Bonjour à tous.
Me voici de retour poussée par Mistycal, qui me harcèle pour que j'écrive cette histoire.
Pour ceux qui me connaissent déjà, vous pouvez voir que je sors de ma retraite et que je reprends du service avec un nouveau fandom. Pour les autres, eh bien, j'espère que vous aimerez l'histoire que je vous propose.
Si d'aventure vous êtes passé sur la super fiction de Mistycal "In Memoriam", que j'ai eu le plaisir de seconder, vous avez avez probablement déjà eu une première impression de ce que j'aime et ce que je fais: des histoires plutôt sombres, des sentiments et des chorégraphies de patinage artistique.
Je me sert aujourd'hui de ce fandom pour attirer votre attention sur une situation et des évènements qui se produisent tout les jours en Russie et dans les pays du Sud de l'ex-URSS. Je parle de l'étouffement des libertés individuelles et de la persécution des homosexuels. Cette cause mérite bien quelques histoires.
J'espère que vous prendrez autant de plaisir à lire cette histoire que j'en prends à l'écrire.
Saad Maia
...
Le faisceau lumineux accrocha la silhouette gracile de Yuri, debout au milieu de l'aréna plongée dans l'obscurité. On ne voyait pas son visage, penché vers le sol. Seules ses épaulettes dorées et la soie bleue de son costume étaient baignées de lumière. Victor retint imperceptiblement son souffle. Il ne pouvait pas voir les yeux de Yuri, mais il savait ce qu'ils devaient exprimer : un brin d'angoisse, et du stress. Pas plus que la veille, lorsqu'il avait concouru pour le libre messieurs, mais un peu quand même. Parce que même s'il ne s'agissait que d'un programme d'exhibition, ce qu'il s'apprêtait à faire n'était pas quantité négligeable.
Les premières notes de musique résonnèrent dans le complexe. Une mélodie très familière pour Victor, sur laquelle il avait passé de nombreuses heures d'entrainement, lors de la saison précédente. Yuri quitta sa posture statique, levant un visage expressif en direction du plafond. Sa main suivit, et avec elle, l'anneau que Victor lui avait glissé à l'annulaire et qui brillait de mille feux sous les projecteurs. Puis le jeune homme entama une suite de pas lente, mélancolique, à l'image de la vie solitaire qu'il avait connue jusqu'alors. Il amorça ensuite son mouvement pour s'envoler dans un triple axel, sorti d'on ne savait où vu le peu d'élan qu'il avait pris. L'atmosphère de la salle changea et Victor comprit aussitôt que Yuri venait de happer le public. Il ne put retenir un sourire. Ce que le japonais exprimait dans ces quelques pas lui ressemblait bien plus que ce que lui-même avait voulu faire passer dans cette chorégraphie, la saison précédente. En son for intérieur, il ne pouvait s'empêcher d'être fier de cet homme. Trop peut-être ? Une petite voix dans sa tête ne cessait de murmurer « regardez le, repaissez-vous de lui, car à la fin, il ne sera plus que mien ». C'était égoïste, bien sûr, mais personne n'en saurait jamais rien. Son sourire s'épanouit.
