Titre : Hangyaku (Rébellion).
Auteur : Black RKS.
Base : Nao et Sakito.
Genre : UA.
Note : L'inspiration nous vient de nulle part et partout à la fois…
Note 2 : Nous avons fait de nombreuses recherches sur la drogue mais n'en avons jamais consommée, nous espérons ne pas avoir écrit n'importe quoi sur les effets et les conséquences que ça engendre :/ Si c'est le cas, pardonnez notre ignorance.
Déclaration de Rukyoshû : Voilà, notre nouveau bébé… est déjà terminé ç.ç J'espère qu'il vous plaira, moi je l'aime !
反逆
Hangyaku.
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Chapitre I
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Quand Sakito ouvrit les yeux, il sut que ce ne serait pas un jour comme les autres, et le fait que son calendrier indique la date du vendredi 13mars n'avait absolument rien à voir avec tout ça. Il ne savait pas bien ce qui l'attendait de si particulier mais il s'en fichait pas mal. Passant une main dans ses cheveux blonds en poussant un profond soupir, il posa ensuite ses yeux gris orage sur son réveil. Huit heures cinq. Il était en retard de cinq minutes en cours mais il était certain que ses parents ne remarqueraient même rien et que ses professeurs avaient totalement oublié qu'il avait un jour fait partie de leur classe. Se levant en s'étirant, il se dirigea d'un pas lent vers la salle de bain pour prendre une douche rapide. Puis il enfila un boxer noir, un jean troué laissant apercevoir ses jambes trop fines et tombant bas sur ses hanches, un t-shirt à manches longues blanc et des chaussettes. Il se planta ensuite devant le miroir au-dessus du lavabo, traça les contours de ses yeux au crayon noir et agrandit le trait de ses paupières jusqu'à ce qu'elles soient entièrement recouvertes.
Quand il fut entièrement prêt, il descendit d'un pas lent jusque la cuisine où son père s'extasiait encore sur Ryo auprès de sa mère, comme si lui-même n'avait jamais existé. Ne les saluant même pas – à quoi servait-il de parler au vent ? – il fit demi-tour, passa dans l'entrée où il enfila ses vieilles baskets en toile et son long manteau en cuir, traînant presque sur le sol, avant de sortir en passant son sac en bandoulière. Rien ne lui servait de rester plus longtemps dans cette maison où il n'était plus qu'un inconnu. Les bracelets en mousse qui cachaient ses poignets meurtris en témoignaient. Les tripotant d'une main distraite, il secoua la tête et sortit de quoi se faire plaisir ; il en avait besoin pour se remonter et fronça les sourcils en constatant qu'il allait devoir en racheter.
Depuis combien de temps errait-il dans les rues sans but précis ? Il n'aurait su le dire mais le bas de son pantalon avait absorbé quantité d'eau et de boue, rendant ses pas plus lourds. Ses pupilles légèrement dilatées et sa bouche sèche accompagnaient joyeusement sa légère euphorie. C'était le moment idéal pour voler quelqu'un, personne ne penserait que quelqu'un de défoncé serait capable de voler quelque chose, or Sakito avait l'habitude de ce genre de chose. S'il ne trouvait pas un objet de valeur ou de l'argent rapidement, il serait à court de ses petits cachets et entrerait vite en état de manque. Il préférait, autant que faire se peut, éviter de vendre son corps, il finissait toujours par avoir des ecchymoses sur tout le corps.
Ce fut au détour d'une rue qu'il l'aperçut. A peu près de sa taille, cheveux bruns, des bras bien plus musclés que les siens malgré sa finesse, il était légèrement à l'écart des autres : cible parfaite. Alors, semblant de rien, il s'approcha de lui.
Une délicate pression sur son front et Nao sut que sa mère venait de rentrer. Elle menait une vie inversée, dormant le jour et travaillant la nuit. Il s'étira un instant pour lui montrer qu'il avait bien compris le message et le son des talons s'éloigna, pour finir par s'éteindre quelques secondes plus tard. Sa mère était une chauve-souris et lui son petit souriceau. Sauf que le souriceau avait grandi, sans aucune entrave, lui laissant une totale liberté. Qui pourrait bien le surveiller, de toute manière…
Il étouffa un bâillement, s'étira de nouveau puis se tira de son lit à force de contorsions. Son réveil indiquait sept heures, l'heure normale de tout lycéen devant aller en cours. Mais ça faisait belle lurette qu'il n'y était pas allé. Les seuls jours où ça arrivait, c'était par accident, quand il n'avait pas le choix. Aujourd'hui… il traînerait sûrement en ville, arpentant en long en large et en travers son territoire de chasse. Il devrait peut-être penser à faire les courses également, même s'il n'aimait pas trop ça. Mais bon, ça non plus il n'avait pas le choix ; quand maman dormait, il fallait bien que quelqu'un s'occupe de la maison. Et, équité des tâches oblige, il fallait bien que le seul élément masculin des lieux s'occupe aussi des tâches quotidiennes. Enfin, les magasins n'ouvraient pas avant huit heures et il avait toute la journée.
D'un pas lent, il se dirigea vers la salle de bain, fermant les yeux sur les affaires que sa mère exténuée avait oubliées et prit une douche chaude pour se réveiller. Ceci fait, il enfila un boxer noir, un baggy et un t-shirt de la même couleur, puis un pull au-dessus pour éviter de prendre froid. Le printemps approchait, mais pour un 13 mars, il faisait encore pas mal froid. Il se passa un bref coup de peigne pour ne pas trop défaire son effet « décoiffé » travaillé toute la nuit et se glissa à la cuisine prendre son petit déjeuner, seul comme d'habitude. Mais ce n'était pas gênant, bien au contraire. L'horloge affichait déjà huit heures et quelques quand il passa dans le couloir, c'était parfait. Il enfila son blouson en cuir épais, vérifia que son portefeuille était bien dans sa poche et son couteau papillon à portée de main et sortit enfin de la maison.
Il pleuvait déjà… Et pendant les heures suivantes à effectuer la ronde quotidienne de « son » territoire, ce temps pourri ne s'améliora pas. Il avait de la boue plein les rangers…
Relevant vaguement la tête, Sakito se demanda depuis quand il pleuvait. Lissant sa longue mèche devant son œil gauche, il se rendit compte que ça devait faire un moment aux vues des gouttes qui en tombaient. Il haussa vaguement les épaules et vacilla doucement avant de bousculer sa proie pour attraper un objet quelconque en faisant passer ça pour un simple manque de chance. Après tout, il était encore un peu défoncé, non ?
Un léger choc subit le fit se hérisser immédiatement et avant même de réfléchir, il s'écarta sur le côté et, sans prévenir, fit un croche-pied à la personne à côté de lui, couteau ouvert. Qu'importe si ce n'était pas intentionnel ! On le poussait ? Il rendait les coups, c'était aussi simple que ça.
