Prologue
Nord de Trost, Domaine du Baron Ritter
-Messire ! Messire Ritter !
Un garde en armure fit irruption dans le bureau de son maître. Balayant la pièce du regard, il se figea un instant en constatant que le baron n'était pas seul. Il se reprit avec plus de contenance, effectuant le salut militaire de rigueur. Bien que sa respiration était encore très saccadé à cause de sa course folle à travers le domaine, sa voix était claire et maîtrisé lorsqu'il s'adressa au seigneur des terres environnantes.
-Messire, une nouvelle révolte de vos prisonniers a éclaté dans les cachots. Vos hommes font se qu'ils peuvent pour l'endiguer mais les détenus résistent.
Le Baron Ritter, un homme chauve d'une quarantaine d'années tourna toute son attention vers le nouveau venu. Son regard ambré dévisagea le soldat pendant de longues secondes avant que sa voix rauque et calme n'envahisse la pièce.
-Explique moi immédiatement la situation.
-Un détenu enfermé en isolement sur vos ordres a réussi à tromper un de ses geôliers. Il a réussi à obtenir les clés des cellules et les a toutes ouvertes. Ils sont une petite dizaine. Les gardes parviennent à les maintenir enfermé aux sous sols mais ils menacent de tuer l'homme qu'ils ont pris en otage si nous ne les libérons pas.
Le baron se leva de son fauteuil et posa ses paumes sur son bureau de chêne face à lui. Il reporta son regard sur son invité, assis tranquillement devant son office.
-Veuillez m'excuser. Il se pourrait que je ne sois entouré que d'incapables et que je doive m'occuper moi-même de ses insurgés.
L'homme, un grand blond à le chevelure parfaitement coiffé et rasé sur le dessous hocha de la tête.
-Ne vous en excusez pas voyons. Prenez le temps qu'il vous faudra pour régler cette affaire.
-Ce sera vite réglé. Je vous fait servir quelques rafraîchissements en attendant, Monsieur Smith ?
-Avec plaisir.
Passant de l'autre côté de son imposant bureau, le baron sortit de la pièce d'un pas ferme. Une fois les portes de celle-ci refermée derrière lui, son visage jusque là neutre de toute émotion se déforma soudainement sous la colère. Il empoigna le garde venu le prévenir par le cou et siffla entre ses dents serrés, ses phalanges blanchissant sous la pression.
-Va prévenir en cuisine que je veux qu'on amène le meilleur de mes vins dans mon bureau. Ces détenus ont choisis le pire moment pour tenter quoi que ce soit. Ils vont regretter amèrement leur petit soulèvement.
Le baron relâcha le soldat qui toussa fortement en reprenant son souffle. De larges marques s'étendaient déjà sur son cou et c'est dans une révérence maladroite et pétri de peur qu'il s'exécuta, courant vers les cuisines. À présent seul, le maître des lieux marcha le long du couloir. Il écumait de rage. Il était en train de négocier un contrat qui allait lui rapporter gros. ll descendit rapidement les riches escaliers sculptés dans le bois. Arrivé au rez de chaussée, il se dirigea vers une large porte de fer et l'ouvrit violemment. Empruntant un long escalier de pierre cette fois ci, il s'engouffra plus profondément dans la demeure allant jusqu'aux cachots. Une fois toutes les marches descendus, le baron héla un de ses hommes qu'il aperçut un peu plus loin.
-Bande de bons à rien, où en est l'insurrection !?
En voyant leur seigneur débarquer de manière aussi furieuse, les soldats se confondirent en excuse. L'un d'eux s'approcha du baron afin de lui expliquer la situation.
-Messire, les rebelles se sont retranchés derrière la porte que vous voyez là bas. Elle mène aux cellules des prisonniers mis à l'isolement. Le problème c'est que nous ne savons pas ce qu'il se passe derrière. Les détenus pourraient avoir fabriqué des armes avec les éléments à leur disposition. Nous savons aussi qu'il possède un otage et …
N'écoutant pas plus, le baron s'avança jusque le porte qu'on lui avait indiqué. Il prit des mains de l'homme le plus proche de lui son arme de service et pointa le canon vers l'épais morceau de bois.
-Fini de jouer maintenant, je vous sommes de vous montrer où j'ouvre le feu !
L'écho de la voix lourde de menace fit trembler la salle. Malgré tout, tout les soldats armés suivirent leur maître et pointèrent à leur tour leur canon sur la porte. Un concert de cliquetis s'éleva, mettant leur fusil en joue. Après quelques secondes de silence, la poignée finit par s'abaisser lentement et la porte pivota sur ses gonds, s'ouvrant en grand. Des exclamations de surprise se firent entendre à travers la pièce alors que devant eux s'avançait lentement les prisonniers retranchés. Ou tout du moins, deux d'entre eux, les autres restant sagement en arrière. Mais ce qui avait causé la surprise générale se fût de trouver à leur tête, un jeune garçon à peine sorti de l'enfance. Il maintenait fermement l'otage contre lui, un poignard de fortune fait d'os limé et de bois pouvant s'enfoncer à tout moment dans la carotide du garde. Le regard du baron croisèrent alors les deux pupilles d'un vert profond du supposé chef de la mutinerie. Il ignorait avec superbe les suppliques et excuses du geôlier qui se tut après une légère pression de la lame contre sa gorge.
