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LA REVOLTE
Londres. Londres est une ville aimée de tous, qui avance peu à peu, qui suit le rythme des autres pays et où il n'y a généralement pas beaucoup de problèmes. Bien sûr, comme toutes les villes, il y a toujours des bagarres quelque part, mais ce n'est que minime comparé à d'autres endroits du pays. Du haut de mes dix-huit ans, je n'ai jamais connu de réels problèmes, que ce soit à la maison ou bien à l'école. À partir du moment où les gens sont gentils et respectueux envers moi, il n'y a pas de raison pour que je ne le sois pas en retour, surtout que bon, à quoi servirait d'être méchant envers autrui ? Evidemment, pour certaines personnes, être méchant est quelque chose de naturel ; même si Londres est une ville assez sécurisée, il vaut mieux toujours fermer sa maison à clé, garder précieusement toutes ses affaires, etc, par peur d'être volé/cambriolé. Ah, voyons, que dis-je ? De quel Londres suis-je en train de parler, là ? Le Londres d'il y a dix ans, lorsque je n'étais qu'une gamine qui ne savait que pleurer parce qu'elle ne savait pas marcher droit ? Londres n'est plus si sûre que cela maintenant. Elle est en guerre. Contre le temps, contre les machines, contre les intelligents, contre les faibles... Contre tout le monde. La Reine sait pertinemment que son peuple est en danger, mais elle ne fait rien. Les brutes sont de plus en plus nombreux et les émeutes se font bien moins rares qu'à l'accoutumée. Avant, il pouvait n'y avoir qu'une ou deux bagarres dans la rue. À l'heure actuelle, il doit bien y en avoir trois à quatre par jour. Et encore, si ce n'est que de simples bagarres, je ne me plaindrai pas, mais quand on voit le visage boursouflé, ensanglanté des victimes, il y a nettement de quoi s'inquiéter. J'ai longtemps cru et espéré que ma famille échappe à cette guerre. Mais bon Dieu que j'étais naïve ! Au contraire, cette guerre me touche plus que personne, mais ça évidemment, je suis trop ignorante du monde qui m'entoure. Et croyez-moi chers lecteurs, si ce jour, le 13 octobre 1868 j'aurai eu le pouvoir de changer mon destin, je l'aurai fait. Croyez-moi.
J'ai toujours vécu à Londres. Je suis née à Londres, je vis à Londres, et j'ai toujours cru que je finirai ma vie dans la maison familiale à l'autre bout de la ville, là où on attend patiemment que mon grand-père meure. Cela peut sembler cruel, mais mon grand-père n'est pas quelqu'un qu'on peut qualifier de sympathique. Il place le savoir et la culture avant sa propre famille, et même avant les humains eux-mêmes. Je n'ai jamais compris cette folie d'être aussi curieux du monde dans lequel nous vivons. Beaucoup de choses nous échappent, certes, mais il faut savoir garder les pieds sur Terre ! Mon père, Arthur, fait partie de la garde royale. Il est la fierté de notre famille, comme ma mère ne cesse de nous dire à moi et mon frère. Il travaille dur pour nous maintenir en bonne santé, ma mère, mon frère et moi. Ma mère, Emily, quant à elle reste à la maison à nettoyer, lire des livres, se cultiver. Elle a toujours dit que si les "choses" avaient été différentes, elle aurait écrit beaucoup de livres. Vous vous demandez ce que sont ces "choses" ? Ha, c'est bien, je me le demande aussi. Après, j'ai un frère aîné, Drew. Drew Billy Rose pour être exacte. Nous sommes aristocrates et évidemment, tous les espoirs de notre famille reposent sur ses épaules. Mais c'est le genre de gars à préférer jouer avec ses amis et profiter de la vie plutôt que de s'occuper des affaires familiales. Comme le disent mes parents, un jour il devra se faire au destin qui l'attend. J'aurai bien voulu voir moi aussi, quel était ce fameux destin auquel il était promis. Et le mien en passant. Mais évidemment, n'étant qu'une simple femme, je ne suis bonne qu'à marier pour former de nouvelles alliances entre plusieurs grandes familles anglaises. Je ne suis donc qu'une marionnette au fond. Mais c'est ce que sont toutes les femmes n'est-ce pas ? Dans certains journaux censurés, on peut lire quelques lignes "Mme Intel souhaite faire une réforme pour les femmes", "Les femmes auront le pouvoir", "On se battra" ... Mais ce genre de gros titres m'amuseront toujours autant. Comment pouvions-nous nous battre contre tous ces hommes ? Nous, qui n'avions aucune éducation militaire, aucun entraînement ? On se ferait emprisonner, aristocrates ou non. Du coup, nous n'avions qu'à patienter. Et encore patienter, jusqu'à ce qu'un événement se présente, si nous sommes chanceux.
