Après la guerre - Chapitre 1

Résumé : Alors que son pays et ses alliés ont enfin réussi à repousser leur envahisseur, Jack Harkness est envoyé en ex-territoire ennemi pour une mission d'envergure. Il y fait la connaissance de Ianto, jeune capitaine de l'armée ennemie qu'on place sous ses ordres. Pour Jack, « ennemi » ça n'a jamais voulu dire grand chose de toute façon... UA. JH/IJ, OH/TS.

Disclamer : Je peux vous assurer que les personnages de Torchwood ne m'appartiennent pas. Sinon, ils aurait été INFINIMENT mieux traités. Merci encore, hein, Russell T. Davies...

Pairing : Jack Harkness et Ianto Jones

Rating : T (l'histoire est « pour adultes » je dirais, mais aucun contenu choquant ou explicite)

Avertissements : Premièrement, cette fic contient mentions de traitements violents et abusifs sur autrui. Aucune description voyeuriste mais une victime qui raconte ce qu'elle a vécu.

Deuxièmement, il sera aussi mention d'une histoire d'amour impliquant deux hommes. Donc, homophobes, esprits étriqués ou encore manifestants anti-mariage gay « j'ai-rien-contre-les-homos-d'ailleurs-j'en-connais », vous dégagez. Et en silence. Merci. Sérieusement, j'ai du mal à croire que des homophobes ou puritains en tout genre puisse traîner sur le fandom Torchwood, vu que ça implique logiquement d'avoir regardé la série où une bonne partie des personnages sont bisexuels. Mais bon. Même les cons s'égarent parait-il.

Notes : Hi everybody ! Alors ce que vous devez savoir avant tout, c'est que cette histoire est un UA (univers alternatif pour ceux qui ne seraient pas familiarisé avec les abréviations barbares des fanfictions).

J'ai regardé Torchwood parce que dans Doctor Who, Jack est mon personnage préféré, tous persos et toutes saisons confondues. J'ai fondu d'attendrissement devant le couple qu'il forme avec Ianto et heureusement, je m'étais spoilée avant de voir la fin de la saison 3, sinon ce serait de larmes que j'aurais fondue...

Je ne pouvais juste pas lâcher Ianto et Jack. Alors je me suis tournée vers les fics, j'en ai lu jusqu'à l'étourdissement. Puis j'ai eu envie d'en écrire. Sauf que je trouve que le tour de la question a été plus au moins fait et je ne voyais pas quoi raconter sans tomber dans la redite. Voilà pourquoi le UA. Faut croire que Ianto et Jack traînent toujours dans un coin de ma tête mais en ce moment, il y a aussi quelque chose qui y prend beaucoup de place : je dois écrire un mémoire (pour mes études). Tout ça s'est gentiment mélangé dans un rêve dont je me souvenais parfaitement au réveil (alors que ça ne m'arrive pratiquement JAMAIS !) et cela a donné ceci...

Mon mémoire porte en partie sur la restitution des œuvres d'art. Seconde Guerre mondiale, tout ça. Dans mon rêve, les choses se passaient donc à cette époque et quand je me suis mise à écrire l'histoire, j'ai pensé l'y situer aussi. Sauf qu'au vu des éléments que je met dans cette histoire, il y aurait des incohérences historiques abyssales. Je peux pas faire ça. Du coup, j'ai eu l'idée d'une sorte d'univers alternatif, du genre « ça ressemble à mon monde, mais ce n'est pas mon monde ». Ce n'est pas très développé, c'est juste que je voulais un cadre neutre.

DONC : L'histoire a pour cadre 4 pays : La Germalie, la Sardaigna, la Finche et l'Endalie (vous voyez, je n'ai pas été chercher bien loin). Ils ne sont pas situés côte à côté, je les vois plutôt presque les uns au-dessus des autres.

Un habitant de Germalie s'appelle un germalien et sa langue, bah c'est le germalien. Logique.

La Germalie était dirigée par des despotes qui se font appeler les sinables (prenez les deux première voyelles, je pense que vous verrez la référence...). Elle a envahi les trois autres. Ces derniers se sont alliées et ont repoussé l'envahisseur.