L'équilibre précaire, il se rattrapa avec une de ses paumes et donna une impulsion pour se redresser avant de s'enfuir en courant, le portefeuille de l'inconnu bien en main. Un peu nauséeux, il n'en restait pas moins un sprinter exceptionnel et il ne tarda pas à bifurquer dans une rue pour rejoindre sa planque. Rares étaient les personnes qui le retrouvaient dans ce vaste chantier, entre les grues, le matériel et le début des maisons en construction
« Espèce d'enfoiré ! s'exclama Nao avant de se mettre à sa poursuite. »
Celui-là, il avait signé son arrêt de mort ! Il se prenait pour qui, ce blondinet ! Vert de rage, il serra les dents, les jambes bientôt douloureuses. Et il courait vite, ce connard ! Mais c'était sans compter sur lui… Il avait toute la journée pour le retrouver… songea-t-il en le voyant quitter son champ de vision. Qu'il n'espère pas lui échapper, il l'aurait.
Traversant complètement le chantier, il dut s'arrêter un instant pour vomir. Il avait pressenti que ça n'allait pas être un jour comme les autres et c'était le cas : il n'avait jamais été malade à cause d'un cachet… Oh, bon sang, il avait mal au cœur ! Respirant profondément, il reprit sa course avec des jambes flageolantes. Et sa main écorchée picotait méchamment. Cependant, alors que l'effet de la drogue se dissipait lentement, il ne s'arrêta pas un seul instant, persuadé que l'autre le suivait. Et la lame qu'il avait vaguement aperçue ne lui disait rien qui vaille.
Furieux, Nao accéléra encore l'allure malgré son point de côté naissant. Où aurait-il pu aller… Pas tout droit, c'était le centre ville. A droite peut-être… oui, un chantier, c'était l'idéal pour se planquer. Il l'aurait…
« Je t'aurai ! s'écria-t-il en resserrant sa prise sur son couteau. »
Sortant enfin du chantier, il prit à droite pour quelques pas, prit la tune du portefeuille en laissant tomber ce dernier et repartit ensuite vers la gauche à toute vitesse. Il ne se laisserait pas chopper aussi facilement. Reprenant encore une fois vers la gauche pour retourner sur ses pas, il accéléra encore sa course. Son pantalon envoyait de la boue partout et son manteau devait être bien dégueulasse. Bah, il le laverait en rentrant chez lui… S'il rentrait chez lui un jour.
Ça faisait bien cinq minutes qu'il lui courait après et toujours rien à l'horizon. Cette petite peste était drôlement rapide… et endurante. Nao dut s'arrêter un instant pour respirer et c'est là qu'il vit la petite masse sombre sur le sol. Son portefeuille… Vivement, il se pencha pour le ramasser : vide, bien sûr. Crachant sa hargne au sol, il se releva aussi vite et reprit son chemin. Il aurait beau tourner et tourner, il le retrouverait, et il lui ferait vomir ses tripes !
Chancelant, il se rattrapa à un lampadaire en riant et reprit un moment son souffle, jetant un œil derrière lui pour vérifier que son poursuivant n'était pas juste là. S'il le retrouvait dans cet état, il ne donnait pas cher de sa peau. Quand son malaise serait passé, ça irait mieux. Continuant de rire, attirant nombre de regards suspects, il se dirigea lentement vers son supposé lycée, seul endroit où il pourrait retrouver ses dealers.
« Où t'es… maugréa Nao, à bout de souffle. Où t'es, espèce de crevard… »
Il venait de déboucher sur une grand' rue et aucune trace de son voleur. Soit il avait réussi à fuir et à se cacher, soit il avait prit une autre route… Un type de ce genre… où pourrait-il le retrouver maintenant ?
Quand il y fut enfin, son rire stoppé et son souffle repris, il pénétra dans l'enceinte de l'établissement. Il était certain qu'au moins un d'eux n'était pas en cours. Il traversa l'étendue de béton et contourna le bâtiment pour arriver dans la cour de derrière. Un sourire étira un coin de ses lèvres et il compta l'argent volé. Il avait juste assez, c'était parfait. La transaction se fit en silence et Sakito se pressa de ranger ses petits cachetons au fond de son sac, dans la doublure. Puis il repartit sans rien dire, comme si rien n'avait été fait.
Après avoir examiné l'ensemble de la rue au pas de course, Nao dut bien se rendre à l'évidence : son fuyard n'était pas ici. Il avait dû le contourner…
« Et merde ! jura-t-il avant de se résoudre à rebrousser chemin. »
Il ne rentrerait pas chez lui avant d'avoir retrouvé son voleur.
Passant calmement les grilles, il décida finalement de retourner au chantier pour squatter une des maisons. Les travaux avaient été arrêtés momentanément pour manque de budget. C'était une très bonne chose pour lui qui avait un endroit tranquille où rester la plupart du temps. Tripotant à nouveau ses bracelets en mousse, il finit par poser ses affaires dans un coin à peu près sec, en sortit ses bolas et se planta au milieu de l'endroit pour s'exercer.
La rue était bien plus longue quand on était fatigué… constata Nao en reprenant le sens inverse. Bientôt cependant il fut revenu au chantier et ralentit son allure. Maintenant, c'était là qu'il devait centrer ses fouilles. Apparemment, la plupart du chantier était isolé par des barrières… et ce maigrichon n'aurait pas pu passer là. Il y avait donc forcément un passage. Après quelques fouilles rapides, Nao repéra vite une faille : une grille entrouverte, et s'y glissa, la rage au ventre. Maintenant, il y était et l'autre aussi, il en était sûr.
Guettant malgré tout l'entrée, on n'était jamais trop prudent, il continuait de s'entraîner sans réellement y prendre garde. Il y était tellement habitué que ça en avait perdu son charme sans la crainte des flammes. Ses nausées et ses haut-le-cœur avaient enfin cessé et il se sentait plus apte à réfléchir et à se défendre en cas de besoin. Dommage qu'il ait oublié son MP3.
Il ne fallut guère de temps avant que Nao n'entende une trace de vie dans tout ce fouillis. Lui… il en était certain ! Maintenant deux choix s'imposaient à lui : essayer de l'avoir par surprise ou foncer dans le tas. Cependant, vue la vitesse du coureur… la surprise s'avérait le meilleur choix. Alors, à pas beaucoup plus lents, Nao commença son approche.
Sakito se tendit imperceptiblement en entendant les graviers crisser très légèrement. Un sourire torve éclaira son visage alors qu'il continuait sa jonglerie. Son poursuivant l'avait-il retrouvé ? En tous cas, il pourrait bien le torturer, il n'avait plus son argent, il arrivait trop tard. Peut-être accepterait-il d'être payé en nature, il avait l'air plutôt beau garçon… Il se remit à rire doucement de ses propres pensées ; il se dégoûtait.
