Disclaimer : Harry Potter et ses personnages sont la propriété de J.K. Rowling.

Spoilers : compatible avec les tomes 6 et 7.

Remarque : J'ai repris le nom original de Tom Jedusor, soit « Tom Riddle ». Attention sinon, il n'y a aucune faute d'accord de participe - tout est fait exprès. Voici la première partie du prologue.


« Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n'ai pas l'amour, je ne suis qu'un airain qui résonne ou une cymbale qui retentit. Et quand j'aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance ; (...) si je n'ai pas l'amour du prochain, je ne suis rien. »

Saint Paul, Première Épître aux Corinthiens.


Le garçon d'airain

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Prologue

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Il est sur moi, son parfum, non son odeur, je la sens, je la sens ! Je vois ses dents luisantes dans l'obscurité, il rit de me voir abandonnée, abandonné, abandonnée à lui. Son rire est blanc et triomphant, il me blesse, il me brûle, et quand il rit lorsque je suis couchée, abandonné, son rire est aigu, ridiculement aigu.

« Thomas… »

Je me perds à nouveau dans son visage d'ange, on aimerait le boire tant il est beau, poser ses lèvres sur la pierre froide pour rassasier le trou qui bée derrière les côtes, l'endroit qui vous fait pleurer, pleurer comme la pluie interminable sur la mer et qui toujours disparaît.

D'abord, ce sont ses yeux qui vous percent, puis ses paroles, puis ses ongles, et puis tout. Il m'a faite coucher ici comme la dernière des catins. Il m'a déshabillée, bleuie de ses mains impatientes, plus humain mais ver...

« La douleur la fait halluciner », murmura la sage-femme.

J'ai mal, j'ai si mal... Je ne savais pas qu'il était possible de souffrir autant. Mes entrailles déchirées fondent en un flot chaud qui dévale mes cuisses. Est-ce que je saigne parce que j'ai trahi mon sang ?

« Tom ! Arrête ! »

Il ne m'a jamais aimée. Ce n'est plus avec des yeux d'humain qu'il me regarde. C'est un objet sans âme qu'il regarde. Tel un charognard ; il aime à se nourrir des bêtes inanimées. Il s'accouple avec les cadavres pour renaître.

« TOM ! »

Une ultime fois je me redresse, les yeux écarquillés, mes cheveux comme des flammes collés à ma peau.

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Aussi longtemps que je m'en souvienne, j'ai toujours été Tom.

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Lorsque je suis sorti de ma torpeur, la pluie fouettait doucement le carreau constellé de gouttes brillantes. Le monde derrière la vitre était d'un bleu profond, abyssal : j'ai pensé aux gens qui se trouvaient dehors à cette heure-là - c'était presque la nuit -, leurs robes et leurs capes de sorciers trempées par la pluie gelée, leur peau hérissée par le froid, grelottant dans ce malconfort, mordus dans chaque parcelle de leur chair. Ce sont ces moments où, comme sous le coup d'une maladie dont les douleurs ne laissent pas de répit, aucune seconde de plaisir ne vient compenser la souffrance du corps et de l'âme. L'existence n'est plus que mal-être ; l'on tente toujours de sortir de cet état comme on traverse un mètre de charbons ardents.

Moi, toute ma vie je l'ai passée à grelotter sous une averse sans pouvoir m'échapper nulle part.

« Tom ? Tom ? »

Les deux syllabes du meilleur refrain de ce collège n'avaient pas tardé à retentir à nouveau. J'étais couché sur mon bureau, la tête posée sur mes bras repliés. Un morceau de bougie fumait sur le sous-main de moleskine noire. Quelques livres étaient rangés contre le mur, précédant le cadre de la photographie qui représentait la cour de l'orphelinat. Ce soir-là, à la lueur des flammes, je pouvais y voir mon reflet, quelque peu fragmenté et imprimé par l'image sur laquelle il se reflétait… T. M. Riddle porte ses cheveux noirs soigneusement coiffés et lissés, la raie sur le côté, basse, selon la mode du moment, pour ne pas se faire remarquer. Le petit Riddle a les yeux de la couleur des fenêtres orageuses sous ses sourcils souvent inquiets ; certains disent qu'ils sont de la profonde tristesse des yeux de pauvre.

Mais moi, comme on me parlait, j'ai tourné la tête et dans le même mouvement, j'ai senti s'étirer les commissures de mes lèvres, puis mes joues – il faut être fort comme Ulysse pour tendre la corde d'un tel arc.

J'ai souri.

« Je me suis assoupi je crois. J'ai juste fait un cauchemar. »

à suivre