Je pense que c'est tout ce que j'avais besoin de vous préciser (et c'est déjà vraiment BEAUCOUP ! Désolée).

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Torchwood. Il trouvait que c'était un nom étrange pour un manoir. Les sonorités appelaient plutôt à quelque chose de secret et belliqueux, comme un nom de code pour des espions ou pour une mission secrète.

Il n'avait jamais eu l'impression que ce manoir renfermait quoique ce soit de secret ou de mystérieux, si on exceptait les milliers d'œuvres d'art spoliées dans son pays et ses deux alliés, qu'on lui avait confié la vertigineuse tâche d'inventorier en vue d'en rechercher les propriétaires. La présence de ces milliers tableaux, dessins ou autres sculptures étaient surprenante voire incongrue dans ce manoir perdu en pleine campagne germalienne, mais elle n'avait plus rien d'un secret.

Pas de mystère. Du moins, c'est ce que Jack croyait. Jusqu'à ce qu'il retrouve Ianto Jones à genoux et en sanglots dans une des pièces inutilisées du sous-sol.

Ça faisait un bon moment qu'il le cherchait, le bougre. Jack avait besoin de la liste de tableaux qu'on avait pu relier au grand collectionneur Koen. C'était Ianto qui l'avait établi et pas moyen de savoir ce qu'il en avait fait.

Il fallait dire que la communication, ce n'était franchement pas le fort de cet homme. Jack, comme Tosh et Owen, faisait tout pour qu'il ne sente pas comme un prisonnier mais il en avait le comportement : craintif, renfermé, sur ses gardes, solitaire.

Il n'avait rien des officiers germaliens que Jack, Tosh et Owen avaient pris l'habitude de côtoyer pour leur plus grand déplaisir lorsque leur pays avait été occupé. Ces derniers étaient mal-polis, arrogants et brutaux dès que l'occasion s'en présentait.

Ianto Jones était tout le contraire. Calme. Polis. Discret. Travailleur. Jack aurait tant voulu qu'il ne sente pas comme un esclave – ce qu'il n'était d'ailleurs pas. Le gouvernement allié qui avait repris la direction de la Germalie, le pays de Ianto, après la défaite de l'armée germalienne et la chute de son gouvernement, avait bien précisé que les prisonniers de guerre affectés à l'effort de reconstruction devaient être bien traités, logés et nourris, comme des travailleurs ordinaires. Sauf qu'ils n'étaient pas payés. Ils étaient là, contre leur volonté avouons-le, pour expier la dette que leur pays avait envers trois pays frontaliers après les avoir attaqués et envahis.

Jack n'était absolument pas d'accord avec cela. Ce raisonnement de « vous avez joué aux cons, vous devez payer maintenant ». Répondre à la contrainte par la contrainte. C'était absolument contraire à tout ce en quoi il croyait. Mais on ne lui avait pas demandé son avis.

Lorsque ses supérieurs l'avaient contacté pour lui dire qu'un prisonnier germalien allait être affecté au manoir Torchwood et placé sous ses ordres, il avait poussé de hauts cris. Et il s'était vu rétorquer sèchement qu'on se fichait bien de son opinion. Jack avait donc du faire contre mauvaise fortune bon cœur et admettre que la tâche qu'il devait accomplir ici était tellement vaste qu'un peu d'aide supplémentaire ne serait sûrement pas superflue.

Tout de même, lorsqu'il regardait Ianto Jones passer des journées complètes la tête baissée, littéralement absorbé par sa tâche, il n'arrivait pas à voir en qui ce garçon avait mérité qu'on le condamne aux travaux forcés. Comme eux tous, il n'avait qu'obéit aux ordres. Qui pouvait-il si son pays était dirigé par un gouvernement despotique, tyrannique et raciste par dessus le marché ? Jack était sûr que Ianto n'était même pas en âge de voter quand ces abrutis étaient arrivés au pouvoir dans un pays désespéré par une sévère récession économique.