Dès que la lame de Yuri eut percuté le sol, en une réception parfaite, Victor s'élança sur la glace. Deux petites secondes plus tard, un faisceau de lumière le fit apparaître au côté du japonais. Celui-ci lui sourit discrètement, avant de caresser élégamment son cou, et de se présenter pour laisser Victor le soulever. Le jeune russe saisit ses hanches, et, comme s'il ne pesait rien, fit exécuter son demi-tour à Yuri. Le brun effectuait cette chorégraphie, maintes fois répétée, avec l'innocence qui le caractérisait, comme s'il s'agissait d'une première fois. Victor en était conquis. A ses yeux, le professionnalisme de son ami n'avait pas d'égal. Combien de fois avait-il pesté contre ce trait de caractère, qui avait maintenu une distance entre le jeune homme et lui dans les débuts de leur collaboration ? Qui avait failli détruire leur histoire, il y avait peu de temps encore ? Mais qui, par ailleurs, lui permettait d'accomplir des merveilles sur ses chorégraphies ? Yuri se laissa glisser sur la glace, et Victor banda ses muscles pour supporter son poids. Cet enchainement, il l'avait choisi pour ce qu'il était : la traduction de leurs sentiments mutuels. L'abandon de Yuri, le soutien de Victor, inébranlable. La confiance, qu'il y avait entre eux. L'amour, que Victor lui donnait par une caresse sur la joue imberbe, et enfin l'harmonie, exprimée par ce porté qui se terminait par deux suites identiques. C'était leur déclaration d'amour à la face du monde. Yuri souriait toujours, de plus en plus au fil des notes de musique, et Victor devina qu'il en faisait autant. Comment ne pas sourire à cet homme là, si beau, si jeune, si doué ? Victor sentit la force de ses sentiments enfler en lui, si fort qu'il eut l'impression qu'il ne pourrait jamais la contenir toute entière.
Un trou d'air se fit sentir, plus violent que les précédents, et la tête de Victor heurta la carlingue de l'avion. Aussitôt, les images de son programme de gala refluèrent, ne lui laissant que cette bouffée d'amour et un sentiment d'inachevé au creux du ventre. Et une vive douleur à la tête. Il détestait être réveillé de la sorte. Un bruit sur sa droite le fit définitivement ouvrir les yeux. A côté de lui, avachi dans son fauteuil, Yuri Plisetsky s'amusait à faire éclater des bulles de chewing-gum, dans une attitude volontairement désinvolte qui se voulait rebelle, les grosses semelles de ses bottines noires appuyées nonchalamment sur l'accoudoir du fauteuil voisin. Victor leva les sourcils d'un air désabusé. Il adorait Yurio, ce chaton qui se voulait des airs de tigre, mais la présence de ce Yuri-ci ne faisait que lui rendre plus évidente l'absence de l'autre Yuri. Son Yuri. Qui se trouvait dans un autre avion, en direction de Tokyo, cette fois. Mais il ne fallait pas trop y penser. Ils ne pourraient pas se revoir avant que Yuri n'ait fait le nécessaire pour que sa fédération lui permette de venir s'entraîner à Saint Petersbourg. Après ses résultats, ce ne devait être qu'une formalité, mais une formalité qui devait lui prendre au moins une à deux semaines.
- La belle au bois dormant est réveillée ? grinça Yurio en quittant son magasine people des yeux. On arrive dans une dizaine de minutes, tu ferais bien de te refaire une tête.
En réponse, Victor lui ébouriffa les cheveux, faisant tomber le casque de l'adolescent qui distillait sa musique bien trop fort.
- Hey ! répondit Yurio, en se débattant tandis que son aîné s'esclaffait bruyamment.
- Tu sais bien que je n'ai pas besoin de me faire une beauté, je suis naturellement parfait, mes fans le savent !
- Eh bien tu ferais bien de t'en assurer, parce qu'il arrivera vite, le jour où j'aurais plus de fans que toi ! lui répondit Yurio du tac au tac.
Victor lui répondit d'un soupir condescendant, qui laissait imaginer le peu de cas qu'il portait aux propos de son jeune rival. Il passa tout de même une main dans ses cheveux cendrés d'un geste un peu désinvolte, l'air de rien.
Une nouvelle secousse se fit sentir, plus violente que la première, alors que les roues de l'appareil se posaient un peu brusquement sur la piste. A ses côtés, Victor sentit Yurio se raccrocher à son siège.
- Quelle brute, ce pilote ! J'aurais l'air de quoi, moi, si je me blessais dans l'avion après les compétitions ? Ce serait d'un ridicule... Digne d'un joueur de foot.
L'adolescent rangea rapidement ses affaires et se leva, sous les yeux amusés de son aîné. Dans sa précipitation, on pouvait voir combien il était impatient de rejoindre le tarmac.
- Avoue surtout que tu n'aimes pas les avions, murmura Victor, pour lui-même.
