Dangereux préjugé
Prologue :
Août 1971
« Monsieur,
J'ai bien reçu la lettre d'inscription à Poudlard.
Malheureusement, l'état de santé de mon fils Remus
ne me semble pas compatible avec la poursuite d'études
dans votre établissement. J'estime qu'il représenterait
un vrai danger pour ses camarades, malgré toutes les
précautions que vous vous dites en mesure de prendre
pour la protection de tous.
Bien que très touché par votre sollicitude, je me vois
donc contraint de refuser votre offre. Mon fils ne fera
pas sa rentrée dans votre établissement en septembre
prochain.
Je vous prie d'agréer, Monsieur Dumbledore, mes
plus sincères salutations.Dumbledore posa la lettre ouverte sur son bureau et soupira. Il avait fait l'impossible, pour tenter de convaincre Lupin de permettre à son jeune fils de commencer sa scolarité à Poudlard avec les autres garçons de son âge. Lui-même était sûr de pouvoir gérer la différence de l'enfant. Il était malheureux que son père ne soit pas du même avis.
J. Lupin »
Mais Dumbledore ne pouvait que se plier à son choix.
Il prit le registre d'inscription, et d'un trait de plume, radia le jeune Remus des listes de Poudlard.
Novembre 1975
« Dépêche-toi un peu, Peter ! pressa James.
- Oui, ça va, j'arrive ! grommela le garçon, un peu essoufflé.
- Tant pis pour toi si Peeves t'attrape ! » fit Sirius, tournant le coude du couloir.
Peter accéléra le pas pour revenir au niveau de ses deux camarades. James se plaqua contre le mur et se pencha légèrement pour voir si le chemin devant était dégagé. « C'est bon, on peut y aller ! »
Les trois garçons dévalèrent l'escalier quatre à quatre et s'arrêtèrent devant la porte dérobée qui devait leur permettre de sortir dans le parc.
« Vous êtes sûrs qu'on y va… ? demanda Peter, absolument mal à l'aise.
- Il y a un truc sous cet arbre, je veux savoir quoi ! décréta James, catégorique.
- Mais pourquoi la nuit ?
- Parce que la journée, tout le monde pourrait nous voir ! répliqua Sirius, une pointe d'énervement dans la voix.
- Il suffirait qu'on prenne la cape de James, contra Peter, absolument pas convaincu.
- Arrête de faire ton trouillard et sors ! » ordonna James, le poussant par la porte.
Le clair de lune éclairait si brillamment le parc que les trois garçons distinguaient sans peine la silhouette noueuse du saule cogneur.
« On va nous voir, remarqua Peter, essayant de ne pas paraître trop geignard aux yeux de ses deux amis.
- Juste. C'est la pleine lune, on aurait dû y penser.
- Sors ta cape, proposa Sirius.
- Mieux… On essaye de se métamorphoser ? »
Les trois garçons échangèrent un regard qu'aucun ne capta vraiment, dans l'obscurité.
« Je suis pas sûr… commença Peter. On n'a fait ça qu'une fois…
- Mais on sait le faire ! insista James. Allez, quoi ! Si quelqu'un voit des animaux courir dans le parc, ça n'intriguera personne ! Sirius ?
- Ouais, je te suis. »
Impuissant, Peter regarda ses deux amis prendre leur forme animagus. Et il maudit une nouvelle fois MacGonagall, qui, en devenant un chat sous leurs yeux dès la première année, avait poussé James et Sirius à relever le défi de faire comme elle.
Ils en avaient passées, des soirées, à tenter la métamorphose ! Peter avait beau leur répéter que c'était dangereux, que leur vie ne valait pas qu'ils la risquent de cette façon, James et Sirius avaient refusé de l'écouter. Et peu désireux de passer pour un ringard à leurs yeux, il avait bien été obligé de faire tous les efforts possibles pour les suivre.
Avec un soupir, il se concentra de toutes ses forces. Cela lui prit un bien plus long moment qu'aux deux autres, mais il y parvint finalement.