Vraiment, il marchait sur des œufs avec Ianto, ayant l'impression d'être son bourreau tout en ayant envie d'être son ami.

Tosh, avec toute sa sensibilité féminine, lui avait dit quelques jours auparavant qu'elle lisait une crainte immense dans les yeux de Ianto et qu'elle avait sensation qu'il avait peur d'être maltraité. Cette intuition se trouva totalement confirmée lorsque Jack, inquiet par l'évidente détresse du jeune homme, s'approcha de lui.

-Ianto ?

Ce dernier sursauta violemment, tourna la tête pour s'apercevoir de la présence de Jack et en un réflexe vif, se cacha le visage de son bras, comme pour parer un coup.

-Oh seigneur, Ianto, je ne vais pas te faire de mal ! Soupira Jack en faisant quelques pas en arrière pour démontrer son absence de mauvaises intentions.

Le jeune homme baissa lentement son bras mais demeura prostré sur le sol.

-Qu'est-ce qui t'arrive, mon vieux ? S'inquiéta Jack. Est-ce que tu es blessé ?

Ianto fit lentement non de la tête.

-Ok. Apparemment, cet endroit ne te réussi pas trop, non ? Et si on sortait plutôt prendre l'air ?

Le germalien hocha la tête cette fois-ci, se remit sur ses pieds et essuya ses larmes d'un geste furtif.

Jack s'efforça de marcher à ses côtés jusqu'à l'extérieur, ne marchant ni derrière, ni devant lui. Il ne dit rien jusqu'à ce qu'ils aient atteint le soleil et commença à cheminer sur l'un des chemins qui parcouraient l'immense parc entourant le manoir, invitant d'un geste l'autre homme à le suivre.

-Parle-moi, lui dit-il simplement. Dis-moi ce qui ne va pas. S'il te plaît.

Ianto sursauta comme si on l'avait piqué.

-C'est cruel... dit-il. Si cruel de m'avoir fait revenir ici. Parfois les souvenirs remontent, je n'y peux rien. J'essaie mais c'est dur... Pardonnez-moi, monsieur.

Jack était tellement incrédule qu'il en oublia de le reprendre sur le « monsieur ».

-Ianto, je ne vois absolument pas de quoi tu parles ! Sincèrement. Tu es déjà venu ici, avant ?

Le germalien le dévisagea, méfiant.

-Bien sûr, répondit-il sur le ton de l'évidence.

-Je l'ignorais, je te le jure ! Je n'ai absolument aucune idée d'à quoi ce château pouvait servir avant qu'on y stocke les œuvres. Je sais juste qu'il appartenait à ton gouvernement mais je croyais qu'ils le gardaient sous le coude en cas de besoin...

Ianto dévisagea intensément Jack, comme pour évaluer s'il disait la vérité ou non.

-J'ai toujours cru que... murmura-t-il finalement.

-Que quoi, Ianto ? S'il te plaît, dis-moi.

-Je croyais que le fait de m'avoir renvoyé ici était une punition supplémentaire, avoua-t-il.

-Oh seigneur ! Une punition pour quoi ?

-Parce que je suis un salaud de sinable, répondit-il avec un naturel désarment.

Jack eut une furieuse envie de le prendre dans ses bras.

-Tous les hommes de ton pays en âge de combattre ont été des sinables, Ianto, ça ne fait pas de toi un salaud.

Les sinables étaient le nom que c'était donné les dirigeants germaliens et qui s'était étendu aux soldats et officiers.

-Vous savez bien que si, rétorqua le jeune homme en baissant les yeux.

Jack sentit une sorte de détresse monter en lui. C'était ça que ressentait Ianto ? Mais que faisait-il parmi les prisonniers, bon sang ?!

-Je t'assure que ton affectation ici n'est que le fruit d'un total hasard, lui assura Jack. Qu'est-ce qui s'est passé dans cet endroit qui te bouleverse tant ?

-Vous... vous ne savez vraiment pas ?

-Je te le jure sur les têtes de Tosh et Owen.

Le jeune homme avait l'air stupéfait.

-Alors vous...