Victor était resté avachi dans son siège. Il savait d'expérience que l'avion en aurait encore pour plusieurs minutes à rouler sur la piste avant qu'ils ne puissent en descendre. Ne prenant pas la peine de se lever pour rien, il s'amusa intérieurement en voyant Yurio debout, qui essayait de garder son équilibre dans l'avion en mouvement tout en trépignant d'impatience.
Comme il l'avait prévu, un certain temps s'écoula avant que l'appareil ne s'immobilise totalement. Il se redressa enfin en se saisissant de son propre bagage et suivit le plus jeune qui avançait déjà vers les portes.
L'avantage, lorsqu'on voyageait en première classe, c'était qu'on débarquait avant tout le monde, et qu'on s'épargnait ainsi d'attendre en piétinant avant de passer au bureau d'immigration. Ils furent donc parmi les premiers à se présenter devant les guichets où des policiers en uniforme prirent leurs passeports. Si Yurio passa en à peine une minute, Victor nota que l'agent devant lui s'était légèrement figé en lisant son nom. Son regard fit quelques allers-retours entre le passeport et son visage. Ce n'était pas la première fois qu'une personne qui contrôlait son identité le reconnaissait et lui demandait un autographe, mais le policier avait gardé un visage grave.
- Il y a un problème ? s'inquiéta Victor.
- Non.
Malgré sa réponse, un étrange pressentiment envahit le patineur. Ses soupçons se confirmèrent en voyant le policier taper longuement sur le clavier de son ordinateur.
- Vous pouvez y aller, finit par annoncer l'agent en lui rendant son passeport.
L'inquiétude que Victor avait ressentie fut remplacée par du soulagement et il passa rapidement la barrière avant de rejoindre la zone de débarquement du terminal. Il avait déjà oublié l'attitude du policier lorsqu'il récupéra ses valises. Si seulement l'aéroport avait bénéficié de personnel pour s'occuper de son chariot métallique plein de bagages, le monde aurait été parfait à ses yeux.
- Il faudra qu'un jour tu m'expliques pourquoi tu as toujours plus de bagages que moi, lui demanda une voix féminine derrière son dos alors qu'il chargeait une énième valise sur la pile branlante qui oscillait déjà sur son charriot.
- Parce qu'un gentleman ne laisse jamais rien au hasard, Mila ! répondit-il à la jeune femme avec un clin d'œil.
N'importe quelle autre fille aurait rougi sous une œillade pareille, mais Mila avait l'habitude des jeux de séductions presqu'inconscients de Victor, elle avait cessé depuis longtemps de tomber dans le panneau.
- Peut-être, mais si tu ne te dépêches pas, tu vas être le dernier. Et il ne restera personne pour t'aider à te dépêtrer de tes fans ! lui répondit plutôt la jeune femme rousse avant de le dépasser en poussant un chariot qui contenait en tout et pour tout deux petits sacs de voyage.
Victor soupira en se glissant dans son sillage, avisant à grand peine le chemin à suivre par-dessus sa montagne de valises.
Comme ils s'y attendaient tous, le hall était plein de monde, une grande partie d'entre eux venus accueillir leurs idoles. L'espace d'un instant, Victor regretta l'anonymat relatif dont il avait bénéficié à Barcelone. Puis il se morigéna : c'était la rançon du succès, l'un n'allait pas sans l'autre, et il fallait en profiter au maximum pour ce que c'était ! De nouveau, il glissa la main dans ses cheveux cendrés et afficha un sourire savamment travaillé.