Presque… il le sentait, il était presque là. Encore quelque pas… oui ! Cette immonde petite vermine blonde, en train de jongler comme si rien ne s'était passé !
« Hey toi ! s'exclama-t-il avant même de réfléchir tout en se remettant à courir vers lui. »
Cette fois, il l'aurait !
Éclatant franchement de rire cette fois-ci, il fit tourner ses bolas un peu plus vite, regrettant sincèrement qu'ils ne soient pas enflammés, en se plaçant face à lui. Et, avec grâce, il lui en envoya un dans le ventre de toutes ses forces, prêt à esquiver toute attaque future et présente.
Incapable d'esquiver devant l'inattendu de la situation, Nao se prit l'arme improvisée en plein dans l'estomac, à tel point qu'il en tomba sur le sol, le souffle coupé. Bon sang, ça faisait un mal de chien ! Étouffant un gémissement, il croisa ses bras sur son ventre en lançant un regard noir à cet ahuri en train de rire.
« Je vais te tuer… »
« Vas-y, je n'attends que ça. »
Reprenant avec une agilité et une rapidité impressionnante son bolas, il récupéra également son sac qu'il passa rapidement en bandoulière avant de reprendre ses mouvements, prêt à riposter mais aussi à prendre la fuite.
Par réflexe, Nao ouvrit aussitôt son couteau papillon, avant de se remettre debout péniblement. Ce truc était pire qu'un direct ! Et il prit bien garde à ne pas faire de gestes inconsidérés, toujours sous la menace de ces bolas diaboliques.
« Rends-moi mon fric… siffla-t-il sans le lâcher des yeux. »
« Je ne l'ai plus. Mais je peux t'indiquer qui l'a à présent. »
Il était terriblement mignon avec ce regard assassin.
« Je m'en fiche… C'est toi qui me l'as piqué, c'est toi qui vas me le rendre… »
La tentation était grande de lui envoyer son couteau à la figure, mais il avait toujours ses engins…
« Hm… fit-il simplement. »
Il n'était pas assez fou pour retourner prendre du fric à ses dealers ; il souffrirait bien plus qu'avec ce jeune homme.
« Joli couteau, apprécia-t-il avec un sourire. »
Ses mains le démangeaient de lui balancer ses bolas à la figure.
« Il serait mieux avec ta gorge sous la lame ! s'exclama-t-il en faisait un pas en avant. »
Il voulait le narguer, avec sa gueule d'ange ?
« Pourquoi tant de haine ? soupira-t-il. M'enfin, je peux toujours te payer en nature, si tu veux. »
S'il prenait un petit comprimé avant, il n'y avait aucun problème !
Surpris, il haussa un sourcil.
« Tu ferais ça ? »
Ça ne l'étonnait qu'à moitié.
« Et pourquoi pas ? Je te dois bien une compensation, non ? »
Il lui avait tout de même volé pas mal…
« Tu crois que tu peux compenser autant ? Ironisa-t-il. »
Il demandait à voir.
« Et bien plus encore. »
Il n'était pas du genre à se gonfler d'orgueil mais on lui avait souvent dit qu'il avait des mains de fées et un corps rêvé. Ralentissant légèrement l'allure de ses bolas, il se demanda un instant s'il devait lui proposer un cachet également. Cependant, il préféra le garder pour lui, il n'avait pas très envie de partager.
« T'es pas du genre modeste toi… »
Il avança d'un autre pas. Ce n'était pas le genre de personne avec qui il faisait des folies habituellement.
« A quoi sert la fausse modestie ? Dans le monde dans lequel nous vivons, autant ne pas rejeter nos qualités, au risque de tout perdre. »
Si tant est qu'on puisse qualifier la prostitution de qualité.
« Qualités, vraiment, tes mots vont jusque là… »
Il eut un sourire angélique.
« Alors viens, montre-moi. »
« Alors que tu as un couteau à la main ? Ne me prends pas pour plus bête que je le suis. Ton sourire ne cache pas la lueur de démence qui danse dans tes yeux. »
Et il augmenta à nouveau la vitesse de rotation de ses bolas en faisant un pas en arrière.
Nao redevint aussitôt sérieux.
« Alors arrange toi pour me rendre mon fric ou tu verras plus que de la démence. »
Et il n'était pas du genre à parler à la légère.
« Ce n'est pas en me menaçant que l'argent tombera du ciel. Je t'ai déjà dit qu'il n'était plus en ma possession. »
Il recula d'un pas encore et un courant d'air fit légèrement voler le bas de son manteau, glaçant son pantalon trempé au passage. Il pleuvait encore.
« Où. Est. Il… »
S'il n'était pas décidé à parler, il allait vite perdre patience.
« Je t'ai proposé de te le dire tout à l'heure et tu as refusé, il faudrait savoir ce que tu veux. »
Puis il plissa légèrement les yeux.
« C'est un type de mon lycée qui l'a. »
Le plus dangereux du lycée.
« Et tu lui files du fric ? »
Maigre comme il était, peut-être qu'il se faisait racketter… Mais armé, il était bien capable de se défendre.
« C'est ton chouchou… ironisa-t-il. »
« Peut-être bien, répondit-il vaguement. Tu es jaloux ? »
S'il lui lançait ses deux bolas d'un coup, il aurait juste assez de temps pour s'enfuir en courant pour aller s'enfermer chez lui.
« Oh oui, tellement jaloux, qu'est-ce qu'il a de plus que moi ! s'écria-t-il d'une voix gamine haut perchée. »
Son fric…
« Des relations, souffla-t-il en ne cillant pas une seule fois. Oh, peut-être que tu en as aussi ?! »
Et il lui offrit un grand sourire avec de lui balancer ses deux armes improvisées et de partir en courant, riant comme un dément.
Cette fois-ci un peu plus préparé, Nao eut le temps de se jeter à terre mais s'en prit tout de même l'un des deux dans l'épaule.
« Je te retrouverai ! hurla-t-il en voyant le fuyard s'éloigner rapidement. Je te retrouverai et je te ferai la peau ! »
Un type de son lycée ? Le plus proche, il était là, juste à côté. Il irait l'y attendre, jour et nuit, jusqu'à ce qu'il revienne…
Sakito ne répondit rien. Combien de menaces avait-il déjà reçues ? Des centaines, peut-être plus. Ça ne lui faisait plus rien à présent. Il rentra chez lui à toute vitesse, balança ses pompes dans un coin et alla s'enfermer à double tour dans sa chambre. Il ôta son manteau et son pantalon crades et mouillés, sortit ses cachets, en prit un de suite et se laissa tomber sur son lit. Le vide, c'était tout ce qu'il souhaitait. Le vide dans sa tête pour ne pas faire saigner ses bras et ses poignets.
