mais je sens bien qu'elle attend toujours alors au bout de cinq minutes de silence, je lâche :
- Je ne sais pas. Je… j'ai fumé un truc qui m'a rappelé de mauvais souvenirs et je me suis réveillé comme ça.
Avec tact, elle n'insiste pas, mais je sais qu'elle se retient. Je me tourne sur le côté et essaie de dormir, de chasser tout ça de mon esprit. Vous vous en doutez hein ?
Je n'y arrive pas. Je repense au type du train et un mot tourne et tourne dans ma tête.
Connard, connard, connard, connard…
Petit à petit, ça fait comme une berceuse et je sombre doucement dans le sommeil. Connard, connard, 'nard, 'nard, 'nard, ….
Le lendemain, je suis réveillé par une délicieuse odeur de café chaud. J'ai même pas besoin de quitter mon petit cocon douillet et chaud, Hinata me tend mon bol. Mmh… Faut que je me trouve quelqu'un pour me faire les petits déjeuners au lit le matin. Quel ange cette fille…
— J'ai un service à te demander.
Effacez cette dernière phrase. Hinata Hyuga a peut-être l'air d'un ange, mais ce n'est qu'un air.
— Quoi ? je demande, méfiant.
— Fais pas cette tête, dis-toi qu'il y a des gars qui aimeraient être à ta place.
— Hein ? Hey, rend-moi mon café !
— Faisons un essai, veux-tu ?
— De qu… Mmph…
— …
— …
— T'emballe plutôt bien pour quelqu'un d'aussi inexpérimenté.
— What ?
Je passe pour un débile, là, hein ? Mais aussi, voyez la situation : je suis allongé sur mon lit par ma meilleure amie, actuellement au-dessus de moi, et qui vient de me rouler une pelle.
