J'ai tout perdu. Mon père a été sauvagement assassiné sous mes yeux. Ma soeur est sûrement morte, ainsi que tous ceux que je considérais comme ma famille. J'ai peur. Je me sens seule. Je ne peux même pas me laisser aller et m'apitoyer sur moi-même. La survie, toujours la survie. La prison me manque. Je m'y sentais en sécurité. J'essayais de vivre et non plus seulement survivre.
Mais c'est terminé. Il faut s'y faire. Pas de "et si", pas de lamentation. Je suis jeune mais plus une enfant. Dans ce monde, on ne peut pas se permettre de rester un enfant très longtemps.
Je suis avec Daryl et même s'il m'aide à trouver à manger et à me protéger, il s'est renfermé sur lui-même. Il ne dit pas un mot. Son regard semble éteint. Il a l'air encore plus mal que moi. J'essaye de lui parler, mais sans succès. Je me sens seule et incomprise.
Il n'a aucun espoir de retrouver les autres. Pourtant je suis sûre qu'ils sont vivants. Peut-être pas tous, mais je veux rester optimiste. Il faut qu'on aille à leur recherche. J'en ai besoin.
Son silence est de plus en plus pesant. Il n'est plus que l'ombre de lui-même. Il ne croit pas à leur survie. Je sens la colère m'envahir. J'en ai marre de son comportement. J'ai besoin qu'on essaye de les retrouver au moins ! Je pousse Daryl à bout. J'en ai rien à foutre qu'il soit mal, j'ai besoin d'y croire et j'ai besoin de lui pour m'aider.
Il cède et commence à suivre des traces. On arrive à une voie de chemin de fer et le spectacle que j'y découvre m'anéantit. Des mordeurs sont là. Ils sont en train de… de… de manger les corps de Luc et Molly. Je les connaissais bien. Ce sont des enfants bordel ! Je ne peux pas retenir mes larmes. Ce spectacle est trop atroce. A travers mes larmes je vois Daryl qui me fait signe de continuer. Mécaniquement, mes jambes se mettent en marche. Aller de l'avant. Toujours.
On s'est installé pour manger. En silence comme toujours. Je ne peux m'empêcher de penser à ces enfants qui se font dévorer comme du bétail. A mon père qui s'est fait décapiter. Mais c'est quoi cette vie, merde ?! Je n'ai même pas pu vivre ma vie, mon adolescence, faire mes propres expériences. Je n'ai pas été au bal de promo, ni à l'université. Je n'ai pas appris à conduire. Je n'ai pas connu l'amour. Je n'ai même pas bu d'alcool...
Je veux boire un verre.
Cette pensée s'insinue et persiste. Qu'est-ce qui m'empêche de boire un verre ? Mon père n'aurait jamais voulu, du moins pas à mon âge. Mais il n'est plus là et je dois faire avec. Boire ce verre, ça pourrait m'aider à accepter la mort de mon père.
"J'ai besoin d'un verre"
Sans un mot, Daryl me jette une bouteille d'eau.
"Non, j'ai besoin d'alcool"
Pas de réaction de sa part. Mais bordel, j'existe, moi ! Je suis là ! Puisque tu m'ignores, alors je vais me débrouiller toute seule.
Je me lève, j'empoigne un couteau et je pars. Mais rapidemment je croise la route de mordeurs. Je me cache vite derrière un arbre et j'essaye de les éloigner de moi en jetant une pierre au loin. Ça marche, ils ont l'air de prendre une autre direction. J'entends un nouveau craquement et me retourne brusquement. C'est Daryl. Il m'a suivie on dirait. Je suis soulagée de le voir. Je le rejoins et le suis jusqu'au… campement ?!
Putain, mais il ne comprend rien bordel ! Je ne veux pas rester prostrée dans ce campement de merde. Ce verre… c'est au moins un objectif ! Une étape jusqu'à la prochaine. Et puis… ça me raccroche à une vie plus normal d'adolescent que je n'ai pas eu...
"Je ne resterai pas dans ce camp de merde !"
Pas de réaction. Dis quelque chose ! Fais quelque chose Daryl ! J'ai besoin que tu sois vivant avec moi !
"Qu'est-ce qui ne va pas chez toi ? Tu ne ressens plus rien ? Ouais, tu crois que tout est foutu… Je suppose que c'est un sentiment. Tu comptes passer le reste de ta vie à regarder un feu et manger des serpents dégueulasses ?! C'est de la merde ! On devrait au moins faire quelque chose."
