Saluuut !

Juste un petit OS Yumikuri parce que l'idée s'est coincée dans ma tête et que j'ai eu besoin de l'écrire pour m'en libérer. Peut être y aura-t-il un épilogue, peut être pas. J'y réfléchirais si ça vous plaît. ;)

N'hésitez pas à laisser des reviews, même négatives et/ou très courtes, c'est toujours intéressant de recevoir des critiques !

À la prochaine ~


« Mlle Lenz, ce dossier est urgent, il me le faut pour ce soir. »

« Mlle Lenz, la réunion de projet est à dix heures ! »

« Mlle Lenz, j'ai besoin de votre signature... »

« Mlle Lenz, où en êtes-vous concernant la proposition de coopération avec Kirschtein Industry ? »

« Mlle Lenz, M. Reiss vous demande ! »

« Mlle Lenz, que pensez-vous des enquêtes de satisfaction du mois dernier ? »

« Mlle Lenz, rien à ajouter ? »

« Mlle Lenz, pouvez-vous jeter un œil là-dessus ? »

« Mlle Lenz, nos fournisseurs... »

« Mlle Lenz... »

Mlle Lenz ferma la porte de son bureau. Elle y appuya son dos et ferma les yeux, soupirant de fatigue. Son père ne plaisantait pas quand il avait parlé de la mettre à l'épreuve. Elle avait l'impression d'entendre des milliers de personnes appeler son nom, inlassablement. La tête lui lançait. Elle rouvrit les yeux à contrecœur pour retrouver son chemin jusqu'à son fauteuil, plissant les paupières à cause de l'intense lumière du soleil de l'après-midi. Le siège de Reiss Technologie étant établit dans une tour en verre, elle était l'une des quelques privilégiés à disposer d'une baie vitrée dans son bureau.

Christa se laissa tomber dans son fauteuil en cuir avec un soupir d'aise. Elle n'avait eu de cesse de courir à droite et à gauche toute la journée et ses pieds le lui faisaient sentir. Mais qu'importe pourvu qu'elle impressionne M. Reiss, PDG de Reiss Technologie et, accessoirement, son père biologique. Si des ampoules aux pieds et une migraine étaient les prix à payer pour obtenir l'autorisation de porter le nom d'Historia Reiss et d'être reconnue comme sa fille, alors qu'il en soit ainsi.

Elle resserra l'élastique de sa queue de cheval, puis sortit son ordinateur de sa veille et se remis au travail.

Elle avait presque bouclé un dossier urgent lorsqu'un bruit étouffé brisa sa concentration. Étonnée, elle promena son regard dans la pièce et, ne remarquant rien d'inhabituel, se leva pour regarder dans le couloir. Là non plus, rien d'inhabituel - et personne ne se tenait devant sa porte. Fronçant les sourcils, Christa se retourna vers son bureau dans l'optique de terminer son dossier… et se figea sur place.

Un laveur – non, une laveuse - de vitres se tenait là, suspendue dans le vide au moyen d'un harnais et… elle lavait la vitre. Au vingt-sixième étage. Suspendue au bout d'une paire de cordes.

« Mon dieu... »

Christa n'était pas croyante (son père l'était, en revanche), mais elle n'avait pas trouvé une autre expression susceptible de transmettre son effarement au mobilier de son bureau. Médusée, elle se mit dévisager la laveuse de vitre dans l'espoir de remarquer un détail qui prouverait son inexistence, mais en vain.

Elle était grande, assez androgyne, et elle était vêtue d'une combinaison orange dont elle avait enlevé le haut et noué les manches autour de sa taille, d'un tee-shirt bleu foncé aux manches longues retroussées jusqu'au coude, de gants de travail et d'une casquette, assortie à ce que Christa supposait être son uniforme, qui masquait la couleur de ses yeux. Un ceinture à laquelle pendait plusieurs outils de nettoyage, un talkie-walkie et un petit carnet complétait l'ensemble. Ses cheveux bruns étaient attachés en une queue de cheval, serrée pour éviter que les mèches ne s'en échappe et ne la gênent dans son travail. Elle avait la peau mate, constellée de tâches de rousseur, le visage sec et impassible, le front mouillé de sueur, la silhouette fine et musclée.

Soudain, alors qu'elle était tout à sa tâche la seconde d'avant, les yeux de la laveuse de vitres rencontrèrent les siens. Le cœur de Christa rata un battement. Deux puits d'or liquide, intenses et moqueurs, traversèrent son âme de part en part avec la puissance d'une balle de pistolet. Elle ne comprit pas pourquoi cette impression lui paraissait si familière, ni pourquoi une vague de nostalgie l'envahissait tout à coup. Elle se contenta de laisser faire son corps. Son corps s'avança vers son bureau sans rompre le contact visuel, ses mains saisirent le paquet de post-it et un stylo, ses doigts écrirent une question, ses bras la présentèrent à l'inconnue. C'était idiot, mais elle sentait qu'elle avait besoin de le faire.

