Le dernier des Maraudeurs
En hommage ...
Le Mangemort prenait de l'assurance. Alors qu'il perdait peu à peu du terrain, Remus sut qu'il n'en avait plus pour longtemps. Il ne mettait aucune émotion dans ce constat : il était à bout de forces, affaibli par les blessures que le Mangemort lui avait déjà infligé, et ses réflexes commençaient à perdre de leur vivacité. Profitant d'un infime instant où son ennemi prenait son élan pour mieux le frapper, Remus détourna le regard dans la direction où Tonks combattait. Un éclair sinistre la frôla près de l'épaule droite. Elle non plus n'allait pas réussir éternellement à se défendre. Remus se baissa pour éviter un nouveau maléfice, puis tourna sur lui-même et leva le bras pour attaquer à son tour.
Il fut frappé en plein cœur. Le temps se démantela. Les secondes s'étirèrent en heures, ou peut-être en années. Remus sentit la magie se répandre dans son corps et le paralyser à jamais. Lentement, comme s'il avait été plongé dans une substance trop épaisse, il vit ses jambes trembler, hésiter et finalement défaillir, avant que sa vision ne s'obscurcisse. Ses sens, autrefois si aiguisés par le fatal pouvoir du Loup, cessaient soudain de fonctionner. Il n'entendait ni ne sentait plus rien, pas la moindre douleur. Il était libéré des cris de souffrance et de la repoussante odeur de mort charriée par le combat. Mais cependant, il semblait que ses pensées n'avaient pas subi le même sort que ses sens. Venus de toute une vie, ses souvenirs affluèrent en désordre et l'entourèrent, comme pour l'accompagner pour ce qu'il savait être son dernier voyage.
Il se revit accourant à Poudlard pour aider Harry et l'Ordre à opposer une dernière défense contre Voldemort. Il se revit penché sur un petit berceau, dévorant des yeux avec adoration un petit bébé blond, puis châtain, puis auburn, puis blond encore. Il se revit, caché, et au moins aussi inquiet qu'ému, prononçant les mots qui le liaient à Nymphadora Tonks pour le court reste de sa vie. Il se revit empêchant Harry de traverser cette arche derrière laquelle Sirius venait de disparaître. Cette vision-là était brouillée par les larmes.
Il se revit encore, serrant dans ses bras son meilleur ami après avoir cru durant douze longues années que Sirius Black était le plus criminel des traîtres. Il se revit, ravagé par le désespoir, agenouillé devant les ruines de la maison des Potter. Il se revit au mariage de James et de Lily. Il se revit dans le dortoir des Gryffondors, dans le bureau du Directeur, dans la Cabane Hurlante, et dans la Forêt Interdite, accompagné par trois fidèles Animagi. Ils étaient quatre, quatre amis inséparables et enviés par tous les autres. Ils avaient ri ensemble jusqu'à en avoir le souffle coupé, ils avaient blagué des heures en continu, s'étaient disputés parfois, s'étaient réconciliés toujours. Ils avaient rêvé, beaucoup rêvé. Ils avaient rêvé, par exemple, qu'un jour lointain ils se retrouveraient tous les quatre sur le quai 9 ¾, accompagnant leurs enfants pour leur première rentrée.
Mais un par un, ils avaient succombé, et leurs rêves avec eux. James, au moins, avait eu un enfant, mais il était mort en laissant derrière lui un bébé orphelin. Tout comme lui, Remus. Remus. Ou plutôt ...
« Moony ? C'est toi, Moony ? »
« Bien sûr que c'est lui, Patmol ! Tu le reconnais pas ? »
« Oh, Moony, te voilà enfin! Ça fait longtemps que nous t'attendons, Patmol, Cornedrue et moi. »
« Ha ! Regarde, Wormtail, je t'avais bien dit qu'il aurait ce petit sourire ! »
« Tu viens, Moony ? Tu nous as manqué, tu sais. »
Il les voyait, à présent. Ils étaient là, tous les trois, fidèles à ses meilleurs souvenirs.
« Moony ? »
« J'arrive. »