Fou furieux, Nao se releva immédiatement, mais une douleur lancinante le prit à l'épaule et à l'estomac. Plus question de courir… ce type s'en sortait à bon compte, avec son fric qui plus est. Mais personne ne lui échappait, personne, et le blondinet l'apprendrait à ses dépens. Après des heures, des jours ou des semaines, mais il sentirait sa vengeance…
Il n'était plus temps de courir, maintenant… Nao vérifia rapidement que son épaule n'avait rien, si ce n'est la douleur, puis ramassa les bolas de l'inconnu. Il voudrait certainement les récupérer à un moment ou un autre. Mais il ne les trouverait plus ici. De mauvaise humeur, il referma son blouson alors que la pluie se faisait plus drue, puis rentra chez lui, l'œil noir.
Dès le lendemain, il commença sa planque et se campa près du lycée supposé suspect, à quelques mètres de la grille d'entrée. Ce n'était pas son établissement, mais il semblait contenir lui aussi son lot de mauvaises graines. Oh, ce n'était pas forcément évident, mais Nao avait appris depuis le collège à repérer les choses qui n'étaient théoriquement pas habituelles pour un établissement scolaire. Quelques pétards, du racket dès que l'ombre se faisait sur la rue, quelques bagarres isolées. Tout un monde caché derrière la bienséance factice, un monde qui enflait, enflait encore jusqu'à oppresser les personnes trop sensibles, un monde qui finirait par éclater sous la pression. Mais avant tout, c'était Nao qui allait finir par exploser. Rien, pas une seule trace de son voleur trop maigre et trop rapide, comme s'il n'avait jamais existé. Pourtant, il était certain qu'il repasserait par ici. C'était inévitable, son intuition le lui murmurait langoureusement aux oreilles dès qu'il sentait ses nerfs irradier sous l'énervement. Et ce jour-là… ce jour-là, le blondinet regretterait de lui avoir volé son fric et de lui avoir balancé ces bolas de malheur à la tête. Ils attendaient là, sagement dans son sac, que leur propriétaire ne revienne les chercher.
Mais les jours, les semaines passèrent, le propriétaire ne venait pas. Combien d'heures Nao passa-t-il à maugréer des menaces et des horreurs sans nom sous la pluie, à attendre ? Lui même ne le savait plus. Il était patient, mais la patience le rendait instable. Le jour où la vermine ramperait de nouveau par ici, alors la couleur de sa lame changerait. De gris acier, elle passerait à rouge sang.
Et puis un jour, environ un mois d'attente et de ruminations plus tard, Nao sentit l'air changer. Début avril, l'air devint lourd, opaque, comme si une chape d'un liquide épais se déversait autour de l'école. Il sentait que son attente ne serait pas déçue, aujourd'hui. La main souple, qu'il avait entraînée pendant tout ce mois, il fit tourner son couteau papillon entre ses doigts, attendant l'instant où apparaîtrait sa proie. Fini de courir.
Était-il réellement réel ? Existait-il vraiment sur ce monde ? Et cette Vie, cette Terre, ce Soleil, cette Lune, n'était-ce pas qu'une illusion étrange dans laquelle chaque individu baignait chaque jour un peu plus profondément ? Le sang qui coulait sur ses poignets était-il le fruit de son imagination défoncée ou non ? La vue trouble, Sakito trembla un peu plus fort en se recroquevillant sur ses draps, trempé de sueur. Un mois qu'il n'avait quitté sa chambre que pour aller chercher des bouteilles d'eau et de la nourriture à la cuisine. Il avait vidé son sachet de cachets, consommé toute l'herbe planquée dans son placard, retourné tous ses tiroirs à la recherche d'un fond de drogue et sniffé jusqu'à la dernière particule de poudre. Il avait décidé d'arrêter, de tout stopper. Il ne voulait plus vivre comme un toxicomane qui vendait son corps pour se payer sa drogue, mais le sevrage était plus douloureux qu'il ne l'imaginait.
Depuis combien d'années foutait-il sa vie en l'air à voler, fumer, sniffer, avaler, se piquer, baiser, se prostituer, se mutiler et dieu seul sait quoi encore ? Trois ans, ou peut-être un peu moins. Tout ça pour se faire remarquer par des gens qui l'avaient oublié depuis trop de temps déjà. Alors son corps – ou bien était-ce psychologique ? – protestait à cet arrêt brutal. Se levant brutalement, Sakito tourna un moment dans sa chambre, comme un lion en cage, le souffle rapide, les yeux rouges, avant de s'asseoir dans un coin et de se prendre la tête entre ses mains tremblantes. Il n'arrivait plus à dormir, ne savait plus se concentrer, avait toujours froid, transpirait vraiment énormément, ne mangeait plus et tailladait ses avant-bras ou ses hanches en se retenant de hurler tant la douleur semblait amplifiée. Mais il avait besoin de ce mal pour ne pas craquer et retourner en chercher.
Cependant, après presque dix jours dans cet état lamentable, alors que le mois d'avril s'était déclaré depuis quelques jours déjà, Sakito ne tint plus et prit une douche rapide avant de se préparer à sortir, vêtu d'un simple baggy noir et d'un tee-shirt au col lâche rayé noir et blanc. Il enfila ses baskets, prit son sac et son portefeuille vide et sortit rapidement. Les gens qu'il croisait le regardaient bizarrement ; il est vrai que sans manteau, les yeux injectés de sang, le baggy tombant à moitié tant il avait minci, il devait passer pour une personne à l'article de la mort.
Il arriva cependant à l'arrière de son lycée sans problème et siffla pour attirer l'attention de son dealer, installé dans la petite cour comme à son habitude. Il haussa un sourcil, lui lança un regard morne et remit son foulard en place avant de se lever pour le rejoindre de son habituel pas traînant.
« Ça fait un moment que t'es pas venu, et t'as pas l'air en forme. »
Sakito s'accrocha aux grilles et lui lança un regard désespéré.
« Je suis en manque, putain, j'en ai vraiment besoin. »
« T'as l'argent ? »
Il dénia.
« Pas pu en trouver, mais s'te plaît, j'en peux plus, il faut que tu m'en files, je te payerai dès que je peux. J'ai toujours été super réglo ! »
« Désolé mais ça marche pas comme ça, ici. Trouve la tune, on verra ce que je peux faire ensuite. »
Il s'apprêtait à repartir mais Sakito passa son bras entre les barreaux pour agripper son bras.
« Je t'en supplie, fais pas ça, je vais crever ! »
Il lui lança un regard mauvais en dégageant son bras d'un geste sec.