Il s'interrompit et Jack put presque physiquement le voir se tendre. Puis il prit une grande inspiration et reprit.

-Cet endroit, c'était l'enfer.

Jack sursauta.

-C'était une sorte de prison, poursuivit Ianto. Les pièces du sous-sol étaient fermées à clé et servaient de cellules. Je suis quasiment sûr que lorsque vous m'avez trouvé tout à l'heure, j'étais dans la mienne.

Jack se couvrit la bouche d'une main.

-Bon sang, mais qu'est-ce qui s'est passé ?

-Ils appelaient ça des « indisciplinés ». Les gens comme moi. Je les ai toujours détestés. Ces sales sinables, leurs idées dégoûtantes et leur haine d'autrui. J'avais 18 ans quand la guerre a été déclarée. On voulait m'envoyer dans un camps d'entraînement. J'ai dis hors de question et je me suis tiré. J'ai vécu dans ce que vous appelez la clandestinité, dans votre langue. Il y avait des tonnes de gens comme moi. Mais ils ont fini par me remettre la main dessus. J'ai continué à dire « hors de question que je participe à votre merde ». Alors ils m'ont envoyé ici. Presque une semaine sans boire, ni manger, dès l'arrivée. Puis ils vous sortent de la cellule, vous demandent si vous n'êtes toujours pas décidé à revenir à de meilleurs sentiments. Si vous répondez non, ils vous tabassent. Devant les autres cellules pour que les autres entendent. Parfois, ils ramènent des objets pour que ça fasse encore plus mal. Je n'avais qu'une envie, c'est que ça s'arrête. Et quand un type est vraiment trop borné, qu'ils ont acquis la conviction qu'ils ne pourront rien en tirer, ils l'emmènent dans la cour et lui tirent une balle dans la tête. Puis ils réunissent tous les autres prisonniers dans la cour et les obligent à creuser un trou pour mettre le mort dedans. C'est après ça que j'ai craqué. J'avais envie que ça s'arrête mais la mort... ça me faisait tellement peur... Alors j'ai cédé. J'ai dis d'accord, je suis sorti et je suis devenu l'un d'eux. Je suis un vendu, voilà ce que je suis.

Stupéfait, atterré par ce qu'il venait d'entendre, Jack ne trouvait pas de mot. Que dire lorsqu'un homme aussi jeune que Ianto venait de vous avouer un passé pareil ? Tant de souffrances... Jack fut obligé de croiser fermement ses mains dans son dos pour s'empêcher à nouveau de le prendre dans ses bras. Il savait qu'il n'aurait pas du tout aimé ça, il ne supportait pas le moindre contact physique. Maintenant, il comprenait pourquoi.

-Je suis tellement, tellement désolé, réussi finalement à dire Jack à un Ianto qui avait gardé les yeux baissés. Regarde-moi, dit-il gentiment. Je ne savais pas, je te le jure. Bon sang, Ianto pourquoi n'avoir rien dit ? Je comprends maintenant pourquoi tu as toujours l'air d'avoir peur... Tu ne mérites pas ce qui t'arrive et crois-moi, jamais je n'ai voulu participer à ta souffrance.

Ianto hocha la tête.

-Je vous crois, monsieur, dit-il simplement.

Jack poussa un soupir.

-Ianto, par pitié... Laisse tomber ce « monsieur ». Appelle-moi capitaine si tu tiens tellement à une marque de respect.

-J'étais capitaine aussi, dit Ianto avec un bref sourire.

-Ça non plus, je ne savais pas. Je peux t'appeler capitaine aussi si tu veux, proposa Jack en souriant à son tour.

-Je préfère Ianto, si ça ne vous dérange pas, monsi... euh...

-Jack. Juste Jack. Sois gentil. Ou alors rien du tout si tu n'arrives vraiment pas à utiliser mon prénom.

-D'accord, lâcha Ianto dans un soupir.

-Viens, dit Jack en faisant demi-tour. Rentrons. J'ai des coups de fil à passer. Et au fait, qu'est-ce que tu as fait de la liste Koen ?

-Elle est dans le dossier des propriétaires finchois.