Les trois animaux, chien, cerf et rat, traversèrent le parc en trottinant, jusqu'au saule cogneur. Peter se glissa sans peine sous les branches, jusqu'au trou à moitié dissimulé dans les racines qu'ils avaient entraperçu deux jours plus tôt. Sirius l'imita, avec beaucoup plus de difficultés, et dû reculer deux ou trois fois devant la menace de l'arbre. Au moment où il se précipitait dans le trou, il prit appui sur les racines… et l'arbre s'arrêta net.
James reprit forme humaine, dubitatif, et examina le saule maintenant immobile. « Bien joué, Sirius ! Tu as trouvé le truc !
- J'ai fait quoi ? demanda Sirius, se re-métamorphosant à son tour.
- J'en sais rien, mais tu as arrêté le saule…
- Vous faites quoi, les gars ? demanda Peter, des tréfonds de l'arbre. Y'a un tunnel, ici, je vous attends ! »
Les deux amis se glissèrent à leur tour dans le trou. Peter brandissait sa baguette allumée devant lui, éclairant un long passage s'enfonçant plus avant sous terre. Sans hésiter, ils se mirent en marche.
« Ça mène où, à votre avis ? demanda Sirius.
- Probablement à Pré-au-Lard, comme les autres », répondit James.
Ils s'engagèrent dans le tunnel, prudemment.
Au bout d'un certain temps, le tunnel remonta en pente douce. Les trois amis pressèrent le pas, pris par l'excitation de l'inconnu.
« On est bientôt arrivé ? demanda Peter.
- Oui, sans doute, répondit James. Nous avons marché un certain temps, déjà, je suis sûr que nous sommes à Pré-au-Lard.
- Oui, mais où, dans Pré-au-Lard ? » demanda Sirius.
James allait répondre, mais il s'arrêta net. Peter le heurta et grommela quelque-chose d'inaudible.
Et brusquement, un hurlement sinistre déchira le silence étouffé du passage, qui fit se dresser les cheveux des trois amis sur leur tête. Ils restèrent un moment cloués sur place, frissonnants d'angoisse.
« Ce… C'était quoi… ? murmura Peter.
- J'en sais rien… » avoua James.
Pour la première fois, il y avait autant de peur, dans sa voix, que dans celle de son ami.
« Ça venait d'en haut… » dit Sirius, avançant d'un pas.
Au moment où James posait une main sur son épaule pour le retenir, un nouveau hurlement résonna au-dessus de leur tête, puissant et affreusement lugubre.
« C'est pas humain, ça… marmonna Peter, s'aplatissant contre le mur de terre.
- Non… admit James, sa main se crispant sur l'épaule de son ami. Viens, Sirius… »
Sirius se dégagea d'un léger mouvement et leva la tête, apparemment plus intrigué qu'effrayé. Peter sentit ses bras se couvrir de chair de poule. Sirius n'allait quand même pas leur demander de poursuivre leur petite expédition dans ce fichu passage, non ?
Un fracas épouvantable les fit sursauter tous les trois, mêlant plaintes et hurlements à glacer le sang. James attrapa Sirius par le bras et le tira en arrière. Et bientôt, tous les trois détalaient en sens inverse, aussi vite que le permettait l'étroitesse du boyau qu'ils suivaient.
OOOOOO
« C'était quoi, ce machin… ? demanda Peter, haletant, en s'effondrant sur son lit.
- J'en sais rien, mais ça foutait les boules… commenta James en retirant sa cape.
- On aurait dit… murmura Sirius, avant de s'arrêter.
- Quoi ? Une bête féroce prête à nous bondir dessus, oui ! s'exclama James. En tous cas, y'a un truc pas net, quelque-part dans Pré-au-Lard.
- Ouais, bah je ne mettrai plus les pieds dans ce tunnel ! décréta Peter, avant de se redresser pour retirer ses chaussures.
- Nous non plus, Peter, certifia James. Explorer Poudlard, c'est une chose. Mais je ne veux pas d'ennuis. »
Sirius ne répondit pas. Il se contenta de se déshabiller en silence et de se glisser dans son lit.