« L'argent d'abord. »
Et il se retourna sans plus lui porter d'attention. Sakito secoua la tête, manqua de tomber et repartit d'un pas vif en direction du centre-ville. Quand il y fut, il descendit dans une station de métro et observa les gens qui se déployaient tout autour de lui. Il repéra finalement un homme brun, d'allure sévère, habillé avec classe. C'était ce qu'il lui fallait. Il remit ses cheveux en place autant qu'il le put, essuya son front et se frotta les yeux avant de se diriger vers lui. Se penchant vers lui, il lui glissa son idée à l'oreille. Si l'autre fut surpris, il n'en montra rien et, l'admirant un instant, finit par accepter. Il lui attrapa le poignet et l'entraîna rudement à sa suite jusqu'à une petite ruelle à peine visible où il s'engouffra. Il le plaqua face contre un mur et se colla à son dos en glissant ses mains sur son corps frêle.
« Supplie-moi, susurra-t-il à son oreille. »
Et il lui soupira son nom pour qu'il l'implore : Niya. Sakito s'exécuta, peu importait la honte dont il serait couvert, il voulait juste de l'argent et des cachets. Puis son corps se retrouva parcouru de caresses semblables à des coups et dénudé rapidement. Il ne protesta à aucun moment ; ni quand Niya le pénétra brutalement, ni quand il le griffa, ni quand il rouvrit ses plaies à ses poignets en les serrant trop forts, ni quand il lui tira les cheveux… Il n'était qu'une petite poupée obéissante et salie qui était récompensée à la fin par de l'argent qui servirait à souiller son sang. Il l'avait cherché, après tout. Et il ne sortirait de cette routine répugnante qu'à sa mort.
Une fois soulagé, Niya le relâcha et Sakito s'affaissa au sol sans pouvoir lutter. Il sortit ensuite un mouchoir, se nettoya rapidement le bas-ventre avant de le lui lancer, remit correctement son pantalon, attrapa une épaisse liasse de billets de 100, en prit trois qu'il lui glissa dans la main et se pencha à son oreille.
« Tu es vraiment délicieux, n'hésite pas à revenir, j'ai bien plus d'argent que tu ne le crois et ne le demandes. »
Il n'avait pas tort, Sakito ne lui avait même pas demandé le tiers ; avec ça, il n'avait plus besoin d'aller trouver une autre personne dans le métro. Niya lui offrit un sourire en coin et repartit sans rien ajouter. Tremblant, il le regarda s'éloigner et disparaître de son champ de vision avant de se nettoyer rapidement et de se rhabiller, rangeant avec soin les billets dans son sac. Et finalement, il retourna vers son lycée d'une démarche peu assurée pour acheter ses petits cachets. Il fallait qu'il soit face à lui, cette fois-ci, il ne ferait pas l'échange à travers les grilles au risque de se faire prendre.
Près de dix minutes plus tard, il fonça droit vers les grilles d'entrée, impatient. Il en avait, psychologiquement, vraiment besoin.
Huit heures. Des nuées de lycéens en retard, se précipitant en salle de cours. Nao haussa légèrement les sourcils. Il n'avait jamais compris cet état d'empressement qu'éprouvaient tous ces gens. Neuf heures. Personne à l'horizon. Pas un pion dans la cour, pas un prof en retard, pas un élève en vadrouille. Rien que le vide et le silence, rompu juste par intermittence par les cliquetis des acrobaties de son couteau. Dix heures. L'heure de la récréation. Des élèves en cage, derrière leurs grilles de métal hérissées de pointes. Et lui, spectateur patient, attendait toujours. Il viendrait. Onze heures. Et il l'aperçut enfin. Chancelant, squelettique et maladif. On aurait dit qu'il était au seuil de la mort. Nao eut un sifflement. Un camé en manque. Cette fois-ci, il ne pourrait plus courir. D'un geste leste, il referma son couteau et avant que l'autre ne puisse réagir, il lui attrapa le bras pour le plaquer contre le mur, face à lui.
« Tu te souviens de moi… souffla-t-il avant d'avoir une grimace. »
Ses poignets étaient en sang. Bon sang, ce type était cinglé.
Il le regarda vaguement, cligna des yeux et dénia la tête. Il ne voulait pas réfléchir, encore moins parler. Juste ses cachets pour disparaître un peu plus encore. Tous d'un coup, overdose, plus personne. Mais il savait qu'il n'aurait jamais la force d'y arriver parce que, malgré tout, il voulait vivre encore.
Nao eut un sifflement. Visiblement, le manque rendait la mémoire courte.
« T'es grave comme type. T'as volé mon fric y a un mois. »
Il lui attrapa le menton pour le forcer à le regarder droit dans les yeux. Si on pouvait encore qualifier ces globes oculaires injectés de sang d'yeux…
Le sang battait violemment à ses tempes et sa vue se troublait de plus en plus. Respirant trop vite, trop fort, transpirant, le froid engourdissant ses membres, son esprit en manque finit par s'éteindre et Sakito s'évanouit sans plus pouvoir lutter.
« Eh merde… soupira Nao en sentant le blond se relâcher totalement. »
Et maintenant, il faisait quoi ? Pourquoi il était tombé sur un camé, bon sang… Ça valait bien le coup d'attendre tiens. Résigné, il se pencha vers lui pour le prendre dans ses bras et l'emmena au chantier. Là, ils auraient la paix, il se voyait mal rentrer dans le lycée avec ce type dans cet état. Il n'avait pas envie de se faire chopper par les flics. Une fois arrivé, il le déposa dans un coin à peu près sec, puis s'assit à côté de lui. Des camés, il en avait déjà vue une paire. Mais jamais il ne les avait soignés ou quoi que ce soit. Alors il fit confiance à son seul réflexe et lui mit une claque dans la figure pour l'empêcher de sombrer.
Rouvrant les yeux sous le choc, il eut du mal à refaire le point. Quand sa vue se fut stabilisée, il tendit un bras vers la personne penchée au-dessus de lui pour refermer ses doigts sur sa veste au niveau de son épaule.
« Sauve-moi… »
Il n'avait pas envie de sombrer maintenant. Il ne voulait pas s'être servi de son corps comme d'un exutoire pour les autres pour mourir maintenant. Il voulait retrouver une alimentation normale sans comprimé et continuer à traîner les rues et les chantiers pour jongler avec des bolas enflammés.
« Ton argent… dans ma poche… »
Il se souvenait de lui, à présent. Comme si son esprit s'était soudainement réveillé après un long sommeil.
Nao repoussa sa main avec mauvaise humeur, puis s'assit sur ses talons. Il délirait vraiment… La dernière fois, il lui avait balancé ses bolas à la tronche et maintenant il demandait à être sauvé ? L'espoir faisait vivre, apparemment. Mais puisqu'il avait son fric…
« T'es en manque depuis quand ? demanda-t-il en toisant son visage en sueur. »
Depuis un moment, s'il en jugeait par ses tremblements.