-Tu pourras me l'amener ? Et, Ianto, reprit-il, si tu as à nouveau besoin de redescendre pour faire face à ton passé, tu n'as pas besoin de le faire seul, tu sais.

Ianto lui jeta un regard pénétrant.

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Deux jours plus tard, une équipe de cinq soldats fut envoyée au manoir avec ordre de retourner tout le parc s'il le fallait. L'état major avait pris les déclarations de Ianto rapportées par Jack très au sérieux. Si c'était vrai, cela signifiait qu'il y avait eu une forme de résistance au sein même de la Germalie alors que les sinables s'étaient toujours vantés d'avoir tout un peuple uni derrière eux.

Les soldats n'eurent pas à chercher bien loin et sous les yeux de Tosh, Jack, Owen et Ianto, ils déterrèrent des dizaines de cadavres durant toute une après-midi.

S'en fut vite trop pour la sensible Tosh qui éclata en sanglots, au grand désarroi des soldats. Owen la prit dans ses bras pour la consoler et Jack avait terriblement envie d'en faire de même avec Ianto, qui regardait silencieusement ses camarades d'infortune être extraits des vulgaires trous dans lesquels ils avaient été jetés. Au bout d'un moment, une larme solitaire roula le long de sa joue. Bouleversé, Jack s'approcha de lui – il se tenait un peu à l'écart de Tosh, Owen et lui-même, et posa une main sur son épaule. Ianto se retourna brièvement et lui lança un regard reconnaissant.

-On va tout faire pour les identifier, lui dit Jack. On rendra ceux qu'on peut à leur famille et évidemment, on donnera à tous les autres une sépulture décente.

-Je sais, répondit Ianto d'une voix basse et tremblante. Merci. Merci, Jack.

Jack lui serra brièvement l'épaule.

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Jack mit plusieurs semaines avant de réussir à obtenir le dossier militaire de Ianto. Il était classé confidentiel, ce qui en disait déjà long. Il n'y avait aucune mention de son passage dans les geôles du manoir. Jack apprit plus tard qu'il n'y avait nulle trace de l'horrible dessein auquel cet endroit avait été réservé avant de devenir un dépôt d'œuvres spoliées. Nulle archive, nulle affectation de mission pour les bourreaux, aucun compte rendu sur les prisonniers, rien. Tout avait été détruit pour enterrer à jamais le sort de ces résistants de l'ombre. Si Ianto n'avait pas parlé, personne n'aurait peut-être jamais rien su.

Dans son dossier, il n'y avait une mention « à surveiller, potentiellement réfractaire » qui avait probablement justifiée à elle-seule le classement confidentiel. En la découvrant, Ianto n'en fut pas le moins du monde étonné. Il avait été un stratège militaire pour le général chargé de l'invasion de la Saraigna. Il n'avait jamais été sur le terrain et savait que son supérieur l'avait en permanence à l'œil.

Son dossier révélait aussi que des tests pratiqués quand il était enfant montraient qu'il était un sur-doué, doté d'une intelligence et d'une mémoire hors du commun.

-C'est pour ça qu'ils m'ont traqué, lui dit Ianto. Il ne pouvait laisser le petit génie dans la nature alors qu'il pouvait s'avérer tellement utile, maugréa-t-il.

Jack ne pouvait pas laisser les choses en l'état. Ianto ne méritait pas d'être un prisonnier. Il remua ciel et terre, poussa de nombreux hurlements au téléphone mais obtient finalement assez rapidement gain de cause : Ianto fut libéré et libre de faire ce qu'il voulait.

A cette annonce, le jeune homme eut une réaction curieuse. Un mouvement de recul et un air terrifié. Puis il se reprit et demanda à pouvoir poursuivre son travail au manoir Torchwood. Il ne demanda même pas à être payé. Puisqu'il était libre de ses mouvements, personne ne pouvait lui refuser de continuer sa tache. Jack obtient tout de même que l'on verse une rétribution sur un compte à son nom. Il trouverait le bon moment pour lui parler.