Il ne dit toujours rien. Réveille-toi Daryl !
"Je peux m'occuper de moi et je vais me trouver ce putain de verre."
Je m'en vais et cette fois, il me suit. J'espère qu'il se reprend. C'est lui l'adulte mais c'est moi qui comprend qu'on a besoin d'avancer, d'avoir un but. Je repense à Daryl dans la prison. Il était génial. Tous les enfants l'admiraient comme un héros. Il en était vraiment un. Je déteste le voir comme il est maintenant.
On tombe sur un parcourt de golf et on décide d'aller voir dans le bâtiment. Le spectacle à l'intérieur est désolant. Tout est dégoutant, en fouillis et des mordeurs sont pendus au plafond tout en continuant à se débattre.
Je trouve une bouteille de vin en haut d'une étagère. J'ai à peine le temps de redescendre avec qu'un mordeur sorti de nulle part m'attaque. Pas question de me laisser bouffer maintenant. Pas le choix, je lui fracasse la bouteille sur la tête et tente de le poignarder avec le verre coupant. Je réussi finalement à attraper mon couteau et le lui enfonce dans le crane. A ce moment-là, Daryl arrive et je ne peux m'empêcher de lui faire remarquer son absence pendant cette attaque.
"Tu as dit que tu pouvais te protéger toute seule. Tu l'as fait."
Bonne répartie. Je n'ai rien à rétorquer. La raison me dit que je ne peux pas jouer les grandes filles fortes et réclamer de l'aide après. Et puis, je suis soulagée de l'entendre parler. Est-ce qu'il serait sorti de son mutisme ?
Dans une autre pièce, on découvre le haut du corps d'une femme momifiée accroché à des jambes de mannequin. Sa chemise a été ouverte et les mots "rich bitch" sont inscrit sur son corps. Comment peut-on être aussi dégueulasse ? Comment quelqu'un a pu faire ça ? Il s'agit d'un être humain bon sang ! Je dois lui rendre son honneur, mais je n'arrive pas à la décrocher. Je demande de l'aide à Daryl mais il me répond que ça n'a pas d'importance car elle est morte. Je le regarde dans les yeux. Je cherche son humanité au fond de ses yeux.
"Ça a de l'importance" Lui dis-je.
Il prend une couverture qui traîne et recouvre cette femme. Merci, il a un cœur !
Plus loin je trouve des vêtements propres. Je vais pouvoir me changer et me sentir plus… humaine. Plus normale.
Des mordeurs nous ont entendus et ils arrivent massivement. On est coincé ! Daryl prend les choses en main. Il les repousse et les frappe les uns après les autres. Il s'est emparé d'un club de golf et s'évertue à les pulvériser. Le dernier particulièrement. Il évacue sa rage sur lui, au lieu de le tuer rapidement. Cette violence me rassure quelque part. Je crois qu'il fait sortir de lui toute la rage, la tristesse et le désespoir d'avoir perdu la prison. Il va peut-être pouvoir reprendre pied.
Son dernier coup sur le crâne du mordeur fait gicler plein de sang sur moi… et mes vêtements propres. Je ne dis rien. Je sais qu'il en avait besoin et de toute façon, nos vêtements ne sont jamais propres très longtemps.
Enfin, nous arrivons dans un bar. Le Saint Graal.
"Je sais que tu trouves ça stupide. Et ça l'est sûrement. Mais je m'en fiche. tout ce que je voulais faire aujourd'hui c'était me coucher et pleurer. Mais on ne peut pas se le permettre. Alors toi, frappes sur des mordeurs si ça peut te faire sentir mieux. Moi je dois faire ça."
Je ne veux pas que Daryl se trompe sur mon compte. J'avais besoin de lui expliquer que ce verre, c'est ma façon d'agir pour aller de l'avant. Je ne suis pas sûre qu'il comprenne que ça va surtout m'aider à faire le deuil de mon père.
Toutes les bouteilles sont cassées à l'exception d'un schnapps à la pêche. Je tente de trouver un verre mais ils sont soit cassés, soit maculés de sang. Je regarde cette bouteille et je repense à mon père. Je l'imagine tenter de me ramener à la raison. Mais il est mort. Il ne reviendra pas. Je dois avancer et grandir. Je ne peux plus rester la petite fille de mon père. Ce verre, c'est ma façon d'affirmer que j'existe en tant que personne, en tant qu'adulte.