Deux choses l'interpellèrent alors. La première : la majorité des filles présentes parmi leur comité d'accueil étaient très jeunes, et faisaient vraisemblablement partie du fan club de Yurio. La seconde : parmi tous ces gens, peu semblaient réellement là pour lui. Sur sa droite, un jeune homme l'interpela pour qu'il fasse un selfie avec lui. Légèrement rassuré, il se rapprocha de lui et passa naturellement un bras autour des épaules du fan pendant que celui-ci les prenait en photo. Une autre personne lui demanda un autographe, qu'il signa avec plaisir avant de la laisser le remercier en lui serrant longuement la main. Malgré ces quelques fans, il était forcé de reconnaître qu'il était bien loin de la foule de jeunes femmes qui l'attendaient généralement à l'issue des finales de Grand Prix. Avisant Yurio qui posait au milieu d'une brochette d'adolescentes affublées d'oreilles de chat, Victor ne put s'empêcher de ressentir une pointe de jalousie. Est-ce qu'il avait quitté le devant de la scène depuis déjà trop longtemps ? Ou bien sa relation avec Yuri avait-elle refroidi son public féminin ? Sans qu'il en ait conscience, son sourire se fana.
- Alors, Victor, tu viens ? l'interpella Mila, devant lui. Je te préviens, on ne va pas t'attendre !
Victor signa encore une photographie, qu'il rendit à sa propriétaire, avant de suivre Mila. Si la jeune femme s'était aperçue que quelque chose avait changé, elle avait au moins eu la décence de ne pas le lui faire remarquer, et Victor s'en sentit un peu soulagé. Il allait faire son grand retour, pour préparer d'abord les nationaux de Russie puis les JO de Pyeongchang. Dans quelques mois, tout serait revenu à la normale, se promit-il.
Yurio venait juste d'échapper à une de ses fans particulièrement collante quand il avisa Victor qui montait seul dans un taxi. Etonné, il s'apprêtait à l'interpeller, mais à cet instant, les yeux de Victor rencontrèrent les siens. Son regard était sombre et il semblait plongé dans ses pensées, imperméable au monde extérieur. L'adolescent retint son geste. Yurio s'était laissé distancer par les autres, tout occupé à répondre aux attentes de son fanclub, mais il s'attendait à ce que tous montent dans le bus affrété par la fédération, avant de se séparer devant le palais des glaces, une fois leur matériel rangé dans leurs vestiaires, ou bien de prolonger la soirée autour d'un repas.
- Je crois qu'il préfère rester seul, ce soir, lui expliqua Mila lorsqu'il la rejoignit dans le bus.
C'est logique, pensa Yurio, Yuri doit lui manquer. Peut-être qu'il veut essayer de le joindre... Mais il ne le dit pas. Il n'avait pas envie que Mila commence à croire qu'il s'inquiétait pour Victor, ou pour qui que ce soit d'ailleurs. A la place, il acquiesça, et remit son casque sur ses oreilles. Le message était clair.
Plus tard, alors que certains membres de l'équipe avaient lancé l'idée d'une soirée karaoké, pour changer des restaurants « healthy food » habituels, Yurio avait préféré décliné. Seul, il avait rangé ses affaires dans son casier de vestiaire, puis avait salué Yakov, qui écrivait furieusement sur un tableau blanc dans un coin de la pièce, déjà attelé à préparer leurs futurs programmes d'entraînement. Son petit appartement payé par le club ne se trouvait pas très loin de la patinoire, il avait donc décidé de rentrer à pied. Là, dehors, dans le froid de décembre, il longeait la rue où se trouvait l'appartement de Victor. Levant la tête vers la fenêtre de l'autre patineur, dont la lumière allumée traduisait sa présence, il se demanda si lui aussi connaîtrait jamais un sentiment d'attachement pour quelqu'un d'autre suffisamment fort pour le transformer. Victor avait tellement changé depuis sa rencontre avec Yuri... Est-ce que lui aussi pourrait un jour ne plus se reconnaitre ?
Yurio était tellement concentré sur ses pensées, les yeux fixés sur la fenêtre de son aîné, qu'il n'aperçut pas la voiture de police garée en bas de l'immeuble, ni les trois hommes qui en sortaient. Il continua sa route, tranquillement, jusqu'à son propre immeuble, et il rentra au chaud en pensant à son fanclub qui l'avait attendu dans les courants d'air du hall de l'aéroport. Sa carrière était lancée ! Enfin ! Et c'était grisant.