J'ai toujours rêvé d'avoir une vie différente des autres. Une vie qui soit remplie d'aventures, comme nous pouvions le voir dans les romans, une vie pas monotone comme la mienne, une vie avec beaucoup de suspense et de mystère, où l'on a l'impression de vivre enfin pour quelque chose. Et avec les événements, bien sûr que ça m'est arrivé. Et j'aurai tout fait pour revenir en arrière. Comme tous les matins, je fais mon lit – je n'aime pas que les domestiques le fassent pour moi et ils le savent – et me prépare sagement pour mes cours du matin qui ont lieu dans un bâtiment à quelques pâtés de maisons. Assise devant ma coiffeuse, je réajuste ma robe et attache mes cheveux d'un ruban violet et me parfume avant de quitter la salle en saluant quelques maîtresses de chambre venues balayer le sol du couloir du premier étage. Ces femmes sont très gentilles, bien qu'un peu naïves, comme moi. Mais évidemment que nous étions naïves, nous étions des femmes, comme me le ferait sans doute remarquer mon grand-père. En plus d'être mécréant, il n'a aucun respect, et nous traite, moi et ma mère, ou même les femmes en général, comme des moins que rien. D'après lui, nous n'avions pas le droit d'accéder à l'éducation. C'est mon père qui s'est battu pendant des années avec lui pour que j'obtienne enfin des cours privés. Bien que je n'en avais pas besoin car ma mère m'apprenait tout déjà depuis toute petite. En ce moment, j'apprenais à parler le français ( je considère que le texte est en anglais vu que l'histoire se passe en Angleterre ) et c'est assez compliqué. Mais j'ai les bases, nous sommes déjà allés plusieurs à Paris rencontrer d'autres familles. J'ouvre la porte principale : il pleut. Génial, ça fait cinq jours d'affilée. J'ai commencé à m'habituer à la pluie, puisqu'il pleut très souvent ici, à Londres. Je dois avouer, j'aime beaucoup la pluie, mais ça a tendance à m'agacer les cours où j'ai cours, car une fois arrivée à destination, mon professeur me harcèle de questions : "Vous n'êtes pas enrhumée ?", "vous allez bien ?", "vos vêtements sont trempés ?", "n'allez-vous pas tomber malade ?" ... Non, non et non. Je peux prendre soin de moi toute seule, quand même ! Dans les romans ou les contes, il est dit que vivre dans un château, c'est le paradis. Mais ce n'est pas le cas. On est plus prisonniers qu'autre chose, surtout lorsqu'on est une femme. Lorsqu'on est un homme, on a un fardeau à porter, celui du destin de notre famille. Le cocher descend du carrosse et m'ouvre la porte de façon à ce que je monte. Je n'ai pas besoin de "taxi", mais bon, ça, je n'ai pas réussi à négocier avec mes parents. Ils me disent que c'est par "sécurité" ... Mais c'est pour cela qu'ils laissent mon frère se balader dans les rues cramoisies à longueur de journées. Au moins, ça me prouve une nouvelle fois qu'ils n'ont, premièrement, pas confiance en moi, et deuxièmement que je ne suis qu'une petite fille incapable de se débrouiller seule. C'est vraiment sympa. Je veux contempler le paysage – bien qu'il n'y aie pas grand chose à voir, regarder dehors m'aurait fait sentir un peu plus en liberté du moins – mais on ne m'en donne pas le droit. Alors comme tout le temps, je finis tête baissée dans le carrosse, mains entre mes cuisses et j'attends.