Sakito roula sur le côté pour se mettre en position fœtale, prenant son sac contre son ventre. Il avait froid et mal.
« Dix… dix jours… je… je crois, bafouilla-t-il. »
Il tapota ses blessures sur ses poignets, les ouvrant un peu plus encore. Le sang s'enfuyait hors de son être comme si l'essence même de sa vie voulait s'échapper pour changer d'enveloppe charnelle, renaître dans un meilleur corps.
« Arrête de faire ça, ordonna Nao en fixant ses poignets. T'es complètement taré. »
Il sentait qu'il allait devoir sacrifier son t-shirt… Ce n'était visiblement pas le moment de découvrir ce type qui tremblait de partout.
« Faudra que tu prennes une dose, dit-il en retirant son manteau, puis son pull. »
Ça calmerait momentanément son manque. Ils aviseraient après.
Il cligna des yeux et abandonna ses poignets pour le regarder.
« Je… j'en ai plus et… qu'est-ce que tu… fais ? s'inquiéta-t-il en le voyant enlever ses vêtements. »
Il ne supporterait pas qu'on le baise à nouveau.
« Je te sauve, fit-il en retirant finalement son t-shirt. C'est bien ça que tu veux, non ? »
Puis il déchira des bandes de tissus, avant d'attraper l'un de ses poignets. Ce n'était pas une cascade, mais mieux valait minimiser les risques dans son cas.
« T'as combien ? »
Il le laissa faire, fixant son regard quelque part au niveau de son cœur, et ne répondit rien, n'ayant pas écouté la question et frissonnant toujours. Il avait du mal à garder les yeux ouverts plus de cinq secondes et avait toujours aussi froid.
« Hey, écoute-moi un peu ! s'exclama-t-il en passant au deuxième poignet. »
Il allait lui en coller une deuxième s'il se laissait couler. Et il commençait à se les geler…
Il leva les yeux vers son visage.
« Pardon… »
Mais il était si fatigué d'un coup.
Haussant les yeux au ciel, Nao renfila son pull et son blouson, après avoir serré le dernier nœud. Puis il posa ses mains sur le visage de son vis-à-vis, examinant bien ses yeux.
« T'es total à l'ouest. T'as combien, comme fric ? »
Vu son état, lui demander de se lever équivalait à lui demander la Lune…
Il eut un sourire puis une grimace.
« 300. »
En une seule fois !
Nao fronça les sourcils. Pour un voleur, il était efficace.
« Combien tu raques pour tes saletés ? »
Une question à la fois…
« 5 pour un. »
Enfin, si son esprit était encore en mesure de bien se souvenir et comprendre.
« Il vend par dix. »
Largement suffisant.
« Qui est-ce qui te vend ? Il est dans le lycée ? »
Il hocha la tête.
« Il se fait appeler Reita. »
Il se redressa légèrement. Pourquoi est-ce que ça l'intéressait ?
« Bouge pas, fit-il en posant une main sur son torse pour l'empêcher de se relever. Il ressemble à quoi ? »
Et il commença à fouiller les poches du blessé. Trois cents…
Sakito lui attrapa le poignet avec vivacité, qu'est-ce qu'il faisait ? Il voulait récupérer son argent pour tester ?
« Il a un bandeau. »
Il repoussa alors ses mains et sortit un des billets de 100 de son sac pour lui donner son argent.
Nao l'attrapa avec mauvaise humeur, puis se releva.
« J'y vais. Bouge pas d'ici, parce que moi je te chercherai pas. »
Il était vraiment pas net.
Le regardant partir sans réellement comprendre la situation, il jeta ensuite un œil à ses poignets bandés et finit par fermer les yeux en se roulant un peu plus en boule pour tenter de retrouver un peu de chaleur. Pourquoi il faisait si froid ? Pourquoi il avait commencé à se droguer ? Il ne se souvenait plus très bien et était trop épuisé pour réfléchir, se contentant de se glisser dans un demi-sommeil, seul et abandonné. La situation n'avait finalement pas changé en cinq ans.
Tout ça parce que ce type faisait une crise de manque… Il était trop gentil. Enfin de toute façon, il récupérerait son fric, l'autre avait bien assez pour compenser. De mauvaise humeur, Nao finit par atteindre les grilles de l'école et y entra sans problème. Un vrai gruyère, en fait… Maintenant, il fallait trouver ce type louche. Et qui dit type louche dit forcément coin reculé, il ne le trouverait donc pas dans la cour principale. Donc… c'était soit sur le côté, soit derrière le bâtiment. Apparemment, le côté était clean, constata-t-il. Restait donc derrière… et il ne fut pas déçu, un petit groupe de mecs squattaient les lieux, installés ça et là sur quelques rochers. Visiblement, Reita le-type-louche-au-bandeau n'était pas seul. Ça allait encore être galère… songea Nao avant d'interpeller le dealer.
« C'est toi Reita ? »
Celui-ci souleva un sourcil en se levant pour aller se planter face à lui.
« Ça dépend qui le demande. »
« Un client, annonça-t-il de but en blanc. »
Inutile de tourner autour du pot.
« Tiens donc. Tu n'es pas d'ici, pourtant. Quelqu'un t'aurait-il soufflé mon nom ? »
Il se souviendrait de lui, s'il l'avait déjà croisé.
« Possible, éluda-t-il. »
Ce gars était vraiment le type caractéristique du mec sûr de son coup.
« Et qui ça ? demanda-t-il en s'approchant un peu plus de lui. »
Qui donc avait bien pu envoyer quelqu'un dans la voie de la drogue ?
« J'en sais rien, avoua-t-il. »
Et c'était vrai, il ne savait même pas son nom.
Reita plongea ses yeux dans les siens.
« Très bien, petit inconnu, que veux-tu ? »
« Un lot de tes trucs, dit-il sans détourner les yeux. »
Et il espérait sincèrement que l'autre camé ne se soit pas trompé dans ses chiffres.
« De mes trucs ? s'étonna-t-il. Tu veux dire mes petits cachets d'extase ? »
« Ouais, fit-il sans réelle conviction. »
Bon sang, il pouvait pas lui filer sans discutailler ?
« Ouh, t'en aurais bien besoin, rigola-t-il sous l'œil attentif de ses « amis ». Un lot, ça fait 50. »
Et en plus il faisait de l'humour.
« Ça marche, souffla-t-il en se demandant s'il devait avancer ou non. »
Reita hocha la tête et partit récupérer un sachet contenant des petits cachets colorés.
« L'argent d'abord, souffla-t-il en revenant. »
Nao sortit le billet de sa poche sans le lui tendre.
