Je suis venu te dire…
Note : pour savoir à qui s'adresse réellement la lettre, il est recommandé d'avoir écouté au moins une fois la chanson de Serge Gainsbourg « Je suis venu te dire que je m'en vais », ou d'avoir lut le poème de Verlaine dont cette dernière s'inspire.
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Pré-au-Lard, le 19 juillet
Mon Cœur,
C'est avec déchirement
que je suis venu, par l'intermédiaire de cette missive, te
dire que je m'en vais. Mon heure est arrivée, celle qui,
malgré moi, était devenue inévitable depuis mon
premier affrontement avec Voldemort.
J'aurais préféré
te faire mes adieux face à face, j'aurais aimé te
serrer dans mes bras une dernière fois. Mais je ne pouvais
supporter l'idée de voir des larmes embuer ton regard
habituellement si doux et si tendre. Je ne voulais pas voir ton
sourire s'effacer, ni entendre ta voix me supplier. Pardonne-moi
cette lâcheté, mon Cœur.
Je ressens comme un besoin
obscur d'expliquer mon geste. C'est d'abord ceux qui sont morts
et ceux qui ont souffert que je m'en vais venger. Peut-être
qu'un jour je serai considéré comme un héros
pour cela, mais je m'en moque. Il y aura toujours des gens pour me
voir plus parfait que je ne suis et d'autres pour me mépriser.
Les mauvaises langues ne se priveront pas de dire que je ne fus qu'un
gamin à la grosse tête.
S'ils s'en prennent à
toi, je sais que tu sauras garder la tête haute face aux
insultes. Mais, je t'en supplie, méfie-toi des partisans du
Seigneur des Ténèbres. Quelque soit l'issue du
combat, ils chercheront à t'attaquer avant d'être
arrêtés par les Aurors. Et si je parviens à
blesser, voire à tuer leur Seigneur, ils reporteront toute
leur haine sur toi.
Je t'aime, et l'idée de ne plus
être là, à tes côtés pour te
protéger, me répugne. Elle me consume comme un feu
dévorant, j'ai peur pour toi. Voilà la seconde raison
qui me pousse à commettre cet acte de folie. Je veux nous
venger, nous. Sans la menace qui pesait au-dessus de nous, nous
aurions pu vivre une belle histoire d'Amour. Si je reviens, je
ferais tout pour rattraper le temps perdu.
Parfois, il m'arrive
de songer à « l'Après ». Sans cet être
abject qui s'appelait autrefois Tom Jedusor, nous n'aurions plus
à rester terrés au Square Grimmaurd, nous serions enfin
libres ! Nous pourrions sortir le soir, nous embrasser sur les bancs.
Je t'inviterai un soir dans un restaurent et je t'achèterai
des roses. Peut-être même que nous pourrions acheter
notre propre maison !
Si je reviens, mon Cœur, accepteras-tu de
m'épouser ?
Je t'aime,
Harry
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Dans
l'ombre de la chambre du 12, square Grimmaurd, une silhouette aux
cheveux de feu pleurait, effondrée sur un lit aux couvertures
sales et trouvées. Jamais Ginny Weasley ne s'était
sentie aussi désespérée et malheureuse. Son âme
était comme déchirée, en lambeaux. Son cœur lui
donnait l'impression qu'il avait implosé en elle. Et plus
ses larmes coulaient, plus elle avait mal.
Quelqu'un frappa
timidement à la porte. N'ayant pour réponse que des
sanglots étouffés, le visiteur poussa la porte qui
grinça en s'ouvrant.
- Ginny, tu es là ? demanda
la voix d'Hermione.
Ginny tenta de répondre mais ses
sanglots retenaient prisonniers les mots au fond de sa gorge. Elle
fut prise de légers tremblements et fourra son visage dans
l'oreiller lorsque Hermione s'approcha. La jeune femme vint
s'asseoir sur le rebord du lit. Ses yeux se posèrent sur un
journal abandonné sur la vieille couverture ; ils s'y
attardèrent quelques instants.
Le visage fermé,
Hermione posa une main réconfortante, sur l'épaule de
Ginny. Cette dernière releva brièvement la tête,
à leur regard de se croiser. Les mots n'eurent plus
d'importance, les deux jeunes femmes se comprirent
instinctivement.
Hermione fut la première à se
détourner, saisit par le poids de la culpabilité. Elle
ferma les yeux ; de lointains souvenirs remontèrent à
sa mémoire, des souvenirs de jours anciens et heureux. Malgré
tout son courage et toute la retenue dont elle avait fait preuve, une
unique larme coula le long de sa joue. Une larme qui, peut-être,
aurait pu tout changer.
Un courent d'air s'infiltra par la
porte restée ouverte. Il s'insinua dans la chambre tel un
serpent invisible, faisant tomber le journal à terre. Quelques
pages s'envolèrent, tel les feuilles mortes d'un ténébreux
automne volant à travers les pierres grises d'un cimetière.
Dans un bruissement léger, elles s'immobilisèrent
quelques centimètres plus loin. Sur l'une de ces pages, on
pouvait lire le titre d'un article funèbre :
« Le Survivant est mort en héros »