Une fois le cours d'aujourd'hui terminé, je décide de faire quelque chose que je n'ai jamais fait. Fuir. Non pas fuguer, mais juste... Fuir le temps de quelques dizaines de minutes ma place dans la société, ce que je suis. Je veux avoir la vision d'une fille "normale" . Qu'est-ce que la normalité me diriez-vous ? Quelqu'un qui peut aller là où il le souhaite, parler, rire, sans se soucier des autres, ne pas faire attention à son comportement, s'habiller de n'importe quelle façon – je déteste les robes, j'ai jamais su m'y habituer – et j'en passe. Le cocher m'attend, dos collé à l'avant du carrosse. Il ne m'a pas vu sortir, c'est déjà ça. Je rentre me cacher dans le bâtiment et commence à déchirer le bas de ma robe de façon à ce qu'elle m'arrive aux genoux. C'est impensable, surtout pour une fille de mon cabaris, de s'habiller d'une telle façon, mais je m'en fiche. Je m'en fiche. Et là, je cours discrètement, je me faufile entre murs, jardins et carrosses qui se baladent. Apparemment, ça marche plutôt bien, le cocher n'a absolument rien remarqué. Je peux respirer, enfin. Je vais me faire disputer une fois rentrée, voire même gifler, mais ça en vaudra la peine. Je crois. Mes chaussures sont toutes trempées, je les enlève et les donne à un sans-abri, qui mendie dans les rues. Effectivement, les rues ne sont pas si jolies que ça, mon grand-père avait bien raison sur ce point-là. Il y a plusieurs mélanges d'odeurs qui rend le tout très désagréable et la pollution est là. Respirer la fumée sortant des usines me surprit. Ca me fait tousser. Je suis là, perdue dans les rues de Londres, pieds nus et robe déchirée, et pourtant je souris. Je profite, je suis heureuse. Mais alors que je marche en direction d'un cul-de-sac, un troupeau de six hommes arrivent et m'encerclent. Ah... Evidemment. Au vu de ma robe, de ma coiffure – bien que totalement défaite - et de mes bijoux, on peut facilement deviner de quel rang social je fais partie.
- Alors, on s'est perdue mademoiselle ?, me provoqua l'un des brigands aux dents noires.
La vue m'écoeure. Comment je vais faire pour me défendre ? Pour me sortir de là ? Vais-je finir le visage ensanglanté comme ceux que j'ai aperçu jusqu'à présent ? Non. Il en est hors de question. C'est le moment ou jamais de prouver que je peux me débrouiller seule.
- Repartez tranquillement d'où vous venez, menaçai-je.
Venant de ma bouche, c'est tout sauf convaincant. J'ai honte. Surtout que s'ils attaquent, je ne suis même pas sûre de savoir me défendre. Heureusement, ils n'ont pas d'armes blanches sur eux, mais les poings ça fait mal aussi. J'en ai déjà reçu un une fois. C'était un accident, mais c'est arrivé. Ils s'approchent de moi, tous synchronisés les uns aux autres et l'un d'eux a fait le premier pas. J'esquive avec un pas de côté et place mon coude sur sa hanche. Il lâche un cri de douleur. Un second court et me frappe. Ca fait mal. Puis les autres suivent. Je me débats, donne des coups de pieds, des coups de poing, mais au final, peut-être que mes parents ont raison. Peut-être que les femmes doivent rester à la maison nettoyer à jouer les gentilles. Les bandits m'arrachent mon collier, mes bracelets, une partie de ma robe qui laissait légèrement entrevoir ma poitrine et partirent aussitôt. Voilà comment en l'espace de deux minutes, j'ai perdu toute dignité et j'ai commencé à avoir peur du monde. Ils m'ont tellement frappée que j'ai du mal à marcher. Je m'appuie contre un mur en crachant du sang, je sens ma joue gonflée et mon oeil droit me fait très mal. Une main sur mon ventre, je – peine – à marcher droit, surtout que ma vue devient floue. Je décide de m'allonger par terre et regarde le ciel. Il pleut encore plus fort que tout à l'heure. Mon ruban a disparu, j'ignore si on me l'a volé ou si je l'ai perdu avant, mais rien n'importe maintenant.