-Bien à présent relâche cet homme et retournez tous dans vos cellules ! Ordonna le baron.
-C'est hors de question ! Rendez nous notre liberté ou nous le tuerons !
Ce n'était pas le brun semblant mené le groupe qui avait parlé mais un petit blond aux yeux bleus à ces côtés. Bien que se tenant en première ligne et faisant face à une vingtaine d'hommes armés, il tremblait et lançait des regards inquiet vers son meneur. Le baron baissa son arme et releva un coin de sa bouche en un léger sourire.
-Vous êtes bien téméraires tout les deux pour oser ainsi me défier. Quels sont vos noms les garçons ?
Après un moment d'hésitation et un coup d'œil à son leader, le blond répondit à nouveau.
-Moi, je me nomme Armin Arlet et lui c'est Eren. Eren Jäeger.
-Mhmh et vous croyez vraiment que vous allez réussir à fuir avec votre otage ?
-Nous … nous ferons ce qu'il faut pour en tout cas. Alors reculez pour nous laisser passer maintenant.
-Bien, bien. Alors Messieurs Arlet et Jäeger, je vous annonce … la fin de votre minable révolte.
Le baron releva sans prévenir son arme et tira. La balle fusa du canon et alla se planter en plein milieu du front de l'otage des insurgés. En réponse au premier tir et bien qu'avec un temps de retard, d'autres balles furent tirés. Le brun tira Armin vers lui juste à temps et il se servirent du cadavre du soldat comme bouclier. N'ayant pas assez de force pour maintenir le corps, il ployèrent rapidement sous le poids, se retrouvant sous lui.
-Ca suffit !
Les coups cessèrent sur l'ordre du baron. Il rendit l'arme aux mains de son propriétaire puis tourna les talons, se dirigeant vers la sortie.
-Voila comment on matte rapidement des prisonniers récalcitrants. Remettez les dans leurs cellules et assurez vous qu'ils comprennent la leçon cette fois.
Ne s'avouant pas vaincu pour autant, Eren sortit de sous la dépouille criblé de balles et c'est dans un cri guttural qu'il s'élança vers le baron. Mais à peine eut il fait un pas dans sa direction que le jeune homme se fit encercler par les gardes, réclamant vengeance pour leur compagnon d'arme décédé. Écarquillant les yeux de stupeur face au mur se dressant devant lui, le brun serra les poings. Se sachant condamné, il tenta le tout pour le tout et envoya un uppercut dans l'estomac du premier soldat face à lui. Il tenta d'avancer plus mais comme prévu, il se fit rapidement plaqué au sol, roué de violents coups. Eren tenta tant bien que mal de se protéger, se recroquevillant sur lui-même mais les coups pleuvaient tellement qu'il fut rapidement mis ko. Armin se dégagea à son tour du cadavre et se figea de stupeur à la découverte du corps inconscient de son ami.
-Eren !
Il se tourna vers le reste de la bande afin de trouver un quelconque appuis de leur part mais se décomposa bien vite en les voyant tous rentré dans leur geôle priant silencieusement pour ne pas finir comme leur leader. À terre et baignant dans son propre sang en à peine quelques secondes. Les jambes d'Armin le lâchèrent alors que les gardes se dirigeaient à présent vers lui.
-Inutile de tabasser celui-ci. Remettez les juste dans leur cellule qu'on en finisse avec cette histoire. Et occupez vous du corps de votre compagnon.
Le baron, qui s'était arrêté dans son ascension des marches pour regarder les dernières forces de la rébellion s'éteindre, attendit que le corps inerte d'Eren ainsi que le blond soit remis à l'isolement pour se remettre en marche. En un rien de temps, il fut à nouveau au rez de chaussée. Le baron se permit un soupir de lassitude une fois la porte de fer passé. C'était déjà la troisième fois ce mois ci que ces deux petits merdeux provoquaient des problèmes dans les cachots. Il commençait sérieusement à perdre patience et le maître des lieux les aurait bien descendu pour se calmer les nerfs. Mais heureusement pour eux, ils avaient une belle gueule et un corps des plus attractif. Prenant son mal en patience et laissant de côté ses sombres pensées, le baron arriva devant la porte de son bureau où il avait laissé son invité d'honneur. Il se recomposa un masque de neutralité avant d'entrer.
-Je ne vous ai pas fait trop attendre j'espère ?
-Pas du tout Baron. Je me délectais du délicieux breuvage que vous m'avez fait servir, répondit le commandant Erwin Smith, sa coupe à la main.
-Votre problème est résolu ?
-C'est réglé en effet. Nous ne serons plus dérangé à présent, Erwin Danchō.
Le maître des lieux retourna derrière son immense bureau de chêne.
