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MY CORPORAL

Eren se sentait lourd, embrumé, jamais encore sa tête ne lui avait fait aussi mal. Le soleil qui filtrait à travers les larges rideaux brûlait ses yeux pourtant clos et la chaleur des draps l'étouffait. Pourtant il ne bougea pas, préféra rester en état de quasi somnolence et se contenta d'écouter vaguement les bruits de l'extérieur en tentant de se remémorer les événements de la veille.

Ah oui, il venait d'avoir dix-huit ans. Pour l'occasion, Mikasa et Armin avaient préparés une fête, qui avait ensuite terminé dans un bar, en compagnie de la plupart des gens de sa promotion. Il s'était prit le bec avec Jean, avait grandement discuté avec la majorité d'entre d'eux, s'était moqué de Sacha... La soirée avait été merveilleuse, mais l'excitation et l'euphorie l'avait poussé à boire plus que de raison. Et il en subissait les conséquences maintenant.

Par la suite, il savait qu'ils s'étaient un peu séparer, ils s'étaient certes rendus dans la même boîte de nuit, mais s'étaient dispersés. Et à partir de là il ne savait plus ce qu'il s'était passé. Bah, ça ne devait pas être important, il avait dû boire encore un peu, peut-être même dansé – et il espérait qu'il ne trouverait aucune vidéo compromettante sur Internet – et avait dû rentrer par la suite. Par contre il ne savait pas comment, peut-être un de ses amis, peut-être par un miraculeux coup de chance.

Il bougea un peu et se positionna sur le flanc en soupirant un peu, tirant sur la couverture en s'enfonçant dans les coussins. C'était tout de même agréable, le lit semblait plus confortable, plus chaleureux qu'habituellement, et l'odeur qui y régnait ne lui rappelait rien – ou presque. C'était musqué, fort et sensuel à la fois. Il devinait également que la fenêtre se situait à l'opposé, il s'était peut-être endormi la tête en bas. Mais alors, pourquoi les coussins seraient de ce côté-ci ?

Marre de tergiverser, il gémit faiblement en ouvrant piteusement ses yeux avant de les refermer immédiatement. Il y avait vraiment trop de lumière, il devait avoir oublier de fermer ses rideaux. Réitérant le geste, Eren entrouvrit doucement une paupière après l'autre, papillonna rapidement des yeux et regarda sa droite. La fatigue se répercutant sur son faible cerveau, il se demanda un instant depuis quand une touffe de cheveux siégeait sur son lit, avant de se rendre compte que cela devait être une personne. Il la regarda un instant, frottant ses yeux d'un geste las sans mouvements brusques et finit par écarquiller les yeux.

Il y avait quelqu'un sur son lit. Et d'après sa coupe assez « militaire », ce devait être un homme. Il ne bougea toujours pas, analysant la situation avant de détailler avec méfiance la chambre qui finalement ne lui appartenait pas. Le lit était double, simplement drapé, et la large baie vitrée se situait au fond de la chambre et donnait une large vue sur le parc du centre-ville. Une armoire en bois vernis se mariait avec le bureau où divers papiers et fichiers étaient impeccablement rangés et le sol était recouvert d'un tapis qu'il devinait très doux.

Donc, il se trouvait chez un inconnu et partageait même sa couche. Bon, peut-être qu'un aimable passant l'avait surpris dans son état d'ébriété et avait daigné lui fournir un toit. Il lui en serait même reconnaissant, il devait juste s'assurer d'une dernière étape de l'inspection. Dans un geste hésitant et craintif il releva lentement la couverture, une pointe d'espoir faisant reluire son regard, et ouvrit grand la bouche en voyant son corps nu reposer fièrement sur le lit.

Merde.

Il se trouvait chez un inconnu, dans le même lit, et totalement désapé.

Là ça commençait à faire trop !