Je me suis évanouie. Lorsque j'ouvris les yeux, il pleuvait encore. J'ignore quelle heure il est, mais il ne devait pas être tard puisqu'il fait encore pleinement jour. Je touche mon ventre ; la douleur s'est nettement atténuée ! Je devrai être en mesure de marcher maintenant. Ce qui s'est passé hier est une honte. Et mes parents le sauront, tout comme les autres familles. Pendant quelques instants, j'ai regretté m'être enfuie de la sorte, mais... non, en fait. Je n'ai qu'à apprendre à survivre par mes propres moyens. Si je n'avais pas été si enfermée et tenue écartée du monde, j'aurai pu me défendre sans aucun problème ! Enfin bon, c'est du passé maintenant. Je marche en direction du bâtiment de cours. Le carrosse est toujours là. Ce qui signifie qu'il est moins de 15h, puisque je suis censée terminer mon cours de philosophie à cette heure. Mais je ne peux pas me permettre de me présenter à lui de cette manière. Je vais rentrer à pied, et avec un peu de chances, ma mère sera avec Mme Gordon, sa "confidente", mon frère sera aux entraînements, et mon père... Bah mon père aucun doute qu'il soit à la maison, il ne rentre que très tard le soir. Cependant, quelque chose n'allait pas. Il y a beaucoup de cris d'un coup. J'atteins la Grand-Place et là... Le cauchemar. Des panneaux en feu, des brigands attaquant des faibles, des assassinats... Il y a de tout. Sans attendre, je me mis à courir, aussi rapidement que possible vers chez moi. Je cours, encore et encore, jusqu'à en perdre le souffle, en manquant de tomber une bonne dizaine de fois. Que se passe-t-il ? Qu'est-ce qui a déclenché ça ? Que font la Reine et la Garde Royale ? Que fait mon père ? Je m'arrête net, lâchant le diamant de ma robe qui est tombé lors de ma fuite, et me mets à trembler. J'ai atteins le portail de la maison. Ma maison. Et mon frère, mon frère de sang, celui que j'ai toujours aimé du plus profond de mon coeur, vient de commettre un crime. Il a planté un couteau dans la hanche de ma mère, qui tomba d'un coup sur le sol, comme... Comme si elle n'était rien du tout. Tout d'un coup, tout se brouilla. Mes mains tremblent de plus en plus, j'ai envie de pleurer et de crier, mais non, je reste là, debout, yeux figés sur le cadavre de ma mère une centaine de mètres plus loin, sans prêter attention à mon frère qui venait de prendre la fuite par les jardins. Aujourd'hui, nous sommes le 13 octobre 1868, et j'ai assisté à un meurtre. Le meurtre de ma mère.
Voici le premier chapitre. Avant de publier le second, je vais tâcher de traduire celui-ci en anglais, bien que ce soit une assez lourde tâche ! J'espère avoir fini de rédiger le second chapitre d'ici lundi. Ne vous en faîtes pas les amis, les Frye twins vont bientôt arriver ;D Sur ce, xoxo, merci de m'avoir lue !
PS : LES FILLES ON EST D'ACCORD, JACOB IS FREAKING HOT HEIN ?