Victor était au téléphone avec Chris lorsque le premier coup contre sa porte retentit. Il avait d'abord essayé de joindre Yuri, lorsqu'il avait enfin terminé de monter ses valises, mais le japonais n'avait pas répondu. Victor s'était douté que son avion ne s'était pas encore posé à Tokyo. Il avait alors pensé au suisse, qui, vraisemblablement, devait déjà avoir rejoint son domicile de Genève. Cela faisait longtemps qu'il ne s'était plus appelés pour ne rien se dire, juste pour passer le temps. Il faut dire que cela faisait longtemps qu'il n'avait plus vraiment pris le temps de penser à lui. Bien que le fait d'avoir mis de côté sa carrière pour entraîner Yuri lui avait dégagé des moments de liberté qu'il n'avait jamais connu jusqu'alors, toutes ses pensées avaient toujours été tournées vers Yuri depuis... Huit mois, au bas mot ? Les entraînements de Yuri, les compétitions de Yuri, les moments avec Yuri. Victor se rendait compte que Yuri était littéralement devenu le centre de son univers. Il était loin de s'en plaindre, il adorait passer du temps avec lui mais parfois, briser les schémas avait du bon.
Il était donc en ligne avec Chris, allongé sur son canapé, face à sa baie vitrée, occupé à faire des blagues potaches sur une patineuse coréenne qui avait un peu trop craqué sur le jeune suisse à son goût, quand les coups à la porte retentirent. Victor se figea. Qui pouvait avoir fait le déplacement pour le voir à cette heure-ci ? Yakov ? Ils avaient une réunion de prévue le lendemain, il ne se serait pas donné cette peine. Les autres patineurs ? Ils devaient être en train de fêter la fin du grand prix, ou être bien au chaud auprès de leur famille. Alors qui ? Mécaniquement sur ses gardes, Victor s'approcha de l'œilleton découpé dans la porte. Le couloir était sombre, il ne put aviser que des silhouettes indistinctes de par et d'autre de la porte. Une deuxième série de coups frappés retentirent, et il se recula instinctivement. Il reporta le combiné à son oreille :
- Chris ? On frappe à ma porte, quelqu'un a dû se perdre dans l'immeuble. Tu me donnes une minute ?
Puis il éloigna de nouveau son téléphone et défit la chaîne qui maintenait sa porte fermée avant d'ouvrir le verrou.
- Messieurs ? fit-il à l'adresse des trois hommes qui lui faisaient face.
Les trois visages qui le regardaient étaient froids, fermés. Vêtus de manière très classique de jeans et de blousons de cuir doublés, les visiteurs ressemblaient à des monsieur-tout-le-monde, à ceci près qu'ils devaient avoir une pratique sportive régulière, compte tenu de leurs carrures respectables. Ils portaient tous les trois les cheveux courts dans une coupe un peu militaire. Le plus vieux des trois, à en juger par quelques cheveux blancs et des ridules marquées au coin des yeux, s'avança vers Victor.
-Victor Nikiforov ?
- Lui-même, répondit l'interpelé. Et vous êtes ?
- Capitaine Kholodov, de la police de Saint Petersbourg. Et voici les lieutenants Zhakarine et Belomestny, fit l'homme en montrant du bras ses deux acolytes. Nous sommes ici pour procéder à votre interpellation, Monsieur Nikiforov. Nous vous prions de nous suivre.
-... Je vous demande pardon ! De quoi suis-je accusé ? Ce doit être une erreur, je viens de rentrer d'Europe...
- Monsieur, une plainte a été déposée à votre encontre par le ministère de la communication et des médias. Vous êtes accusé d'atteinte aux bonnes mœurs et de propagande homosexuelle. A ce titre, nous devons vous interroger afin de déterminer la véracité de ces accusations. Vous serez ensuite transféré devant un conseil judiciaire qui rendra son verdict. Pour l'heure, veuillez nous suivre.
