Hello ! Voilà mon premier recueil Hannigram, consacré aux OS écrits lors des nuits du FoF.

Ils pourront se lire indépendamment les uns des autres (sauf indication du contraire).

Les nuits du FoF se déroulent une fois par mois, et un thème est donné par heure. Les OS porteront le titre du thème donné ^-^.

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(écrit en 1h)

Will ferma les yeux pour tenter de mettre un peu de distance entre la réalité tranquille de sa petite maison et ses pensées. Il réfléchissait à l'image qu'il se faisait d'Hannibal Lecter, à l'image que les autres se faisaient d'Hannibal Lecter, et à la différence entre ces images et ce que l'homme était vraiment.

Lui-même le voyait comme quelqu'un élégant, raffiné et impénétrable, et il l'était certainement. Il était aussi infiniment plus complexe que la plupart des scènes de crime sur lesquelles il se penchait quotidiennement, mais pas moins sombre. Il ne l'avait pas trouvé intéressant dès le premier abord, mais les choses avaient évoluées progressivement. Peu à peu, jeu de manipulation après jeu de manipulation, il avait commencé à entrevoir la véritable nature de celui qui avait été, et était peut-être encore ce qui se rapprochait le plus d'un ami. Le genre d'ami qui vous dispensait d'avoir des ennemis. Personne n'avait perçu la réalité derrière le masque avant qu'il ne soit trop tard. Personne n'avait vu derrière, ou même à travers l'image. Ni Alana, ni Jack, ni lui-même...

Parce que l'image que ce dernier renvoyait était une construction bien établie, affinée avec le temps et exposée au monde précisément dans le but de couvrir ce qui se cachait dessous, comme certaines toiles banales au premier abord dissimulent parfois un chef d'œuvre disparu. Cela dit, Will ne pensait pas que le visage anguleux du psychiatre cachait un Botticelli. L'œuvre qui s'imposait à son esprit était Saturne dévorant l'un de ses enfants. Pas le Saturne de Rubens, bien que son côté très finement exécuté correspondait bien au raffinement du médecin, mais celui de Goya, immense et se détachant sur fond noir. Un monstre. Il frissonna en s'imaginant à la place de l'enfant, un homme déjà adulte dans la version de Goya, dont la tête était enfoncée dans la bouche du Dieu, son sang ruisselant sur sa gorge. Il se demande s'il viendrait un jour où, malgré son apparente affabilité et son intérêt évident pour lui, Hannibal Lecter se lasserait de ses jeux et observations pour l'inclure dans une délicieuse recette qui ravirait ses invités.

Ou peut-être deviendrait-il un monstre lui-même ? Après tout, il avait déjà ingéré la chair de l'une de ses victimes et il avait aimé ça. Le dîner composé de la viande de Randall avait été un moment appréciable, un peu hors du temps pendant lequel il s'était plus que jamais senti proche du cannibale. Proie ou chasseur, il ne savait pas encore où il se situait dans ce jeu dangereux et il sursauta vivement quand quelqu'un sonna à la porte. Il avait dû dormir longtemps car il faisait nuit noire, comme lorsqu'il avait tué Randall Tier, et il se demanda qui pouvait venir lui rendre visite à une heure aussi tardive.

Il s'approcha de la porte sans allumer la lumière et vit une ombre mouvante à travers le carré constellé de givre de la fenêtre la plus proche et recula. Son cœur battait rapidement et il enfila un peignoir, se sentant nu et exposé en simple t-shirt et caleçon. Rien ne l'obligeait à aller ouvrir, mais la curiosité le poussait en avant alors que la peur l'étreignait et ralentissait ses pas. Lorsque sa main toucha la poignée de la porte, quelques coups furent frappé de l'autre côté et l'emplirent d'une terreur irrationnelle et animale. Il recula vivement et courut à l'étage, se réfugiant sous sa couette comme un enfant redoutant de voir un monstre, puis il écouta le silence. Longuement. Il pensait que son mystérieux visiteur était parti et commençait à s'assoupir lorsque quelque chose heurta ses carreaux et les brisèrent, malgré qu'ils soient à l'étage et difficiles à atteindre depuis l'extérieur.

Il alluma la lumière et s'assit sur son lit, songeant à appeler la police quand ses fenêtres furent littéralement arrachées par une masse claire indéfinissable qui plongea dans la chambre et s'empara de lui. Ses oreilles sifflèrent alors que l'altitude augmentait, et en se tournant il put apercevoir sa petite maison dans ce qui semblait être une...boule à neige ? Il regarda ce qui le maintenait immobile et gémit de frayeur quand il se rendit compte qu'il s'agissait de mains aussi grandes que l'ensemble de son corps, fortes et masculines. Une montre en or gris étincelait au-dessus de l'une d'elle et il savait sans avoir vu le visage du géant à qui elles appartenaient.

Il protesta mais celles-ci, habiles, lui arrachèrent ses vêtements comme on enlève les écailles gênantes d'un poisson pour le préparer. Il se débattit et cria lorsqu'il fut amené au-dessus d'une poêle brûlante où rissolaient déjà plusieurs corps humains qu'il identifia comme étant le tueur à la fresque, les victimes de l'Eventreur de Chesapeake, le docteur Gideon et...le bras de Miriam Lass.

« Hannibal, non ! »

Le géant suspendit son geste et au lieu de le laisser tomber dans la poêle grésillante, il le souleva à hauteur de ses yeux et l'examina, son pouce passant délicatement sur sa joue.

« Voilà un bien curieux spécimen. »

Will poussa un nouveau cri effrayé lorsqu'il l'approcha de sa bouche et que ses lèvres entrèrent en contact avec son corps nu et vulnérable, essayant de les repousser à l'aide de ses mains lorsqu'elles s'ouvrirent et se refermèrent sur lui. Il s'attendait à être broyer mais Hannibal se contenta d'une légère succion et d'une caresse de la langue qui le firent frissonner et protester faiblement. Le cuisinier l'enveloppa ensuite dans l'une de ses serviettes en soie brodée qu'il avait toujours sur lui et le glissa dans la poche de son veston, le plongeant dans le noir complet, ce qui le réveilla.

Il se trouvait dans son salon, le cœur battant et partagé entre frayeur s'estompant et excitation. Il se passa les mains sur le visage puis en tendit une vers la bouteille de l'excellent whisky qu'Hannibal lui avait offert, car il lui faudrait bien ça pour retrouver le sommeil cette nuit.