Plus facile à dire qu'à faire. C'est dur de dire au revoir à mon père comme ça. Je n'essaye même pas de retenir mes larmes. Après tout, il faut profiter des moments calmes pour pleurer. On n'en a pas toujours le loisir.
Daryl vient vers moi, prend la bouteille et la casse par terre.
"Hors de question que ton premier verre soit une saleté de schnapps à la pêche. Viens."
Merci Daryl. Je ne sais pas s'il me comprend vraiment mais ce n'est pas grave. Il sort enfin de son renfermement. J'ai à nouveau l'impression d'exister.
A partir de là on arrive à parler. Un peu. Je ne me sens plus seule. Je retrouve le Daryl de la prison.
Il m'amène à une cabane de chasseur. Il y a du Moonshine pour mon premier verre. Je prends mon verre et le goûte. L'idée me traverse que c'est plus facile avec l'aide et le soutient de Daryl qu'au bar des golfeurs.
Le goût est horrible mais j'en reprends une deuxième gorgée. Je propose à Daryl un verre qu'il refuse. J'aimerais qu'il se relaxe un peu et qu'on partage des choses. Malgré ce refus il me parle. Il me raconte que son père vivait dans un endroit pareil, qu'il s'entraînait à tirer sur des conneries dans la maison, etc. Sa vie n'a pas été calme et douce. Ça n'est pas une surprise pour moi, mais c'est difficile de s'imaginer le quotidien qu'il a connu.
Je décide de lancer un jeu de boisson pour essayer de le faire parler de lui, pour qu'il s'ouvre à moi. Il y participe malgré ses réticences. J'espère qu'on pourra s'amuser au passage.
J'apprends qu'il n'est jamais sorti de Georgie et qu'il n'a jamais été en vacances. Même pas un peu de camping, rien. Ça me rend triste pour lui. Pourquoi il n'a pas eu le droit à tout ça ?
J'insinue qu'il a déjà été en prison, dans le cadre du jeu. Il réagit très mal. Je ne pensais à rien de grave, juste une cellule de dégrisement ou des conneries de gosses, mais je l'ai blessé. Il réplique en mettant en évidence la vie tranquille et joyeuse que j'ai eue et pas lui.
Il me dit qu'il n'a jamais mangé de glace, qu'il n'a jamais eu de cadeau pour noël. Ça me fait mal pour lui. Des choses si banales pour moi, il ne les a jamais connues.
Il me crie qu'il n'a jamais pu compter sur personne pour le protéger ou quoique ce soit et… qu'il ne s'est jamais coupé les veines pour avoir de l'attention.
Ça fait mal. Oui j'ai essayé de me suicider, mais ce n'était pas pour avoir de l'attention et il le sait. J'avais vu ma famille zombifiées se faire exterminer à la sortie de la grange et… je ne l'avais pas supporté. Mais après, je me suis rendue compte que je voulais vivre. On a tous le droit de faire des erreurs.
Je sais qu'il essaye de me blesser parce qu'il est en colère, mais ça me poignarde en plein cœur. Pile quand on commençait à se parler...
Dehors un mordeur essaye de rentrer dans la cabane, alerté par les cris de Daryl. Ça lui donne l'idée de se servir de lui pour que je m'entraîne à l'arbalète. Il me force à tenir son arme et viser le mordeur. Je déteste sa façon de faire, c'est juste une punition. Ce n'est pas un apprentissage, il me maltraite psychologiquement. A bout de nerf, je m'empare de mon couteau et le plante dans le crâne du mordeur. Je crie à Daryl qu'il se comporte comme un connard, que tuer les mordeurs n'est pas un jeu.
"Qu'est-ce que tu veux de moi fillette, hein ?"
"Je veux que tu arrêtes de faire comme si tu te foutais de tout. Comme si rien n'était arrivé. Comme si aucune des personnes qu'on a perdues ne comptait ! C'est des conneries !"
"C'est ce que tu crois ? Tu ne sais rien."
"Je sais que tu ne me vois que comme une petite fille bonne à rien. Je ne suis pas Michonne. Je ne suis pas Carol. Je ne suis pas Maggie. J'ai survécu mais tu ne t'y fais pas parce que je ne suis pas comme toi ou elles ! J'ai réussi, alors ne me traite pas comme de la merde juste parce que tu as peur !"
"Je n'ai peur de rien."
"Si, tu as peur de laisser quiconque t'approcher de trop près."