A l'annonce des chefs d'accusation, Victor sentit sa salive se coincer dans sa gorge. Le délit de propagande homosexuelle. Cette loi punissait quiconque exposait en public sa relation avec une personne du même sexe. Il en avait entendu parler. Il avait surtout entendu les histoires que l'on racontait sur ceux qui en étaient reconnus coupables. Bien sûr, lorsqu'ils avaient décidé de danser ensemble le programme d'exhibition de la finale du Grand Prix, Yuri et Victor s'étaient doutés que cette histoire ferait couler de l'encre. Après tout, ils étaient tous les deux originaires de pays qui n'étaient pas connus pour leur tolérance à l'égard de l'homosexualité. Mais ils avaient pris ce risque parce que le Grand Prix se déroulait en Espagne, justement. Un pays plus ouvert. A l'évidence, un détail géographique dont n'avait pas tenu compte le ministère de la communication et des médias, responsable des programmes de diffusion des chaînes audiovisuelles. Il sentit les couleurs quitter son visage.
- Non, ce n'est pas possible, c'est une erreur, je...bégaya-t-il en se reculant.
L'autre homme à côté du capitaine – le lieutenant Zhakarine- avança une main pour se saisir de l'avant-bras de Victor. Instinctivement, celui-ci se dégagea le bras et recula d'un pas, en signe de défense.
- Hé, n'essaye pas de te défiler ! s'exclama le policier, surpris.
Voulant empêcher toute fuite de Victor, il agrippa son épaule trop fermement. Déséquilibré, le jeune homme se sentit partir vers l'avant, et percuta l'épaule de son agresseur. Aussitôt, le troisième policier, le plus jeune du lot, le saisit fermement et le plaqua violemment contre le mur du couloir. Sous le choc, Victor laissa échapper un gémissement. L'homme lui tenait le bras derrière le dos pour l'immobiliser, et sa joue reposait durement sur le chambranle de la porte. Il sentait le bois tenter de s'incruster dans son visage, alors que les tendons de son épaule le faisaient souffrir.
- Arrêtez, s'il vous plait, gémit-il. Je suis un champion olympique, j'ai besoin de mon bras. S'il vous plait !
- Voyez-vous ça, lui répondit le jeune homme en resserrant un peu plus sa prise sur le bras de Victor. C'est vrai que tu es bien musclé, pour une lopette. Ils doivent aimer ça, les autres dégénérés dans ton genre...
- Belomestny, fit le capitaine Kholodov dans un faux semblant de réprimande.
Même le dénommé Belomestny ne s'y laissa pas prendre. Il savait que le capitaine le retenait pour la forme, mais qu'il trouvait ses propos justifiés. Après tout, il était de notoriété publique que les forces de l'ordre n'étaient pas les derniers à proférer et encourager les insultes à caractère homophobes.
- Rassure-toi, tu n'en auras bientôt plus besoin de ton bras, cracha-t-il avec haine à l'oreille de Victor. La Russie ne se laissera plus représenter par une aberration comme toi.
Et, pour appuyer ses dires, il serra encore plus fort la clef de bras dans le dos du jeune homme. Sous le coup de la douleur, Victor sentit les larmes perler à ses yeux. Il serra les dents, refusant de céder devant les propos du policier. Mais la douleur était telle qu'un instant, il eut l'impression de ne plus sentir son avant-bras. Alors, dans son esprit embrumé par la douleur, il se souvint que l'objet qu'il serrait désespérément dans son autre main se trouvait être son téléphone, et que Chris devait se trouver à l'autre bout de la ligne.
- Aide-moi, cria-t-il en français avant que le deuxième homme ne l'oblige à lâcher l'appareil pour lui passer une paire de menottes.
Le téléphone tomba au sol, le voyant de communication toujours allumé.
- Chris, aide-moi ! cria-t-il plus fort encore, en anglais cette fois, pour être bien sûr que le jeune homme comprenne, alors que les hommes l'entrainaient il ne savait où.
...
J'espère que vous avez aimé ce prologue,
mais la seule manière de le savoir, c'est de lire vos reviews!
A très vite!