Jack se souvenait des paroles que Ianto avait prononcées « c'est cruel, si cruel de m'avoir renvoyé ici ». Rester dans ce lieu où il avait été jadis torturé, n'était-ce pas un moyen pour Ianto de se punir lui-même ?

En même temps, Jack était incapable de le chasser. Même pas parce que Ianto faisait de l'excellent travail et était d'une efficacité redoutable. Il ne voulait pas le voir partir parce qu'il l'appréciait. Vraiment beaucoup. Toute sa manière d'être le touchait au-delà des mots. Ce n'était pas rationnel, c'était juste ce qu'il ressentait. Même si Ianto était si silencieux et renfermé qu'on pouvait difficilement qualifier sa compagnie d'agréable, il aimait quand même être au-près de lui. Il n'avait qu'une envie, c'était de le consoler, de lui faire oublier ses souffrances et sa colère envers lui-même. Il aimait son esprit vif, l'éclat malicieux qui apparaissait parfois – bien que trop rarement, dans ses yeux. Il aimait ses mains fines, le bleu pur de ses yeux, son petit nez en trompette et sa voix calme, presque rassurante même lorsqu'on connaissait son esprit torturé.

En fait, il en était complètement mordu et aurait voulu pouvoir l'aider même si à l'évidence, il n'arrivait pas à trouver comme s'y prendre. Ianto demeurait comme une forteresse impénétrable. Une très jolie forteresse, pleine de bonnes manières mais hermétiquement insondable. Et Jack savait que Ianto était tellement plus qu'un joli garçon bien élevé.

-Monsieur ? Dit Ianto en faisant un pas dans la pièce qui servait de bureau à Jack après avoir frappé à la porte ouverte.

Jack lui jeta un regard agacé. Encore ce « monsieur ». Ce garçon était plus têtu qu'une mule.

-Désolé, reprit Ianto en baissant la tête.

Jack secoua la sienne. Parfois, il avait envie d'attraper Ianto par les épaules et de le secouer jusqu'à ce qu'il tombe un peu le masque des bonnes manières ampoulées et soit enfin lui-même.

-Tu as des frères et sœurs ? Lança Jack à brûle pourpoint .

Ianto eut l'air très surpris. C'était normal puisqu'il était là pour demander quelque chose à Jack et ne s'attendait pas à voir sa requête devancée par une question personnelle.

Jack haussa les sourcils, comme pour le mettre au défit de ne pas répondre.

-D'une certaine manière, oui, répondit Ianto.

-C'est-à-dire ? S'étonna Jack.

-J'ai été élevé dans un orphelinat, expliqua le jeune homme. D'une certaine manière, les camarades avec qui j'ai passé toutes ces années pourraient être considérés comme des frères et sœurs.

-Je ne savais pas, dit Jack.

Évidemment puisque ce bougre ne racontait jamais rien sur lui-même sauf si on l'y obligeait presque.

-Qu'est ce qui est arrivé à tes parents ? Poursuivit-il.

-Je n'en ai pas la moindre idée. Je n'ai toujours connu que l'orphelinat. Puis les planques, puis ici, puis les QG en Saraigna, puis un peu la prison et à nouveau ici. Ça bouge pas mal depuis quelques années, ajouta-t-il ironiquement.

-Comment c'était ? Demanda Jack.

-Quoi donc ?

-L'orphelinat.

-Sinistre. Ennuyeux. Des bonnes sœurs moralisatrices. Des camarades pénibles pour la plupart. J'imagine que voir tout le temps les même personnes sans la possibilité d'aller voir ailleurs finit par vous les rendre détestables.

-Vous ne pouviez pas sortir ? S'étonna Jack.

-Sauf pour aller à l'église ou au marché. L'orphelinat avait une sorte de parc, on n'était pas censé en dépasser les limites le reste du temps. Une vie follement excitante ! ironisa-t-il.

Jack acquit la conviction que Ianto avait du être un véritable rebelle. Un rebelle extrêmement intelligent par dessus le marché. Puis ce qu'il avait vécu ici autrefois avait cassé cela en lui, bien qu'il y en avait des réminiscences parfois dans ses mots ou dans son regard. C'était ce Ianto qui s'ennuyait à l'orphelinat et embêtait les bonnes sœurs que Jack voulait connaître.

