(Edward)
Carlisle m'avait offert ce piano de nombreuses années auparavant: de tous ceux sur lesquels j'avais eu la possibilité de jouer, il était mon préféré.
Je l'avais installé contre la fenêtre de ma chambre pour guetter comme à mon habitude, le lever du soleil qui indiquait le début de notre comédie humaine.
Depuis de nombreuses années à présent, je parvenais à oublier que le sang humain m'attirait et pouvait sans souci me promener parmi eux. Mais plus que leurs odeurs, c'était leurs pensées qui me dérangeaient. Bien qu'un éclair de génie perçât parfois dans le flot de leurs idées embrouillées, la majorité du temps, elles étaient d'une banalité et d'une superficialité étonnantes.
J'avais eu 17 ans tout comme eux mais le souvenir que j'en gardais était si flou que je ne parvenais à savoir si mes pensées d'alors était aussi étrangement détachées des choses importantes de ce monde. Ce don, cadeau du ciel pour beaucoup, me pesait souvent comme un fardeau; même si toujours je devinais ce que l'on cherchait à me cacher.
J'entendis Alice s'approcher bien avant qu'elle ne pose sa tête sur l'encadrement de la porte, un léger sourire sur ses lèvres. Esmée et elle avaient pris l'habitude, lorsque ma musique était trop mélancolique ou qu'elles avaient juste besoin d'entendre une douce mélodie, de venir ainsi s'appuyer à l'entrée de ma chambre. Sans en franchir le seuil, comme pour préserver une intimité que personne n'avait.
-" Edward."
Je finis mon morceau et relevait la tête vers elle:
-"J'arrive."
Elle me sourit et repartit dans le couloir, ses pensées me disaient qu'elle continuait de s'inquiéter de ma musique trop mélancolique.
Je les rejoignit dans la voiture et le rire tonitruant d'Emmett à sa propre plaisanterie me détendit.
La journée allait se dérouler normalement, tout allait bien se passer.
Je ralentis l'allure de la voiture une fois arrivé en ville mais nous arrivâmes quand même en avance.
Les Cullen sont dans la place. Qu'est ce qu'il est beau!. J'adore son haut. Sans l'autre musclé, je lui ferais bien son affaire.
Ce que les mortels sont puérils. Pourquoi attirons encore les regards et les remarques ?
J'abandonnais les deux couples, las des pensées bien trop intimes d'Emmett et Rosalie et me dirigeais vers ma première salle de cours.
Mlle Bennett, notre professeur de littérature, attirait les commentaires déplacés de mes camarades de classe et entretenait une liaison avec Aaron Marks, un des sportifs stars de Forks.
Quand elle entra dans la salle, elle avait en tête un nouvel élève dont le nom lui échappait.
Chuck...Chad...Rrrr. C'est quoi son putain de prénom?
Je ne pus m'empêcher de sourire : elle déposa ses affaires sur son bureau en continuant de grommeler intérieurement.
La classe se remplit rapidement et le cours débuta: bonne professeur, elle s'était obligé à abandonner les œuvres de Shakespeare pour des poèmes dont les auteurs m'échappaient.
Au moment ou je commençais de somnoler en mêlant le cours aux pensées de mes camarades, on frappa à la porte et Karen, notre conseillère d'éducation, précéda un grand brun.
-"Excusez moi, Phyllis, c'est votre nouvel élève, Charly Miles."
-"Ah oui, bien sûr, allez vous asseoir."
-"Désolé pour le retard, j'ai du accompagner en cours sa sœur jumelle et son frère aîné."
Charly s'était assis à la table à côté de la mienne et un sourire insolent coincé sur les lèvres, il détaillait chaque élève.
Il faudrait vraiment que Chloé apprenne à s'enlaidir un peu plus.
Des pensées toutes aussi inintéressantes que celles des autres mais en tout cas, il déclenchait remarques et attentions.
Ouah!!. Il est presque aussi beau qu'Edward!. Il est encore plus beau qu'Edward!.Qu'est ce que c'est que ce bellâtre!?. Putin avec lui et Cullen dans la classe, j'suis pas prêt d'être dépucelé!.
La matinée allait être longue : j'avais oublié pourquoi le changement attirait tant l'attention des humains. Pour ma part, Charly se fondait déjà dans la masse, peut être un peu plus grand et plus beau que la moyenne. Rien d'intéressant.
Mlle Bennett reprit le cours de sa remarque et moi le fil de mes pensées.
Je devais parler à Carlisle, j'en avais assez de vivre parmi les humains. J'avais envie de vivre d'autres aventures, peut être cela me tirerait il un peu de la mélancolie que je ressentais depuis quelques temps.
Cette mélancolie m'étonnait d'autant plus que ma vie était plutôt belle ces derniers temps. Sans me plaire vraiment, j'appréciais le calme de Forks, les habitudes qu'on ne peut observer que dans les petites villes.
Ma famille, bien portante et heureuse, ne m'apportait que du bonheur. Depuis longtemps maintenant, je considérais Carlisle comme mon père et Esmée comme ma mère. Pour ce qui était d'Alice, Rosalie, Jasper et Emmett, ils étaient mes amis les plus précieux et l'amour qu'ils partageaient me touchait également.
Pourtant, je continuais de sentir en moi comme un vide.
A la fin de la matinée, Alice m'attendait à la sortie de ma salle:
-"Je sentais que tu avais besoin que je vienne te chercher."
Je lui souris mais sentit bien que même cela ne la convainquit pas. Je me mis à marcher vers la cafétéria et elle me suivit, la mine soucieuse:
-"J'aimerais bien pouvoir lire dans tes pensées."
-"Tout va bien, Alice."
-"Menteur."
Elle me sourit et je le lui rendis, sa bonne humeur continuelle était communicative.
Je saisis quelques exemples de nourriture humaine que je plaçais sur mon plateau et rejoignis la table qu'occupait déjà Emmett, Rosalie et Jasper. Ce dernier paraissait gêné, comme si une odeur pestilentielle régnait dans la cafétéria. Il me sourit quand je vins m'asseoir à côté de lui, ce qui lui arrivait rarement.
-"Tu peux me dire pourquoi ils sont aussi fébriles, ça devient insupportable."
Je n'avais même pas besoin de plonger dans les pensées d'un autre élève pour savoir, cela résonnait dans ma tête comme un bourdonnement.
-"Les nouveaux élèves."
Rosalie se tourna vers nous:
-"Ah oui, l'aîné est dans notre classe."
-"C'est vrai, comment il est?"
Il n'y avait bien qu'Alice pour s'occuper de l'arrivée de nouveaux humains dans notre entourage proche. Pour participer à sa bonne humeur, je lui dis d'un ton calme:
-"Un des autres est dans ma classe de littérature."
Elle s'agita encore un peu plus:
-"C'est vrai? Il y a aussi une fille! L'aîné s'appelle Camille, et les jumeaux, Charly et Chloé."
Rosalie fit une moue qui plissa son nez et referma légèrement ses yeux:
-"Comment tu sais tout ça ?"
-"Facile, j'étais à l'accueil quand ils ont été inscrits."
Elle sourit de plus belle, satisfaite.
J'avais encore parfois du mal à comprendre comment elle et Jasper pouvaient être si amoureux en étant si différent. Cette réflexion me fit sourire, juste avant que je ne replonge dans le flot de ma mélancolie.