Il rabaissa les couvertures, déglutit avec peine et regarda à nouveau la silhouette endormie à ses côtés pour finalement se rendre compte qu'elle était bel et bien réveillée. La surprise – et même la peur – le fit sursauter et reculer jusqu'au bord du lit, se reprenant après avoir faillit tomber au sol. Oui, c'était vraiment un homme, et un pas mal en plus de cela. Y avait pas à dire, même soûl il parvenait à dénicher les meilleurs partis.

Ce dernier, couché sur le ventre, l'observait avec une pointe d'amusement dans son regard et un fin sourire sur les lèvres. Il s'étira brièvement et soupira délicieusement avant de se redresser à son tour, passant une main dans ses cheveux en bataille et en laissant la couverture glisser jusqu'à son bassin. Jaeger ne se priva pas pour le détailler, son visage était mature mais dégageait une légère candeur de par sa rondeur. Ses lèvres fines rosées étaient tout de même un peu rouges et ses yeux fatigués étaient cernés. Il devait être à peine plus âgé que lui, mais semblait un peu plus musclé bien qu'il conservait un corps fin et assez svelte.

Mais il butait encore et toujours sur les nombreux suçons qu'il arborait.

Un flash lui revint, lui plaquant cet homme contre le mur à peine rentré chez lui, dévorant voracement ses lèvres. Il se souvint avoir ressentit une vive douleur sur son dos, et devina qu'il l'avait griffé. Sans pouvoir se retenir, il toucha le haut de son dos et se tourna pour tenter d'apercevoir sa peau, constatant sans mal sa peau rougie et meurtrie. Ses bras en avaient pâties aussi…

Une plainte le fit revenir sur terre et il reporta son regard sur son amant d'une nuit, le voyant se recoucher en soupirant, les mains de chaque côtés de sa tête.

― Me dis pas que t'as tout oublié. Soupira l'homme en fermant les yeux, l'air de vouloir se rendormir.

― Euh…

Un autre souvenir stoppa sa phrase, et il se vit pousser l'homme sur le lit, lui au-dessus, et retirer prestement ses vêtements en embrassant chaque parcelle de peau qu'il découvrait. Il avait ensuite agrippé quelques mèches de cheveux pour redresser son visage et l'embrasser passionnément tout en serrant son poignet.

– Ben, j'ai quelques souvenirs…

Ça ne l'étonnait pas, c'était souvent comme ça quand il couchait avec quelqu'un. Même si cela semblait peut-être un peu violent. Habituellement il ne passait jamais deux nuits d'affilées avec les mêmes personnes car elles estimaient que c'était physiquement impossible. Alors si en plus il était ivre, il avait dû être encore plus contraignant qu'habituellement.

― Seulement « quelques » ? Et dire que tu as été si fougueux…

Eren l'observa à nouveau, plongeant dans ses yeux à demi-ouvert et surpris par le petit sourire narquois qui étirait ses lèvres. Il arqua un sourcil et sourit brièvement avant de se baisser pour arriver à hauteur de son visage, l'observant presque avec défi. Se pourrait-il que celui-ci ne se plaindrait pas de son traitement ? Voire même… qu'il en redemandât ?

― « Fougueux »… Tu veux dire que j'ai été un bon coup ? Jusqu'à quel point ?

Sa respiration plus profonde se répercutait sur la peau frémissante de cet individu dont il ignorait pratiquement tout – le pratiquement ne faisant référence qu'à son corps qu'il connaissait par cœur à présent. Il se baissa et effleura brièvement sa jugulaire avant de l'embrasser franchement, ravi de le voir tourner sa tête dans l'autre sens pour lui laisser une plus large marge de manœuvre.

― C'est bête, je ne m'en souviens plus…

Jaeger sourit d'autant plus en se mordant la lèvre inférieure et releva tout juste le visage pour croiser son regard.

― Mm… Moi c'est de ton nom dont je ne me souviens plus.

