Cher Antoine,

Pourquoi est ce que j'écris ? Je sais pas. Je sais plus. Peut être pour rassembler mes pensées inutiles une dernière fois. Car oui, Antoine, aujourd'hui, je sens que ma courte vie touche à sa fin. Et tu sais quoi ? J'ai même pas peur, je ne me sens même pas triste. Je pense avoir vécu agréablement. La seule chose que j'ai encore envie d'accomplir, à l'instant, c'est écrire cette lettre.

A l'heure où je t'écris, je suis devant ma fenêtre. Il pleut, comme d'habitude. Je sais pas pourquoi, mais j'aime regarder la pluie. Quand j'étais môme, je pouvais passer des heures assis contre la fenêtre, à regarder les gouttes rouler le long de la vitre. Je crois que ça me détendait. Et ça marche encore aujourd'hui. Et oui. Mes forces me quittent, mon cœur ralentit, mes paupières se ferment inévitablement, et pourtant, je n'ai jamais été aussi calme.

Il ne me reste que très peu de temps, alors je vais cesser de tourner autour du pot. Même si je trouve cette expression stupide.

Antoine... Ne trouve tu pas cela étrange que, quelques minutes avant de mourir, je t'écrive à toi et pas à quelqu'un d'autre ? Non ? Pourtant tu devrais. N'as tu jamais surpris mes regards, Antoine ? Compris mes sous entendus ? N'as tu jamais remarqué mes tentatives de déclarations foireuses ? Tu aurais du, Antoine. Si tu l'avais fait, la vie ne me quitterais pas, en ce moment. Je te hais, Antoine Daniel. Je te hais pour tout le mal que tu m'as fais, inconsciemment ou non. Je te hais, tellement. Mais tu sais quoi ? Ma haine n'équivaudra jamais l'amour que je te porte. Et oui. Tu as bien lu. Moi, ton meilleur pote, ton « nain », ton « schizo », je suis complètement, irrévocablement et désespérément amoureux de toi, cher Antoine.

Tic, tac. Le temps passe, et je ne cesse de penser à toi. Antoine, mon amour. Le temps passe, je meurs et je pense à toi. Je prend conscience que mes lignes n'ont sans doute aucun sens, et je suis frappé par l'ironie de la chose : la lettre qui clôture ma vie est donc à l'image de mon existence, un bordel de sentiments mal exprimés et douloureux. Mais c'est comme ça, c'est comme moi, c'est moi. Ce qu'il reste de moi. Un papier froissé, taché et illisible, voici la marque que je laisse sur cette terre. Encore une fois, c'est à mon image.

C'est fou comme je suis capable de passer d'une confession amoureuse à une analyse de moi même. un bordel de sentiments mal exprimés et douloureux.

Sache que les derniers mots que je vais prononcer seront « Je t'aime Antoine ». J'aurais aimé que tu les entendent, qu'ils résonnent dans ta tête jusqu'à ton dernier soupir. Qu'ils te fassent l'effet d'une balle dans le crane. Ce serait ma vengeance, Antoine, je la mérite, cette vengeance.

Je t'aime Antoine.

Mathieu.