« T'as de quoi rendre la monnaie ? demanda-t-il avec un brin de suspicion. »
« Sur combien ? »
« 100. »
Il n'allait pas se trimbaler un double lot, la tentation serait bien trop grande pour l'autre.
« No problem ! »
Il sortit un billet de 50 de sa poche et le lui montra.
« Tu vois, y a aucun soucis. »
Et il tendit ses deux mains vers lui, l'une avec le billet et le sachet et l'autre paume ouverte pour recevoir l'argent.
C'était aussi simple que ça ? Aux aguets, il lui tendit le billet de cent et récupéra le reste. C'en était surnaturel de pouvoir se procurer autant de saletés avec autant de simplicité.
Il le salua d'un signe de main et d'un sourire avant de retourner vers ses potes.
Il lui fit à peine un signe avant de repartir sur ses pas. C'était vraiment trop louche. Néanmoins, il avait ce qu'il voulait, restait plus qu'à rejoindre l'autre en priant pour qu'il ne se soit pas traîné dans un coin sombre. Mais apparemment, il était toujours là, encore plus tremblant. Pris de pitié, il lui lança son blouson et s'assit juste à ses côtés, le secouant par l'épaule pour le réveiller.
Sursautant légèrement, il ouvrit les yeux vivement et mit un long moment à se resituer.
« Qu'est-ce qui se passe ? »
« Enfile ça, fit Nao en lui désignant son blouson. J'ai tes trucs. »
Cette situation était vraiment trop bizarre.
Il se redressa vaguement et passa le manteau avec difficulté.
« Donne m'en un, souffla-t-il en sentant qu'il allait se mettre à pleurer bientôt. »
« Mot magique, dit-il en sortant le paquet de sa poche. »
Passant ses mains dans ses cheveux en se balançant doucement d'avant en arrière, il tendit un bras vers lui.
« S'te plaît, j'en peux plus… »
« Bon trip alors, soupira-t-il en lui donnant le paquet. »
Et il se releva pour s'étirer, prêt à aller faire un tour.
Avec des doigts tremblants, il attrapa un petit cachet et le glissa entre ses lèvres pour l'avaler rapidement. Il n'avait plus qu'à attendre.
« Ça fait quoi ? demanda-t-il finalement en regardant le ciel. »
Comment on pouvait dépenser autant là-dedans ?
« Je… je me sens plus heureux. »
La drogue ne lui servait qu'à ça : ressentir un bonheur illusoire, une sensation d'euphorie qui lui permettait de ne pas déprimer à longueur de journée.
« C'est nul… je sais… »
« Ouais, c'est nul, acquiesça-t-il en croisant les bras. »
Comment on pouvait se résoudre à mettre son bonheur dans des cachets ?
« Tu dois être bien déprimé. »
« Je suis seul… tout le temps… je… j'aime pas être seul… C'est… c'est comme si j'existais pas… ou plus. »
Il serra ses genoux contre son torse.
« Tout le monde m'oublie… Même ma famille… m'a oublié… Et… »
Et il avait parfois juste envie qu'on le voit et qu'on le remette sur le droit chemin avec une bonne paire de claques.
« C'est pour ça que tu voles ? Pour qu'on te voit ? »
Bah ça fonctionnait drôlement bien
« Oui et non. Je… C'est pour payer mes cachets. »
Si seulement il n'avait fait que voler…
« T'as quel âge ? »
Personnellement, ça ne l'intéressait pas vraiment. Il voulait juste savoir comment on pouvait en arriver là, même lui ne l'avait pas fait.
« J'en ai dix-sept, souffla-t-il en crispant ses doigts sur son baggy. »
« Et t'es déjà paumé ? s'étonna Nao en se retournant vers lui. Pourtant t'as encore rien vécu à dix-sept ans. »
Enfin, tout était relatif.
Petit à petit, sa pupille commençait à se dilater et il se sentait de plus en plus calme.
« Se faire oublier en vivant sous le même toit que ses parents, je ne trouve pas ça rien. »
La drogue commençait à faire effet, doucement.
« Ça m'empêche de réfléchir. »
Nao soupira une nouvelle fois.
« Tu réfléchis trop. Si on fait pas gaffe à toi, vas voir ailleurs où on te verra. »
Lui, c'est ce qu'il faisait, bien qu'il y ait peu de gens qui l'ignorent.
« Toi, tu ne m'aurais pas vu si je ne t'avais pas volé, alors pourquoi les autres me verraient ? »
La fatigue s'en allait petit à petit et il retrouvait de la pêche. Il allait pouvoir jongler un peu avant de retourner à sa solitude amère. Si seulement ce jeune homme l'avait simplement abandonné après l'avoir sauvé, il n'aurait pas à se dire qu'il avait une folle envie qu'il reste avec lui un moment.
« Peut-être qu'au fond de toi, t'as pas envie qu'on te voit. Ou du moins, que tout le monde te voit. »
C'était souvent ça, non ?
« Selon toi, je me bousille la vie pour rien ? »
Peut-être qu'il n'avait pas totalement tort…
« Pour rien, j'en sais rien, j'suis pas dans ta tête. Que tu te bousilles la vie, c'est clair et net. Je vois pas pourquoi tu devrais payer les conneries des autres. »
« Comment tu t'appelles ? »
Il ne payait pas pour une connerie mais pour une intelligence trop développée.
Nao fronça les sourcils et se retint de justesse de ne pas lui répondre un « en quoi ça t'intéresse » plutôt désagréable.
« Nao. Et toi ? »
Après tout, autant ne pas illustrer les « conneries » qu'il venait de citer.
« Sakito. »
Il eut un petit rire.
« Tu t'en fiches, de toute manière. Tu me détestes et tu as envie de te barrer, tu te dis que côtoyer quelqu'un comme moi, c'est vraiment chiant parce que je suis une larve. »
Il fixa ses yeux dans les siens.
« Et si je te disais que je me prostitue également, tu serais encore plus dégoûté, non ? »
« La vache, tu crains quand même sévère, fit-il en se passant une main sur le visage. »
Voleur, camé, prostitué… Il accumulait les trains de vie craignos en un temps record. Ce coup-là, il le battait à plate couture.
Sakito éclata de rire.
« Que veux-tu, je suis un cas désespéré, je fais partie de ceux qu'il faudrait laisser crever dans une petite ruelle. »
« N'importe quoi, les conneries qu'il faut pas entendre… »
Soupirant, il vint s'asseoir dans un coin. Il commençait à avoir froid, avec juste un pull sur le dos.
« T'es totalement déraillé. »
Il retira le manteau pour le lui rendre.
« Tu en as plus besoin que moi. »
« Garde-le, t'es mourant, siffla-t-il. »
Il ne l'avait pas soigné temporairement pour qu'il crève de froid pendant la nuit.