Un rire silencieux secoua brièvement les épaules de l'homme avant qu'il n'entoure le cou d'Eren de ses bras. Il approcha leur visage et savoura la proximité de leur corps alors que la main de Jaeger commençait à se balader sur son flanc.

― Pourtant tu le gémissais avec tellement d'ardeur la nuit dernière.

Les bras de Jaeger se courbèrent pour plaquer leur torse et il effleura ses lèvres des siennes en souriant.

― Je préférerais que tu gémisses le mien.

― Oh, ne t'en fais pas pour ça, j'en ai presque crié.

Il voulu dire quelque chose, mais son amant se redressa soudainement en le repoussant et sortit du lit en s'habillant. A peine avait-il passé son pantalon qu'il se retourna vers Eren, un visage sérieux quoique complice peignant ses traits.

― Je n'ai pas le temps de traîner. Il est quinze heures passés et demain je dois effectuer une mission assez importante. Je dois me préparer.

Eren resta silencieux, observant celui dont il ne connaissait toujours pas le nom tandis qu'un autre souvenir affluait en lui. Son amant couché sous lui, cambrant son dos en hurlant son nom les yeux presque embués. Lui, lui agrippait si fortement ses hanches qu'elles rougissaient, ses coups butoirs violents et réguliers brûlant son postérieur.

Ses pensées se dirigèrent vers les dernières paroles de l'homme. Il avait parlé d'une mission, était-il réellement un militaire ? Et il devait effectuer une mission assez importante ?

― Euh, tu… Tu es…

― Caporal Livaï, membre des forces spéciales de l'armée de terre et capitaine de l'escouade 7.

Il ne réagit pas tout de suite mais finie par hausser haut les sourcils tout en le regardant, Livaï terminant de boucler sa ceinture sans lui porter plus d'attention. Il se souvint avoir murmurer ce nom souvent dans la nuit tout en s'enfonçant en lui après l'avoir retourné à quatre pattes.

Sexy.

Il se releva à son tour et attrapa son pantalon qu'il avait repéré non loin du lit après avoir passé son boxer et s'avança jusqu'au caporal qui avait passé sa chemise et ajustait ses manches, le buste à découvert.

― Quand tu dis « une mission assez importante », tu penses à quoi ?

― Oh, un simple séjour en Afghanistan d'au moins six mois. Sûrement plus.

Étonnamment, Eren était touché par ce qu'il disait. Il ne savait pas pourquoi, mais savoir que Livaï partait et allait certainement risquer sa vie dans un pays répertorié comme « dangereux » l'attristait, l'inquiétait. Étant caporal et dirigeant une escouade, il allait peut-être – sans aucun doute, en fait – prendre plus de risque et donc…

Non, il ne voulait pas y penser.

Il releva un peu les yeux en se rendant compte que Livaï s'était rapproché de lui jusqu'à ne se trouver qu'à quelques centimètres, un sourire amusé voire un brin rassurant plissant ses yeux. Livaï leva ses bras pour entourer sa nuque et l'embrassa tendrement, frissonnant en sentant ses bras se poser sur la taille et le serrer contre lui. Sa main gauche fourragea dans ses cheveux châtains alors que l'autre glissa le long de sa gorge.

Il se sépara de lui et plaqua leur front ensemble.

― Ne t'en fais pas, ce sera pas la première fois que je vais là-bas. Après dix-sept ans de service, tu te doutes bien que je vais pas me laisser crever comme ça.

Ça ne le rassurait pas du tout. Il était vraiment inquiet, son souffle profond s'emmêlait à celui du caporal et pinça un peu ses lèvres, fermant les yeux en se laissant aller dans les bras de Livaï.

Mais ce qui le troublait le plus restait justement cette inquiétude inexpliquée.

― Attends, dix-sept ans tu as dit ? Mais tu as quel âge ?

― Un peu plus de trente-trois ans. Je me suis engagé à seize ans. Déclara-t-il avec un sourire.