COMMENT T'APPELLES-TU ?

Le tutoiement était venu naturellement. Les lèvres de l'inconnue s'étirèrent en un sourire en coin qui bloqua la respiration de Christa dans sa gorge. Elle accrocha ses outils de nettoyage à sa ceinture, attrapa son carnet et sortit un crayon de sa poche, puis commença à écrire une réponse. Les yeux de Christa suivaient le mouvement de ses doigts avec fascination, comme si sa vie entière reposait sur la réponse que cette inconnue griffonnait dans un carnet, suspendue à plus de cent mètres du sol.

YMIR - ET TOI ?

Le temps se suspendit le cœur de Christa explosa. Ymir… Elle connaissait ce prénom, elle l'avait déjà entendu. Elle avait déjà connu quelqu'un qui le portait. Elle avait déjà aimé quelqu'un qui le portait. Un frisson la parcourut des pieds à la tête. Le dossier et son père disparurent soudain de son esprit, elle ne pensa plus qu'à écrire sa réponse, à vérifier son intuition. Ses doigts tremblaient. Et si ce n'était pas elle ?

CHRISTA

Ymir sourit, et le temps suspendit son cours. Était-ce de la tendresse, au milieu de la tornade de son regard ? Elle espérait que oui.

ÇA FAISAIT LONGTEMPS, HISTORIA.

C'était définitivement de la tendresse. Historia, les larmes aux yeux, hocha la tête. Elle n'avait pas oublié son nom, ce nom qu'elle lui avait avoué après avoir cru l'avoir perdue, après avoir appris son secret. Elle s'en rappelait comme si c'était arrivé la veille à peine - mais refusait de se rappeler de la fin de l'histoire. Ymir secoua la tête d'un air consterné devant sa réaction, mais ses yeux brillaient eux aussi de larmes et son sourire tremblant trahissait son émotion. Elles se perdirent dans l'abîme de leurs yeux, chacune essayant d'y lire la nouvelle vie de l'autre, jusqu'à ce qu'Historia brise l'instant pour écrire quelque chose sur un nouveau post-it.

Au début, Ymir ne comprit pas ce que représentait cette suite de nombres, d'autant plus qu'elle devait la lire à l'envers, mais les deux derniers chiffres – les deux premiers pour Historia - la remplirent d'une joie qu'elle peina à contenir. C'était son numéro de portable. Historia venait de lui donner son numéro de portable. Elle fut soudain prise d'une puissante envie de briser cette foutue vitre pour prendre la petite blonde dans ses bras, sa petite blonde, et lui voler ses lèvres. Elle l'aurait fait si les éclats de verre n'avaient pas risqué de blesser Historia.

Au lieu de ça, elle s'empressa de noter le numéro sur son carnet et d'écrire le sien sur une autre page. Lorsqu'elle la montra à Historia, celle-ci éclata en sanglots tout en lui offrant le plus beau sourire qu'elle n'ait jamais vu. C'était à la fois atroce et magnifique, de la voir pleurer de joie pour elle mais d'être incapable de la prendre dans ses bras, d'essuyer ses larmes et de caresser ses beaux cheveux blonds. Lorsqu'elle se fut un peu calmée, elle enregistra le numéro d'Ymir dans son téléphone puis, la prenant par surprise, captura son image avec un flash. Après avoir choisi la photo comme icône pour son nouveau contact, elle rangea son smartphone et releva la tête, lumineuse. Une nouvelle feuille avait remplacé le numéro d'Ymir.

JE FINIS À 19H

Les yeux de la jeune femme s'écarquillèrent. Elle avait presque bouclé le dossier, mais il restait cette réunion avec le PDG de Kirschtein Industry qu'elle ne pouvait pas se permettre de manquer… Elle prit son stylo en se mordillant inconsciemment la lèvre du bas, maudissant son poste à responsabilités. Après la réunion, nuls doutes que son père voudrait s'entretenir avec elle, autant pour recueillir son avis que pour lui faire part de ses impressions sur son travail de la journée. Elle n'était pas prête de sortir…

JE RISQUE DE FINIR TARD

Ymir fronça les sourcils, puis haussa les épaules avant d'écrire sa réponse.

JE PEUX ATTENDRE

Le sourire d'Historia refit son apparition. Elle n'avait pas osé lui demander d'attendre alors qu'elle en mourrait d'envie, par peur de paraître trop… trop quoi ? C'était Ymir qu'elle avait en face d'elle. Ymir qui l'aimait pour ce qu'elle était, Ymir qui la préférait à Christa, qui parvenait à les différencier. De nouvelles larmes embuèrent ses yeux, qu'elle sécha du revers de la main.

TU M'AS MANQUÉE

Ymir sourit. Parfois, la vie pouvait réserver de bonnes surprises.

TOI AUSSI

Ce soir, elles se parleraient et ce soir, si Historia le voulait aussi, elles s'embrasseraient.

Enfin.