Je me nomme Lily Luna Potter et je ne suis que le pâle reflet d'un fantôme beaucoup trop présent. A travers moi, les autres ne perçoivent qu'une douce chimère. Ce n'est que lorsqu' ils rencontrent mes yeux qu'ils réalisent que je ne suis pas vraiment Lily Evans Potter avec une pointe d'amertume. Je crois que j'aime ce moment, ce moment qui ne dure jamais que quelque seconde mais qui brise leur espoir. Cet instant où je ne suis alors plus que Lily Luna. Pour cela j'aime mes yeux, si différents de cette Lily là, ce sont ceux de ma mère mais aussi les dernières choses qui me rattachent au Luna de mon prénom. Lily Luna contre seulement Lily. Quatre petites lettres qui me sauvent de la folie.
Être une Potter est une chose étrange que je hais. Potter c'est le nom d'héros de guerre, c'est un nom qui vous colle à la peau, le poids de l'héritage, aussi. Car l'on n'est jamais que Potter. Mes frère s'en accommodent, ma mère en est fière et mon père fait avec depuis son enfance. Mais Potter c'est aussi le nom d'une grande famille de Sang-Pur. C'était déjà un nom prestigieux avant que mon père ne naisse. Un nom de famille de la lumière. Cela me fait rire. La seule lumière qui en émane à mes yeux est le flash des photographes qui crépite à chaque sortie. Mais j'ai de la chance, je suis une fille et lorsque je marierais alors ce nom trop lourd s'en ira et restera seulement sur les registres officiels. Le nom s'envolera. J'ai hâte de cette libération.
Être Lily c'est avoir aussi le devoir d'être parfaite en toute circonstance, c'est de devoir vivre avec deux identités, c'est être la renaissance d'une grand-mère héroïque. Une grand-mère major de promotion, adulée par les professeurs, harcelée par l'un des garçons les plus beaux de sa classe, une mère qui s'est sacrifiée pour que son enfant puisse vivre. Mais le prénom ne suffit pas, plus il faut également que le physique suive. Je suis rousse, comme ma grand-mère, j'ai la peau diaphane couverte de quelque tâches de rousseurs, je suis elle à un détail près, mes yeux. Marron brillant. Je crois que mon père regrette parfois que je ne possède pas ses yeux. Mais moi, c'est la seule chose que je tolère chez moi. L'unique.
Être Luna c'est avoir la meilleure marraine du monde. Du moins la plus fantasque. C'est croire que les joncheruines puissent exister. Penser qu'un jour Le chicaneur sera plus apprécié que La Gazette du Sorcier. Être Luna c'est avoir un autre regard. C'est quelque chose de léger, de doux. Luna c'est le parfum sucré de l'enfance sans le relents des fruits trop murs. C'est quelque chose de pur, d'immuable, d'irraisonnable. Une sorte de parenthèse, je crois.
On ne m'a jamais demandé qui j'étais, qui de ces trois choses je m'approchais le plus. Je crois que j'aurais aimé voir leur réaction. Mais qui suis-je après tout, une copie, un relent du passé. La fille d'un héros qui aurait préféré que son père ne soit qu'un illustre inconnu. Une petite fille qui ressemble un peu trop à sa grand-mère pour son propre bien. Mais cela personne ne le comprend. Je ne suis qu'une réplique. Et tout le monde sait qu'une simple reproduction ne parle pas.