-Bien. Dans ce cas, nous pouvons reprendre notre affaire. Je désire une livraison d'une vingtaine de votre … marchandise pour le mois prochain. J'organise un bal ainsi qu'une soirée d'enchère et on m'a vanté vos mérites en la matière. Vous imaginez bien que tout les membres les plus éminents de la capitale seront conviés.
-Il va s'en dire mon cher Erwin. Toute la livraison pourra être prête deux jours avant l'événement. Il suffira à vos hommes de se rendre au point de rendez-vous que nous avons convenus. Il va de soit également que mes hommes comme moi-même feront preuve de la plus grande discrétion.
-Dans ce cas nous avons un accord Baron Ritter.
Erwin se leva de son fauteuil. Les négociations étaient terminés. Le blond posa sa coupe sur le bureau du baron et tendit la main vers lui. L'homme de pouvoir ne perdit pas un instant pour la serrer, s'autorisant un sourire.
-C'est un plaisir de faire affaire avec vous, Erwin. J'imagine que le paiement s'effectuera une fois la soirée terminée ?
-Non. Je ne sais pas comment fonctionne vos autres clients mais je mets un point d'honneur à ne jamais contracter de dettes avec quiconque.
Sur ces mots, le commandant glissa sa main à l'intérieur de sa veste d'uniforme militaire et en sortit une lourde bourse qu'il déposa devant le baron. C'est avec une lueur de convoitise dans le regard que ce dernier soupesa le morceau de cuir dans sa main.
-Le compte y est, bien que si vous désirez vérifier je ne m'en offusquerez pas. Déclara le blond tout en ajustant sa cape sur ses épaules.
-Je ne me permettrez pas. J'espère en tout cas que ma marchandise vous plaira. À vous comme à vos invités. Que diriez-vous de boire un verre ensemble avant que vous ne partiez ?
Le blond sembla hésiter un instant puis finalement secoua la tête.
-Une autre fois peut être. J'ai énormément de travail qui m'attends sans compter les préparatifs de la soirée.
-Dans ce cas, je vous raccompagne.
Les deux hommes firent le chemin jusque la porte d'entrée du château dans le silence. Ils s'échangèrent quelques banalités au moment de se quitter puis le baron attendit que le cheval du blond soit hors de vue pour savourer pleinement la réussite de son affaire. Il éclata d'un rire lugubre et tourna les talons. Il se devait d'annoncer lui-même la nouvelle à ses petits enquiquineurs. Passant pour la deuxième fois de la journée la lourde porte de fer menant aux cachots, il survola les marches qu'il avait emprunté plus tôt. Face à la porte menant aux cellules d'isolement, il poussa le battant de manière a attiré l'attention de tout ses occupants.
-Votre attention, bandes de déchet humain ! Dans un mois, vous allez enfin être vendu. Soyez heureux de pouvoir servir à quelque chose dans votre pauvre existence et …
-La ferme vieux con !
Le baron se rembrunit d'un seul coup et avança jusque la cellule de celui qui avait osé l'interrompre. Un sourire moqueur s'étendit sur ses lèvres en découvrant le jeune brun de tout à l'heure. Il était encore couvert de sang, certaines de ces plaies dégoulinant encore.
-Jeune Jeäger. J'ai tellement hâte de me débarrasser de toi tout spécialement. Sache mon garçon qu'avec cette attitude tu ne risques pas de vivre bien longtemps là où tu seras dans un mois. Profite du peu de temps qu'il te reste à vociférer des insultes si le cœur t'en dit mais ta situation restera la même quoi que tu fasses.
Il se détourna du brun et retourna vers la porte afin de sortir. Mais avant de laisser ses prisonniers, il ajouta :
-Votre situation a tous ne changera jamais ! Vous n'êtes rien ! Plus vite vous comprendrez ça et plus vite vous l'accepterez ! À moins que vous ne vouliez finir comme votre ami !
C'est dans un éclat de rire résonnant à travers toute la salle qu'il fit sa sortie, laissant sans voix les pauvres âme torturés habitant ses geôles. Quelques minutes après le départ du seigneur des terres environnantes, les premiers sanglots se firent entendre. Des murmures de désolation et de peur emplissaient de temps à autre le silence pesant. Derrière les barreaux de sa cellule, Eren fulminait de colère. Sa respiration se fit de plus en plus erratique à mesure que ses poings se servaient de rage mal contenus. Il allait ouvrir la bouche lorsqu'une voix sur sa gauche lui parvint.
-Tu as entendu ça Eren ? Dans un mois. Dans un mois, on pourra à nouveau sentir l'air frais et peut être même voir la lumière du soleil.
Laissant retomber toute ses émotions violentes à l'entente de la voix saturé d'espoir d'Armin, Eren ferma les yeux et se laissa aller contre le mur gauche de sa cellule.
-Ouais Armin. Dans un mois, on va enfin sortir d'ici.
Un regain d'énergie soudain crispa tout les membres du jeune homme. Dans le noir complet de la pièce dans laquelle il était enfermé, ses yeux se rouvrirent et s'illuminèrent d'une lueur presque folle.
-Dans un mois Armin, on s'évade.
Ohayo Mina
La suite probablement dans la semaine *-*