-J'aurais aimé te connaître à cette époque, lui dit-il.

A sa grande surprise, Ianto lui offrit l'un de ses extrêmement rares sourires.

-Qu'est-ce qu'il te faut ? Reprit Jack en lui souriant à son tour.

-Il y a une toile qui pose problème. Tosh a lancé un de ses programmes de comparaison mais je suis quasiment sûr que le résultat confirmera.

-C'est un faux ? Demanda Jack.

Ianto hocha la tête.

-Montre-moi.

Ils rejoignirent une des salles de stockage où se trouvait le tableau en question.

Bien qu'il n'avait pas la moindre formation en histoire de l'art, contrairement à Jack qui enseignait cette discipline en plus de l'archéologie dans une prestigieuse faculté de son pays, Ianto avait un œil très doué pour repérer les moindres détails et une véritable mémoire photographique.

Avec le sérieux d'un étudiant en plein exposé, Ianto lui montra les détails qui clochaient.

-C'est extrêmement bien vu, le félicita Jack. Tout le monde s'y ait laissé prendre visiblement. Comme d'habitude, il n'y a que toi qui ait les yeux en face des trous.

-Merci.

-Je n'ai pas le moindre idée de ce qu'on va faire des faux, soupira Jack. Comme si tout ça n'était pas déjà assez complexe comme ça...

Il fut interrompu par Owen qui les rejoignit dans la pièce.

-Ah, tu es là ! dit-il à Jack. C'est la merde, elle est encore malade à crever !

Jack eut presque envie de rire devant les yeux de chien battus d'Owen.

-Est-ce que c'est vraiment à moi de t'expliquer ça ? Tu es médecin, oui ou non ? Demanda-t-il d'un ton rieur. Elle est enceinte donc elle vomit. Quoi de plus normal ?

Tosh attendait un heureux événement et Owen était le papa. Jack souriait à chaque fois qu'il pensait que sans lui, ces deux-là ne se seraient jamais rencontrés et aimés.

-Il y a cette plante, dit doucement Ianto. J'en ai vu dans le parc. Je ne connais pas son nom dans votre langue. Si elle en boit une infusion, ça fera passer les nausées.

Jack et Owen le dévisagèrent.

-J'ai été élevé par des bonnes sœurs, se défendit presque Ianto en levant les bras au ciel. Je connais tous les remèdes de grand mère possibles et imaginables. Une des filles de l'orphelinat est tombée enceinte quand j'avais une quinzaine d'années. Vous n'imaginez même pas le scandale.

-Tu veux bien me montrer ? Demanda Owen. Franchement, tout est bon à prendre pour la soulager.

Jack sourit. Il connaissait peu d'hommes aussi protecteurs et affectionnés qu'Owen. Lui qui paraissait si bourru au premier abord...

Finalement, ce fut même Ianto qui prépara l'infusion pour Tosh car Gwen, la germalienne qui s'occupait ordinairement de la cuisine, ne travaillait pas l'après-midi.

-Qu'est-ce qui est arrivé à la fille enceinte de l'orphelinat ? Lui demanda Jack alors que Ianto touillait sa mixture d'un air distrait.

-Oh, le père a été sommé de trouver un travail ce qui est très difficile en Germalie quand on n'est pas majeur. Ils ont dû se marier et quitter l'orphelinat au plus vite. Je ne les ai plus jamais revu. Au moins, ils ont une famille maintenant, ajouta-t-il après un instant de silence.

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Je ne sais pas encore à quelle fréquence je vais publier (ça dépendra des réactions que je recevrais, je suppose) mais sachez que, fidèle à un précepte que je m'impose depuis des années (et qui explique pourquoi les dernières fics que j'ai postées ici datent de Mathusalem...), je publie rien avant d'avoir intégralement écrit l'histoire. Elle contient 5 chapitres. Et je vous garantie que vous en connaîtrez la fin (si vous voulez!).

Merci à vous !