« Justement, autant que tu ne le deviennes pas aussi. Si tu es capable de t'occuper de moi, la réciproque n'est pas vraie. En étant stone, ou même en étant clean, je serais incapable de t'aider. »
« Mais j'ai pas besoin d'aide donc ça règle la question. »
« Jusqu'à ce que tu crèves de froid. Enfin, en prison, je serai sevré obligatoirement. »
Oh bon sang il était énervant… D'un geste rageur, Nao récupéra son manteau et l'enfila.
« Genre t'iras en prison. »
« Non assistance en personne en danger. »
Et il se mit à rire à nouveau.
« Tu craques en plus… Ça te fait pas du bien ces saletés… »
Il n'aimait pas cette façon de rire. Elle sonnait faux.
« Du bien, je n'en sais rien. »
Il cacha son visage dans ses bras.
« Après, j'angoisse, j'ai mal au dos, à la tête, je déprime d'où l'état de mes poignets, je perds l'appétit. C'est cher payé pour quelques heures d'euphorie. »
« C'est clair, approuva-t-il. Tu devrais te trouver quelqu'un, paraît que c'est plus sain. »
Même s'il n'y croyait pas trop.
« Qui voudrait d'un gars qui a besoin de cachets pour pouvoir rire ? »
D'un gars souillé jusqu'à la moelle.
« J'en sais rien. Quelqu'un qui a de l'espoir sûrement. T'as pas l'intention de rester comme ça toute ta vie, si ? demanda-t-il en fermant les yeux. »
« T'as vu mon état quand je m'arrête ? Je serai mort avant d'avoir pu changer. »
Malgré la situation, il continuait de se sentir léger et de sourire. Comment pouvait-il avoir une conversation si profonde dans son état ? Sakito rit encore, il pensait vraiment n'importe quoi.
« Si tu pars défaitiste, tu risques pas d'y arriver. Trouve un autre truc pour compenser, j'en sais rien. »
Il le voyait sincèrement mal en cure de désintox.
Il resta un instant sans bouger avant de se diriger vers lui à quatre pattes, son baggy glissant doucement sur ses hanches dans son mouvement, manquant de partir. Il s'arrêta à quelques centimètres de lui.
« Psychologiquement, j'ai besoin de stabilité, sans doute. »
Il observa ses yeux bruns de près, attendant un quelconque geste de sa part.
Nao lui rendit son regard, qui glissa le long de son corps trop maigre. Ses hanches découvertes laissaient voir d'autres marques. Il soupira, puis posa un doigt sur le front de Sakito.
« C'est même certain. Y a rien de net là-dedans, dit-il en voyageant sur son front. Fais gaffe, un jour les rouages vont péter. »
« Ton doigt est doux, constata-t-il en se laissant faire. »
Personne ne posait la main sur lui aussi doucement. D'habitude, la rudesse était maîtresse.
« T'as vu, tu délires déjà. Soigne ta tête, c'est fragile. »
Et il reprit son doigt pour regarder le visage de Sakito. Ce type était ravagé, il était temps qu'il se rétablisse.
« Non ! s'exclama-t-il en attrapant sa main pour la poser sur sa joue. Je suis sincère, c'est doux. »
Cependant, étant à présent appuyé sur une seule main, il se sentit légèrement pencher sur le côté. Il n'avait jamais eu un équilibre très développé dans cet état.
« Bon sang, c'est qu'une main… soupira-t-il, un peu réticent maintenant. En plus tu tiens pas droit. »
Il était vraiment bizarre. En tout cas, s'il se révélait dangereux, il avait de quoi se défendre. Même si quelqu'un d'aussi faible ne pouvait pas être vraiment offensif.
« Tu es cruel, bouda-t-il. J'ai connu beaucoup de mains, et je t'assure que la tienne est douce. Tu me crois mieux, maintenant ? »
Avec lenteur, il s'installa à genoux devant lui, s'asseyant sur ses talons tout en gardant sa main dans les siennes. Nao ne pouvait peut-être pas comprendre que la douceur était importante pour lui mais lui pouvait toujours en profiter.
« C'est pas le nombre d'exemples qui change la donne, râla-t-il sans toutefois se défaire de son emprise. »
On aurait dit un bébé pleurant après son doudou. Ou un pauvre garçon qui cherche désespérément une accroche stable.
« On t'a déjà dit que tu étais rabat-joie ? Sourit-il. »
Caressant doucement sa main, il frissonna délicatement. Il adorait cette sensation sous ses doigts extrêmement sensibles dans son état ; ils l'étaient déjà en temps normal, alors avec un sens tactile encore plus développé, c'était l'extase.
« Tout le temps, ça fait tellement plaisir de se l'entendre dire. »
Dire qu'il se laissait tripoter la main… Il devait avoir perdu une case lui aussi.
« Toi aussi, tu débloques. »
Il avait envie de poser ses lèvres sur sa main, mais il avait peur de se prendre un coup.
« Pas plus que toi, fit-il en tirant légèrement sur sa main. »
Sakito n'avait plus l'air vraiment lucide. Peut-être qu'il allait s'endormir.
« Mais, pourquoi tu veux reprendre ta main ? soupira-t-il avec une voix gamine. »
« Je te teste, c'est interdit ? Voir à quel point il te manque des cases… »
Il sourit et saisit sa chance, portant sa main à ses lèvres pour tester sa douceur délicatement. Il embrassa tout d'abord le bout des doigts, descendant ensuite vers la paume. C'était tellement agréable.
Là, ça devenait vraiment trop louche ! Le rouge aux joues, Nao tenta une fois encore de reprendre sa main.
« Hey, tu fais quoi là… fit-il d'un ton qu'il voulait ferme. »
Mais c'était vraiment trop étrange.
« Je te teste, c'est interdit ? sourit-il. »
Et il reprit son manège, savourant les légers tressaillements de ses doigts par moment.
Traître !
« A quoi ça te sert de faire ça, sérieux… »
Il se sentait plus mal à l'aise qu'autre chose. Personne ne lui avait jamais embrassé la main avec plaisir !
« Je suis quelqu'un de tactile, apprit-il. Et j'aime tes mains. »
« Mes mains sont comme toutes les autres, arrête ton délire. »
Tactile… Tripoteur, ça revenait au même.
Il était casse-pied avec ça, alors pour le faire taire, il se pencha vivement vers lui pour poser ses lèvres sur les siennes.
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A suivre
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Déclaration de Black Cherry : Ce fut un texte que je n'ai pas vu passer. Déjà né et déjà en cours de correction… J'espère qu'il plaira autant que nous avons pris plaisir à l'écrire.
Toutes nos excuses pour les fans de Niya !