"Trop près ? Ah, tu t'y connais, toi ! Tu as perdu deux petits amis et tu n'as pas versé une larme ! Toute ta famille est partie et tout ce que tu trouves à faire c'est chercher de la gnôle comme une connasse de lycéenne."
"Va te faire foutre ! Tu ne comprends rien !"
"Non, c'est toi qui ne comprends pas ! Tous ceux qu'on connaissait sont morts !"
"Mais tu n'en sais rien !"
"C'est tout comme, car on ne les reverra jamais plus. Tu ne reverras jamais plus Maggie !"
"Daryl, arrête." Je ne veux pas entendre ça. J'ai besoin d'espérer. Ça me fait trop mal.
"NON ! Le gouverneur nous a anéantis ! Peut-être que si je n'avais pas arrêté de le chercher… C'est peut-être parce que j'ai laissé tomber… C'est de ma faute..."
Il s'est détourné de moi et il pleure. Ça me fait un choc de le voir craquer. Je crois que sa carapace s'est brisée. Tout ce mutisme, cette isolation, c'était la culpabilité à laquelle il ne voulait pas faire face.
"Daryl… non." Je ne supporte pas de le voir comme ça. J'oublie toutes les horreurs qu'il m'a balancé. Je ne vois plus que cet homme blessé qui essayait de garder la tête hors de l'eau mais, qui se noyait malgré tout. Je me précipite pour le prendre dans mes bras et je le serre aussi fort que je peux. Je veux qu'il sache que je suis là pour lui, avec lui. Je veux qu'il sache qu'il n'est pas seul. Je suis là.
"Et ton père… Peut-être… que j'aurais pu faire quelque chose." Ses sanglots me transpercent. Je voudrais tellement le consoler, annihiler sa peine.
Daryl.
Je l'imagine petit garçon dont l'amour d'une famille lui a fait défaut. Son enfance rude lui a forgé un caractère renfermé et solitaire. Je ne sais pas quelle vie il a eu en tant qu'adulte, avant l'apocalypse. Mais je sais qu'il est quelqu'un d'extraordinaire maintenant. Un véritable héros pour les enfants de la prison. Toujours prêt à aider et se sacrifier pour ceux qui lui sont chers.
J'ai été égoïste de lui reprocher son comportement. Je n'avais pas compris que c'était sa manière de se protéger.
Il s'écroule plus qu'il ne s'assoit par terre. Il pleure toujours et son corps est secoué par les spasmes de ses sanglots. Je me mets face à lui et l'enveloppe de mes bras, ma joue contre la sienne. Daryl est grand, fort et courageux, mais là je me rends compte à quel point il est sensible. Toutes ces épreuves l'ont fragilisé, peut-être brisé. Je dois le réparer, le guérir. Par tous les moyens.
"Non Daryl, ce n'est pas ta faute. Je t'interdis de te blâmer. Tu m'entends ? On les a perdu mais ce n'est pas de ta faute."
Je lui chuchote inlassablement que ce n'est pas de sa faute. Je veux que ces paroles pénètrent jusque dans son âme et l'aident à guérir. Il se calme petit à petit. Il se reprend. J'ai l'impression d'avoir accompli un miracle. Je me sens victorieuse d'avoir réussi à le soulager de sa culpabilité. Ne serait-ce qu'un peu.
Le reste de la journée s'est passé tranquillement. Je crois que ça l'a libéré d'un poids. Il est plus serein. Je suis heureuse de le voir comme ça.
Le soir, on se retrouve sur la terrasse de la cabane avec un verre de Moonshine. Il me dit que j'ai l'alcool joyeux. Il me dit que lui non et me raconte une anecdote le concernant, ainsi que Merle. Une bagarre avait éclaté chez un dealer de Merle et ce type a pointé son flingue sur Daryl. A ce moment-là, il a vraiment cru qu'il allait mourir.
"Tu veux savoir ce que j'étais avant ? Je traînais juste avec Merle faisant tout ce qu'il me demandait de faire. Je n'étais personne. Rien."
Je réalise que malgré tout, il aimait son frère.
"Il te manque, pas vrai ?" Il ne me répond pas. Il n'y a pas besoin de réponse.
"Maggie me manque. Mon grand-frère Shawn aussi, même s'il était hyper protecteur. Et mon père… Je croyais… J'espérais qu'il vivrait le reste de sa vie tranquillement. Maggie et Glenn aurait eu un bébé. On aurait vécu heureux. Et puis il serait devenu très vieux et il serait parti en paix et entouré de ceux qu'il aime." Je rigole devant la naïveté de ce que je lui avoue. Mais j'ai aussi les larmes aux yeux. Cet avenir, je le voulais tellement.