Trente-trois ans ? Alors ils avaient… Quinze ans de différence ?! Et le mec avec lequel il venait de coucher avait dépassé la trentaine et était caporal. En outre il allait partir pour au moins six mois dans un pays en guerre avec les plus grands pays du monde.

Ça faisait beaucoup d'éléments à assimiler !

Son visage se baissa et il apposa presque instinctivement ses lèvres sur le suçon déjà présent contre le cou du caporal qui soupira de délectation. Ah non, s'il commençait comme ça il ne pourra pas résister longtemps à la tentation. Il se souvenait encore de chaque endroit que ces lèvres avaient embrassé. Il bloqua soudainement sa respiration en le sentant mordre sa nuque, s'empêchant ainsi de gémir alors qu'il était certain que ce suçon là n'allait pas disparaître avant un bout de temps.

― Tu sais… Commença-t-il, la respiration hachée, je ne partirais que demain. On a encore du temps…

Saisissant ses propos – ou espérant en tout cas – il n'attendit pas plus pour le plaquer contre le mur et dévorer sa bouche avec délice, pressant autant que possible leur corps ensemble. Leur buste nu se touchait sans retenu et Livaï sentit sa ceinture voler et son pantalon lâcher. Un gémissement lui échappa malgré lui et la profondeur du baiser fit un instant trembler ses mains. Il avait l'habitude de coucher avec des hommes, mais habituellement ce n'étaient que ses subordonnés, les seules fois où il se faisait prendre c'était avec le commandant en chef.

Et lui n'était pas aussi impérieux et embrasé. Les jeunes avaient du bon.

Eren ne pensait plus à l'hypothétique futur et se contentait d'assouvir un désir irrépressible et soudain qu'il ne parvenait même pas expliquer. Mais il se fichait de tout cela et redressa vivement le visage de Livaï pour l'embrasser plus passionnément encore, frissonnant sous ses gémissements étouffés.

Pour l'instant il ne profiterait que de l'instant présent, avec son caporal.

Lorsqu'il s'était réveillé, Livaï était déjà partit. Il était resté dans ses draps longtemps, regardant la place vide à côté de lui d'un regard triste. Le soleil commençait à se coucher, renvoyant dans la chambre des nuances orangés qui l'incitait à rester dormir ici, quitte à inquiéter Mikasa. Dans un soupir il se releva paresseusement, prit une douche rapide et s'habilla négligemment de ses vêtements froissés avant de se rendre dans le salon pour accéder à la porte d'entrée, prenant le temps cette fois-ci de détailler un peu l'appartement.

Les pièces étaient neutres, pas étonnant en sachant que Livaï devait sûrement ne passer que quelques instants ici. Son regard s'accrocha à un papier punaisé au mur juxtaposé à la porte, juste au dessus d'une petite table à hauteur du bassin. Il s'approcha de celle-ci et apprécia l'écriture fine en italique écrit à l'encre noire sur la fine feuille opaline. Le message était clair, net et précis : « Ferme la porte en partant » avec une flèche indiquant le bas. Ses yeux se baissèrent d'eux mêmes pour tomber sur une clé dont le porte clé ressemblait à une paire d'ailes.

Et il se souvint sans mal que c'était l'insigne d'une des branches de l'armée.

Le geste le fit sourire. En lui confiant le double des clef, Livaï s'assurait qu'ils se reverraient, n'est-ce pas ? Il lui permettait pas la même occasion de passer régulièrement chez lui durant son absence, et s'il passait tout les jours, il le verrait forcément lorsqu'il rentrera.

Dans un sourire, Eren prit les clefs et ouvrit la porte, la claquant derrière elle pour la fermer à double tour. Il s'avança dans le palier et regagna l'ascenseur pour finalement rentrer chez lui. Il reconnaissait l'immeuble et parvenait donc à se repérer. A peine se jeta-t-il sur son lit que l'envie d'embrasser le caporal et de sentir son corps contre le sien contracta délicieusement son ventre.

Les mois allaient passer lentement…

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Karrow.