"C'est incroyable comme je suis stupide."
"C'est ce qui aurait dû se passer."
"J'aimerais pouvoir... changer."
"Tu as changé." Apparemment, c'est à son tour de me réconforter ? Je souris en moi-même.
"Pas suffisamment, pas comme toi. C'est comme si tu avais été fait pour ce monde."
"J'y suis juste habitué. J'ai grandi dans ce genre de taudis." dit-il en désignant la cabane.
"Mais tu t'en es sorti."
"Non."
"Mais si." J'insiste.
"Il faudra que tu me le rappelles de temps en temps."
"Non. Tu ne peux compter sur personne, pas vrai ?" A ce moment-là, je prends conscience que ces moments, juste tous les deux, ils ne peuvent pas durer. J'ai bien compris maintenant que Daryl a besoin des autres, de cette famille qu'on a perdue. Il a besoin de moi, je le vois dans ses yeux. Mais je ne suis pas faite pour ce monde, moi. Il doit faire face à cette vérité.
"Je mourrai un jour prochain."
"Arrête."
"Ça va arriver. Et tu seras le dernier homme vivant. Tu le seras."
Je le regarde intensément. Je me sens tellement vivante, en ce moment, auprès de lui. Plus que je ne l'ai jamais été. Je me sens liée à lui, en parfaite harmonie avec cet homme. J'aimerais que cet instant dure toujours. Mais il faut être réaliste...
"Je vais tellement te manquer quand je ne serai plus là, Daryl Dixon." Je vois une douleur dans son regard.
"Finalement, tu n'as pas l'alcool joyeux."
"Si je suis joyeuse, mais je ne suis pas aveugle."
Je dois l'aider à rester fort, lui donner l'estime de soi qu'il mérite.
"Tu dois rester qui tu es maintenant, pas celui que tu étais. Peut-être que tu n'étais rien à l'époque. Mais crois-tu que j'aurais fait mieux si j'avais eu cette famille ? Cette vie ?"
Il ne répond rien. Je veux qu'il comprenne bien ce que j'ai à lui dire. Je me lève et m'accroupie juste devant lui. Je le regarde droit dans les yeux et il me regarde intensément.
"Daryl, ce n'était pas toi. Du moins, pas la personne que tu es vraiment. Personne ne t'a appris ce que tu pouvais faire. Personne ne t'a poussé à révéler celui que tu es vraiment. Moi, je vais te dire celui que je vois maintenant. Je vois un homme fort et profondément bon. Tu peux faire avec toute cette merde, jamais elle ne te contaminera. Je t'ai vu risquer ta vie un nombre incalculable de fois pour ceux que tu aimes. Et on t'aime tous, Daryl. Tous nos amis t'aimaient."
J'ai envie de lui dire que je l'aime, mais je retiens les mots. Je ne sais pas bien pourquoi.
Je lui prend la main. Je sens sa chaleur dans ma paume. Je la porte à mes lèvres et l'embrasse tout en le regardant dans les yeux.
"Tu es le meilleur d'entre nous et je suis heureuse d'être avec toi maintenant."
Un moment passe où nous restons ainsi, sans parler.
"On devrait rentrer à l'intérieur" dit-il.
"Non. On devrait cramer cette maison." Je lui souris.
"On va avoir besoin de plus d'alcool."
On se lève et on va chercher des bouteilles de Moonshine pour le répandre à l'intérieur. Une joie immense m'envahie. Peut-être que je suis encore trop faible pour prendre soin des autres, mais j'ai réussi à vraiment aider Daryl. Il a été là pour moi, pour prendre ce premier verre d'alcool. Et je suis là pour lui, pour brûler ce passé qui le hante.
Une fois sorti, il me tend une liasse d'inutiles billets de banque pour que j'y mette le feu. Il jette cette torche improvisée à l'intérieur de la maison dont le feu démarre rapidement. On s'éloigne un peu et on regarde la cabane brûler. Tous ces souvenirs d'enfance horribles. Toute l'injustice qu'il a vécue. Tout brûle avec elle.
Je tends mon bras et fais un doigt d'honneur à cette putain de cabane de merde. J'encourage Daryl à faire de même. Merde à cette baraque. Merde aux connards qui y ont vécu. Merde au passé.
On se remet en route tous les deux. Je lui prends la main. C'est nous deux contre le monde maintenant.
